Élection triangulaire

configuration particulière au deuxième tour d'élection, en politique française

En politique française, on parle d'élection triangulaire, généralement abrégée en triangulaire, pour désigner les deuxièmes tours électifs où trois candidats du premier tour ont atteint le seuil de maintien et ne se désistent pas.

Cause modifier

Cette configuration dépend de la loi électorale, et particulièrement de la règle de maintien au second tour.

  • Elle est de moins en moins observée lors des élections législatives, où il faut obtenir au moins 12,5 % des électeurs inscrits pour pouvoir se maintenir (dans le cas où deux autres candidats ont aussi franchi le seuil de 12,5 %); sa raréfaction est abordée plus loin.
  • Elle est impossible lors d'une élection présidentielle. Le tour de ballottage ne prend que les deux meilleurs. Toutefois la Constitution accepte des désistements en faveur des suivants, ce qui n'empêche pas des stratégies inspirées des législatives.
  • Elle est devenue plus rare aux élections cantonales, car les gouvernements ont régulièrement augmenté le seuil de maintien au second tour, pour leur avantage, celui-ci étant désormais placé à 12,5 % des inscrits.
  • Aux élections municipales, depuis 1983, la moitié des sièges sont répartis à la proportionnelle, mais il y a depuis un seuil d'accès au second tour, fixé aux listes ayant reçu 10 % des voix, ce qui produit le phénomène des triangulaires et quadrangulaires dans les municipalités politiquement divisées.
  • Les élections régionales avaient auparavant un tour unique, mais la dernière réforme de 2003 a calqué le système des municipales, avec un seuil d'accès au deuxième tour de 10 %, qui a suscité de nombreuses triangulaires en 2004, 2010 et 2015.

Logique de désistements modifier

Ce scrutin caractérise la politique française: pour être représenté au Parlement sans être capable de gagner seul, il faut avoir le soutien d'autres partis.

La caractéristique prend sa source dès l'origine. Le deuxième tour du scrutin uninominal fut mis en place sous le Second Empire (1852), puis par la IIIe République (1875) par les légitimistes, orléanistes et bonapartistes, qui souffraient de leur division en trois familles.

Dans le cas d'une bipolarisation incomplète où un camp divisé ne se désiste pas en faveur du meilleur d'entre eux, cette configuration est défavorable au camp politique (droite ou gauche) qui a deux candidats qualifiés.

Nombre de triangulaires modifier

Élections législatives modifier

Élections municipales modifier

Causes de la raréfaction modifier

Hausse du seuil modifier

Aux législatives, ce n'est que depuis la Ve République que le premier tour sert aussi à éliminer des candidats mal placés[4] :

  • après les ordonnances de 1958 et 1959 réinstituant le scrutin majoritaire à deux tours : 5 %
  • après la loi no 66-1022 du  : 10 % ou, s'il n'y en a qu'un, les deux premiers
  • après la loi no 76-665 du  : 10 % remplacé par 12,5 %

Il était auparavant tout à fait banal d'avoir trois ou quatre candidats au second tour.

Abstention modifier

 

Calcul du seuil de maintien en voix exprimées : diviser 0,125 par le taux de participation

Pour les élections municipales[5] et les élections régionales[6], le seuil de maintien est calculé à partir du nombre de voix exprimées. À l'inverse, il est calculé à partir du nombre d'inscrits pour les élections législatives[7] et les élections cantonales[8].

Pour ces deux dernières élections, les triangulaires sont ainsi d'autant plus rares que l'abstention est forte. Par exemple, un taux de participation inférieur à 30% interdit la possibilité d'une triangulaire.

Or, le taux d'abstention aux élections législatives ayant beaucoup augmenté au cours de la Ve République, passant de 18,7 % en 1973 à 51,3 % en 2017, les triangulaires se sont raréfiées.

L'expression ci-contre permet d'obtenir le tableau ci-dessous :

Calcul du taux de maintien en voix exprimées pour 12,5 % d'inscrits
Inscrits ayant voté blanc
ou s'étant abstenus (%)
0 5 10 15 20 25 30 33 35 40 45 50 62,5
Voix exprimées
(% inscrits)
100 95 90 85 80 75 70 67 65 60 55 50 37,5
Taux de maintien
(% exprimés)
12,5 13,16 13,89 14,71 15,625 16,67 17,86 18,75 19,23 20,83 22,72 25 33,3

Bipolarisation modifier

À défaut de bipartisme, la bipolarisation de la vie politique fut acquise dans les années soixante-dix. Auparavant, le PCF et la SFIO ne se désistaient pas pour s'aider, de même que les courants allant des radicaux à la droite modérée s'opposaient aux candidats du parti gaulliste.

Depuis, de très nombreux accords de désistement mutuel se font avant même le premier tour.

Quadrangulaire modifier

Le cas de figure d'une quadrangulaire avec quatre candidats peut aussi se produire, mais elle est devenue rarissime, pour les raisons invoquées plus haut. Le cas s'est néanmoins produit aux élections législatives de 1958, de 1962, de 1967 et de 1973[9] ainsi qu'à diverses reprises lors d'élections départementales et municipales.

Dans le cadre d'un seuil minimum de 12,5 % des voix inscrites, il est aussi théoriquement possible que surviennent une quinquangulaire, une sexangulaire, voire une septangulaire, bien que les cas ne se soient pas produits lors des élections législatives. Dans le cas des élections municipales où le seuil est fixé à 10 % pour les communes de plus de 1000 habitants, plusieurs quinquangulaires et une sexangulaire (à Faaone[10]) se sont produites, notamment lors de élections municipales de 2014[11]. Une octangulaire serait le cas exceptionnel consistant, dans le cas où 100 % des inscrits se sont exprimés, à ce que 8 candidats recueillent exactement 12,5 % des votes chacun.

Lors des élections législatives de 1958, il y eut 9 quinquangulaires et 1 sexangulaire[9], mais le seuil était fixé à 5 % des inscrits.

Notes et références modifier

Références modifier

  1. « Soixante-seize triangulaires en présence de l'extrême droite », sur Le Monde,
  2. Adrien Sénécat, « Pourquoi l’issue des législatives est incertaine, quel que soit le vainqueur du 7 mai », Le Monde.fr,‎ (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le )
  3. Loris Boichot, « Législatives : avec l'abstention record, une seule triangulaire au second tour », Le Figaro,‎ (ISSN 0182-5852, lire en ligne, consulté le )
  4. Dossier de l'Assemblée Nationale
  5. Code électoral - Article L264 (lire en ligne)
  6. Code électoral - Article L346 (lire en ligne)
  7. Code électoral - Article L162 (lire en ligne)
  8. Code électoral - Article L210-1 (lire en ligne)
  9. a et b « bipolarisation », sur www.france-politique.fr (consulté le )
  10. Tristan Quinault-Maupoil, « À Tahiti, des électeurs participeront dimanche à une «sexangulaire» », sur Le Figaro,
  11. Blandine Le Cain, « Municipales 2014: du bon usage de la «sexangulaire»... », Le Figaro,‎ (ISSN 0182-5852, lire en ligne, consulté le )

Annexes modifier