L’aneuploïdie caractérise une cellule qui ne possède pas le nombre normal de chromosomes. Plus spécifiquement, cette anomalie chromosomique est caractérisée par un nombre de chromosomes qui n’est pas un multiple du nombre haploïde (nombre normal d’un seul jeu complet de chromosomes)[1]. Cette anomalie génétique[2] est une mutation qui peut être viable ou non. Elle l’est généralement chez les plantes ou chez les champignons, lesquels présentent cette macromutation considérée comme une stratégie d’adaptation à des stress génotoxiques[3], rarement chez les mammifères (la recherche d’une aneuploïdie fœtale peut faire partie du dépistage prénatal)[4].

Elle cause des malformations parfois handicapantes ou non viables chez les mammifères. Mais les amphibiens et les poissons — par exemple : gardons (Rutilus rutilus L.) ou ablettes (Alburnus alburnus L.)[5] — semblent pouvoir inhiber l’expression de ces gènes surnuméraires. Ainsi Squalius alburnoides (de la famille des carpes) qui vit en Espagne et au Portugal possède un triple jeu de chromosomes, dont l’un est rendu « muet » par un mécanisme encore mal compris et qui pourrait peut-être — espèrent certains chercheurs — donner lieu à de nouvelles thérapies[6].

Principes modifier

Une cellule diploïde normale possède deux copies de chaque chromosome présent dans le noyau, soit par exemple 46 chromosomes dans l'espèce humaine. C'est le cas par exemple de toutes les cellules somatiques et des cellules germinales primordiales.
Une cellule haploïde, quant à elle, ne possède qu'une seule copie de chaque chromosome (soit 23 chromosomes dans l'espèce humaine).
Une cellule aneuploïde aura inversement un nombre anormal de chromosomes (elle pourra en avoir par exemple 45 ou 47 au lieu de 46 chez l'humain). De manière simplifiée, on pourrait dire que le ou les chromosomes surnuméraires proviennent d'une duplication de l'ADN dans la cellule sans qu'il y ait eu mitose, ou d'une mitose qui s'est mal déroulée en raison d'une ségrégation inégale des chromosomes, ou d’un défaut de cytodiérèse (mauvaise séparation des deux cellules filles lors de la division)[7], peut être en raison d'un défaut de contrôle de la ploïdie des cellules filles par le centrosome[7],[8].

Chez l'humain, la fréquence et le risque d'aneuploïdie de l'embryon ou du nouveau-né augmente avec l'âge de la mère.
Elle est présente dans près de la moitié des fausses couches spontanées[9] et peut justifier un diagnostic préimplantatoire pour en diminuer le risque[10].

Une famille de protéines dite famille aurora, comprenant trois sérine/thréonine kinases (A, B et C) chez l’humain régule la ségrégation des chromosomes et la cytokinèse. Il a été constaté que « ces 3 trois protéines sont surexprimées dans un nombre très élevé de tumeurs caractérisées par une aneuploïdie et une amplification des centrosomes. Parmi ces trois kinases, seule aurora-A possède un réel potentiel oncogénique »[7].

Les différents types d'aneuploïdie modifier

On distingue deux types d'aneuploïdie :

  1. l'aneuploïdie par défaut, encore appelée monosomie : elle correspond à la perte d'un chromosome. C'est le cas par exemple du syndrome de Turner, où un individu de phénotype féminin n'aura qu'un chromosome sexuel X, au lieu de XX. On note, dans ce cas là, la paire de chromosomes sexuels (X0). La nullosomie est l'absence complète d'une paire de chromosomes;
  2. l'aneuploïdie par excès : elle correspond au gain d'un chromosome (trisomie). C'est le cas par exemple du syndrome de Klinefelter, où un individu de phénotype masculin aura un chromosome X en trop. On note sa paire de chromosomes sexuels (XXY) ; c'est le cas également de certaines trisomies plus connues, telle la trisomie 21 (ou syndrome de Down), la trisomie 13 (ou syndrome de Patau), ou encore la trisomie 18 (ou syndrome d'Edwards), ces deux dernières étant dans la plupart des cas non viables. Les trisomies autres que celles-ci sont souvent responsables de fausses couches spontanées. Une conception sur deux s'arrête pour raisons chromosomiques. La tétrasomie ou pentasomie désignent les cas où le chromosome est respectivement quadruplé ou quintuplé.

L'aneuploïdie peut aussi se distinguer selon qu'elle touche tout le corps (due à un problème avant la fécondation) ou ne concerne qu'une partie du corps ; on parle alors d'« individus mosaïques » (à la suite d'une non-disjonction méiotique après la fécondation).

Aneuploïdie et cancer modifier

D'éventuels liens directs ou indirects entre aneuploïdie et cancer font l'objet d'études, car les mitoses anormales produisent des cellules aneuploïdes et qui contiennent un nombre anormal de centrosomes, deux caractères maintenant considérés comme indicateurs de cellules tumorales[7].

De plus, une cellule cancéreuse présente presque toujours des anomalies chromosomiques (de structure ou de nombre de chromosomes) et l'anomalie de nombre (l'aneuploïdie) est souvent « un facteur de mauvais pronostic. Il peut s’agir soit d’un événement très précoce, et donc un acteur de la tumorigenèse, soit d’un événement tardif en relation avec l’agressivité de la tumeur »[7].

Les cellules aneuploïdes sont typiques des tumeurs de grade III, mais ne sont cependant présentes que dans deux tiers des tumeurs de grade II et non présentes ou non détectées dans celles de grade I[7].

Détection de l'aneuploïdie modifier

Quand le phénotype du patient correspond à une aneuploïdie connue, on peut utiliser une technique de FISH (Fluorescent in situ Hybridization) pour la confirmer. Cette technique consiste à appareiller les chromosomes concernés avec des sondes à ADN spécifiques à des locus de chromosomes et marquées par un colorant fluorescent. On peut alors déceler selon le nombre de signaux lumineux les pertes ou gains de chromosomes. Cette technique est la plus souvent utilisée car relativement rapide. Une autre méthode, mais qui nécessite de la culture cellulaire, est l'établissement du caryotype constitutionnel qui donne une vue d'ensemble des chromosomes d'un individu. Le caryotype vient généralement en validation du résultat obtenu par la FISH.

Causes modifier

Différentes causes sont explorées ou connues dont :

  • exposition à des produits ou rayonnements mutagènes ;
  • exposition à des polluants (éventuellement capables d'agir en synergie avec d'autres polluants ou facteurs environnementaux), phénomène notamment étudié chez l'huître creuse[11] et dans les naissains d'Ostreidae[12].

Notes et références modifier

  1. Commission générale de terminologie et de néologie
  2. Lapegue, S., Mccombie, H., Leitao, A., Bouilly, K., Sabatier, S., Heurtebise, S.... & Gerard, A. (2002). Étude des anomalies chromosomiques chez Crassostrea gigas (résumé).
  3. (en) Hung-Ji Tsai & Anjali Nelliat, « A Double-Edged Sword: Aneuploidy is a Prevalent Strategy in Fungal Adaptation », Genes (Basel), vol. 10, no 10,‎ , p. 787 (DOI 10.3390/genes10100787).
  4. Summers, A. M., Langlois, S., Wyatt, P., & Wilson, R. D. (2007). Dépistage prénatal de l'aneuploïdie fœtale. JOGC-TORONTO-, 29(2), 162.)
  5. Hafez, R., Labat, R., & Quiller, R. (1978). Aneuploidie observee chez les populations de gardons (Rutilus rutilus L.) et d'ablettes (Alburnus alburnus L.) de la region Midi-Pyrénées. Bull Soc Nat Toulouse, 114(1-2), 85-92.
  6. Communiqué de presse de l'Université Julius Maximilian de Wurtzbourg, du 5 septembre 2008, citant les résultats de Manfred Schartl du Biocentre de Wurtzbourg obtenus en lien avec l'Université de Lisbonne et publié en septembre 2008 par la revue Current Biology.
  7. a b c d e et f Descamps, S., & Prigent, C. (2002). Aurora-A,-B et-C: À l'aube d’une nouvelle connexion entre l’amplification des centrosomes, l’aneuploïdie et le cancer?. M/S Revues: Mini-Synthèses.
  8. Piel M, Nordberg J, Euteneuer U, Bornens M. (2001) Centrosome-dependent exit of cytokinesis in animal cells. Science ; 291 : 1550–3
  9. Hassold T, Chen N, Funkhouser J et al. A cytogenetic study of 1000 spontaneous abortions, Ann Hum Genet, 1980;44:151-78
  10. Brezina PR, Brezina DS, Kearns WG, Preimplantation genetic testing, BMJ; 2012;345:e5908
  11. Bouilly, K. (2004). Impact de facteurs environnementaux sur l'aneuploïdie chez l'huître creuse, Crassostrea gigas, dans le bassin de Marennes-Oléron (Doctoral dissertation, Université de La Rochelle).
  12. Thiriot-Quiévreux, C. (1986). Étude de l'aneuploïdie dans différents naissains d'Ostreidae (Bivalvia). Genetica, 70(3), 225-231

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

Articles connexes modifier

Liens externes modifier