Serge Atlaoui

soudeur français, condamné en Indonésie pour trafic de drogue
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Serge Atlaoui
Biographie
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Nationalité
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Condamné pour
Condamnation

Serge Areski Atlaoui est un Français né le [1], arrêté dans le cadre d'un coup de filet de la police indonésienne et condamné à mort en Indonésie pour trafic de drogue.

Depuis , les autorités françaises, dont François Hollande, et son avocat Richard Sédillot font pression pour empêcher son exécution.

Éléments biographiques modifier

Serge Atlaoui est un artisan soudeur, domicilié à Metz. Il travaille dans un premier temps à son compte aux Pays-Bas[2].

Durant les années 1980, il alterne les séjours aux Pays-Bas, et l'usine RVI (Renault véhicules industriels), à Annonay, où il est soudeur de 1983 à 1991. Après 1991, il travaille dans diverses usines du Nord, et en Lorraine.

En , Serge Atlaoui se trouve en Indonésie à Tangerang, dans la province de Banten à proximité de Jakarta. Il est chargé de l'entretien des machines dans une usine de la ville. Il affirme « avoir été recruté pour 4 000 euros la semaine afin d'installer des machines industrielles »[3] qui serviraient à la fabrication d'acrylique[2].

Selon son épouse, il y travaille une première fois, six semaines, où il est payé au noir, puis une seconde fois, deux matinées[3].

Arrestation modifier

Lors de sa deuxième matinée de travail, le [4], dans le cadre d'une opération de police, 17 personnes — dont Serge Atlaoui — sont interpellées dans l'usine qui s'avère être une unité de production de pilules d'ecstasy[2]. Selon le journal 20 minutes, il affirme être alors persuadé que l'usine servait à effectuer des « tests » de fabrication du MDMA, le composant de l'ecstasy, sans produire de cachets[2]. Selon son épouse, c'est quelques instants avant son arrestation, en entendant une conversation non loin de lui, qu'il a compris dans quoi il s'était embarqué[3].

Parmi les dix-sept interpellés, quatre Indonésiens sont relâchés, tandis que six Indonésiens, cinq Chinois et deux Européens sont inculpés. Ils sont jugés en trois groupes d'après leur origine, car leur répartition géographique recouvre le rôle de chacun des prévenus : « les Chinois auraient produit du crack, les Européens de l'ecstasy »[5].

Procès modifier

Les treize inculpés de l'usine modifier

  • six Indonésiens : deux d'entre eux supposés être les chefs de la bande sont, dès le jugement en première instance, condamnés à la peine de mort. Les sentences sont confirmées en appel et en cassation. Trois autres accusés — dont le chimiste et le fils de l'un des patrons — sont condamnés à vingt ans de réclusion. Le sixième indonésien — agent d'entretien — est condamné à dix ans de prison.
  • cinq Chinois : cinq personnes sont condamnées, en première instance, à une peine d'emprisonnement de vingt ans. La sentence est confirmée en appel et aggravée en cassation où la peine capitale est finalement retenue.
  • deux Occidentaux : Serge Atlaoui et son complice hollandais, sont condamnés, en première instance, à la prison à perpétuité, une peine confirmée en appel. En 2007, l'audience en cassation se conclut par la condamnation à mort des deux Européens[5]. Le Néerlandais décèdera en détention[3].

Parcours judiciaire de Serge Atlaoui modifier

Lors de son arrestation, il est accusé de possession de 138 kg de méthamphétamine, 290 kg de kétamine et 316 cylindres de substances précurseurs de drogues[4].

Premier procès et appel modifier

Après un procès où il affirme qu'il pensait se trouver dans une usine de production d'acrylique[4],[6] et non d'ecstasy, il est néanmoins condamné à la réclusion à perpétuité pour trafic de drogue en [7]. Selon le Quai d'Orsay, lors de ce premier procès, Serge Atlaoui ne disposait pas d'interprète[6].

Il fait appel de ce jugement : lui et les autres inculpés sont condamnés à la même peine[3].

Pourvoi en cassation modifier

En 2007, en cassation[3], les deux Européens (dont Serge Atlaoui) sont de nouveau jugés coupables, et cette fois condamnés à la peine de mort le [2],[3], c'est-à-dire la même peine que huit des onze autres prévenus dans l'affaire. Sabine Atlaoui, la femme qu'il vient d'épouser, se mobilise pour obtenir une grâce[8].

Demande de grâce présidentielle modifier

Le président d'Indonésie élu en 2014, Joko Widodo, dit Jokowi, rejette le [3] la grâce demandée par Serge Atlaoui. Celui-ci demande alors une révision du procès auprès de la cour suprême[4].

Demande de révision auprès de la Cour constitutionnelle d'Indonésie modifier

Le , la cour rejette la demande de révision, car elle estime les faits avérés : Atlaoui fut « manifestement (with evidence) coupable de distribution, transfert et négoce de drogues dont de l'héroïne pure »[4].

Il s'agit de son dernier recours[9].

Deux jours plus tard, on annonce que son exécution est en préparation[10].

Toutefois, le , le bureau du procureur général (ATO) retire son nom de la liste des toutes prochaines exécutions[11], afin de traiter les nouvelles informations de son dossier[4].

Seconde demande de grâce présidentielle modifier

Selon The Jakarta Post et CNN Indonésie, l'appel qu'il forme concernant le refus de sa grâce par Joko Widodo aurait été rejeté le . Cette information est démentie par son avocat et par Romain Nadal, porte-parole du ministère des Affaires étrangères[12],[13]. Sabine Atlaoui dit vivre « une torture psychologique intense »[14]. Le recours aurait dû être examiné le 7 mai[15] mais il est toutefois reporté du 7 au à cause de l'indisponibilité de l'avocate de Serge Atlaoui[16]. Le , la Cour administrative de Jakarta accepte qu'un expert examine la procédure judiciaire. Lors de la prochaine audience, fixée au , la défense doit soumettre ses arguments écrits à la Cour administrative. Celle-ci devrait entendre le des experts judiciaires ou des témoins convoqués par la défense avant une dernière audience prévue le [17]. Les audiences se succèdent ou sont reportées et le , un expert argumente que le président indonésien est un « responsable administratif » agissant au nom de l'administration présidentielle, raison pour laquelle ses décisions « relèvent de la Cour administrative ». Une nouvelle audience est fixée au [18] où il est annoncé que le , la décision finale sera rendue, après sa demande de recours auprès de la cour administrative de Jakarta[19].

Le , son recours est rejeté par la cour administrative[20]. Cette dernière indique toutefois qu'il ne sera pas exécuté pendant le mois de ramadan[21].

Le , la Cour suprême rejette la demande en révision déposée par les avocats de Serge Atlaoui, arguant qu'il n'y a pas d'élément nouveau[22]. Toutefois, le , son sursis est confirmé et malgré une visite officielle de François Hollande en Indonésie en , Serge Atlaoui est toujours, le , emprisonné et condamné à mort[23],[24].

Critiques de la procédure modifier

Le Monde rapporte que des sources diplomatiques françaises ont émis des doutes sur l'impartialité de la procédure concernant les Européens en expliquant que : « Le fils du chef de réseau ou le chimiste étaient plus impliqués que M. Atlaoui, qui n'était qu'un contractuel recruté par le Néerlandais. », et en ajoutant qu'au cours des audiences « l'attention a porté davantage sur eux [le Français et son compagnon d'infortune] que sur les chefs du réseau indonésien ». Le quotidien rappelle que si Serge Atlaoui a vu la demande de révision de son procès rejetée, il n'en va pas de même pour « ses patrons » qui ne sont plus menacés d'exécution avant l'étude de leurs dossiers[5].

Mobilisation modifier

Initiatives, prises de parole modifier

Une association, dénommée « 100 % Serge Atlaoui », est créée ; elle réunit 38 adhérents[25]. Des rassemblements de soutien sont organisés à l'initiative de l'association Ensemble contre la peine de mort à Paris et Metz[26].

 
Richard Sédillot (à gauche), avocat de Serge Atlaoui, prend la parole lors du rassemblement d'Ensemble contre la peine de mort du 25 avril 2015 à Paris.

Corinne Breuzé, ambassadrice de France en Indonésie, déclare encore que cette exécution « ne sera pas sans conséquences sur la relation bilatérale (entre la France et l'Indonésie) »[27]. Richard Sédillot, l'avocat d'Atlaoui, se dit « effondré »[28].

 
Anggun lors du rassemblement à l'initiative de Richard Sédillot et d'Ensemble contre la peine de mort le 25 avril 2015 à Paris.

Le , la chanteuse française née en Indonésie Anggun, très populaire en Indonésie, écrit au président Joko Widodo l'implorant de gracier Serge Atlaoui[29].

Répondant à l'appel du comité de soutien et de Richard Sédillot, avocat de Serge Atlaoui, deux manifestations publiques de soutien et de dénonciation de la peine de mort se tiennent le , une à Paris (place Edmond-Michelet), et une à Metz[30] (place d'Armes)

Le FC Metz[31] et le barreau de Metz[32] apportent également leur soutien à Serge Atlaoui.

Pressions diplomatiques modifier

Le , Laurent Fabius, ministre français des Affaires étrangères, convoque l'ambassadeur d'Indonésie en France Hotmangaradja Pandjaitan (id) qu'il avait déjà convoqué à deux reprises en février et en avril[33].

François Hollande, président de la République française, interpelle l'Indonésie pour qu'elle sursoie à l'exécution qui serait « dommageable pour les relations que nous voulons avoir avec elle ». Le chef du gouvernement Manuel Valls déclare le même jour que « Défendre Serge Atlaoui, c'est rappeler la ferme opposition de la France à la peine de mort »[34].

Le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon appelle « le gouvernement indonésien à ne pas exécuter […] les dix prisonniers qui sont dans le couloir de la mort pour des crimes présumés liés à la drogue »[35].

Le , Romain Nadal, le porte-parole du Quai d'Orsay, rappelle l'« obligation […] de sauver la vie d'un homme […] qui n'est pas un trafiquant de stupéfiants »[36].

Autorités indonésiennes modifier

Le président Joko Widodo a promis de lutter contre la drogue et n'entend pas gracier les condamnés pour trafic de stupéfiants[3].

Plusieurs exécutions dont certaines ne relevaient pas de cette affaire, eurent lieu le [4]. Huit autres exécutions eurent lieu le . Dans les deux cas, les pressions internationales furent vaines. L'Indonésie ne considère pas que ses relations diplomatiques avec les pays concernés seront détériorées[37].

Vie personnelle modifier

Il a un frère cadet, André Atlaoui[38], et est père de 3 enfants au moment de son arrestation en 2005[39]. Il a épousé Sabine Atlaoui en prison en 2007. Avec celle-ci, il a eu un quatrième enfant, âgé de quatre ans en [40].

Notes et références modifier

  1. « Ini Dia 10 Terpidana Mati », riaupos.co.
  2. a b c d et e « Il entretenait des machines à ecstasy », 20minutes.fr, 30 mai 2007.
  3. a b c d e f g h et i Paris Match. Sabine Atlaoui: "Nous nous battrons jusqu’au bout". 2 avril 2015.
  4. a b c d e f et g The 10 death-row inmates and their stories. Haeril Halim, The Jakarta Post, Jakarta.
  5. a b et c « L'Indonésie s'apprête à exécuter un Français », sur LeMonde.fr, .
  6. a et b Antoine Sillières, « La famille du condamné à mort français en Indonésie implore Hollande », sur Le Figaro,
  7. « Indonésie : pourquoi le Français Serge Atlaoui est condamné à mort », sur Le Parisien,
  8. « VIDEO. L’épouse de Serge Atlaoui, condamné à mort : "Nous sommes déterminés" », leparisien.fr.
  9. « Indonésie : l'ultime recours de Serge Atlaoui rejeté », europe1.fr.
  10. « L'Indonésie donne l'ordre de préparer l'exécution de Serge Atlaoui », lepoint.fr. 23 avril 2015
  11. AFP, « Indonésie: neuf condamnés informés de leur exécution imminente, sursis pour un Français », sur La Dépêche,
  12. « Indonésie : confusion absolue autour du sort de Serge Atlaoui », leparisien.fr.
  13. « Indonésie: L'appel de Serge Atlaoui pour éviter l'exécution aurait été rejeté », 20minutes.fr.
  14. « Serge Atlaoui : "C'est une torture psychologique intense", témoigne son épouse », rtl.fr.
  15. « Indonésie : le recours du Français Atlaoui examiné le 7 mai », lepoint.fr.
  16. « L'examen du recours du condamné à mort Serge Atlaoui reporté au 13 mai », sur Le Monde,
  17. « Indonésie : le recours administratif de Serge Atlaoui accepté », sur Le Figaro,
  18. « Indonésie: Le procès de Serge Atlaoui à nouveau ajourné au 15 juin », sur 20 minutes,
  19. « Serge Atlaoui fixé sur son sort le 22 juin », sur liberation.fr, (consulté le )
  20. « Indonésie : la justice rejette le recours de Serge Atlaoui », sur lemonde.fr, (consulté le )
  21. « Atlaoui ne sera pas exécuté pendant le Ramadan », sur lefigaro.fr, (consulté le )
  22. « Serge Atlaoui : Plus aucun recours pour le Français condamné à mort en Indonésie », Le Point, (consulté le 2 septembre 2015.
  23. Jean-Christophe Dupuis-Remond, « Serge Atlaoui : cinq dates pour comprendre », sur France3-régions,
  24. Jean-Kevin Grethen, « Il y a cinq ans, le Messin Serge Atlaoui a vu la mort en face », sur Le Républicain lorrain,
  25. « La difficile mobilisation pour Serge Atlaoui », la-croix.com.
  26. « Rassemblements en soutien à Serge Atlaoui, condamné à mort en Indonésie », la-croix.com.
  27. « Paris menace l'Indonésie contre la possible exécution de Serge Atlaoui », lci.tf1.fr.
  28. « Indonésie : ultime recours rejeté pour Serge Atlaoui, son avocat "effondré" », leparisien.fr.
  29. « Anggun demande au président indonésien de gracier Serge Atlaoui », europe1.fr, 23 avril 2015.
  30. « Laurent Fabius, «préoccupé» par le sort de Serge Atlaoui », liberation.fr, 24 avril 2015.
  31. « PSG-Metz: Les Messins fiers de s’être mobilisés pour défendre la cause de Serge Atlaoui », 20minutes.fr.
  32. « Bâtonnier Djaffar Belhamici : "L'Indonésie doit renoncer à exécuter M. Atlaoui" », republicain-lorrain.fr.
  33. « Serge Atlaoui : Fabius convoque l'ambassadeur d'Indonésie », lepoint.fr. 22 avril 2015.
  34. « Serge Atlaoui : Hollande "lance un appel" à l'Indonésie », lepoint.fr. 22 avril 2015.
  35. « Affaire Atlaoui : Ban Ki-moon appelle l'Indonésie à ne pas exécuter les dix condamnés à mort », francetvinfo.fr.
  36. « La France "plus que jamais déterminée" à sauver Serge Atlaoui », franceinfo.fr.
  37. (en) « Indonesia Says Diplomatic Relations Will Not Suffer Because of Executions », Death Penalty News, 19 janvier 2015.
  38. Serge Atlaoui: son frère appelle à la mobilisation
  39. « UN MESSIN DEPUIS SEPT ANS ET DEMI DANS UN COULOIR DE LA MORT INDONÉSIEN », vosgesmatin.fr.
  40. « Soudeur ou dealer : qui est vraiment Serge Atlaoui ? », lepoint.fr, le 24 avril 2015.

Article connexe modifier

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