Abbaye aux Hommes

abbaye française

L'abbaye aux Hommes, ou abbaye Saint-Étienne de Caen, est une des deux grandes abbayes, avec l'abbaye aux Dames, fondées par Guillaume de Normandie le futur conquérant, vers 1060[1], à Caen, dans le département du Calvados, en région Normandie.

Abbaye aux Hommes
Image illustrative de l’article Abbaye aux Hommes
Présentation
Culte Catholique romain
Début de la construction XIe siècle
Fin des travaux XVIIIe siècle
Style dominant Roman normand et Gothique
Protection Logo monument historique Classée MH (1840, 1911)
Logo monument historique Inscrite MH (1927, 1928)
Géographie
Pays
France
France
France
Région Normandie
Département Calvados
Ville Caen
Coordonnées 49° 10′ 54″ nord, 0° 22′ 23″ ouest
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Abbaye aux Hommes
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Abbaye aux Hommes
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Abbaye aux Hommes

L'ancienne église abbatiale Saint-Étienne est devenue église paroissiale après la Révolution. Les bâtiments conventuels transformés en lycée au XIXe siècle abritent depuis les années 1960 l'hôtel de ville. L'abbaye offre un très bel ensemble architectural construit entre les XIe et XVIIIe siècles et l'impact de l'église Saint-Étienne de Caen est essentiel sur l'histoire de l'art en Normandie et en Angleterre. L'église est classée au titre des monuments historiques sur la liste de 1840, le cloître et les bâtiments conventuels en 1911 et les autres constructions inscrites en 1927 et 1928.

Localisation modifier

L'abbaye aux Hommes est située dans la commune de Caen, dans le département français du Calvados. Elle s'élève à l'ouest du centre-ville ancien et donna le nom de Bourg-l'abbé au quartier qui l'entoure.

Historique modifier

De la fondation au XIe siècle au déclin de l'abbaye au XVIe modifier

La fondation de l'abbaye modifier

 
Charte de fondation.
 
Église Saint-Étienne de Caen.

L'abbaye Saint-Étienne de Caen, SANCTS STEPHANUS CADOMEUSIG, ou abbaye-aux-Hommes, est une abbaye bénédictine du diocèse de Bayeux, de la province ecclésiastique de Rouen.

Vers 1050 ou 1051, Guillaume de Normandie épouse Mathilde de Flandre, qui est sa parente à un degré interdit par le droit canonique : 6ém°, mais peut être accepté par le pape si une dispense est demandée, ce que Guillaume n'a pas fait. L'archevêque de Rouen Mauger, son « demi oncle » (fils de Richard II et de la concubine Pépia), qui était son tuteur et qui appréciait peu de perdre son tutorat, lança une excommunication contre le couple. En 1059, le pape Nicolas II reçoit Lanfranc de Pavie, écolâtre de l'abbaye du Bec, principale personnalité intellectuelle de Normandie, qui fait la liaison entre le duc et le pape. Le grand historien Michel de Boüard est allé à Rome pour rechercher les preuves de l'excommunication papale, et n'a pas trouvé trace de sanction. En 1059, pour témoigner de leur foi, Guillaume et Mathilde construiront quatre hôpitaux : à Caen rue Saint-Jean, à Bayeux au même endroit qu'aujourd'hui, à Rouen et à Cherbourg ou de grandes plaques de marbre rappellent l'événement.

Il existe d'autres raisons politiques : Guillaume, fils légitime de Robert le Magnifique et d'Arlette, car présenté officiellement aux barons selon le droit scandinave qui le reconnaissent comme successeur et au roi de France qui deviendrait son parrain (?), doit combattre pendant toute la première partie de son règne les barons de Normandie, qui le considèrent comme bâtard, vaincus à la bataille de Val-ès-Dunes (aux moissons de 1047). Il cherche donc à asseoir davantage son autorité sur la basse Normandie où la rébellion a été la plus forte. Cela passe par la construction de châteaux, mais également par la fondation d'abbayes, selon un schéma classique en Normandie depuis le Xe siècle[2]. Le duc décide donc de densifier le réseau d'établissements monastiques en Basse-Normandie, alors beaucoup plus lâche que dans la vallée de la Seine mieux contrôlée par les ducs de Normandie. L'abbaye aux Hommes, comme l'abbaye aux Dames, ont toutefois dans ce dispositif une place privilégiée. En effet, sur les dix-huit abbayes élevées durant le règne de Guillaume le Conquérant, seules deux, celles de Caen, sont fondées directement par le duc lui-même, les autres étant créées par des seigneurs locaux et reconnues ensuite par le duc[3]. La fondation des deux abbayes caennaise s'inscrit donc dans un dessein politique plus large qui vise à faire de Caen un point d'appui plus proche de la sédition que Rouen qui se trouve dans la partie orientale du duché, d'autre part les batailles de Mortemer 1054 et Varaville 1057 l'incline fortement à construire une importante place forte au centre du duché en même temps qu'un glacis sur les frontières bretonnes. En choisissant de s'y faire inhumer — en 1083 à l'abbaye aux Dames pour Mathilde de Flandre et en 1087 à l'abbaye aux Hommes pour Guillaume le Conquérant — Guillaume et Mathilde inscrivent dans la durée l'attention des ducs-rois non seulement pour l'abbaye, mais également pour la ville de Caen qui, d'un gros bourg de constitution anarchique, devient la capitale secondaire de la Normandie[4]. Les descendants de Guillaume confortent ensuite le lien des deux abbayes avec la dynastie ducale et royale. Ainsi, fait exceptionnel, Guillaume le Roux dépose les insignes royaux (couronnes et sceptres) de ses parents au trésor des deux abbayes où ils sont inhumés.

Vers 1063, Guillaume décide de la fondation d'une abbaye bénédictine dédiée à Saint-Étienne au centre d'un quartier nouveau à l'Ouest de Caen, le Bourg-l'Abbé qui se trouve sur des terrains de paroisses appartenant à la cathédrale de Bayeux qui les cède à la reine Mathilde de sorte que les moines de l'abbaye aux Hommes se trouvent sous la dépendance spirituelle de l'abbesse de Caen. C'est pour se soustraire à cette dépendance qu'ils construisent l'église Saint-Nicolas de Caen pour les paroissiens du Bourg-l'Abbé[5].

Le financement de la construction de la première abbaye modifier

 
Tombe de Guillaume le Conquérant.

Le chroniqueur Guillaume de Poitiers décrit la fondation de l'abbaye par Guillaume le Conquérant : « Pour l'établir abbé du monastère de Caen, il lui fallut user, pour ainsi dire, d'une pieuse contrainte ; car Lanfranc s'y refusait moins par amour pour l'humilité, que par crainte d'un rang trop élevé. Ensuite, Guillaume le Conquérant enrichit ce monastère de domaines, d'argent, d'or et de divers ornements ; il le fit construire à petits frais, d'une grandeur et d'une beauté abordable, et peu digne du bienheureux martyr Étienne, par les reliques duquel il devait être honoré et auquel il devait être consacré. »

Le , Guillaume est couronné roi d'Angleterre, Caen se trouve placé entre les deux moitiés de l'État anglo-normand. L'extraordinaire réussite matérielle des Normands parait dans l'abbaye et si le plan ambitieux a sans doute été conçu avant la conquête de l'Angleterre, le succès foudroyant de 1066 a permis son exécution rapide car Guillaume n'a pas hésité à spolier au profit des abbayes de Caen la principale fondation de Harold, à Waltam en Essex, et elles ont pu recueillir pendant trois siècles, les redevances de nombreux villages anglais et du quartier de la City de Londres.

Dans les chartes de fondations qui sont complétées par ses principaux barons, Guillaume le Conquérant prouve l'attachement qu'il porte à cette réalisation. Il donne en l'honneur du bienheureux Saint-Étienne premier martyr pour assurer les besoins du culte : Cheux, Rots, Fleury-sur-Orne, Étavaux, Ifs, Hubert-Folie, Bourguébus, Bras, Dive et Cabourg avec les hommes, les moulins, les eaux, les prairies, les pâturages, les forêts, les revenus et les coutumes, toute la partie de Bourg-l'Abbé depuis le mur de l'Ouest en suivant la route du Vieux-Saint-Étienne à Bayeux et celle de Bretteville-sur-Odon, ainsi que toutes les terres et les droits coutumiers. Il ajoute le lit du Viel Odon depuis Venoix jusqu'à l'Orne, les forêts de Maupertuis, de Torteval, de Foulogne et du Quesnay avec les eaux, terres et toutes les dépendances, un marché à Baupte, une foire de trois jours à Caen, un cellier sur la Seine à Rouen quitte de tous droits, le droit de juger les hommes avec la basse et la haute justice et le pape accorde sa protection et le privilège d'exemption.

Il donne en Angleterre les manoirs de Northam, Frampton, Welles, Biencomer, Pansfeld, l'église de Cosham avec les territoires et les dîmes, l'église de Morton, une maison et des terres à Londres. Aux dons du duc s'ajoute celles de Roger de Montgomery qui donne le bois de Trun et une forêt, Robert de Mortain, frère du duc la ville d'Hutteville[6].

Tout est en place pour construire : les territoires capables d'apporter le bois des charpente et des échafaudages, les paroisses avec des carrières de pierre à Fleury-sur-Orne et Bretteville-sur-Orne car la mise en œuvre des nouvelles techniques comme le mur épais normand nécessite une grande quantité de pierre, les revenus pour payer les ouvriers et la justice pour gérer les litiges[7].

La construction de l'abbaye modifier

 
Épitaphe de Guillaume le Conquérant.
 
Lanfranc.

Les moyens pour construire mis en place, il faut trouver des intellectuels capables d'avoir la culture nécessaire, une vision complète du projet et des détails dans le respect de la règle de Saint Benoît, la connaissance de la géométrie, l'exacte disposition des bâtiments conventuels autour de l'église chœur de l'abbaye, du langage de l'architecture qui se développe dans toutes ses parties, de transmettre oralement la typologie du bâtiment le plus important : l'église avec son plan bénédictin que l'on retrouve dans de nombreuses églises de France, Italie, Allemagne et Angleterre.

Il y avait certainement dans tous les grands Ordres, des religieux spécialisés de la construction des églises en plus de moines capables de diriger les ouvriers spécialisés et l'ensemble du chantier.

Les clercs italiens comme Guillaume de Volpiano, Lanfranc de Pavie, Anselme de Cantorbery mettent grâce à leurs disciples normands, les apports lombards et bourguignons, l'appui indéfectible des ducs, le duché au premier rang de la civilisation intellectuelle et architecturale des XIe et XIIe siècles du monde occidental[7].

Le duc confie en 1063 la construction à Lanfranc qui avait donné son avis au bienheureux Herluin pour la reconstruction de l'abbaye Notre-Dame du Bec puis le nomme abbé de Saint-Étienne en 1066 et archevêque de Canterbury en 1070 où il reconstruit la cathédrale de Canterbury détruite par un incendie trois ans auparavant. L'abbaye est construite entre 1065 et 1083[3].

La conquête de l'Angleterre, en 1066, en apportant des moyens supplémentaires, mais aussi la présence de carrières de pierre à ciel ouvert à proximité, expliquent la rapidité de cette construction. Elle est dédicacée au moins trois fois, en 1073, 1077 et 1081[8].

La dédicace la plus solennelle a lieu le [9]. C'est le deuxième abbé de Saint-Étienne, Guillaume Bonne-Âme qui assiste[10] à la dédicace de l'église. La solennité est présidée par l'archevêque Jean d'Avranches, entouré des évêques ses suffragants et d'un grand nombre d'abbés et de seigneurs. Elle a lieu en présence du roi et de la reine Mathilde, de leur fils Robert, de Lanfranc, archevêque de Canterbury et de Thomas, archevêque d'York. On place sur l'autel la grande charte de fondation et les autres chartes des vassaux qui avec leurs nouvelles richesses dues à la conquête ajoutent de nouveaux dons[11].

Le , Guillaume le Conquérant meurt à Saint-Gervais de Rouen. Il est inhumé dans l'église Saint-Étienne. Son épitaphe latine indique : « Hic sepultus est invictissimus Guillelmus Conquestor, Normanniæ Dux, et Angliæ Rex, hujus ce Domus, CONDITOR, qui obiit anno M . LXXXVII [millesimo octagesimo septimo] »[note 1].

L'abbaye au Moyen Âge modifier

À la fin , le roi de France Philippe Auguste occupe Caen. Les abbayes caennaises conservent leur patrimoine anglais jusqu'au début du XVe siècle, où Henri IV les confisque pour subventionner la reprise de la guerre de Cent Ans[12].

Le , lors de sa visite du , l'archevêque de Rouen, Eudes Rigaud trouve 63 moines dans le monastère, tous prêtres sauf trois et fait des remontrances sur le comportement[13].

La guerre de Cent Ans met l'abbaye en première ligne des combats. Après la prise de Caen par les Français en 1346, les religieux reçoivent l'ordre de fortifier l'enceinte, Saint-Étienne se trouvant en dehors des fortifications de la ville.

Le , Henri V s'empare de Caen, la trahison d'un moine de l'abbaye de Saint-Étienne joue un rôle décisif dans cet épisode, mais préserve les tours de façade de l'abbatiale de la destruction qu'avait projeté les défenseurs français. Le , le roi de France Charles VII réoccupe Caen.

Le début du régime de la commende et le déclin de l'abbaye modifier

En 1485, le régime de la commende est institué à l'abbaye aux Hommes, au bénéfice de Charles Ier de Martigny, évêque de Chartres et désormais, les abbés seront des grands seigneurs, favoris royaux, peu présent dans l'abbaye et soucieux d'encaisser de gros bénéfices[12]. La vie des moines devient plus séculière que religieuse, les officiers et particulièrement le cellérier ont tendance à constituer des bénéfices et il y a moins de moines. La commende est la revanche de l'épiscopat contre le système des exemptions. En réalité on perçoit l'esprit de lucre chez ses prélats fastueux et courtisans, bien des abbayes possédant les revenus d'un évêché. Elle modifie profondément l'organisation bénédictine en privant la communauté de son chef traditionnel. Le pouvoir effectif et l'influence à la fois spirituelle et temporelle sur les destins du monastère passe aux mains des prieurs.

Vers 1490, l'abbé Charles Ier de Martigny fait construire un nouveau logis abbatial.

En 1562 et 1563, pendant les guerres de Religion, l'église est pillée par les troupes de Montgommery puis abandonnée. Les vitraux, les orgues et le mobilier sont détruits. Le tombeau de Guillaume le Conquérant, magnifique mausolée en marbre, surmonté d'un gisant, et qui fut édifié à la demande de son fils Guillaume le Roux, roi d'Angleterre est profané en 1562 par les protestants. Les restes sont confiés à un moine, bailli de l'abbaye, nommé Michel de Semallé. Mais en 1563, une nouvelle intrusion des protestants provoque la fuite des moines et les ossements sont dispersés à l'exception d'un seul os, sauvé par Charles Toustain de la Mazurie, le poète ami de Jean Vauquelin de La Fresnaye. Cet os est replacé dans le tombeau en 1642 par le prieur Jean de Baillehache, après la restauration du chœur. En 1742, les moines obtiennent du roi Louis XV l'autorisation non seulement de déplacer le tombeau dans le sanctuaire mais aussi de le réduire à un simple caveau recouvert d'une pierre tombale. Ce fémur gauche aurait été retrouvé lors de l'ouverture d'un caveau maçonné se trouvant dans le chœur de l'abbatiale, le [14].

La tour-lanterne s'écroule en 1566, détruisant les voûtes du chœur. Le chœur, en ruines, a failli être rasé sur décision du Parlement de Rouen. Un moine de l'abbaye, Jean de Baillehache, obtint l'annulation de cette décision et entreprit la reconstruction du chœur et la restauration de l'abbatiale. L'église est de nouveau consacrée le .

Le renouveau de l'abbaye aux XVIIe et XVIIIe siècles modifier

Les mauristes et la reconstruction des bâtiments conventuels modifier

 
L'abbaye avec les constructions maristes dans le Monasticon Gallicanum.

Le , les religieux de l'abbaye signent un traité avec la Congrégation de Saint-Maur ; des premiers travaux de réfection sont effectués et le , les religieux de Saint-Maur s'installent dans l'abbaye[15]. Les mauristes redressent l'abbaye spirituellement, en rétablissant la discipline religieuse, et matériellement en reconstruisant les bâtiments conventuels qui tombaient en ruine. Du cloître, il ne reste alors que les fondations. La cuisine, bâtiment octogonal rappelant celui de l'abbaye de Fontevraud ou de l'abbaye de Glastonbury, documenté par Andrew Coltee Ducarel[16], tombe en ruine et la plupart des bâtiments ont également perdu leur toiture. Les travaux de rénovation, menés par le moine architecte Guillaume de La Tremblaye, lui-même assisté par les frères Bayeux, débutent en 1704[17], mais ils sont interrompus faute de moyens en 1706[18] avant de reprendre en 1710[19]. En 1715, Guillaume de La Tremblaye meurt et le projet est repris par dom Miserey qui le modifie en allongeant l'aile des hôtes vers le sud ; une aile en retour, parallèle à l'aile du réfectoire, devait également être construite à la place de la salle des Gardes pour fermer la cour sud, mais l'éviction des moines pendant la Révolution a entraîné l'abandon du projet[20]. En 1727, les moines font remblayer les terrains à l'est de l'abbaye afin d'aménager un jardin à la française sur la grande esplanade ainsi formée[21]. Un nouveau logis abbatial est construit de 1755 à 1759 dans le Clos de la Pépinière[22], parcelle comprise entre le rempart du XIVe siècle et le mur séparant l'enclos de la rue de l'abbatiale. Les travaux sont finalement terminés en 1764[23].

L'intégration de l'abbaye dans le dispositif urbain modifier

 
La rue Guillaume-le-Conquérant, percée à travers les jardins de l'abbaye.

Dans la deuxième partie du XVIIIe siècle, les édiles caennais décident d'aérer la ville médiévale en programmant plusieurs projets d'urbanisme. Le baron de Fontette, nommé intendant de la Généralité de Caen en 1752, mène à bien certains de ses projets. Il décide notamment de créer un nouvel axe pour dévier la circulation de la rue Saint-Martin, axe historique permettant l'accès à l'ouest de la ville[24]. En 1755[22], un accord est passé entre l'abbaye et la ville de Caen en vue de percer une nouvelle rue à travers les jardins de l'abbaye entre la place des Petites-Boucheries et une nouvelle place octogonale, aménagée à l'emplacement des anciennes fortifications de la ville et sur laquelle vient déboucher la rue Écuyère. La partie sud de ce nouvel axe, appelé rue Saint-Benoît (actuelle rue Guillaume-le-Conquérant), est lotie par les moines de Saint-Étienne. Sur la place, rapidement baptisée place Fontette, on prévoit également d'ériger deux pavillons à l'entrée de la nouvelle rue ; en contrepartie de la construction du pavillon sud, l'abbaye obtient la propriété des terrains auparavant occupés par les fossés, les contrescarpes et les fortifications de la ville[22]. Le pavillon des moines est achevé en 1758 et les jardins de l'abbaye sont étendus jusqu'à la nouvelle place. Malgré ces travaux, la communauté est à la veille de la Révolution française dans une excellente situation financière[25].

Liste des abbés modifier

L'abbaye après la Révolution modifier

L'expulsion des moines modifier

Le , se réunit dans l'abbaye, l'assemblée de la noblesse du bailliage de Caen[26].

Le , les religieux sont chassés de l'abbaye en vertu de la loi du -[27],[28]. Le , la ville décide d'acheter l'abbaye aux Hommes « au nom des pauvres de l’Hôtel-Dieu » ; mais le bâtiment est finalement alloué à différentes administrations[29]. Le district de Caen[22] et le Directoire, puis l'administration préfectorale s'y installent[30]. En 1793, l'église Saint-Étienne est transformée en temple dédié au culte de la Raison et de l'Être suprême. Le [23], l'Académie de Caen, rebaptisée « lycée de Caen », est installée par le général Dugua dans les locaux de l'abbaye. À la suite de l'entrée en vigueur en 1802 du Concordat de 1801, le culte catholique est rétabli dans l'ancienne abbatiale, mais cette dernière devient église paroissiale et les religieux ne font pas leur retour à l'abbaye.

Seul l'ancien logis abbatial des bénédictins, construit dans les années 1750, est transformé à partir de 1810[21] en monastère des Visitandines[31] afin d'accueillir les sœurs chassées pendant la Révolution de leur ancien couvent transformé en caserne (actuel Quartier Lorge)[32]. Elles aménagent et agrandissent les bâtiments existants et font élever en 1812 une première chapelle provisoire, suivie d'une deuxième église, remplacée elle-même par l'édifice actuel construit entre 1890 et 1892[31]. Les sœurs aménagent également un grand jardin dans le sud de l'enclos.

La transformation en lycée modifier

 
Le Petit Lycée, construit en 1885 dans les jardins de l'abbaye.

Finalement, l'administration préfectorale quitte l'abbaye en 1806[30] afin d'y aménager le Lycée impérial (actuel lycée Malherbe), fondé le . En 1841, on y adjoint une école primaire élémentaire[21]. L'abbaye est transformée au cours des années pour accueillir les élèves. En 1842, l'aile des hôtes est achevée alors que l'ancien logis abbatial du XVe siècle est démoli[23] ; seul un écusson portant les armoiries de Charles Ier de Martigny, évêque de Castres et premier abbé commendataire de l'abbaye[20], situé dans la galerie nord du cloître rappelle le souvenir de ce bâtiment construit en 1490[23]. Dans les années 1880, les cellules de moines ont été abattues[23] pour faire place à des dortoirs communs.

En 1810[21], les jardins de l'abbaye sont amputés d'une partie de leur emprise afin d'aménager une place reliant la place Fontette à la Prairie ; l'esplanade est alors plantée de marronniers et on installe une grille pour séparer la promenade des lycéens de l'espace public nouvellement créé, baptisé place du Parc (actuelle place Guillouard) et agrémentée en 1882 d'une statue provenant de la place de la République.

Deux nouveaux bâtiments sont également construits dans les jardins : le « couloir des classes » (actuellement occupé par le service de l'État-civil) construit de 1828 à 1830[33] et le « Petit lycée » (actuellement occupé par les services de la police municipale). Lors de la séance du conseil municipal du , il est en effet décidé de construire « sur la place du Parc, à l'angle du jardin occupé par M. Cornu, un petit Lycée à l'usage des enfants »[34] ; le bâtiment est inauguré en 1885[35].

L'abbaye pendant la Seconde Guerre mondiale modifier

 
Les croix rouges sur le toit et dans le parc du lycée.

À la suite d'actes de sabotage perpétués près d'Airan par la Résistance en , les autorités d'occupation décident de faire arrêter des otages en représailles ; dans la nuit du au et dans les jours qui suivent, 120 personnes, communistes, syndicalistes ou juives, sont rassemblées par la police et la gendarmerie françaises dans le Petit Lycée, puis amenées à la gare de Caen d'où elles sont déportées vers des camps de concentration ou d'extermination[36].

Pendant la bataille de Caen, le lycée est transformé en centre d'accueil de la défense passive, le CA no 4 Lycée Malherbe. L'ensemble formé par l'ancienne abbaye, le palais de justice et le monastère de la Visitation, devenu le plus important des cinq centres d'accueil, abrite une foule de 3 500 personnes début juillet et plus de 8 000 à la mi-juillet à la veille de la libération de la rive gauche de la ville[37]. L'ancienne abbaye sert également d'hôpital complémentaire à l'hôpital principal aménagé au Bon-Sauveur ; cet établissement compte 330 lits à la mi-juin et 500 à la mi-juillet quand l'hôpital est obligé de fermer à cause des bombardements allemands depuis la rive droite de l'Orne[37]. Des croix rouges, fabriquées avec les moyens du bord, sont disposées sur les murs et les toits du lycée, ainsi que dans le parc, afin de signaler cet îlot sanitaire aux bombardiers ; le secteur est ainsi protégé des bombardements aériens, mais de très nombreux obus, envoyés par les Alliés, puis par les Allemands, font plus de 50 victimes (21 tués et une trentaine de blessés)[37]. Les réfugiés s'installent dans l'abbatiale et dans les anciens bâtiments conventuels, les dortoirs du premier étage étant réservés aux malades et ceux du second étage aux personnes âgées impotentes et grabataires ; les caves de l'abbaye servent d'abris en cas de bombardement. Les corps des victimes décédées sont entreposés dans le couloir des classes et un cimetière provisoire est creusé dans le parc. Le directeur de la Défense passive et des centres d'accueil, Joseph Poirier, dirige les opérations depuis l'abbaye aux Hommes, l'hôtel de ville de la place de la République ayant été détruit[36].

Le , les troupes anglo-canadiennes entrent dans Caen ; les responsables alliés se rendent à l'abbaye où le préfet Cacaud a transféré ses bureaux[38]. Le , après que Michel Cacaud, investi par le gouvernement de Vichy, a passé officiellement le pouvoir au nouveau préfet Pierre Daure, les résistants caennais hissent le drapeau tricolore sur un lampadaire de la place Monseigneur-des-Hameaux et chantent la Marseillaise, marquant ainsi symboliquement la libération de la rive gauche de l'Orne[36].

La transformation en hôtel de ville modifier

Après la Seconde Guerre mondiale, la décision fut prise de construire un nouveau lycée. Les locaux libérés devaient être occupés par le musée des beaux-arts de Caen et par le musée de Normandie nouvellement créé[39]. La construction du nouveau lycée n'étant pas jugée prioritaire, ce projet traîna en longueur. Finalement, les deux musées ont été aménagés dans l'enceinte du château de Caen et c'est l'administration municipale qui occupe désormais l'abbaye depuis l'ouverture du nouveau lycée Malherbe en 1961.

Afin d'accueillir décemment l'hôtel de ville, les locaux ont été restaurés. En 1964, les jardins à la Française de l'esplanade Jean-Marie Louvel ont été redessinés par Louis Bouket d'après des plans du XVIIIe siècle[20] ; afin d'aménager les 11 920 m2 de l'esplanade, la statue de Louis XIV, qui trônait sur la place depuis 1882, a été déménagée sur la place Saint-Sauveur et l'aile en retour du Petit Lycée, désormais occupé par la police municipale, a été démolie. Le , la première réunion du conseil municipal se déroule dans la salle capitulaire[40].

Description modifier

 Église abbatiale (XIe-XVIIe siècles)Palais ducal (XIVe siècle)Salle des gardes (XIVe siècle)Fortifications (XIVe siècle)Tracé hypothétique des fortificationsBoulangerie (XVIIe siècle)Bâtiments conventuels (XVIIIe siècle)Cloître (XVIIIe siècle)Pavillon d'entrée (XVIIIe siècle)Rue Guillaume le ConquérantMonastère des Visitandines (XIXe siècle)Ancien clos de la PépinièreAncien clos de la PépinièreCouloir des classes (XIXe siècle)Petit Lycée (XIXe siècle)Esplanade Jean-Marie Louvel (XVIIIe siècle)Vestige du temple gallo-romainMusée d'initiation à la nature
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L'église abbatiale (XIe au XVIIe siècles) modifier

Le style de l'abbaye est influencé par l'art lombard. Lanfranc est d'ailleurs originaire de Lombardie et sa ville, Pavie est sous le patronage de saint Étienne. Les tours de la façade possèdent une architecture proche de celles visibles à Ravenne et Milan.

En résumé, l'abbatiale Saint-Étienne est héritière des innovations accomplies dès 1040 à Notre-Dame de Jumièges, elle-même s'inscrivant dans la tradition carolingienne et ottonienne : alternance des piles, vastes tribunes voûtées, articulation en doubles travées, déambulatoire, massif à deux tours. D'autres éléments sont totalement nouveaux : façade harmonique, continuité parfaite entre le vaisseau de nef et la façade, coursière faisant le tour de l'édifice et voûtement sexpartite. L'influence de cette abbaye, dont la construction coïncide avec la conquête de l'Angleterre par les Normands, apparaît à Winchester, Ely, Peterborough ou encore à la cathédrale de Durham.

L'ancienne abbatiale fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques par liste de 1840[41].

Le palais ducal (XIVe siècle) modifier

Le palais ducal, également appelé palais de Guillaume ou Logis du Roi, a été construit au XIVe siècle, probablement pour accueillir les hôtes de marque de l'abbaye[23]. Endommagé lors des guerres de religion, le bâtiment est transformé à la fin du XVIe siècle en écurie et en grenier. Après la Révolution française, il sert de magasin à vivres pour l'armée. En 1840, les plans pour établir l'École normale d'instituteurs dans le palais sont adoptés par le conseil des bâtiments civils[42]. La société des antiquaires de Normandie envisage d'utiliser le bâtiment pour y installer ses collections, mais le musée des antiquaires de Normandie est finalement aménagé dans l'ancien collège du Mont en 1854[43].

En 1865, une chapelle est construite à partir d'un prétoire du XVe siècle. En 1887, l'École normale d'instituteurs est transférée dans les nouveaux locaux de la rue Caponière (actuellement rectorat de Caen). À cette date, il est converti en École normale des institutrices. Le bâtiment fait l’objet d’une inscription au titre des monuments historiques depuis le [41]. Depuis 1961[20], l'édifice est la propriété de la ville de Caen. Le rez-de-chaussée sert de salle de réception et le premier étage héberge les archives municipales, le reste du bâtiment étant inoccupé. Le , l'artothèque de Caen est inaugurée dans les bâtiments restaurés[44].

L'ancien logis est aujourd'hui isolé du reste des bâtiments de l'abbaye. Mais à l'origine, il formait le côté ouest d'une grande cour et était relié au reste des bâtiments conventuels par le prétoire[45]. Le bâtiment de trois niveaux est aujourd'hui long de 47 × 12 mètres[23]. Il a été prolongé en 1864-1865 par l'architecte départemental Léon-Florentin Marcotte de deux travées par un bâtiment néo-gothique en saillie sur la façade et dont le rez-de-chaussée est occupé par une chapelle. Avant cette date, la façade orientale avait déjà été altérée par l'architecte municipale Émile Guy[note 2]. Les ouvertures basses et irrégulières du rez-de-chaussée ont été modifiées. À l'étage noble, les huit baies en tiers-point, murées pour la plupart, ont été rouvertes et inscrites dans des ogives supportées par des colonnes. Au niveau supérieur, les ouvertures rectangulaires ont été transformées en oculus inscrites dans des arcs décoratifs incrustés. Trois contreforts ont été détruits et la corniche a été refaite à neuf. Enfin, le pignon sud et la tourelle d'escalier centrale ont été repris pour unifier l'ensemble. La façade occidentale, qui s'ouvre sur une cour au pied des anciennes murailles de l'abbaye, n'a pas été concernée par les travaux du XIXe siècle ; elle est percée au rez-de-chaussée par des arcades en plein-cintre et aux niveaux supérieurs par des fenêtres de forme quasiment carrée. Au rez-de-chaussée de l'ancien palais, une grande salle offre un très beau vestige de la construction gothique d'origine : une série de colonnes octogonales, alignées sur un axe central, soutient des voûtes en ogive.

En 2012-2013, le palais a fait l'objet d'un vaste programme de restauration : démolition d'un niveau de plancher dans les combles afin de créer une salle d'exposition avec vue sur la charpente, inversion d'un escalier afin de créer une nouvelle entrée, destruction du mur d'enceinte du XIXe siècle pour créer une esplanade devant le bâtiment, création d'une terrasse accessible au public, etc.

La salle des gardes (XIVe siècle) modifier

La salle des gardes est un bâtiment construit au début du XIVe siècle[20]. Elle était utilisée comme salle de réception lors de la venue des hôtes de marques à l'abbaye. La salle à l'étage servait également de palais de justice quand l'abbé rendait des jugements concernant ses terres ou quand l'Échiquier de Normandie, itinérant jusqu'en 1499, passait par Caen ; le rez-de-chaussée était alors utilisé comme salle des pas perdus. Les États provinciaux de Normandie siégeaient aussi à l'occasion dans cette salle.

Ravagé lors des guerres de religion, l'édifice connaît le même sort que le palais ducal en étant transformé en écurie et en grenier. La salle prend son nom actuel au XVIIIe siècle, bien qu'elle n'ait jamais servi à abriter la moindre garnison. Désirant fermer la cour sud des nouveaux bâtiments conventuels en construction, les moines projettent de détruire le bâtiment ; ils commencent par démolir une tour abritant l'escalier menant à l'étage.

La Révolution française sauve l'édifice de la destruction, mais il est sérieusement détérioré quand l'abbaye est transformée en établissement scolaire. En 1804, des baies et la rosace sont murées, tandis que de nouvelles ouvertures carrées sont percées sur la façade ; on installe des cloisons et on multiplie les planchers afin d'installer des salles de classe. En 1828-1830, ces dernières sont transférées dans le couloir des classes que l'on vient de construire dans les jardins à l'est ; on abat alors toutes les cloisons et tous les planchers afin d'aménager un gymnase. En , le gymnase est provisoirement transformé en hôpital militaire[35].

La salle des gardes fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques depuis le [41]. Entre 1968 et 1976, la salle des gardes est restaurée avec soin par Jean Merlet, chef des monuments historiques, grâce à une description de l'édifice faite par Arcisse de Caumont à laquelle était jointe une gravure réalisée en 1767 par Andrew Coltee Ducarel[23]. La salle à l'étage sert de salle de délibération du conseil municipal depuis le .

L'édifice de deux niveaux fait 36 × 11 mètres. Plus ancien que le reste des bâtiments conventuels, il est légèrement désaxé par rapport aux bâtiments du XVIIIe siècle.

Au sud, la façade est ouverte par trois hautes fenêtres ogivales couronnées d'un gable. Elle est encadrée par deux tourelles octogonales qui étaient à l'origine coiffées par des pyramides à huit pans. Au nord, la façade est percée d'une rosace fermée par vitrail, restaurée grâce à des gravures anciennes, dont le centre représente un château, emblème de Caen au XIVe siècle. Sur la façade orientale, on peut encore voir les vestiges de l'ancienne tour abritant l'escalier ; de forme carrée, elle était renforcée par des contreforts et couronnée par une haute toiture à quatre pans. Les façades sont percées de baies en tiers-point décorées de pilastres cannelées.

Au rez-de-chaussée, sont exposés les résultats de la fouille menée sur le site en 1974 et entre 1979 et 1981 ; au centre de la salle, le squelette de la première Caennaise connue, une femme ayant vécu vers -1000 avant Jésus-Christ, est disposé dans une sépulture recouverte d'un tombeau vitré.

À l'étage, la voûte en forme de coque de bateau renversée a dû être reconstruite en châtaignier, mais les deux poutres d'origines, en chêne, ont été conservées ; cette voûte était autrefois peinte d'armoiries qui n'ont malheureusement pas pu être restituées[20]. Au sol en revanche, la céramiste Françoise Bizette, secondée par Catherine Le Couey, a pu reproduire le pavage à l'ancienne constitué de pavés de briques vernissées dont une partie était conservée par la Société des antiquaires de Normandie[21] ; ces carreaux représentent soit les armoiries de villes et de provinces (Caen, Normandie, Angleterre, Flandre) ou de personnages (abbés, des bienfaiteurs et grands seigneurs y ayant séjourné), soit des symboles religieux ou des motifs géométriques, soit enfin la conquête de l'Angleterre de 1066[20]. Les deux cheminées détruites au XIXe siècle ont également pu être restaurées.

Les fortifications (XIVe siècle) modifier

Des remparts dressés en 1347, et détruit au XVIIIe siècle, il n'en subsiste que des vestiges : une muraille et une tour, rue du Carel, et la tour Guillaume au fond de la cour du palais ducal, rue Lebailly et sur l'esplanade Jean-Marie Louvel. La tour située dans la cour de l'ancien palais ducal fait l’objet d’une inscription au titre des monuments historiques depuis le [41]. La tour de la rue du Carel fait l’objet d’une inscription au titre des monuments historiques depuis le [41].

La boulangerie (XVIIe siècle) modifier

Situé à l'extrémité sud de l'enceinte de l'abbaye, ce petit bâtiment du XVIIe siècle et une partie de l’ancienne charetterie abritent, depuis 1974, les collections du Musée d'initiation à la nature.

Les bâtiments conventuels (XVIIIe siècle) modifier

L'ensemble formé par le bâtiment situé à l'entrée, le cloître avec les bâtiments qui l'entourent et les deux ailes placées à la suite fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques depuis le [41].

Le cloître modifier

Le cloître a été reconstruit à la place de l'ancien par Guillaume de la Tremblaye. La construction a duré plusieurs décennies[23] :

  • galerie est (1725-1728) ;
  • galerie nord (1734-1736) ;
  • galerie ouest (1741-).

Les galeries sont de type toscan : les arcades en plein cintre sont encadrées par de fausses colonnes rectangulaires légèrement en saillies surmontées de chapiteaux doriques comme à l'abbaye d'Ardenne reconstruite à la même époque. À l'intérieur, les arcades sont rythmées par des arcs-doubleaux reposant sur le même type de fausse colonne. Le plafond des arcades est constitué de voûtes d'arêtes doubles déprimées avec lunettes longitudinales et transversales et de plafonds centraux octogonaux bordés de nervure[23]. Le même dispositif a été employé à l'abbaye aux Dames, mais le cloître n'y a jamais été fermé par manque de moyen.

Lors de la restauration de l'ancienne abbaye dans les années 1960, le jardin « à la française » inspiré de ceux de Le Nôtre ont été reconstitués. Au XIXe siècle, il avait été transformé en terrain d'exercice et en cour de promenade pour les lycéens.

 
Cloître de l'Abbaye aux Hommes.
 
Galeries du cloître.

L'aile est modifier

Les travaux de reconstruction de l'abbaye ont commencé par l'aile orientale. La première pierre a été posée le par l'évêque de Bayeux, Monseigneur de Nesmond, et par l'intendant de la généralité, Nicolas Joseph Foucault[17]. Le gros œuvre et les sculptures de la façade sont achevés en 1713 et la toiture est terminée en 1715. Les travaux aboutissent en 1726[46].

Ce bâtiment, long de 105 mètres[21], a été construit dans l'alignement du croisillon sud de l'église abbatiale. Il est composé de trois niveaux de 20 mètres de haut, du sol jusqu'à l'entablement, et d'un toit mansardé.

Du nord au sud, on trouve :

  • l'escalier des Matines ;
  • l'ancienne sacristie ;
  • l'ancienne salle du chapitre, ancienne chapelle du lycée, actuellement salle des mariages ;
  • l'ancien scriptorium, ancienne salle des fêtes, d'examens et de remise des prix du lycée, aujourd'hui lieu d'expositions temporaires.

L'aile du réfectoire modifier

Dans les caves, on peut trouver un pressoir de la fin du XVIIe siècle les moines l’utilisaient pour la fabrication du cidre destiné à leur propre consommation. Au XIXe siècle, il était toujours en activité pour le compte du lycée.

On y trouve au rez-de-chaussée d'est en ouest :

  • l'escalier d'honneur ;
  • le réfectoire, qui conserve cet usage quand l'abbaye est utilisée comme lycée, aujourd'hui salle de réception de l’hôtel de ville.

Le pavillon d'entrée modifier

Ce bâtiment a été construit entre 1730 et 1734 pour accueillir la porterie, le parloir et le bureau des officiers.

L'esplanade Jean-Marie Louvel (XVIIIe siècle) modifier

En 1727, un mur de soutènement est construit au sud[47]. Le canal du petit Odon est voûté[48] et les terrains à l'est de l'abbaye sont remblayés de vingt-cinq pieds[22]. Le pied du chevet de l'église Saint-Étienne se trouve de ce fait légèrement enterré. Sur cette grande esplanade, on aménage des jardins à la française, formés de parterres, de bosquets et de labyrinthes[21]. Dans les années 1750, ce jardin est agrandi après que les moines ont reçu la propriété des terrains autrefois occupés par les fossés, les contrescarpes et les fortifications de la ville de Caen.

Quand l'abbaye est transformée en lycée, le jardin connaît de profondes transformations. Il est amputé de sa partie orientale en 1810 afin d'aménager la place du parc (actuelle place Louis Guillouard). Au nord et au sud-est, sont construits de nouveaux bâtiments dans les années 1820 et 1880. Le reste du terrain est planté de marronniers afin de former un parc à l'usage des élèves du lycée.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, des croix rouges sont disposées dans le parc afin de signaler aux bombardiers l'îlot sanitaire aménagé dans le lycée. Un cimetière provisoire est également creusé dans le parc.

Dans les années 1960, l'esplanade, baptisée Jean-Marie Louvel en l'honneur d'un ancien maire de Caen, est restaurée d'après les plans originaux du XVIIIe siècle et redevient un jardin à la française. Celui-ci prend sa forme actuelle dans les années 1990 après la construction du parking sous la place Louis Guillouard.

Lieu de tournage modifier

En , l'équipe de l'émission Secrets d'Histoire a tourné plusieurs séquences à l'abbaye dans le cadre d'un numéro consacré à Guillaume le Conquérant, intitulé Guillaume le Conquérant : à nous deux l'Angleterre ![49].

Voir aussi modifier

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie modifier

  • Gallia christiana, tome XI, pages 420-429, instrum : page 72
  • Dom Michel Germain, Matériaux du Monasticon Gallicanum, ms. Latin 11820 « Regalis abbatiæ S. Stephani Cadomensis scenographia 1684 »
  • Arthur Du Monstier, Neustria pia, seu de omnibus et singulis abbatiis et prioratibus totius Normaniae, Rothomagi, (lire en ligne), p. 624-656
  • Dom Blanchard, « L'abbaye Saint-Étienne de Caen sous la règle de Saint-Maur », Bulletin de la Société des antiquaires de Normandie, Caen, Delesques, t. 30,‎ , p. 1–364 (lire en ligne)
  • Robert Davy, Le grand orgue de l'Abbaye aux Hommes à Caen, Caen, Caron,
  • Pierre Gouhier et J. A. Fortier, L'Abbaye aux Hommes : Saint-Etienne de Caen, Nancy, Cefag,
  • Abel Decauville Lachênée, Le Lycée et l'Abbaye de St-Étienne de Caen, Caen, Chez tous les libraires,
  • René-Norbert Sauvage, Le Fonds de l'abbaye de Saint-Étienne de Caen aux archives du Calvados, Caen, H. Delesques,
  • Arrest contradictoire de la Cour des aydes de Rouen : qui condamne les religieux de l'Abbaye de Caën au payement du droit de subvention à l'entrée, à l'exception des boissons de leurs crù consommées pour leur provision : a l'effet de quoy il est permis de faire deux visites par an dans leur maison, & qui leur fait deffenses de vendre aucunes boissons en détail dans ny hors l'enclos de leur maison : du , Cour des aides de Rouen, [Sl.s.n.], 1684
  • Georges Bouet, Analyse architecturale de l'abbaye de Saint-Etienne de Caen, Caen, Le Blanc-Hardel, (lire en ligne)
  • Célestin Hippeau, L'abbaye de Saint-Étienne de Caen: 1066-1790, Caen, Hardel, (lire en ligne), p. 335
  • Louis Sebat, Guide du Congrès de Caen, 1908 : Église Saint-Étienne de Caen, Caen, Société française d'archéologie, (lire en ligne)

Notes et références modifier

Notes modifier

Cet article est partiellement ou en totalité issu de l'article intitulé « Église Saint-Étienne de Caen » (voir la liste des auteurs).
  1. Ce qui signifie : « Ici a été enterré Guillaume le Conquérant jamais vaincu, Duc de Normandie et Roi d'Angleterre, et FONDATEUR de cette Abbaye, qui mourut en l'an 1087 ».
  2. Architecte né à Paris en 1795 et décédé en 1866.

Références modifier

  1. Stéphane William Gondoin, « Les châteaux forts au temps de Guillaume le Conquérant », Patrimoine normand, no 94,‎ juillet-août-septembre 2015, p. 42 (ISSN 1271-6006).
  2. Joseph Decaëns, « Le temps des châteaux », dans Maylis Baylé (dir.), L’architecture normande au Moyen Âge, Actes du colloque tenu à Cerisy-la-Salle, vol. 1, Condé-sur-Noireau/Caen, Éditions Charles Corlet/Presses universitaires de Caen, p. 177–180.
  3. a et b Pierre Bouet, « Le patronage architectural des ducs de Normandie », dans Maylis Baylé (dir.), L’architecture normande au Moyen Âge, Actes du colloque tenu à Cerisy-la-Salle, vol. 1, Condé-sur-Noireau/Caen, Éditions Charles Corlet/Presses universitaires de Caen, p. 349–367.
  4. Giovanni Coppola, « L'essor de la construction monastique en Normandie au XIe siècle : mécénat, matériaux et moines-architectes », Annales de Normandie, 1992, vol. 42, no 4, p. 337 [lire en ligne].
  5. M. Gervais: Note sur l'église Saint-Nicolas, dans : Mémoires de la société des antiquaires de Normandie, 1844, Volume: 14, pages: 384-396.
  6. Célestin Hippeau, L'abbaye de Saint-Étienne de Caen : 1066-1790, Caen, Hardel, (lire en ligne), p. 345.
  7. a et b Gionanni Coppola, « L'essor de la construction monastique en Normandie au XIe siècle : mécénat, matériaux et moines-architectes », Annales de Normandie, 1992, vol. 42, no 4.
  8. Jean-Marie Pérouse de Montclos, Le patrimoine de Normandie, Paris, Éditions Place des Victoires, (ISBN 978-2-8099-0002-6), p. 103
  9. Maylis Baylé, La Trinité de Caen, Genève, Droz, (lire en ligne), p. 14
  10. François Neveux, La Normandie des ducs au rois, Xe – XIIe siècle, Rennes, Ouest-France université, , 676 p. (ISBN 2-7373-0985-9), p. 312.
  11. Victor Ruprich-Robert, L'église Ste-Trinité (ancienne Abbaye-aux-Dames) et l'église St-Étienne (Ancienne Abbaye-aux-Hommes) à Caen, Hardel, Caen, , p. 57.
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  13. Th. Bonnin, Journal des visites pastorales d'Eude Rigaud, Archevêque de Rouen, Auguste Le Broment, Rouen, , p. 262.
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  16. A Tour through Normandy, described in a letter to a friend, 1754, réédité en 1767 sous le titre Anglo-Norman Antiquities considered, in a Tour through part of Normandy, illustrated with 27 copperplates
  17. a et b Dom Blanchard 1915, p. 92.
  18. Dom Blanchard 1915, p. 98.
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  22. a b c d e et f Célestin Hippeau, L'Abbaye de Saint-Étienne de Caen, 1066-1790, Hardel, Caen, 1855.
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  24. « Plan des abords de la ville de Caen du côté des routes du Coutentin et de la Bretagne & centre de la ville par la rue Ecuière - 615EDT/573/2 », sur archives départementales du Calvados (consulté le )
  25. Alain Corbin, « Les Biens nationaux de première origine dans le district de Caen », Annales de Normandie, 1989, vol. 39, no 1, p. 91.
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  44. Virginie Jamin, « Rénové, le palais ducal accueillera l'artothèque » dans Ouest-France, édition de Caen, Jean-Luc Évin (dir.), Rennes, 17 décembre 2009 (ISSN 0999-2138) [Ouest-France lire en ligne].
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  49. Elise Dubourg, « Calvados. L’équipe de « Secrets d’histoire » en tournage à Caen et Falaise », sur Ouest France, (consulté le ).

Articles connexes modifier

Liens externes modifier