Éleuthère (pape)

13e évêque de Rome
Éleuthère
Saint catholique
Image illustrative de l’article Éleuthère (pape)
Portrait imaginaire de la basilique Saint-Paul-hors-les-Murs (mosaïque du milieu du XIXe siècle)
Biographie
Nom de naissance Ελεύθερος
Naissance Inconnue
Nicopolis d'Épire
Décès Entre 185 et 189
Colline du Vatican
Pape de l'Église catholique
Élection au pontificat
Fin du pontificat

(en) Notice sur www.catholic-hierarchy.org

Éleuthère est, selon la tradition catholique, le 13e évêque de Rome[1] de 175 à sa mort le 24 mai 189. Il succède à Sôter et est suivi par Victor Ier. Son pontificat est daté de 171-185 ou de 177-193[2]. C'est un saint chrétien fêté le 26 mai[3],[4].

Il est lié à un certain nombre de légendes, l'une d'elles lui attribue la réception d'une lettre de « Lucius de Bretagne, roi de Bretagne », mais qui est aujourd'hui généralement considérée comme une forgerie.

Biographie modifier

Hégésippe de Jérusalem rapporte qu'Éleuthère est Grec[5], originaire de Nicopolis d'Épire, son nom en grec signifie « homme libre » ; certains disent qu'il fait référence au fait qu'il était un affranchi, mais la tradition et Hégésippe rapporte seulement qu'il était diacre de l'église de Rome à l’époque d’Anicet, dont il était le disciple[5] et qu'il a participé, en tant que secrétaire, à sa rencontre avec Polycarpe de Smyrne.

Pontificat modifier

Éleuthère gouverne l’Église de Rome sous les règnes de Marc Aurèle puis Commode jusqu’à sa mort, le selon la tradition catholique. Il est le dernier pape que mentionne la liste que saint Irénée de Lyon dresse à la fin du IIe siècle.

Durant son pontificat, l'hérésie montaniste atteint son apogée, à tel point que, pour présenter les différences entre chrétiens et montanistes, les chrétiens écrivent 4 apologies, mais en 177, la persécution des chrétiens par Marc Aurèle se déchaîne violemment : le pouvoir impérial ne fait pas de distinction entre les chrétiens « orthodoxes » et les chrétiens « hérétiques » ; les attitudes des montanistes sont généralement aussi attribuées aux chrétiens, qui sont donc impliqués dans la condamnation de ces comportements antisociaux contraires aux lois de l'État, typiques du montanisme, auxquelles ils s'opposent eux-mêmes.

Les martyrs de Lyon sont célèbres, notamment saint Pothin, évêque de Lyon, et sainte Blandine ; selon ce que rapporte Eusèbe de Césarée, Éleuthère est également mentionné dans le récit de leur martyre et dans leurs lettres. A Rome, également en 177, sainte Cécile est martyrisée. La même année, saint Irénée, futur évêque de Lyon, accompagne quelques évêques pour convaincre le pape de se prononcer contre le montanisme, mais sans résultat[5]. Par la suite, l'évêque Abercius d'Hiérapolis en Phrygie se rend également à Rome pour discuter du même problème. Ce n'est qu'avec la mort de Marc Aurèle et l'accession au trône de son fils Commode que les persécutions cessent et que l'Église peut se consacrer au problème de l'hérésie montaniste.

 
Maestro di Staffolo, portrait de 1483, palais Farnèse.

On lui reproche parfois un certain attentisme et une certaine indécision dans son intervention contre cette hérésie. Son comportement pourrait cependant être vu comme une attitude diplomatique visant à tenter de résoudre la séparation sans douleur. Une attitude qui ne porte cependant aucun fruit. Au cours de son pontificat, il doit également se heurter à d'autres hérésies qui continuent à propager leurs doctrines comme le gnosticisme, le marcionisme et le valentinianisme avec lesquels il opte pour une grande sévérité après avoir longtemps fait preuve de mansuétude. Abgar IX d'Osroène, souverain du petit royaume d’Édesse et allié à l’Empire romain, lui adresse une demande de missionnaires, sans que l’Histoire ait retenu quelle réponse Éleuthère lui apporte.

Durant son pontificat, l'empereur Commode, qui règne à partir de 180, n'exerce aucune persécution contre les chrétiens[6].

Selon le Liber Pontificalis, un édit d'Éleuthère décrète qu'aucune nourriture n'est impure : « Et hoc iterum firmavit ut nulla esca a Christianis repudiaretur, maxime fidelibus, quod Deus creavit, quæ tamen rationalis et humana est », combattant ainsi des pratiques héritées des prescriptions juives sur la pureté des aliments. Un tel décret aurait pu être émis contre le maintien précoce de la cacherout, la loi alimentaire juive, et contre des lois similaires pratiquées par les gnostiques et les montanistes. Il est cependant également possible que l'auteur du passage ait attribué à Éleuthère un décret semblable à un autre publié vers l'an 500 afin de lui donner une plus grande autorité. Selon la même source, Éleuthère envoie des missionnaires, Fugace et Damien, convertir les Bretons insulaires à la demande du roi Lucius de Bretagne[7][8].

Il est enterré près de la tombe de saint Pierre dans la nécropole papale de la basilique Saint-Pierre.

Correspondance avec Lucius, roi de Bretagne modifier

Le Liber Pontificalis raconte qu'il correspond avec un roi britannique, Lucius de Bretagne, désireux de se convertir au christianisme. Cette tradition (romaine et non britannique) semble n'avoir aucun fondement historique[5]. En effet, à la fin du IIe siècle, l'administration romaine est profondément enracinée en Bretagne, il ne peut donc y avoir de véritables rois locaux sur l'île. Qu'un chef de tribu, connu sous le nom de roi, ait pu demander à l'évêque de Rome des éclaircissements sur la foi chrétienne semble assez improbable pour cette époque. L'hypothèse non fondée contenue dans le Liber Pontificalis ne constitue pas une base suffisante pour accepter cette affirmation. Saint Bède le Vénérable, le premier écrivain anglais (673-735) à citer l'histoire à plusieurs reprises, ne l'a pas apprise de sources anglaises, mais du Liber Pontificalis. Selon certains chercheurs, ce Lucius pourrait être identifié comme Abgar IX d'Osroène [9]. D'autres encore pensent qu'il doit être identifié avec Lucius Artorius Castus[10].

Culte modifier

Éleuthère est fêté le 26 mai. On le cite la première fois comme martyr dans un texte du IXe siècle[5].

Il est le saint patron de Cupramontana (AN).

Un autel latéral de l' église San Giovanni della Pigna à Rome lui est dédié.

Notes et références modifier

  1. Le titre de pape (latin : papa) apparaît au cours du IIIe siècle et n'est pas attesté pour l'évêque de Rome avant le début du IVe siècle. Philippe Levillain, Dictionnaire historique de la papauté, Fayard, 2003, s. v. « Pape ».
  2. (en) « Saint Eleutherius | Biography, Papacy, Feast Day, & Facts | Britannica », www.britannica.com, (consulté le )
  3. Nominis : Saint Eleuthère
  4. Forum orthodoxe.com : saints pour le 26 mai du calendrier ecclésiastique
  5. a b c d et e Administration Pontificale de la Basilique Patriarcale Saint-Paul 2002, p. 9.
  6. Zosso et Zingg 1995, p. 60.
  7. La même tradition est évoquée dans l'Historia regum Britanniae de Geoffroy de Monmouth puis dans le Roman de Brut de Wace, qui rapporte l'évangélisation de l'Angleterre par Duvian et Fagan, envoyés par le pape Eleuthère. De même Guillaume de Malmesbury, dans la Gesta Regum Anglorum, mentionne l’envoi de prêtres en Bretagne par le pape Eleuthère à la demande de Lucius.
  8. Rosny et La Gorgue de Rosny 1868.
  9. Adolf von Harnack soutient l’hypothèse que dans le document dont le compilateur du Liber Pontificalis tire ses informations, le nom trouvé n’est pas Britanius, mais Britius, le nom actuel (Birtha - Britium) de la forteresse d’Édesse. Le roi en question serait donc Lucius Aelius Septimus Megas Abgar IX, d’Édesse, un roi chrétien. L’affirmation originale du Liber Pontificalis, sur la base de cette hypothèse, n’a donc rien à voir avec la Bretagne. La référence était Abgar IX d’Édesse, mais le compilateur du Liber Pontificalis changea Britius en Britanius, et ainsi fit du syriaque Lucius un roi britannique.
  10. Lucius Artorius Castus, pendant la période du pontificat d’Eleuthère, eut un rôle de commandement important sur les troupes romaines en Bretagne. Avant la Bretagne, Lucius Artorio Castus a servi en Palestine et en Campanie et connaissait probablement le christianisme. Sa vie est reconstituée à travers deux épigraphes retrouvés en Dalmatie, dont l’un, CIL III 1919, est particulièrement riche en informations. Cette hypothèse expliquerait mieux pourquoi le chef militaire (dux selon l’épigraphe) de la Bretagne s’était adressé à l’évêque de Rome, alors qu’Abgar d’Édesse aurait certainement préféré s’adresser plus probablement aux chefs des communautés chrétiennes d’Orient, comme Alexandrie.

Bibliographie modifier

  • Administration Pontificale de la Basilique Patriarcale Saint-Paul, Les Papes, vingt siècles d'histoire, Librairie Editrice Vaticane, , 160 p. (ISBN 88-209-7320-0).
  • Catholic Encyclopedia, Volume V. New York 1909, Robert Appleton Company.
  • Liber Pontificalis, edizione Louis Duchesne, I.
  • Cabrol, L'Angleterre chrétienne avant les Normande, Paris, 1909.
  • Duchesne, Eleuthère et le roi breton Lucius, in Revue Celtique (1883-1885), VI.
  • Harnack, Geschichte der altchristl. Literatur, II, I.
  • Harnack, Der Brief des britischen Königs Lucius an den Papst Elutherus (Sitzungsberichte der Berliner Akademie, 1904), I, 906-916.
  • Langen, Geschichte der römischen Kirche, Bonn, 1881, I.
  • Mayer, Geschichte des Bistums Chur, Stans, 1907, I.
  • Claudio Rendina, I Papi. Storia e segreti, Newton & Compton, Roma, 1983.
  • Hector De Rosny et Joseph-Hector de La Gorgue de Rosny, Histoire du Boulonnais, vol. 1, .
  • Giovanni Sicari, «Reliquie Insigni e "Corpi Santi" a Roma», 1998, collana Monografie Romane a cura dell'Alma Roma.
  • Zimmer, The Celtic Church in Britain and Scotland, London, 1902).
  • François Zosso et Christian Zingg, Les Empereurs romains, édition Errance, (ISBN 2877722260).

Liens externes modifier