Œdème pulmonaire d'immersion

L'œdème pulmonaire d'immersion (OPI) - Swimming Induced Pulmonary Edema (SEPI) - est une accumulation, dans les alvéoles pulmonaires, de fluides sanguins provenant des petits vaisseaux les irriguant, résultant d'efforts dans des conditions d'immersion, tels que la natation et la plongée[1].

La fréquence de cette pathologie a cru avec l'augmentation de popularité du triathlon et de la natation en eau libre. Elle a été signalée chez des plongeurs autonomes [2], des compétiteurs d'apnée, des nageurs de combat et des triathlètes[1],[3]. Les causes sont encore incomplètement comprises[1],[4],[5].

Signes et symptômes modifier

Comme pour les autres formes d'œdème pulmonaire, l'observation clinique caractéristique de l'OPI est une toux qui peut entraîner des expectorations mousseuses ou teintées de sang. Les symptômes et signes cliniques comprennent un essoufflement hors de proportion avec l'effort fourni[1],[3],crépitants à l'auscultation pulmonaire [1],[3], ainsi qu'une toux généralement pénible et productive ou non d'un peu de crachats roses, mousseux ou teintés de sang (hémoptysie)[1],,[2],[4],[5],[3].

La combinaison de plongée peut être ressentie comme gênant la capacité à respirer[3].

Facteurs de risque modifier

L'OPI été décrit chez les plongeurs autonomes, les nageurs de longue distance et la plongée en apnée[6],[3]. L'hypertension[1],[2], une longue durée de parcours dans le cas du triathlon (demi-ironman ou plus)[1], le sexe féminin[1], les agents antiplaquettaires tels que l'aspirine ou l'huile de poisson[1] et l'hydratation excessive[7] semblent être des facteurs de risque.

Mécanisme modifier

Les mécanismes par lesquels l'OPI se produit sont controversés et plusieurs facteurs sont probablement nécessaires pour que le phénomène se manifeste[1],[4],[5],[3].

  • La pression hydrostatique due à l'immersion dans l'eau comprime les extrémités et force le sang de la circulation périphérique (bras, jambes) vers la circulation centrale (cœur, poumons, gros vaisseaux thoraciques)[1],,[2],,[4],[5]
  • L'eau froide peut provoquer une vasoconstriction périphérique et d'autres modifications neuro-humorales qui contribuent au déplacement central du volume sanguin[1],[8],[2],,[4],[5]
  • Les combinaisons peuvent ajouter une compression extrinsèque supplémentaire aux extrémités[1]
  • Une pression accrue quelque part dans la circulation pulmonaire (hypertension pulmonaire, dysfonctionnement diastolique du cœur gauche) entraîne une augmentation du gradient de pression à travers les capillaires pulmonaires[1],[4],[5]
  • Le stress capillaire dû à une lésion oxydative ou physique conduit à une brèche[4]

On pense que l'OPI résulte d'une combinaison de ces facteurs qui dépasse les capacités de compensation de l'organisme et conduit à une inondation alvéolaire[1],[4],[5].

Prévention modifier

La prise en charge de l'hypertension est susceptible d'être importante pour les athlètes hypertendus. Les inhibiteurs de l'ECA (en particulier les antagonistes des récepteurs de l'angiotensine II) peuvent être des médicaments antihypertenseurs efficaces dans ce contexte compte tenu de leur effet sur la relaxation diastolique, mais la justification est théorique et les preuves des avantages dans la prévention de l'OPI sont anecdotiques[9].

Il est conseillé d'éviter une hydratation excessive avant la baignade[4],[5],[3].

La nifédipine[4] ou le sildénafil[10] pourraient théoriquement être bénéfiques en raison de leur capacité à modifier la pression artérielle pulmonaire, mais ces médicaments ne sont pas approuvés pour être utilisés dans l'OPI.

Prise en charge modifier

La prise en charge a généralement été rapportée comme conservatrice, bien que des décès aient été signalés[2],[3]. Elle consiste essentiellement à retirer l'eau de la personne, et si nécessaire, en une prise en charge symptomatique par diurétiques et/ou de l'oxygène[4],[5].

Les épisodes sont généralement spontanément résolutifs en l'absence d'autres problèmes médicaux[4],[5].

Épidémiologie modifier

On estime que l'OPI survient chez 1 à 2 % des nageurs de compétition en eau libre, avec 1,4 % des triathlètes[1], 1,8 % des nageurs de combat et 1,1 % des plongeurs et des nageurs rapportés dans la littérature.

Polémique modifier

Le respirateur recycleur de plongée autonome CRABE (Complete Range Autonomous Breathing Equipment), fabriqué par la société Aqualung, est soupçonné d'augmenter le risque d’apparition d'OPI chez les plongeurs démineurs qui l'utilisent. Ce respirateur utilisé par la Marine nationale a été impliqué dans l'apparition de plusieurs cas d'OPI graves, dont un mortel en 2017. Cet appareil a été maintenu en service, malgré des rapports confirmant sa dangerosité[11].

Références modifier

  1. a b c d e f g h i j k l m n o p et q Miller III, Calder-Becker et Modave, « Swimming-induced pulmonary edema in triathletes », The American Journal of Emergency Medicine, vol. 28, no 8,‎ , p. 941–6 (PMID 20887912, DOI 10.1016/j.ajem.2009.08.004)
  2. a b c d e et f Henckes, Lion, Cochard et Arvieux, « L'œdème pulmonaire en plongée sous-marine autonome : fréquence et gravité à propos d'une série de dix-neuf cas », Annales Françaises d'Anesthésie et de Réanimation, vol. 27, no 9,‎ , p. 694–9 (PMID 18674877, DOI 10.1016/j.annfar.2008.05.011)
  3. a b c d e f g h et i (en) Kumar et Thompson, « A literature review of immersion pulmonary edema », The Physician and Sportsmedicine, vol. 47, no 2,‎ , p. 148–151 (ISSN 0091-3847, DOI 10.1080/00913847.2018.1546104, lire en ligne)
  4. a b c d e f g h i j k et l Koehle, Lepawsky et McKenzie, « Pulmonary Oedema of Immersion », Sports Medicine, vol. 35, no 3,‎ , p. 183–90 (PMID 15730335, DOI 10.2165/00007256-200535030-00001)
  5. a b c d e f g h i et j Yoder et Viera, « Management of swimming-induced pulmonary edema », American Family Physician, vol. 69, no 5,‎ , p. 1046, 1048–9 (PMID 15023003, lire en ligne)
  6. Koehle, Lepawsky et McKenzie, « Pulmonary oedema of immersion. », Sports Medicine, vol. 35, no 3,‎ , p. 183–90 (PMID 15730335, DOI 10.2165/00007256-200535030-00001)
  7. Neal W. Pollock « Factors in Decompression Stress » () (lire en ligne)
  8. (en) M. Pons, D. Blickenstorfer, E. Oechslin, G. Hold, P. Greminger, U.K. Franzeck et E.W. Russi, « Pulmonary oedema in healthy persons during scuba-diving and swimming », The European Respiratory Journal, vol. 8, no 5,‎ , p. 762–767 (PMID 7656948, lire en ligne).
  9. Almuntaser, Mahmud, Brown et Murphy, « Blood Pressure Control Determines Improvement in Diastolic Dysfunction in Early Hypertension », American Journal of Hypertension, vol. 22, no 11,‎ , p. 1227–31 (PMID 19763121, DOI 10.1038/ajh.2009.173)
  10. (en) Moon, Martina, Peacher et Potter, « Swimming-Induced Pulmonary EdemaCLINICAL PERSPECTIVES », Circulation, vol. 133, no 10,‎ , p. 988–996 (ISSN 0009-7322, PMID 26882910, PMCID 5127690, DOI 10.1161/CIRCULATIONAHA.115.019464)
  11. Yann Philippin, « Derrière la mort d’un plongeur d’élite, un scandale menace des chefs de la marine nationale », sur Mediapart (consulté le )