Élections territoriales polynésiennes de 2023

élection des représentants de l'Assemblée de la Polynésie française

Élections territoriales polynésiennes de 2023
et
Corps électoral et résultats
Inscrits 210 161
Votants au 1er tour 126 272
60,08 % en diminution 1,4
Votants au 2d tour 147 181
69,96 % en augmentation 3,1
Tavini huiraatira – Oscar Temaru
Voix au 1er tour 43 401
34,90 %
en augmentation 14,2
Voix au 2e tour 64 551
44,32 %
Sièges obtenus 38 en augmentation 30
Tapura huiraatira – Édouard Fritch
Voix au 1er tour 37 880
30,46 %
en diminution 12,6
Voix au 2e tour 56 118
38,53 %
Sièges obtenus 15 en diminution 23
A here ia Porinetia – Nuihau Laurey
Voix au 1er tour 18 067
14,53 %
Voix au 2e tour 24 989
17,16 %
Sièges obtenus 3 en augmentation 3
Amuitahiraa o te nuna'a Maohi – Bruno Sandras
Voix au 1er tour 14 773
11,88 %
en diminution 15,8
Sièges obtenus 1 en diminution 10
Composition de l'assemblée élue
Diagramme
Président de l'Assemblée
Sortant Élu
Gaston Tong Sang
Tapura huiraatira
Antony Géros
Tavini Huiraatira

Les élections territoriales polynésiennes de 2023 se déroulent les dimanches et afin d'élire les 57 représentants de l'Assemblée de la Polynésie française.

Le parti autonomiste Tapura huiraatira au pouvoir est devancé au premier tour par le parti indépendantiste Tavini huiraatira, qui l'emporte au second pour la première fois depuis 2004.

Contexte modifier

 
Édouard Fritch.

Les élections territoriales de 2018 voient le parti Tapura huiraatira (« Liste du peuple ») mené par Édouard Fritch l'emporter lors d'une triangulaire au second tour. Avec 38 sièges sur 57, cette victoire assure celle d'Édouard Fritch à l'élection à la présidence polynésienne organisée la semaine suivante. Au pouvoir depuis 2014, ce dernier effectue un rapprochement avec le parti La République en marche, puis Renaissance, du président français Emmanuel Macron après son élection en 2017[1]. Le Président de la Polynésie française est soumis à une limite de deux mandats consécutifs de cinq ans. Le premier mandat d'Édouard Fritch ayant été interrompu après seulement quatre ans, celui ci est cependant en mesure de se porter candidat à un troisième mandat à l'élection présidentielle de mai 2023, le Conseil d'État ayant statué fin octobre 2022 en ce sens[2].

Historiquement divisé entre autonomistes et indépendantistes, l'espace politique polynésien est sujet en 2023 à un fort sentiment de « dégagisme », accentué par les conflits internes qui touchent le parti au pouvoir[3],[4]. Confronté à la pandémie de Covid-19, le gouvernement autonomiste d'Édouard Fritch est notamment accusé de laxisme envers l'attitude de plusieurs membres haut placés du partis qui refusent l'obligation vaccinale, pourtant votée par l'assemblée en 2021, dont le président de cette dernière Gaston Tong Sang. Opposé à cette attitude de laissez-faire, plusieurs élus du Tapura huiraatira vont ainsi jusqu'à faire scission en vue des élections, ce qui conduit à la création des partis A here ia Porinetia et Ia Ora te Nuna'a. Si la réponse à la pandémie — particulièrement meurtrière sur le territoire — en est le déclencheur, ces défections interviennent dans le contexte plus large d'une montée des mécontentements envers le gouvernement. Face au grave déficit des régimes sociaux du territoire, le gouvernement est ainsi contraint d'instaurer une très impopulaire TVA sociale de 1 %, dont le rejet est aggravé par la mauvaise communication du gouvernement sur le sujet[5].

Les élections législatives organisées en juin 2022 voient ainsi la victoire des indépendantistes du parti Tavini huiraatira. Affiliés à la Nouvelle Union populaire écologique et sociale situé dans l'opposition au président Macron, le Tavini huiraatira remporte la totalité des trois sièges de députés à pourvoir en Polynésie française. Porté par cette victoire, le parti se présente aux territoriales de 2023 sur la base d'un programme centré sur les questions sociales, et met en retrait ses revendications indépendantistes pendant plusieurs mois au cours de la campagne[5]. A la surprise générale, le thème de l'indépendance est cependant mis en avant dans la semaine précédant le scrutin, une stratégie jugée susceptible de faire perdre des électeurs au Tavini huiraatira dans l'entre-deux tours, une partie de l'électorat s'étant porté vers lui sur la base de son programme économique sans pour autant soutenir l'indépendance[6].

Mode de scrutin modifier

L'assemblée de la Polynésie française est composée de 57 sièges pourvus pour cinq ans au scrutin proportionnel plurinominal de liste à deux tours, avec prime majoritaire. La Polynésie constitue une circonscription électorale unique dont les communes composent huit sous circonscriptions appelées sections, chacune dotée d'une prime majoritaire de un à quatre sièges selon leur population pour un total de 19 sièges de prime. Le mode de scrutin utilisé est en vigueur depuis 2011[7].

Au premier tour, la liste ayant recueilli la majorité absolue des voix dans sa section se voit attribuer la prime majoritaire, puis les sièges restants sont répartis à la proportionnelle entre toutes les listes ayant franchi le seuil électoral de 5 % des voix selon la méthode de la plus forte moyenne, y compris la première liste. Si aucune liste n'obtient plus de 50 % des suffrages exprimés, il est procédé à un second tour entre toutes les listes ayant recueilli plus de 12,5 % des voix, celles ayant recueilli entre 5 % et 12,5 % pouvant fusionner avec les listes qui se sont maintenues. La liste arrivée en tête obtient alors la prime majoritaire, et les sièges restants sont répartis à la proportionnelle selon les mêmes conditions[8].

Chaque liste présente 73 candidats répartis dans les huit sections[N 1]. Chaque liste est composée alternativement d'un candidat de chaque sexe. Les listes peuvent se voir rembourser une partie de leurs frais de campagne si elles atteignent le seuil de 3 % des suffrages exprimés au premier tour, pour peu qu'elles se soumettent à des exigences de transparence comptable et à la législation sur le format des documents de propagande à destination des électeurs[9].

Section Communes de la section Sièges
à pourvoir
Dont prime
majoritaire
1re des îles du Vent Arue, Moorea-Maiao, Papeete, Pirae 13 4
2e des îles du Vent Hitiaa O Te Ra, Mahina, Paea, Papara, Taiarapu-Est, Taiarapu-Ouest, Teva I Uta 13 4
3e des îles du Vent Faa'a, Punaauia 11 4
Îles Sous-le-Vent Bora-Bora, Huahine, Maupiti, Tahaa, Taputapuatea, Tumaraa, Uturoa 8 3
Îles Tuamotu de l'Ouest Arutua, Fakarava, Manihi, Rangiroa, Takaroa 3 1
Îles Gambier et îles Tuamotu de l'Est Anaa, Fangatau, Gambier, Hao, Hikueru, Makemo, Napuka, Nukutavake, Pukapuka, Reao, Tatakoto, Tureia 3 1
Îles Marquises Fatu-Hiva, Hiva-Oa, Nuku-Hiva, Tahuata, Ua-Huka, Ua-Pou 3 1
Îles Australes Raivavae, Rapa, Rimatara, Rurutu, Tubuai 3 1

Forces en présence modifier

Parti Idéologie Tête de liste Résultat en 2018 (2d tour)
Tapura huiraatira Centre droit
Anti-indépendantisme, social-libéralisme, républicanisme français
Édouard Fritch 49,18 % des voix
38 sièges
Amuitahiraa o te nuna'a Maohi Droite
Souverainisme , libéralisme, gaullisme, conservatisme
Bruno Sandras 27,70 % des voix
11 sièges
Tavini huiraatira Gauche
Indépendantisme polynésien
Oscar Temaru 23,12 % des voix
8 sièges
A here ia Porinetia Droite à extrême droite
Anti-indépendantisme, social-libéralisme, républicanisme français
Nuihau Laurey Nouveau
Ia Ora te Nuna'a Centre droit
Anti-indépendantisme
Teva Rohfritsch Nouveau
Hau Ma’ohi Ti’ama Extrême droite ou attrape-tout
Titaina Parker Nouveau
Heiura - Les Verts Gauche
Indépendantisme polynésien, Social-démocratie, écologie
Jacky Bryant Nouveau

Résultats modifier

Résultats des élections territoriales polynésiennes de 2023[10],[11],[12],[13]
 
Liste Tête de liste 1er tour 2d tour Sièges +/-
Voix % Voix %
Tavini huiraatira Oscar Temaru 43 401 34,90 64 551 44,32 38   30
Tapura huiraatira Édouard Fritch 37 880 30,46 56 118 38,53 15   23
Amuitahiraa o te nuna'a Maohi Bruno Sandras 14 773 11,88 1   10
A here ia Porinetia Nuihau Laurey 18 067 14,53 24 989 17,16 3 Nv.
Ia Ora te Nuna'a Teva Rohfritsch 5 423 4,36 0 Nv.
Hau Ma’ohi Ti’ama Titaina Parker 2 458 1,98 0 Nv.
Heiura - Les Verts Jacky Bryant 2 373 1,91 0 Nv.
Suffrages exprimés 124 375 98,50 145 658 98,96
Votes blancs 1 149 0,91 823 0,56
Votes nuls 748 0,59 700 0,48
Total 126 272 100 147 181 100 57  
Abstentions 83 889 39,92 63 204 30,04
Inscrits / Participation 210 161 60,08 210 385 69,96

Analyse et conséquences modifier

Le parti autonomiste Tapura Huiraatira au pouvoir est devancé au premier tour par le parti indépendantiste Tavini huiraatira, une première depuis 2004. L'entre-deux-tours voit la fusion des listes Tapura huiraatira et Amuitahiraa o te nuna'a Maohi, toutes les deux autonomistes, face à Tavini huiraatira, donné favori[14].

Tavini huiraatira l'emporte au second tour, plaçant Moetai Brotherson en bonne position en vue de l'élection présidentielle de mai 2023[15],[16]. Il est élu sans surprise à la présidence le 12 mai. Il déclare espérer la tenue d'une référendum d'autodétermination dans 10 à 15 ans[17],[18]. Antony Géros est entretemps élu à la présidence de l'assemblée le 11 mai[19].

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. Loi organique article 106 : « Chaque liste comporte un nombre de candidats égal au nombre de sièges à pourvoir dans chaque section, augmenté de deux. ».

Références modifier

  1. « Territoriales : le Tapura aborde en tête la triangulaire du second tour », sur tahiti-infos.com, .
  2. « Le Conseil d'État dit "oui" à un troisième mandat d'Édouard Fritch », sur TAHITI INFOS, les informations de Tahiti (consulté le ).
  3. « Territoriales 2023 : autonomistes, indépendantistes, l'éternel duel », sur Polynésie la 1ère (consulté le ).
  4. « Politique en Polynésie française : trois démissions ébranlent la majorité au gouvernement ».
  5. a et b « Élections en Polynésie française : « On est dans quelque chose de très chaotique » ».
  6. « Élections en Polynésie française: «Le futur de la Polynésie dans le cadre de la République est en jeu» », sur RFI, RFI, (consulté le ).
  7. Loi organique no 2011-918 du , art.  2
  8. Loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française (1).
  9. « Dépenses de campagne / Election des représentants à l'Assemblée de la Polynésie française - 2018 / Elections / DOSSIERS / Accueil - Portail de l'Etat en Polynésie française », sur www.polynesie-francaise.pref.gouv.fr (consulté le ).
  10. « Election des représentants à l’Assemblée de la Polynésie française », sur www.polynesie-francaise.pref.gouv.fr (consulté le ).
  11. « Résultats définitifs premier tour », sur www.polynesie-francaise.pref.gouv.fr (consulté le ).
  12. « Résultats définitifs deuxième tour », sur www.polynesie-francaise.pref.gouv.fr (consulté le ).
  13. « La nouvelle composition de l'assemblée », sur TAHITI INFOS, les informations de Tahiti (consulté le ).
  14. Vaite Urarii Pambrun et Antoine Samoyeau, « La liste "d'union" entre Fritch et Flosse déposée », sur TAHITI INFOS, les informations de Tahiti (consulté le )
  15. Ouest-France, « Polynésie française : les indépendantistes remportent les élections territoriales », sur Ouest-France.fr, (consulté le ).
  16. Le Point, magazine, « Les indépendantistes remportent les élections territoriales en Polynésie », sur Le Point, lepoint.fr, (consulté le ).
  17. « Moetai Brotherson: élu, 18ème président de la Polynésie », sur Polynésie la 1ère (consulté le ).
  18. « L'indépendantiste Moetai Brotherson élu président de la Polynésie française », sur Le Figaro.fr, Le Figaro, (ISSN 0182-5852, consulté le ).
  19. « Antony Géros élu 27ème président de l'Assemblée de la Polynésie française », sur Polynésie la 1ère (consulté le ).