Abdoulaye Niasse

religieux sénégalais

El Hadj Abdoulaye ibn Seydi Mouhamad Niass, né le [1] à Béli dans le Djolof au Sénégal, et mort le à Kaolack, est un maître soufi sénégalais spécialisé dans l'exégèse du Coran, un érudit appartenant à l'école de jurisprudence malikite et un grand calife de la confrérie Tijaniyya, fondateur de la branche Niassène de la Tijaniyya qui compte plus d'une centaine de millions de disciples à travers l'Afrique subsaharienne et le monde.

Abdoulaye Niasse
Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 73 ans)
Activité
SoufiVoir et modifier les données sur Wikidata

Biographie modifier

El Hadj Abdoulaye Niass est né en 1848 à Béli dans le Djolof au Sénégal, fils de Mouhamad Niass et de Khadija Thiam ; il mémorise le Coran auprès de son père qui était maître d’enseignement coranique[2].

Une ligue de résistance contre la colonisation française est créée par Maba Diakhou Bâ ; à la suite d'une demande écrite par ce très célèbre fondateur du Nioro du Rip sur les ruines de Paos, cité Mandingue du Badibou septentrionale où il avait pris le pouvoir aux princes Marones qui régnait jusque-là sur cette terre ; la plupart des marabouts répondirent à son appel, c’est ainsi qu’en 1865, son père Mouhamad Niass émigre dans le Rip pour y fonder le village de Niassène. El hadj Abdoulaye Niasse l’y rejoignît la même année et fonda à son tour le village de Taïba Niassène. Il eut ainsi à affronter les troupes dirigées par le très célèbre chef de guerre français, Émile Pinet-Laprade dans la vallée de Pathé Badiane. Une patrouille qu’il dirigeait, selon les documents d’archives français, eut à affronter le lieutenant Le Clairet sur le lieu des Pangols de Ndorong où se trouve actuellement le lycée commercial portant son nom.

En 1867, l’Almamy Maba Diakhou Bâ meurt, Mouhamad Niasse se replie à Niassène et Abdoulaye Niasse s’engage dans la lutte armée dans les rangs de Saer Maty Ba fils et successeur de Maba. L’année 1871 marque le décès de sa mère Khadija et il est initié à la Tijaniyya en 1873 par son oncle maternel Ibrahima Thiam dit Serigne Kelelle. À cette même date, il entreprend en parallèle son agrégation religieuse chez Cheikh Mokhktar Fa’NDiaye Niane à Bamba-Langhème dans le Saloum.

C’est vers 1874 qu’il contracte son premier mariage et, en 1875, il renouvelle son initiation à la Tijaniyya auprès d’un lieutenant d'El Hadj Oumar Tall, Mouhamad ibn Ibrahim Diallo, un Guinéen du Fouta-Djalon de passage à Keur Mamadou Néné. L’année suivante, soit en 1876, son père Mouhamad Niasse meurt à son tour.

Pendant que l’État du Rip traverse des guerres internes et fratricides, le roi du Saloum déclenche des hostilités revanchardes contre celui-ci. Le Village de Niassène et sa Grande Mosquée furent brûlés à cette période conflictuelle. Quoique, El Hadji Abdoulaye eut à écrire un ouvrage pendant cette période : "Miftâhoul-Anwâr wa Mounîloul-Asrâr".

En 1882, il s’engage d’un côté, dans des combats contre les animistes pour la défense de l’État Islamique légué par l'almamy du Rip et du Saloum, d’autre part, il entreprend avec d’autres sages des deux localités, des médiations entre parents et coreligionnaires belligérants (quelques membres de la famille de Maba-Diakhou dont son frère et successeur, l’Almamy Mamour-Ndari et certains Seigneurs de Guerre dont le Général Birane Cissé). Il participe en 1885 aux côtés du Bourba Alboury Ndiaye, à la bataille de Naoudourou pour secourir Saer Maty. Les colonisateurs interviennent militairement, dans le Rip, le dominent et l’annexent au Saloum de Guédel Mbodj, lui ainsi que Saer Maty et quelques Mujahidounes, font résistances, il engagea son dernier combat, lors de la célèbre bataille de Coumbof près de l’actuelle cité de Mbirkilane, puis certains combattant acceptent l’armistice et d’autres émigrent vers la Gambie où il séjournera courtement environ quatre années à Bathurst d’où il exerça la fonction de Vizir dans la Chefferie temporelle de Saer Maty ; avant de s’installer à Taïba-Niassène.

El hadj Abdoulaye s’engage désormais avec les autochtones au développement de sa ville : transformation de la mosquée, forage du puits et revalorisation des terres et de la production agricole, il insère ainsi sa communauté dans le tissu agro-économique du Bassin Arachidier et très vite, il va battre tous les records de production agricole, il fera intégrer une Classe Mauritanienne au Saloum les Idawa’ly et fructifie sa correspondance et ses échanges avec l’Elite Arabo-Islamique de la Sénégambie, de la Sous-Région et d’Afrique du Nord. Parallèlement, il crée son Daara, anime son Majliss et dirige sa zaouïa suivant le concept fondateur de la Tijaniyya.

Il occupera aussi d’importantes fonctions religieuses et spirituelles dans son agglomération : Imâm, Mufti, Cadi, juste après le décès de son oncle Serigne Kelelle.

En 1890, la première biographie qui lui est consacrée est écrite, "Mouttrib Assâmiïne wan Nâzirîne", par Cheikh Mouhamad Ibn ’Abdoullah Ibn Mouhamad Ibn Mouhamad Assaghîr Attichity dit Ibn Mboja.

Des traités signés avec les souverains locaux placent la Sénégambie centrale sous l’autorité de la France et les rives gambiennes sous celle de l’Angleterre. El Hadji Abdoulaye, grâce à son engagement dans la culture arachidière et son action éducatrice, voit ses revenus augmenter ainsi que le nombre de ses disciples. D’ailleurs un rapport du commandant de Nioro le décrivait comme le marabout ayant le plus de disciples dans le Rip et dans le Saloum, de même, Paul Marty donne une idée assez précise de la distribution de la clientèle d’El hadj Abdoulaye Niass dans la Sénégambie, il fait valoir que de tous les groupements religieux dérivés d’El Hadj Oumar Tall, sa branche, était la plus importante, hors Fouta.

Cette influence grandissante finit par porter ombrage à Mandiaye Bâ, le fils de Mamour Ndary. Ce dernier, de concert avec l’administration coloniale, l’accuse d’inciter à la révolte contre les Français, aussi la Révolte de NDjouma le Peul à Malem Hodar et la Bataille du village de Diom contribuèrent à aggraver la situation et bien que l’accusation fût infondée, une dure répression s’abattit sur lui. En 1901, Le village de Taïba Niassène fut détruit par les Français, ses biens confisqués, sa mosquée incendiée et pillée. Il se réfugia, ainsi qu’un nombre important de ses disciples en Gambie, d’abord dans un village nommé Keur Samba Yacine à proximité de Ndiamacounda, puis à Sam à proximité de Khoughel.

À la date de 1890, El hadj Abdoulaye Niass décide de faire son pèlerinage à La Mecque, chose qui était très dure à l’époque ; ainsi il remonta le fleuve Gambie à sa source, parcouru les pays suivants : le Mali, le Burkina, le Niger, le Tchad pour arriver au Soudan (Port-Soudan) et de là-bas il traverse la mer rouge pour arriver à Yanbu, une ville côtière non loin de la Mecque, il débute alors son Hajj, et séjournera au Hedjaz pour ensuite visiter Médine et enfin il continue sa pérégrination en Égypte à Alexandrie et Le Caire où il obtint une très haute distinction de l'université al-Azhar, attestant de son érudition. Vraisemblablement, C’est à l’occasion de ce voyage qu’il fit connaissance avec des chérifs de l’illustre tribu mauritano-marocaine des Idaw’aly : Cheikh Mouhamad Ibn Cheikh al Chinguity et Cheikh Mouhamad Val al Fagha. Il devient la deuxième personnalité au Sénégal, après El Hadji Omar Tall, à avoir effectué le Hajj.

À son retour, il continuera à vaquer à ses activités spirituelles et à s’occuper de sa famille. Il recevra la visite entre autres personnalités de Cheikh Ahmad ibn Assaêh (petit-fils de Cheikh Ahmad al Abdalawy et ambassadeur itinérant de la tarikha Tidjani).

C’est en 1910 qu’El Hadj Abdoulaye entama, accompagné de son fils ainé et futur successeur Muhammad Al Khalifa Niasse, un voyage au Maroc à la zaouïa mère de Fès où ils furent accueillis chaleureusement par les dignitaires. Il n’existait en Sénégambie à cette époque que des Ijaza Mouhayat c’est-à-dire limité à un nombre précis de mouqadam (représentant), ce contexte s’avéra difficile face aux innombrables sollicitations dont El hadj Abdoulaye faisait part, alors il décida de se rendre à la source muni du désir d’avoir l’autorisation illimitée. C’est par l’intermédiaire d’une des sommités de la zaouïa en l’occurrence Seydi Araby al Mouheb qu’il parvint à satisfaire sa demande. C’est au seuil de sa porte que El Hadj Abdoulaye fut conduit par un mystérieux homme qui le trouva au mausolée du Cheikh Ahmed Tijani dans d’intenses invocations assis sous le pilier suprême. Leur rencontre entérina la totale satisfaction de ses supplications c’est ainsi qu’il a rapporté de précieux manuscrits contenant des arcanes et secrets indévoilables dont la permission pour le nom suprême (Ism’Allah al Adham), il lui fût aussi conféré l’Ijaza Itlaq : « consécration suprême dans la tarikha Tidjani » et il devient le premier en Sénégambie à cette époque à avoir eu ce grade ; le Manuscrit Original du Jawâhiroul’ Ma’âni lui est octroyé par le calife Mouhamad al Bachir Tidjani en personne, ainsi que quatre perles du Chapelet de Cheikh Ahmed Tijani, quelques-uns de ses cheveux, des effets personnels appartenant au Fondateur de la Voie, et il recevra en tout un total de six Ijâzâte (Consécrations) de : Cheikh Mouhammad Al-Bachîr ATTIJÂNY (petit fils de Cheikh Ahmed Tijani), Cheikh Ahmad AL-’ABDALLÂWY, Cheikh Sidi Taib AS-SOUFYÂNY, Cheikh Mouhamad Al-’Araby Al-Mouheb Al-SAJELMÂSSY, Cheikh ’Abdou’Karîm BANNISS, Cheikh Ahmad SOUKEYRIDJ

Son fils Muhammad Al Khalifa Niasse profita de cette visite pour continuer sur La Mecque où il effectua son pèlerinage via Marseille, avant de retrouver son père à Fez pour faire ensemble le voyage du retour. De retour au Sénégal, El hadj Abdoulaye Niass fît d’abord une halte à Thiès chez la famille Ndieguène avant de poursuivre vers Tivaouane, ce détour est expliqué par un engagement pris au Maroc pour remettre à l’érudit de Tivaouane, El Hadj Malick Sy, un des secrets de la Tijaniya que celui-ci avait requis par correspondance mais qui lui a été envoyé par messager verbal, ledit secret n’étant pas réinscriptible ainsi que l’Ijaza Itlaq. El hadj Abdoulaye séjournera en maître à Tivaouane où il fut l’hôte de son homologue et frère cadet, El Hadj Malick Sy, qui l’accueilli, pendant trois mois entre janvier et mars 1911, avec une très grande amabilité et hospitalité. En effet, c’est lui qui dirigeait les prières et le Wazifa, donnait les wirds et les demandes d’Ijaza, nouait les mariages, etc. En son honneur, Maodo rédigea un poème très élogieux. À part cela, El Hadj Malick intervint auprès des Autorités Coloniales pour le retour d’El Hadj Abdoulaye au Sénégal et engagea, à cet effet et à ses frais et charges, un avocat mulâtre dénommé Maître Carpot. Plus tard quand El Hadj Abdoulaye pris congé de son hôte, ce dernier l’accompagna jusqu’à Gossas et lui recommanda de passer à la Commanderie du Cercle de Kaolack.

À l’injonction de William Merlaud-Ponty, gouverneur général à Saint-Louis, Brocard, le commandant du Cercle installe El Hadj Abdoulaye à quelques mètres du Centre-ville. À sa nouvelle terre à Kaolack il donna le nom de Léona Niassene  (ceci est licite aux Niassène).

En 1913, une kyrielle de savants et d’érudits dont de très distinguées personnalités sont venues lui faire la Ziara, comme : Cheikh Ahmad Ibn As-Saêh pour la seconde fois et entre autres : Cheikh Attijâny Ibn Baba Ibn Ahmad Bayba Al Alawy (frère de l’auteur du Mouniyatoul Mourid), Cheikh Mouhammad Al-Kabîr Ibn Maham Al Alawy (petit-fils de l’auteur de Rawdou châma’il) et Cheikh ’Abdoullâh Ould Al-Hâjj Al Michry Al Alawy (l’auteur référentiel en matières gnostiques « ilmoul adhwaq, Marifatou billahi »).

La fin de la Première Guerre mondiale rapproche les colonisateurs des colonisés et accentue le pansement des plaies hégémoniques. On en vient à de bons sentiments, à de meilleures considérations. les colonisateurs tenteront de se rapprocher de la zaouïa de Léona-Niassène. Mais El Hadji Abdoulaye restera toujours méfiant vis-à-vis des autorités coloniales, il n’enverra aucun de ses fils ou disciples dans leurs écoles, malgré ce rapprochement qu’ils ont tenté. En 1922, il dicte son dernier ouvrage : Al-Asrâr-Ar-Rabbâniyya fil-Haddi ’alâ Attarîqa Attijâniyya. Il y a lieu de noter ici que sa production littéraire était énorme, aussi bien dans les sciences islamiques que dans la pharmacopée surtout dans la médecine traditionnelle dont il était un expert confirmé.

El Hadj Abdoulaye Niasse quitta ce monde terrestre le mercredi 14 juin 1922 et fût inhumé dans sa zaouïa d’après sa propre recommandation parce que disait-il comme d’illustres pôles qui lui avaient précédés comme Sidi Ali Tamacini, il avait atteint le maqamat Qutbaniya al Oudhma (pôle de son époque) et ne devait être enterré au cimetière comme l’administration coloniale stipulait, malgré cette prohibition, le commandant de cercle Brocard signa l’autorisation pour procéder à l’inhumation dans la zaouïa.

Postérité modifier

Parmi ses héritiers, on retrouve de grands noms de la Tijaniyya tels que le très renommé Cheikh Ibrahim Niass et son éminent successeur et calife Muhammad Al Khalifa Niasse entre autres.

Sa lignée continue de produire des hommes très influents au Sénégal tels que le calife Cheikh Ahmed Tidiane Niasse, Ahmed Khalifa Niasse, homme politique et homme d'affaires, ainsi que Sidy Lamine Niasse, intellectuel et homme de médias, l'imam de Medina Baye Imam Hassan Cissé qui figure parmi les personnalités musulmanes les plus influentes du monde ou encore l'actuel Imam Cheikh Tidiane Cisse.

Notes et références modifier

  1. « El Hadji Abdoulaye Niass al Kabir | NayloulMaram », sur nayloulmaram.com (consulté le )
  2. « Elh Abdoulaye NIASS | NayloulMaram », sur www.nayloulmaram.com (consulté le )

Bibliographie modifier

  • Jean-Louis Triaud (dir.) et David Robinson (dir.), Le temps des marabouts : itinéraires et stratégies islamiques en Afrique occidentale française v. 1880-1960, Karthala, , 584 p. (ISBN 9782811107352), p. 300-303