Élections législatives nauruanes de 2019

Élections législatives nauruanes de 2019
Type d’élection législatives
Corps électoral et résultats
Inscrits 7 508
Votants 7 167
95,46 %
Blancs et nuls 130
Baron Waqa – Sans étiquette
(majorité sortante)
Sièges obtenus 9 en diminution 7
Riddell Akua – Sans étiquette
(opposition sortante)
Sièges obtenus 0 en diminution 3
Résultats par circonscription
Carte
Président
Sortant Élu
Baron Waqa Lionel Aingimea

Des élections législatives ont lieu à Nauru le [1] afin de renouveler pour trois ans l'ensemble des dix-neuf députés du Parlement national. Ces élections au suffrage universel direct, sont suivies de l'élection du président de la République par les députés. Il n'existe pas de partis politiques, mais des factions, dont les membres sont officiellement sans étiquette.

Le scrutin donne lieu à un important renouvellement du Parlement. Le président sortant Baron Waqa perd son siège de député, et par conséquent la présidence de la République. L'ensemble des députés de l'opposition parlementaire sortante perd toutefois également ses sièges, en faveur de nouveaux députés au positionnement initialement incertain[2]. Le , les députés élisent Lionel Aingimea à la présidence de la République, et en écartent ainsi le numéro deux du gouvernement sortant, David Adeang, qui briguait la fonction[3].

Contexte modifier

 
Emplacement de Nauru au sein de l'Océanie.

Depuis 2013, le gouvernement du président Baron Waqa et de son influent ministre de la Justice David Adeang est accusé de multiples atteintes à la démocratie dans le pays. Ainsi « la censure, la déportation du président de la Cour suprême et l'arrestation de députés d'opposition ont mené à un grave déclin de la crédibilité de la démocratie à Nauru »[4].

En 2014 le gouvernement nauruan interdit l'accès au pays au président de la Cour suprême, Geoffrey Eames, et le remplace par le Fidjien Mohammed Khan, perçu comme davantage enclin à soutenir l'autoritarisme du gouvernement[5]. La même année, cinq des sept députés d'Opposition sont suspendus, et interdits de siéger au Parlement, accusés d'avoir critiqué le gouvernement auprès de médias étranger[6]. En , trois de ces députés suspendus sont arrêtés pour avoir pris part à une manifestation en faveur de la démocratie[7]. Fin juin, le gouvernement néo-zélandais, l'Union européenne et l'Union interparlementaire s'inquiètent publiquement de ces développements. Ils appellent le gouvernement nauruan à respecter la liberté d'expression, le droit des citoyens de s'informer, le droit de l'opposition parlementaire de fonctionner, ainsi que les normes internationales de droits de l'homme[8]. En juillet la Chambre des représentants de Nouvelle-Zélande adopte à l'unanimité une motion exprimant son « inquiétude » au sujet des actions du gouvernement nauruan : « soupçon d'interférence envers le pouvoir judiciaire, la suspension des députés d'opposition, l'annulation des passeports de députés d'opposition, et l'abrogation de droits civils et politiques »[9]. En septembre, le gouvernement de Nouvelle-Zélande suspend son aide financière au secteur judiciaire de Nauru, en raison du non-respect des règles d'un État de droit par le gouvernement Waqa / Adeang[10].

 
Le président sortant Baron Waqa.

En amont des élections de 2016, les candidats d'opposition affirment que la police leur interdit d'organiser des meetings publics, et que le gouvernement a interdit aux médias nauruans de leur parler ou de diffuser leur campagne[11]. Après leur plainte auprès de l'équipe des observateurs étrangers, les médias acceptent de diffuser les spots de campagne des candidats d'opposition. Le gouvernement est conforté par ces élections : Baron Waqa est réélu président de la République par les voix de seize députés contre deux, face au candidat d'opposition Riddell Akua. Peu après, le député Sean Oppenheimer rejoint toutefois les bancs de l'opposition, portant le nombre des députés d'opposition à trois (Riddell Akua, Kieren Keke et lui)[12].

En 2019, le gouvernement poursuit une campagne de harcèlement contre les « Dix-Neuf de Nauru », dix-neuf opposants accusés d'émeute pour leur participation à la manifestation pour la démocratie en 2015, et innocentés par la justice en 2018. Le gouvernement maintient une « liste noire » pour les empêcher de trouver un emploi et, pour certains, leur interdit de quitter le pays[13]. L'un des « Dix-Neuf », l'ancien président de la République Sprent Dabwido, meurt le d'un carcinome du nasopharynx en Australie, où il demandait l'asile politique. Mathew Batsiua, ancien député d'Opposition et co-accusé, accuse alors le gouvernement de Nauru d'avoir du « sang sur les mains » pour avoir tardé à permettre à Sprent Dabwido de se rendre à l'étranger à des fins médicales[14].

Système électoral modifier

 
Façade du parlement.

Il n'y a pas de partis politiques à Nauru, les députés s'associant néanmoins pour former une majorité et une opposition. Le droit de vote est ouvert à tous les citoyens âgés d'au moins 20 ans. Voter est obligatoire – tout comme en Australie, l'ancienne puissance coloniale. La non-participation est punie en principe par une amende de 6 A$[15].

Le système électoral, communément appelé « système Dowdall », est un système de vote préférentiel. L'électeur doit indiquer un ordre de préférence pour tous les candidats dans sa circonscription. Son bulletin de vote n'est valide que s'il a assigné un ordre de préférence à chaque candidat. Le candidat qu'il classe premier reçoit une voix pleine ; celui qu'il classe second reçoit une demi-voix (0,5 voix) ; celui qu'il classe troisième reçoit un tiers de voix (0,33 voix), et ainsi de suite. Les circonscriptions étant plurinominales, plusieurs députés sont élus par circonscription[15].

Le nouveau Parlement devra élire un président du Parlement parmi ses membres, puis un président de la République, également parmi ses membres. Le président de la République nommera alors des députés aux divers postes de ministres. Le président de la République, à la fois chef de l'État et du gouvernement, conserve son siège de député ; il en va de même pour ses ministres[16].

Candidats et campagne modifier

Il y a soixante candidats au total pour les dix-neuf sièges. Tous les députés sortants se représentent, à l’exception de Sean Oppenheimer, député d’opposition. Il y a cinq femmes parmi les candidats : Ronay Dick dans la circonscription de Meneng ; Kay Aliklik et Gabrissa Hartman (députée sortante) à Ubenide ; et Charmaine Scotty (députée sortante) et Isabella Dageago à Yaren[17].

Les commentateurs notent que David Adeang, ministre des Finances et de la Justice et numéro deux du gouvernement, longtemps perçu comme le véritable pouvoir de ce gouvernement, semble chercher à évincer le président Waqa et briguer lui-même la présidence. Il soutient en effet le secrétaire du ministère des Finances, Martin Hunt, qui se présente contre Baron Waqa dans la circonscription de Boe[18].

Le à 16h58, deux minutes avant la clôture des listes électorales, le gouvernement publie un journal officiel accordant la citoyenneté nauruane à 118 étrangers, principalement des personnes de nationalité chinoise employées par le gouvernement. La Commission électorale inscrit ces nouveaux citoyens sur les listes électorales. L'opposition dénonce une tentative par le gouvernement d'acheter des voix[19].

Le , la veille du scrutin, le gouvernement annonce qu'il distribuera l'équivalent de 6 100  entre quelque 730 personnes affectées par l'effondrement de la Banque de Nauru en 2006. Le président Waqa affirme que cette aide a été rendue possible par la croissance soutenue de l'économie nauruane depuis plusieurs années[20].

Résultats nationaux modifier

Le président de la République, Baron Waqa, est battu dans sa circonscription de Boe, ce qui lui interdit de briguer un troisième mandat à la tête de l'État. Les deux seuls députés d'opposition sortants, Riddell Akua et Kieren Keke, perdent toutefois également leurs sièges. Mathew Batsiua et Squire Jeremiah - anciens députés, figures de l'opposition et membres des « Dix-Neuf de Nauru » - échouent à retrouver un siège. Avec la défaite également de Cyril Buraman (président du Parlement sortant) et de Ludwig Scotty (député de la majorité et ancien président de la République puis du Parlement), les deux seules grandes figures de la nouvelle assemblée sont le très controversé David Adeang, qui réalise un très bon score dans sa circonscription d'Ubenide, et Marcus Stephen, ancien président de la République devenu député d'opposition face au gouvernement Waqa ; ayant perdu son siège à Anetan en 2016, il le retrouve à l'occasion de ce scrutin[2].

La nouvelle assemblée compte deux femmes députées. Gabrissa Hartman perd son siège mais Charmaine Scotty est réélue, et la candidate Isabella Dageago est élue à Yaren[2].

Les électeurs disposent d'autant de voix que de candidats en lice dans leur circonscription, ce qui porte le total des voix à un nombre bien supérieur au nombre de votants.

Résultats nationaux[2],[21]
Faction Voix % Sièges +/-
Députés de la majorité sortante 9   7
Députés de l'opposition sortante 0   3
Nouveaux députés 10   10
Votes valides 7 037 98,17
Votes blancs et invalides 130 1,83
Total 7 167 100 19  
Abstention 341 4,54
Inscrits / participation 7 508 95,46

Résultats préliminaires par circonscription modifier

Yaren modifier

Bulletins: 647. Dont suffrages exprimés: 642.

Candidat[17] Voix[2] Résultat Remarques
Charmaine Scotty 518,133 Réélue Ministre sortante de l'Intérieur, de l'Éducation et de la Jeunesse, et de la Gestion des terres
Isabella Dageago 259,400 Élue
Kieren Keke 241,100 Battu Député d'opposition sortant.
Dominic Cain 234,083
John Julius 213,183

Boe modifier

Bulletins: 816. Dont suffrages exprimés: 811.

Candidat Voix Résultat Remarques
Martin Hunt 448,167 Élu
Asterio Appi 413,333 Réélu Député de la majorité sortante.
Baron Waqa 350,633 Battu Président de la République sortant.
Mathew Batsiua 343,600 Ancien député, et figure de l'opposition ;
l'un des « Dix-Neuf de Nauru »
Brett Satto 296,050

Ewa/Anetan modifier

Bulletins: 924. Dont suffrages exprimés: 909.

Candidat Voix Résultat Remarques
Timothy Ika 585,869 Élu
Marcus Stephen 322,105 Élu Ancien président de la République.
Antonius Atuen 312,740
Cyril Buraman 305,792 Battu Président du Parlement sortant.
Vaiuli Amoe 262,331
Joseph Harris 233,277
Konrad Ika 257,002
Darryl Tom 191,415

Aiwo modifier

Bulletins: 823. Dont suffrages exprimés: 808.

Candidat Voix Résultat Remarques
Rennier Gabadu 368,115 Élu
Milton Dube 331,426 Réélu Député de la majorité sortante.
Aaron Cook 327,783 Battu Ministre sortant du Commerce, de l'Industrie et de l'Environnement, de la RONPHOS, et de la Nauru Rehabilitation Corporation
Delvin Thoma 296,382
Preston Thoma 252,630
Dantes Tsitsi 212,686 Ancien député
Evi Agir 211,136
Lance Agir 195,870

Buada modifier

Bulletins: 680. Dont suffrages exprimés: 673.

Candidat Voix Résultat Remarques
Shadlog Bernicke 378,400 Réélu Ministre sortant de la Nauru Phosphate Royalties Trust, des Télécommunications, et de la Nauru Utilities Corporation
Bingham Agir 323,107 Réélu Député de la majorité sortante.
Linkbelt Detabene 236,348
Sean Halstead 215,745
Arrow Depaune 202,857
Rowan Detenamo 196,698
Richie Halstead 191,838

Anabar/Ijuw/Anibare modifier

Bulletins: 561. Dont suffrages exprimés: 553.

Candidat Voix Résultat Remarques
Maverick Eoe 286,117 Élu
Pyon Deiye 276,267 Élu
Ludwig Scotty 216,800 Battu Député de la majorité sortante.
Riddell Akua 209,000 Battu Député d'opposition sortant.
Jeb Bop 193,200
Transom Duburiya 173,467

Meneng modifier

Bulletins: 1 134. Dont suffrages exprimés: 1 121.

Candidat Voix Résultat Remarques
Lionel Aingimea 437,401 Réélu Député de la majorité sortante.
Khyde Menke 434,346 Élu
Lyn-Wannan Kam 402,892 Réélu Député de la majorité sortante.
Jesse Jeremiah 397,054
Vodrick Detsiogo 378,433 Battu Député de la majorité sortante.
Squire Jeremiah 368,185 Ancien député et figure de l'opposition ;
l'un des « Dix-Neuf de Nauru »
Ronay Dick 279,084
Paner Baguga 239,269
Chubasco Diranga 234,609

Ubenide modifier

 
David Adeang, figure dominante du gouvernement Waqa, est réélu député d'Ubenide mais brigue sans succès la présidence de la République.

Bulletins: 1 582. Dont suffrages exprimés: 1 514.

Candidat Voix Résultat Remarques
David Adeang 695,709 Réélu Ministre assistant le président et ministre des Finances et de la Justice sortant.
Russ Kun 592,006 Réélu Député de la majorité sortante.
Reagan Aliklik 521,903 Élu
Wawani Dowiyogo 503,812 Élu
Ranin Akua 461,569 Battu Député de la majorité sortante.
Gabrissa Hartman 424,935 Battue Députée sortante (positionnement incertain).
Vyko Adeang 332,705
Kay Aliklik 253,347
Aloysius Amwano 235,902 Ancien député.
Maximillian Kun 232,617
Renos Agege 226,590
Darned Dongobir 217,167

Élection du président de la République modifier

L'élection du président de la république a lieu au scrutin indirect, par les membres du parlement. Elle est précédée de l'élection du président du parlement. Le Parlement se réunit le mardi , et élit l'ancien président de la République puis député d'opposition Marcus Stephen à la présidence du Parlement, par douze voix contre sept pour Shadlog Bernicke, ministre dans le gouvernement sortant.

Deux députés se portent ensuite candidats à la présidence de la République : David Adeang, numéro deux du gouvernement sortant, et Lionel Aingimea, député depuis 2016 et appartenant lui aussi à la majorité sortante. Lionel Aingimea est élu par douze voix contre six[3]. Il nomme son Cabinet le lendemain, attribuant tous les postes ministériels autres que les siens à des députés dont c'est le premier mandat législatif (et exécutif)[22].

Références modifier

  1. (en) "Nauru election to be held August 24th", Radio New Zealand, 16 juillet 2019
  2. a b c d et e (en) "Election Results", Commission électorale
  3. a et b (en) "Aingimea chosen as Waqa's successor in Nauru", Radio New Zealand, 27 août 2019
  4. (en) Matthew Dornan et Tess Newton Cain, "Pacific perspectives in 2016", East Asia Forum, 6 janvier 2017
  5. (en) "Australia props up Nauru's 'out of control' president", The Saturday Paper, 7 avril 2018
  6. (en) "Suspended Nauru MPs accused of high treason by speaker of parliament", Australian Broadcasting Corporation, 26 juin 2014
  7. (en) "Constituents 'living in fear': Nauru MP", Special Broadcasting Service, 19 juin 2015
  8. (en) "EU says Nauru must meet obligations", Radio New Zealand, 29 juin 2015
  9. (en) "New Zealand parliament passes motion expressing concern over Nauru politics", Australian Broadcasting Corporation, 2 juillet 2015
  10. (en) "New Zealand suspends aid to Nauru's justice sector citing diminishing rule of law", Australian Broadcasting Corporation, 3 septembre 2915
  11. (en) "Nauru opposition MPs hampered as election nears", Radio New Zealand, 4 juillet 2016
  12. (en) "Nauru opposition MP stares down 'difficult battle'", Radio New Zealand, 2 août 2016
  13. (en) "Nauru 19 left penniless and exhausted by 'neverending' ordeal, lawyer says", The Guardian, 2 mai 2019
  14. (en) « Ex-Nauru president Sprent Dabwido who oversaw detention centre reopening dies », Australian Broadcasting Corporation, 8 mai 2019
  15. a et b Nauru : système électoral, Union interparlementaire.
  16. (en) "Nauru country brief", ministère australien des Affaires étrangères, février 2013
  17. a et b (en) "2019 General Election Candidates", Commission électorale de la République de Nauru, 15 août 2019
  18. (en) "Nauru president Baron Waqa under threat at the ballot box?", Radio Australie, 23 août 2019
  19. (en) "The world's smallest republic goes to the polls today — what's at stake?", Australian Broadcasting Corporation, 24 août 2019
  20. (en) "Nauru govt makes payout on eve of election", Radio New Zealand, 23 août 2019
  21. Résultats définitifs
  22. (en) "Nauru's new president goes for freshness in cabinet", Radio New Zealand International, 28 août 2019