Église Notre-Dame de Guebwiller

église située dans le Haut-Rhin, en France

Église Notre-Dame
Image illustrative de l’article Église Notre-Dame de Guebwiller
Façade de Notre-Dame de Guebwiller.
Présentation
Culte Catholique romain
Dédicataire Notre-Dame
Type Église paroissiale
Début de la construction XVIIIe siècle
Architecte Louis Beuque (plans, début de construction)
Gabriel Ignace Ritter (fin de construction)
Caillot (tour)
Style dominant Néo-classique
Protection Logo monument historique Classé MH (1841, église)
Site web Paroisses Catholiques Notre-Dame Saint-Léger Guebwiller
Géographie
Pays France
Région Alsace
Département Haut-Rhin
Commune Guebwiller
Coordonnées 47° 54′ 21″ nord, 7° 12′ 53″ est

Carte

L'église Notre-Dame de Guebwiller est une ancienne collégiale construite au XVIIIe siècle dans la commune de Guebwiller (Haut-Rhin). Il s'agit de l'une des plus imposantes constructions religieuses de style néo-classique dans le Nord-Est de la France. Elle est construite en grès rose, matériau typique de la région.

Cette église fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques depuis 1841[1].

Historique modifier

Transfert de l'abbaye de Murbach à Guebwiller modifier

L'abbaye de Murbach a atteint son apogée au XIIe siècle. Elle a des possessions de part et d'autre du Rhin ainsi qu'en Suisse où elle a fondé la ville de Lucerne en 1178[2]. Guebwiller, à l'entrée de la vallée de la Lauch, a été la capitale des possessions territoriales de l'abbaye de Murbach. La Régence de Guebwiller est le symbole de la supériorité territoriale et des pouvoirs de haute-justice du prince-abbé. À partir du XIIIe siècle, les abbés de Murbach qualifiés de prince-abbés de Murbach vont faire réduire leurs possessions à la Haute-Alsace. La communauté monastique est passée de quatre-vingt moines à l'époque carolingienne à une douzaine au XVIIe siècle, tous issus de la noblesse locale. Il faut seize quartiers de noblesse pour être reçu à Murbach. Les moines ne mènent plus une vie monacale conforme à la règle de saint Benoît. Ils ne souhaitent plus vivre dans un vallon isolé. Par un arrêt du 9 août 1680, à la demande de Louis XIV, le conseil d'Alsace réunit au royaume une partie de l'Alsace dont Guebwiller. Le pouvoir royal va exercer une tutelle de plus en plus stricte sur la Régence de Guebwiller. Un climat d'insubordination s'installe à l'intérieur du chapitre de Murbach en 1698 à la suite de la compétition de plusieurs personnes pour le siège de prince-abbé de Murbach. En 1700, le prince-abbé Philippe-Eberhard de Löwenstein-Wertheim-Rochefort[3] décide de relever de ses ruines la résidence principale des princes-abbés, le château de Neuenburg[4] à Guebwiller, entre 1700 et 1718. C'est sous son successeur, en 1720, Célestin de Beroldingen que l'abbaye impériale de Murbach déménage à Guebwiller.

Le , après la décision de reconstruire les bâtiments monastiques sur plans attribués à Giovanni Gaspari Bagnato dit Jean de Milan, puis par Louis de Cormontaigne après 1729, les religieux s'installent à Guebwiller. Le , le prince-abbé pose la première pierre du nouveau monastère de Murbach[5]. En 1738, le chapitre de Murbach décide de détruire la nef de l'abbatiale de Murbach en prétextant sa reconstruction. Ces travaux sont arrêtés en 1739. La majorité du chapitre est favorable à l'installation à Guebwiller. Le , les religieux reprennent la célébration de l'office et la vie régulière au château de Guebwiller. Retour à Murbach de tous les capitulaires, en 1742[6].

Par le bref du du pape Clément XIII, l'abbaye impériale et princière de Murbach est officiellement transférée dans la ville de Guebwiller. L'abbaye est sécularisée par des bulles du fulminées le 18 décembre par l'official de l'évêché de Bâle. La communauté religieuse est transformée en chapitre équestral. Les bulles et fulmination sont confirmées par les lettres-patentes de Louis XV en avril 1765 enregistrées par le Conseil souverain d'Alsace le 14 mai suivant[7].

Construction de l'église Notre-Dame modifier

Le prince-abbé Dom Léger de Rathsamhausen engage alors la construction d'une nouvelle église abbatiale. Il confie d'abord la construction à l'ingénieur et architecte Jean Querret qui venait de reconstruire l'abbatiale Saint-Martin de Lure à partir de 1741[8]. C'est probablement lui qui propose Louis Beuque comme architecte[9].

 
Louis Beuque : plan de l'élévation de la façade (copie).

Louis Beuque présente un premier projet le qui est refusé par le chapitre qui ne le trouvait pas assez moderne. Un nouvel accord est passé entre Louis Beuque et le chapitre le [10] . Il soumet une vue en plan, des coupes longitudinale et transversale et une élévation latérale le suivant qui sont acceptées. Un contrat est passé le par lequel Louis Beuque s'engage à fournir les plans d'exécution et à venir sur le site de construction trois fois par an. Les travaux commencent pendant le second semestre, mais Beuque est mécontent de leur exécution et obtient en mai 1763 de les diriger lui-même en tant qu'appareilleur. Des critiques s'élèvent contre les travaux entrepris par Beuque dans la construction des maisons canoniales par Gabriel Ignace Ritter[11]. Ces critiques sont réfutées par l'architecte de l'évêché de Bâle, Pierre-François Pâris. Malgré l'opposition du chanoine franc-comtois chargé de l'inspection des travaux, Bouzier de Rouveroye, et du prince-abbé, la majorité du chapitre a décidé de retirer à Louis Beuque la charge d'appareilleur le pour la confier à Ritter. Le , le chapitre décide d'arrêter les travaux qui sont arrivés au niveau des chapiteaux de la nef. Le Conseil souverain d'Alsace nomme une commission d'experts à la demande du chapitre. Les conclusions de la commission sont défavorables à Beuque. En décembre 1767, Louis Beuque annonce au chapitre la venue de Jacques-François Blondel[12]

Le chapitre le congédie le . Pour se défendre, Louis Beuque présente les plans de l'église à l'Académie royale d'architecture dans sa séance du qui se montre « contente de la disposition générale du projet[13] ». Le chapitre fait examiner de nouveau le chantier par d'autres architectes. À la suite de leurs rapports, le renvoi de Louis Beuque est confirmé le 11 novembre. Le chapitre décide d'en appeler à son tour à l'Académie royale d'architecture le . L'Académie est saisie le 29 juin et nomme une commission composée de Michel-Jean Sedaine, Jean-Michel Chevotet, François Franque et Maximilien Brébion. Le 21 août, les commissaires font approuver leurs conclusions critiques et leurs recommandations par l'Académie[14]. Le prince-abbé qui avait soutenu Louis Beuque s'incline devant cet avis. La principale erreur de Louis Beuque semble avoir été une importante sous-estimation du devis.

Les travaux reprennent en 1770 sous la direction de Gabriel Ignace Ritter conformément aux plans de son prédécesseur après deux ans d'arrêt. La charpente est posée en 1773. Après un arrêt, la façade reçoit son couronnement en 1778. Les voûtes sont réalisées l'année suivante. Sauf les tours, le gros-œuvre est achevé en 1779. Les six années suivantes seront consacrées à l'ameublement et à la décoration de l'édifice, dans un style mariant l'art classique français et l'art baroque germanique, Ritter et Fidèle Sporer. Fidèle Sporer a réalisé entre 1780 et 1783 l'Assomption de la Vierge dans le chœur. Le maître-autel est mis en place.

L'église abbatiale, devenue église collégiale équestrale et princière en 1764 lors de la sécularisation de l'abbaye, reçoit sa consécration solennelle le par l'évêque de Bâle[15].

En 1792, l'église collégiale devient église paroissiale de Guebwiller et en 1803, une partie du riche mobilier de la vieille église Saint-Léger y est déplacé.

L'abbé Charles Braun a conçu l'idée de continuer la construction de l'église Notre-Dame en construisant les deux tours. N'ayant pas les fonds nécessaires, il fait appel à la générosité publique en formant un comité en 1842. Au cours de la séance du conseil municipal du , un de ses membres l'informe qu'un comité s'est formé pour entreprendre l'achèvement de l'église. Il a demandé et obtenu son concours en faisant valoir la nécessité d'avoir un clocher. Le conseil municipal vote la somme de 30 000 francs. Une souscription publique est ouverte rapportant la somme de 45 496,85 francs. Les plans de quatre architectes sont présentés au cours de la séance du du conseil municipal. La conseil municipal choisi le plan de Caillot, architecte à Colmar. Le devis se monte à 105 000 francs. Le conseil municipal fait appel au conseil général et au gouvernement pour compléter les fonds nécessaires. Le Ministère de l'Intérieur donne son accord au projet mais n'autorise que la construction d'une tour tant que la totalité des sommes n'est pas réunie. L'adjudication a lieu à l'hôtel de la préfecture, à Colmar, le . Les travaux de construction de la première tour sont attribués à l'ingénieur François-Jacques Grün (1824-1853), le pour la somme de 51 052,39 francs. La première pierre est posée le par l'archevêque de Strasbourg. Le , le plan est complété par l'adjonction d'un escalier dans la tour qui n'avait pas été pris en compte dans le devis. La réception provisoire de la tour est faite le . L'architecte Caillot envoie son mémoire définitif au maire le se montant à 52 872,37 francs. L'entrepreneur J. B. Specht a enlevé les six cloches qui avaient été installées dans un petit clocheton se trouvant à l'angle sud de l'église pour les installer dans le nouveau clocher. Il a aussi installé l'horloge au sommet du clocher. Le total des dépenses pour la construction de la tour nord s'est élevé à 60 448,91 francs. La tour sud n'a pas été réalisée.

Pour l'historien allemand Franz Xaver Kraus, l'église de Guebwiller est une des meilleures œuvres d'architecture de style rococo[16].

Protection modifier

L'église a été classée au titre des monuments historiques le [17],[18].

Décoration et ameublement modifier

L'église Notre-Dame impressionne par ses dimensions mais aussi par la richesse de sa décoration stuquée, dont l'Assomption du chœur, qui s'élève sur dix-sept mètres. Elle abrite également de remarquables boiseries, œuvres du sculpteur allemand Fidèle Sporer. On peut aussi y admirer de nombreux tableaux des XVIIIe et XIXe siècles.

La tour contient quant à elle cinq cloches dont la plus grande pèse plus de trois tonnes. Deux des cloches datent de 1718.

Orgue modifier

L'édifice abrite un orgue grandiose, dont le buffet a été installé en 1785 par le facteur d'orgues de Dijon Joseph Rabiny (1732-1813) qui s'est installé deux ans plus tard à Rouffach. Sa fille aînée Marguerite s'est mariée avec François Callinet, contremâitre qui a rejoint l'entreprise de son beau-père en 1798. François Callinet a réparé l'orgue Rabiny en 1803. L'orgue a été de nouveau réparé en 1860 par les facteurs mosellans Georges et Nicolas Verschneider, et encore en 1878 par les facteurs alsaciens Stiehr. La partie instrumentale est reconstruite en 1908 dans le buffet de l'orgue Rabiny par le facteur parisien Charles Mutin, un ancien employé d'Aristide Cavaillé-Coll qui avait repris son entreprise en 1898. L'instrument, de très grande qualité, comprend 45 jeux[19],[20],[21],[22],[23]. L'orgue a été réparé en 1946 par Georges Schwenkedel, en 1966, par son fils Curt, Richard Dott, en 1996, et par la maison Mühleisen, en 2016.

L'orgue est en très mauvais état et une réparation de fond s'impose. En attendant les travaux, la paroisse s'est dotée d'un conservateur d'orgue, Thierry Mechler[24].

Notes et références modifier

  1. Notice no IA00054832, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture
  2. Dictionnaire historique de la Suisse : Fritz Glauser , « Saint-Léger »
  3. Philippe-Eberhard de Löwenstein-Wertheim-Rochefort n'a pris solennellement possession de la crosse abbatiale qu'en 1704.
  4. « Inventaire général : Château de Neuenburg », notice no IA00054848, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture
  5. Bernard de Ferrette, Diarum de Murbach (1671-1746), Colmar/Paris, Henry Huffel/A. Picard & fils, (lire en ligne), p. 73, 75
  6. Bernard de Ferrette 1894, p. 91
  7. Philippe André Grandidier, Œuvres historiques inédites, t. 5, Colmar, Bureau de la Revue d'Alsace, (lire en ligne), p. 434-444
  8. L'abbaye de Lure a été rattachée à l'abbaye de Murbach au XVIe siècle.
  9. Fédération des sociétés d'histoire & d'archéologie d'Alsace : Louis Beuque
  10. (de) Ansgar Steinhausen, Die Architektur des Klassizismus im Elsaß, Münster, Wawmann, (ISBN 3-8309-1076-2)
  11. Par sa mère, Ritter est le petit-fils de Gabriel Thumb, un des frères de Peter Thumb, l'architecte du palais abbatial de Guebwiller.
  12. Louis Beuque a écrit au chapitre : « Monsieur Blondel, professeur et architecte du Roy, qui sur le récit qu'on luy a fait de l'édifice que led. illustre chapitre fait bâtir sur les plans et desseins de l'un de ses élèves a promis de venir à Guebwiller à son premier voyage ». Blondel n'est pas venu.
  13. Henry Lemonnier, Procès-verbaux de l'Académie royale d'architecture, 1671-1793, t. VIII 1768-1779, Paris, Librairie Armand Colin, (lire en ligne), p. 26-27
  14. Lemonnier , 1924, p. 51-52, 55-57
  15. Wetterrwald 1934, p. 495
  16. Louis Réau, L'art français sur le Rhin au XVIIIe siècle, Paris, Librairie ancienne Honoré Champion, (lire en ligne), p. 18-19
  17. « Abbaye », notice no PA00085438, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture
  18. « Inventaire général : Église paroissiale Notre-Dame », notice no IA00054832, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture
  19. Notice no PM68000882, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Palissy, ministère français de la Culture orgue de tribune
  20. Notice no PM68000099, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Palissy, ministère français de la Culture orgue de tribune : partie instrumentale de l'orgue
  21. Notice no PM68000072, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Palissy, ministère français de la Culture orgue de tribune : buffet d'orgue
  22. Notice no IM68000306, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Palissy, ministère français de la Culture Orgue de l'église paroissiale Notre-Dame
  23. Guebwiller, église Notre-Dame, Orgue Cavaillé-Coll/Mutin (1908)
  24. DNA : Jean-Marie Schreiber, « Thierry Mechler, nouveau conservateur de l'orgue de Notre-Dame », 24 septembre 2020

Voir aussi modifier

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Sources et bibliographie modifier

  • Abbé Philippe-André Grandidier, « Église équestrale de Gebwiller », Revue d'Alsace, t. 18,‎ , p. 145-155 (lire en ligne)
  • Charles Wetterwald, « La construction du clocher de l'église Notre-Dame de Guebwiller », Revue d'Alsace, t. LXXXI,‎ , p. 495-502 (lire en ligne)
  • J. Davatz, Die Liebfrauenkirche zu Gebweiler, Berne 1974
  • Roger Lehni, « L'église Notre-Dame de Guebwiller », dans Congrès archéologique de France. 136e session. Haute-Alsace. 1978, Paris, Société française d'archéologie, (lire en ligne), p. 284-299
  • Dominique Toursel-Harster, Jean-Pierre Beck, Guy Bronner, Dictionnaire des monuments historiques d’Alsace, Strasbourg, La Nuée Bleue, , 663 p. (ISBN 2-7165-0250-1)
    Guebwiller, pp. 143 à 149

Articles connexes modifier

Liens externes modifier