Alcor

étoile binaire de la constellation de la Grande Ourse
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Alcor
80 Ursae Majoris
Description de cette image, également commentée ci-après
Mizar A / B en bas et Alcor en haut
Données d'observation
(époque J2000.0)
Ascension droite 13h 25m 13,538s[1]
Déclinaison +54° 59′ 16,65″[1]
Constellation Grande Ourse
Magnitude apparente +3,99[2]

Localisation dans la constellation : Grande Ourse

(Voir situation dans la constellation : Grande Ourse)
Caractéristiques
Type spectral A5V + M3-4V[2]
Indice U-B +0,08[3]
Indice B-V +0,16[3]
Indice R-I +0,07[3]
Astrométrie
Vitesse radiale −9,6 ± 1,0 km/s[4]
Mouvement propre μα = +120,21 mas/a[1]
μδ = −16,04 mas/a[1]
Parallaxe 39,91 ± 0,13 mas[1]
Distance 81,7 ± 0,3 al
(25,06 ± 0,08 pc)
Magnitude absolue +2,00[2]

Désignations

Alcor, g UMa, 80 UMa, HD 116842, HIP 65477, HR 5062, BD+55°1603, CCDM J13240 +5456D, GJ 3785, SAO 28751, WDS J13239 +5456 Ca,Cb[5]

Alcor, également désignée g Ursae Majoris dans la désignation de Bayer (et abrégé en g UMa) et 80 Ursae Majoris dans la désignation de Flamsteed (80 UMa), est une étoile binaire visuelle de la constellation de la Grande Ourse. C'est la compagne de Mizar (ζ UMa). Bien que les deux étoiles forment une paire, il n'est pas prouvé qu'elles soient liées gravitationnellement, leur distance relative étant de 3 années lumières[réf. nécessaire]. Ces deux étoiles, visibles à l’œil nu, sont situées dans la poignée de l'astérisme de la Grande Casserole. Alcor et Mizar sont distantes de 11,48 minute d'arc[6] soit environ un tiers du diamètre apparent de la pleine Lune. Les deux sont souvent appelées le cavalier et le cheval, et la capacité de voir la première est un test traditionnel d'acuité visuelle selon l'astronome perse Al-Sûfi : à son époque et dès l'Antiquité, seules les personnes douées d'une vue perçante étaient capables de la distinguer, ce test étant notamment utilisé pour recruter les archers dans les armées. L'étoile a dû augmenter son éclat car, de nos jours, la plupart des personnes peuvent la voir à l'œil nu sans trop de difficultés grâce à sa magnitude apparente de +3,99[7].

Nomenclature et histoire modifier

Alcor est aujourd’hui le nom approuvé pour g = 80 UMa par l’Union astronomique internationale (UAI)[8]. Cette petite étoile figure dans le ciel arabe traditionnel. Pourtant Alcor ne dérive pas des noms arabes que porte cette étoile mais résulte d’un glissement de la forme aliore, désignant ε UMa (ou Alioth) et qui vient possiblement de l’arabe الجون al-Ğawn. Sa signification reste obscure, notamment « le Cheval noir » pour certains (voir l’article Epsilon Ursae Majoris pour l’explication de ce nom). On trouve, dans l’Astronomicum Caesareum de Peter Apian (1540), alkor sur un planisphère tandis que l’on peut lire Arabes Alcor, id est paruum equitem vocant, soit le « Petit cheval », à la page suivante, s.v. Ursa Maior[9],[10]. Popularisé par l’Uranometria de Johann Bayer (1603) sous la forme Alcor[11], le nom passe dès lors dans les catalogues[12].

 
الدبّ الأكبر al-Dubb al-Akbar, « la Grande Ourse » dans une édition du traité de ᶜAbd al-Raḥmān al-Ṣūfī XIe s. On peut y lire السحى al-Suhā pour g UMa.

Autres noms :

  • Suha. Une des noms de cette étoile dans le ciel traditionnel arabe est السحى al-Suhā, un nom lié à la racine √SḤW, « négliger, oublier »[13],[14]. ᶜAbd al-Raḥmān al-Ṣūfī livre à son propos ce dicton: أريه سها و ويريني القمر urīhu l-Suha wa yurīnī l-Qamar, « Je lui fais voir al-Suha et il me montre la Lune »[15],[16], dicton à double sens qui, à première lecture, indique la mésentente, mais n’en possède pas moins, surtout dans sa version mise au féminin donnée par certains manuscrits (…أريها), comme celui consulté par Thomas Hyde[17], une signification appartenant au registre érotique, sachant que l’arabe سوة suwa désigne le sexe de la femme. Si سحى « Suha » est un prénom prisé chez les Arabes, Suha est aussi devenu fréquent dans l'état civil français.
  • Saïdak. Il vient de l'arabe الصيدق al-Ṣaydaq, également présent dans le ciel traditionnel arabe[18],[19]. ᶜAbd al-Raḥmān al-Ṣūfī signale à son sujet que « Ptolémée n’en parle pas dans son traité, mais c’est elle dont on se sert pour tester la portée de la vue »[20],[21], ce qui explique son nom dont la traduction est « Celle à qui l’on peut se fier », c’est-à-dire « L’étoile de confiance ». S’appuyant sur la transcription Saidak donnée dans son édition du traité d'al-Qazwīnī (XIIIe s.), par Christian Ludwig Ideler (1806)[22], Alexander von Humbolt l’indique dans une correspondance à son ami François Arago, et en fait ainsi un nom propre repris par Camille Flammarion[23], puis relevé par Richard Allen (1899)[24], qui passe ainsi dans les catalogues.

En Mésopotamie modifier

KA5.A = Šelibu, « le Renard ». C'est le nom de g UMa en Mésopotamie. Il est attesté dès le milieu du IIe millénaire av. J.-C. sous la forme de d.ÌR.RA, soit « le dieu Irra »[25]. Cette étoile est aussi nommée KA5.A, soit « l’étoile du Renard », quelques siècles plus tard dans les tables astronomiques dites « Douze fois Trois »[26]. On lit enfin dans les séries MUL.APIN, qui est le premier traité d'astronomie mésopotamienne, découvert à Ninive dans la bibliothèque d'Assurbanipal et datant au plus tard de 627 av. è. c. : mul.KA5.A d.ér-ra gaš-ri DINGIR.meš, soit « l’étoile du Renard [est l’emblème d’] Erra, le Puissant parmi les dieux »[27],[28]. Erra, dieu guerrier à la violence extrême et lié au monde d’En-bas, a fini par être assimilé à Nergal, dieu des Enfers[29]. C’est dire que si Camille Flammarion pouvait s‘étonner que « les Anciens », c’est-à-dire les Grecs, n’eussent pas dit un mot de l’étoile 80 UMa[30] car elle était non seulement connue d’un point de vue astronomique chez les Mésopotamiens, mais avait surtout chez eux un rôle à souligner du point de vue mythologique.

Dans la littérature modifier

Alcor est la clé du mystère du roman « La Comtesse de Cagliostro » de Maurice Leblanc, son nom étant déduit de la phrase « Ad Lapidem Currebat Olim Regina » (« Vers la pierre courait autrefois la Reine »). En effet, l'emplacement de certaines abbayes du pays de Caux est censé reproduire au sol le tracé de la Grande Ourse, et Alcor indiquerait le lieu où serait enfoui un hypothétique trésor des abbayes normandes.

Notes et références modifier

  1. a b c d et e (en) F. van Leeuwen, « Validation of the new Hipparcos reduction », Astronomy & Astrophysics, vol. 474, no 2,‎ , p. 653–664 (DOI 10.1051/0004-6361:20078357, Bibcode 2007A&A...474..653V, arXiv 0708.1752)
  2. a b et c (en) Eric E. Mamajek et al., « Discovery of a Faint Companion to Alcor Using MMT/AO 5 μm Imaging », The Astronomical Journal, vol. 139, no 3,‎ , p. 919–925 (DOI 10.1088/0004-6256/139/3/919, Bibcode 2010AJ....139..919M, arXiv 0911.5028)
  3. a b et c (en) D. Hoffleit et W. H. Warren, « Bright Star Catalogue, 5e éd. », Catalogue de données en ligne VizieR : V/50. Publié à l'origine dans : 1964BS....C......0H, vol. 5050,‎ (Bibcode 1995yCat.5050....0H)
  4. (en) G. A. Gontcharov, « Pulkovo Compilation of Radial Velocities for 35 495 Hipparcos stars in a common system », Astronomy Letters, vol. 32, no 11,‎ , p. 759 (DOI 10.1134/S1063773706110065, Bibcode 2006AstL...32..759G, arXiv 1606.08053)
  5. (en) * g UMa -- Double or Multiple Star sur la base de données Simbad du Centre de données astronomiques de Strasbourg.
  6. (en) James B. Kaler, « Alcor », sur Stars.
  7. Robert Carde, Constellations et légendes mythologiques, C. Lacour, , p. 136.
  8. (en) IAU, « Star Names », 2021. »
  9. (la) Peter Apian, Astronomicum Caesareum, Ingolstadt : chez Peter Apian, 1540 ; repr. Leipzig : Éd. Leipzig, 1967.
  10. (de) Paul Kunitzsch, Arabische Sternnamen in Europa, Wiesbaden : Otto Harrassowitz, 1959, p. 124-125.
  11. (la) Johann Bayer, Uranometria, omnium asterismorum continens schemata, nova methodo delineata…, Augusta Vindelicorum : C. Mangus, 1603, fol. 2r.
  12. Roland Laffitte, Héritages arabes. Des noms arabes pour les étoiles, Paris : Geuthner, 2005, p. 144-147.
  13. (de) Paul Kunitzsch, Untersuchungen zur Sternnomenklatur der Araber, Wiesbaden : O. Harrassowitz, 1961, p. 106.
  14. Roland Laffitte, Le ciel des Arabes. Apport de l’uranographie arabe, Paris : Geuthner, 2012, p. 112.
  15. (ar) ᶜAbd al-Raḥmān Abū l-Ḥusayn b. ᶜUmar al-Ṣūfī, « Kitāb Ṣuwar al-kawākib al-ṯābita, 960, ms. arabe 5036 : Copie anonyme et non datée réalisée pour Zāhir al-Dīn Ulūġ Beg Kūrakan, petit-fils de Tamerlan, probablement à Samarqand, ca., 1430-1449, fol. 26r. »
  16. (ar/fr) Hans Karl Frederik Christian Schjellerup, Description des étoiles fixes composée au milieu du Xe siècle de notre ère par l'astronome persan Abd-al-Rahman Al-Sûfi. Traduction littérale de deux manuscrits arabes de la Bibliothèque royale de Copenhague et de la Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg…, Saint-Pétersbourg : Eggers et Cie, 1874, repr. Fuat Sezgin, Islamic mathematics and Astronomy, vol. XXVI, Frankfurt am Main : Institut für Geschichte der arabisch-islamischen Wissenschaft an der Johann Wolfgang Goethe-Universität, 1997, p. 58 (fr.), et p. 60 (ar.).
  17. (la) Thomas Hyde, « Tabulae Long. ac Lat. Stellarum Fixarum ex Observatione Ulugh Beighi, Tamerlanis Magni Nepotis, Oxonii : Henry Hall, 1665, Commentarii (1533), p. 12. »
  18. (de) Paul Kunitzsch, Untersuchungen..., op. cit., Wiesbaden : O. Harr0assowitz, 1961, p. 108-109.
  19. Roland Laffitte, Le ciel des Arabes..., op. cit., p. 144-147.
  20. (ar) ᶜAbd al-Raḥmān Abū l-Ḥusayn b. ᶜUmar al-Ṣūfī, Kitāb Ṣuwar al-kawākib al-ṯābita, ms. cité, fol. 26r.
  21. (ar/fr) Hans Karl Frederik Christian Schjellerup, op. cit., p. 58 (fr.), et p. 60 (ar.).
  22. (ar/de) Ludwig Ideler, Historische Untersuchungen über die astronomischen Beobachtungen der Alten, Berlin : C. Quien, 1806, p. 25.
  23. Camille Flammarion, Astronomie populaire. Tome III ou « Supplément » : Les étoiles et les curiosités du ciel, Supplément de L’Astronomie populaire, Paris : C. Marpon & E. Flammarion, 1882, p. 101.
  24. (en) Richard Hinkley Allen, Star-names and their meaning, New York & al., G. E. Stechert, 1899, réed. st. Star Names, Their Lore an Meaning, New-York: Dover Publications, 1963, p. 445.
  25. Roland Laffitte, « Prières aux dieux de la nuit », sur URANOS, le site astronomique de la Selefa »
  26. Roland Laffitte, « Les Tables astronomiques Douze fois Trois , sur URANOS, le site astronomique de la Selefa. »
  27. (fr) Roland Laffitte, « Série MUL.APIN (BM 86378) », Tab. I,i, 15-18, sur URANOS, le site astronomique de la Selefa, le 12 oct. 2009. »
  28. (en) Hermann Hunger & David Pingree, Astral science in Mesopotamia, Leiden / Boston (Mass.) / Köln : Brill, 1999, p. 59.
  29. (en) Jeremy Black & Anthony Green, Gods, Demons and Symbols of Ancient Mesopotamia, an Illustrated Dictionary, London: British Museum Press, 1992, p. 135-136.
  30. Camille Flammarion, Les étoiles et les curiosités du ciel, op. cit.p. 101.

Voir aussi modifier

Articles connexes modifier

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