Élie Fréron

journaliste, critique littéraire et polémiste français

Élie Catherine Fréron, né le à Quimper et mort le à Montrouge, est un journaliste, critique littéraire et polémiste français.

Élie Fréron
Eau-forte de François Hubert d’après Cochin fils.
Fonction
Rédacteur en chef
L'Année littéraire
-
Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 58 ans)
MontrougeVoir et modifier les données sur Wikidata
Pseudonymes
Timorowitz Ablabew, Comtesse de C ***, F ***Voir et modifier les données sur Wikidata
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Enfant
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Biographie

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Fils d’un orfèvre originaire d’Agen, Daniel Fréron, établi à Quimper en 1693, et de sa femme Marie-Anne Campion, née à Pont-l'Abbé, parente éloignée de Malherbe[1], Élie Fréron fait de médiocres études au collège de Quimper, puis chez les Jésuites au collège Louis-le-Grand, où il entre comme novice en 1737 et reste jusqu’en 1739[2].

Nommé régent de sixième au collège Louis-le-Grand, tenu par les Jésuites, à la fin de ses études, il professe avec succès pendant deux ans et demi, jusqu’à ce que, désirant voir une fois le spectacle, il a engagé un de ses amis à lui ménager cette satisfaction. Celui-ci l’ayant conduit dans sa chambre et prêté des habits civils, ils sont allés ensemble à la Comédie-Française, où, malgré sa tenue de petit maitre, quelques écoliers ont reconnu leur jeune professeur. Le bruit qu’on l’avait vu au spectacle lui a attiré, de la part de ses supérieurs, des désagréments qui l’ont déterminé à quitter la société des Jésuites, en 1739, continuant néanmoins de porter le petit collet jusqu’en 1747[3].

Après avoir quitté l’enseignement, il offre ses services à ceux de l’abbé Desfontaines, dont il est devenu l’ami, et qui publiait alors ses Observations sur les écrits modernes. L’année de la mort de ce critique, en 1745, il crée son propre journal, les Lettres de Madame la Comtesse de *** sur quelques écrits modernes. Ce recueil ayant été supprimé en 1749[4], il le remplace par les Lettres sur quelques écrits du temps, paru jusqu’en 1754, avec toutefois une interruption en 1751, le temps d’un bref emprisonnement de son auteur au château de Vincennes pour n’avoir pas réglé une somme de mille écus dont il était redevable, et dont il est sorti grâce à une mesure de clémence du Garde des Sceaux[2].

En décembre 1743, il est reçu apprenti franc-maçon[5], puis maître-maçon le à la loge présidée par Procope[6], du célèbre café parisien des Fossés-Saint-Germain, où se réunissait un grand nombre de francs-maçons du monde des Lettres. En , Fréron sera orateur de la Grande Loge de France[4]:23.

En 1754, il fonde l’œuvre de sa vie, l’Année littéraire, qu’il dirigera jusqu’à sa mort en 1776. Critiquant vivement la littérature de son temps en la rapportant aux modèles du XVIIe siècle et combattant les philosophes des Lumières au nom de la religion et de la monarchie, ce périodique a, d’abord, beaucoup de succès et Fréron gagne très bien sa vie, habitant une superbe maison rue de Seine, ornée de magnifiques lambris dorés, et faisant très bonne chère, recevant à sa table le duc de Choiseul, le duc d’Orléans ou le roi Stanislas[2].

Il s’attaque principalement à Voltaire qu’il avait déjà décrit dans les Lettres sur quelques écrits du temps « sublime dans quelques-uns de ses écrits, rampant dans toutes ses actions ». Cette critique souvent mordante, dans la droite ligne de celle de son mentor, l’abbé Desfontaines, dans les Observations sur les écrits modernes, où il a fait ses premières armes de critique[7], mais toujours exprimée avec sang-froid et sur un ton courtois, sera reprise dans chaque numéro de l’Année littéraire. L'une de ses dernières attaques consiste en une édition du Commentaire sur La Henriade (Paris, 1775) que La Beaumelle n’avait pu mener à son terme avant de mourir en 1773[2].

Voltaire, qui supportait très mal les attaques, a riposté avec une extrême violence, faisant contre lui une virulente satire, Le Pauvre diable (1758)[8], ainsi qu'une pièce de théâtre, Le Café ou l'Écossaise (1760), où Fréron est représenté par le personnage de « Wasp[a] », espion et délateur, coquin envieux et vil, toujours prêt à calomnier à prix d’argent dans son journal l’Âne littéraire. Fréron assiste aux deux premières représentations : si sa femme s’évanouit devant la vigueur de l’attaque, lui-même ne perd pas son sang-froid et fait de la pièce un compte rendu ironique et correct. Voltaire lui a décoché aussi de nombreuses épigrammes, en prose ou en vers, dont celle-ci, restée célèbre :

L’autre jour au fond d’un vallon,
Un serpent piqua Jean Fréron ;
Que croyez-vous qu’il arriva ?
Ce fut le serpent qui creva[b].

Mais Voltaire et le parti philosophique ont également fait usage contre Fréron de leurs puissants relais au gouvernement et dans la haute administration, notamment le directeur de la Librairie, Lamoignon-Malesherbes, qui intervient après qu’il a accusé à tort Diderot d’avoir plagié le Fils naturel sur Goldoni[9]. Ayant perdu plusieurs de ses protecteurs, il restait protégé par la reine Marie Leszczyńska et par son père le roi Stanislas, quoique ce dernier fût ami des Philosophes. Malgré cela, l’Année littéraire subit de nombreuses suspensions et Fréron quelques jours d’emprisonnement à la Bastille et au For-l'Évêque[1]:221. Le journal périclite. En 1766, Fréron s’étant remarié avec une cousine, Annette (dite Annetic) Royou, s’efforce de mettre de l’ordre dans ses affaires. Lorsqu’en 1776, le Garde des Sceaux, Hue de Miromesnil, ordonnera la suppression de l’Année littéraire, la contrariété subie par Fréron est telle qu’il meurt peu après[c].

De Thérèse Guyomar, une jeune orpheline quimpéroise épousée en 1751, il avait eu un fils, Louis Marie Stanislas Fréron, qui a joué un rôle sous la Révolution française : surnommé le « Missionnaire de la Terreur », il est notamment l’instigateur de la répression de Toulon, fin 1793[2].

Publications

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Notes et références

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  1. Le nom de « Wasp » était censé désigner, par analogie avec « frelon », Fréron lui-même, mais celui-ci, avec un sérieux pince-sans-rire, joue les lexicologues dans son compte rendu de la pièce, pour expliquer qu’en anglais, « Wasp » signifie… « guêpe ».
  2. Fréron n’était d’ailleurs pas en reste. On cite parfois (mais ce mot est également attribué à Piron) l’anecdote suivante, soulignant la vivacité langagière de Fréron. Voltaire s’étant aperçu qu’il était invité à la même soirée que Fréron, voulut se décommander ; l’apprenant, Fréron promit de se tenir et de ne prononcer que trois mots. Le pusillanime Voltaire, rasséréné, répondit alors à l’invitation où il engloutit une énorme portion d’huîtres en concluant : « Madame, vos huîtres sont si bonnes que j’en mangerai autant que Samson tua de Philistins ». Mal lui en prit, car Fréron, qui n’avait pas desserré les dents jusqu’alors, ajouta : « Avec même mâchoire », ce qui a mis les rieurs de son côté.
  3. Ses ennemis ont, au contraire, incriminé les excès de table et de boisson, dans l’attaque de goutte qui a mis fin à ses jours[2].

Références

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  1. a et b François Cornou, Trente années de luttes contre Voltaire et les philosophes du XVIIIe siècle : Élie Fréron (1718-1776), Paris, Champion, , 477 p., in-8º (OCLC 908650241, lire en ligne), p. 12.
  2. a b c d e et f Charles Monselet (ill. Edmond Morin, frontispice à l’eau-forte avec portraits), Fréron ou l’illustre critique : sa vie, ses écrits, sa correspondance sa famille, etc., Paris, René Pincebourde, , 138 p., portr. ; in-16 (OCLC 1143125965, lire en ligne sur Gallica), p. 5.
  3. Joseph Delort, Histoire de la détention des philosophes et des gens de lettres à la Bastille et à Vincennes : précédée de celle de Foucquet, de Pellisson et de Lauzun, avec tous les documents authentiques et inédits, t. 2, Paris, F. Didot, , 359 p., 3 vol. in-8º (OCLC 1176651899, lire en ligne sur Gallica), p. 161.
  4. a et b Jean Balcou, Fréron contre les philosophes, Genève, Droz, , 493 p., 24 cm (ISBN 978-2-60003-543-9, OCLC 2877441, lire en ligne), p. 39.
  5. Paul d'Estrée, « Un journaliste policier : le chevalier Mouhy », Revue d’histoire littéraire de la France, Paris,‎ , p. 33 (lire en ligne sur Gallica, consulté le ).
  6. Jacques Brengues, « Duclos et Fréron frères ennemis », Dix-Huitième Siècle, Paris, no 2,‎ , p. 201 (lire en ligne, consulté le ).
  7. Charles Barthélemy, éd., Les Confessions de Fréron (1719-1776), sa vie, souvenirs intimes et anecdotiques : recueillis et annotés par Charles Barthélemy, Paris, Charpentier, , xvi-375 p., in-18 (OCLC 5770331, lire en ligne sur Gallica), p. 7.
  8. Jean Balcou, Le Dossier Fréron : correspondances et documents, Genève, Droz, , 422 p., in-8º (OCLC 643745384, lire en ligne), p. 294.
  9. Étienne Charavay, Diderot et Fréron : documents sur les rivalités littéraires au XVIIIe siècle, Paris, A. Lemerre, , 15 p., in-8º (OCLC 623270941, lire en ligne sur Gallica), p. 15.

Bibliographie

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  • Jean Balcou, Fréron contre les philosophes, Genève, Droz, , 493 p., 24 cm (ISBN 978-2-60003-543-9, OCLC 2877441, lire en ligne).
  • Jean Balcou, Le Dossier Fréron : correspondances et documents, Genève, Droz, , 422 p., in-8º (OCLC 643745384, lire en ligne).
  • Jean Balcou, Sophie Barthélemy et André Cariou (dir.), Élie Fréron : polémiste et critique d’art, Rennes, Presses universitaires de Rennes, , 301 p., 21 cm (ISBN 978-2-86847-528-2, lire en ligne).
  • Jacqueline Biard-Millérioux, L’Esthétique d’Élie Catherine Fréron, 1739-1776 : Littérature et critique au XVIIIe siècle, Paris, Presses universitaires de France, , 634 p., in-8º (ISBN 9782130392460, OCLC 13746357, lire en ligne).
  • François Cornou, Trente années de luttes contre Voltaire et les philosophes du XVIIIe siècle : Élie Fréron (1718-1776), Paris, Champion, , 477 p., in-8º (OCLC 908650241, lire en ligne).
  • Julien Trévédy, Fréron et sa famille d’après des documents authentiques & inédits rectifiant toutes les biographies, Saint-Brieuc, L. & R. Prud’homme, 1889.

Liens externes

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