Éducation aux médias en France

L’éducation aux médias est un ensemble de pratiques éducatives et pédagogiques destinées à permettre aux usagers (volontaires ou non) des médias :

  • d’en découvrir le fonctionnement ;
  • d’en comprendre les mécanismes et les langages ;
  • d’en analyser les pratiques et les méthodes ;
  • d’exercer, à leur endroit, leur capacité critique.


Dans cette fiche, nous ne confondrons pas l'éducation aux médias avec l'éducation à l'image, la critique des médias, la formation au cinéma, l’étude de la presse écrite et toutes approches spécifiques d’un média particulier.

Objectifs modifier

Des médias hégémoniques modifier

Le XXe siècle a été marqué par l’émergence d’un système d'information et de communication de plus en plus sophistiqué s’appuyant sur des outils technologiques de plus en plus puissants, ajoutant petit à petit au texte des premiers journaux, du son, de l'image, de l'image animée, de l’interactivité, etc.

L’éducation comme instrument de résistance modifier

Il semble alors logique et légitime que naisse l'idée que des citoyens d'aujourd'hui, pour être libres, doivent être formés à cette rencontre inévitable avec les médias de masse. L’éducation aux médias est une tentative de réponse par l’éducation, à cette nécessité.

Vers un changement des comportements modifier

L’éducation aux médias ne se propose pas seulement de diffuser des savoirs et des connaissances, elle a pour ambition ultime de permettre à chaque citoyen, de devenir autonome dans ses analyses, maître de ses choix et capable de transformer ses propres comportements face aux productions médiatiques.

Principes modifier

De réalité modifier

Les médias et l’ensemble des dispositifs de la communication médiatisée sont un constituant des sociétés modernes. Ils sont une composante de la complexité du monde. L’éducation aux médias n’a pas pour objet d’éloigner le citoyen des médias ou de le « vacciner » contre ses néfastes influences, mais de lui permettre d’en être un usager intelligent, perspicace sélectif et clairvoyant.

Une posture modifier

L’éducation aux médias est souvent confondue ou assimilée à l’éducation à l’image ou à la formation au cinéma telle qu’elle se pratique à l’école aujourd’hui. Bien entendu, la connaissance des mécanismes de fonctionnement et de langage des images est une composante nécessaire de l’éducation aux médias contemporains chargés d’icônes de tous types.

L’enseignant, l’animateur, le formateur qui pratique l’éducation aux médias, ambitionne de permettre à chacun d’acquérir les moyens et les outils d’observation, de compréhension et d’analyse de tous les médias, de leurs langages mais aussi de leurs économies, de leurs fonctions sociales, de leurs capacités à produire ou non du lien social, de la communication, de la culture, de l’art. La réussite de l’éducation aux médias ne se mesure pas prioritairement à l’étendue de connaissances acquises, mais à la capacité à mobiliser ces savoirs ou savoir-faire acquis pour se construire une culture citoyenne autonome.

Des principes de base modifier

L'éducation aux médias s'appuie sur quelques principes (d’après Len Mastermann – L’éducation aux médias dans l’Europe des années 90 – Ed du Conseil de l’Europe)

  • Les productions médiatiques sont des constructions réalisées par des hommes dans des contextes sociaux, économiques et culturels donnés. Elles n'ont rien de « naturel ».
  • Les médias ne reflètent pas la réalité, ils en proposent une représentation.
  • L'éducation aux médias est une recherche, un questionnement. Elle n'a pas vocation à fournir des réponses clé en main et du prêt à penser.
  • L'éducation aux médias se fonde sur l'observation du système médiatique et de l'ensemble de ses mécanismes dans son actualité.
  • Elle est destinée à développer le sens critique. Elle s'attache donc à produire des outils d'analyse et de compréhension permettant l'accès à l'autonomie critique.

Méthodes modifier

Un dispositif dynamique modifier

« L’éducation aux médias » est, à cause (entre autres) du mouvement perpétuel qui agite l’univers médiatique, un dispositif dynamique :

  • Nourri d’un savoir théorique produit par la recherche sur la communication de masse dans les sociétés modernes et la recherche en sciences de l’éducation.
  • Alimenté et enrichi par des « explorateurs » constitués d’éducateurs, d’universitaires, d’hommes et de femmes de médias qui s’interrogent au jour le jour sur les rapports qu’entretiennent « communication médiatisée » et « culture citoyenne ».
  • Unanimement encouragé (verbalement au moins) et soutenu (la plupart du temps sans l’apport des moyens nécessaires à l’ambition affichée) par les états, les collectivités locales, et les systèmes éducatifs.
  • Constitué concrètement de pratiques éducatives, culturelles et de créations inventées (avec des fortunes diverses) par des éducateurs sur l’ensemble de la planète.
  • S’adressant à des publics variés (enfants, jeunes, élèves, parents, éducateurs, etc.)

Les pratiques modifier

Outre l’acquisition des nécessaires connaissances indispensables, l’éducation aux médias se fonde pour l’essentiel :

  • Sur des activités d’observation des médias
  • Sur des activités d’auto-observation, pour chacun, de ses propres pratiques et comportements face aux propositions faites par le monde des médias.
  • Sur la mise en place d’outils d’analyse des phénomènes observés.
  • Sur des activités d’expression ou de création destinées à aider à la compréhension des mécanismes de la communication médiatisée.
  • Sur des activités de recherche-action voire d’expérimentation de formes alternatives de la communication

Prise en compte de l'éducation aux médias dans la société modifier

Régulièrement, de nombreuses voix s'élèvent, dans l'espace public, pour souligner l'importance d'une éducation aux médias pour tous, notamment pour les jeunes ; Ce sont celles d'intellectuels, de chercheurs, de journalistes, de responsables politiques... Des études et des rapports sont publiés. Mais tout cela se traduit par assez peu d'initiatives concrètes.

Quelques exemples :

Ségolène Royal, en tant que ministre déléguée chargée de l’enseignement scolaire, en 1997, se préoccupe des relations enfants-médias. Elle publie même un ouvrage à ce sujet : « le ras-le-bol des bébés zappeurs ». Hervé BOURGES, en tant que président du CSA en 1997, recommande de donner aux enfants des armes pour démystifier et comprendre les systèmes médiatiques.

Nadine Morano, en tant que secrétaire d'État à la famille, a constitué une « Commission Famille et éducation aux médias ». Celle-ci a publié un rapport recommandant de structurer et renforcer l’offre en éducation aux médias, de mieux sensibiliser les familles en dehors de l’école, d’adapter sans cesse, dans le cadre scolaire, l’éducation aux médias à leurs nouveaux modes de consommation, mais surtout, par toutes sortes de mesures de contrôle et de répression, accompagner le renforcement de la protection de l’enfance et de la jeunesse face à Internet.

Abraham A. Moles, Jean Cazeneuve, Pierre Schaeffer, Dominique Wolton, Serge Tisseron, Edgar Morin, Paul Virilio, Joël De Rosnay, plus près de nous, Divina Frau-Meigs, Marie-José Mondzain, Monique Dagnaud ont consacré une grande partie de leurs travaux aux questions d'éducation aux images et aux médias.

Par ailleurs des supports de presse publient des articles récurrents sur la nécessité d’une éducation aux médias : ainsi Télérama, Zéro de conduite, Les Cahiers du Cinéma et plus récemment la nouvelle revue "Jeunes et médias : Les cahiers francophones de l'éducation aux médias ». On peut y ajouter des émissions de radio comme Place de la Toile (F. Culture) ou des sites web comme Arrêt sur image, chassé de la télévision récemment.

Le cadre européen modifier

Différentes commissions émanent de plusieurs instances européennes abordent la question de l'éducation aux médias. Le programme Pestalozzi du conseil de l’Europe, le Département Information et E-learning, sont au travail pour développer l’éducation aux média, en lien avec les ministères nationaux, et les associations à vocation européenne et internationale (le réseau des clubs UNESCO), et avec certaines actions « Jeunesse pour l’Europe » EUROMEDUC, dispositif d’échange sur l’éducation aux médias créé par la Commission européenne, a repéré, entre autres, un certain nombre de freins à cette éducation : difficulté à comparer des systèmes éducatifs différents, inadaptation du cadre scolaire, limitation en temps, manque de formation des enseignants et absence de cadre d’évaluation durable, risque de formatage des contenus et des pratiques, vision marginale de cette éducation non intégrée aux programmes d’enseignement, réticences d’enseignants à considérer les documents médiatiques comme documents scolaires homologués.

L’Observatoire européen de l’audiovisuel et l’IRIS, ont repéré que vingt cinq textes sur l’éducation aux médias en Europe depuis 1985 ont été adoptés par les Instances Européennes. La Directive SMAV (Service de Média Audiovisuels) du Parlement Européen et du Conseil du , en est l’une des plus complètes. Il existe même un engagement que peuvent signer les structures convaincues de la nécessité d’une éducation aux média : « The European Charter for Media Literacy (Charte Européenne pour « apprendre à lire » les Médias)».

Aspect historique modifier

À partir de 1979 s'est développée l'opération « Jeune Téléspectateur Actif » (JTA) soutenue jusqu’en 1982 par les ministères de la Culture, de l’Éducation, de la Jeunesse et des Sports, de l’Action sociale, de la Famille, de l’Agriculture, l’INA, des collectivités territoriales et des chaînes de TV. Dans le cadre de « JTA », deux axes

  • l’étude de l’audio-visuel électronique et de ses représentations
  • la compréhension des réseaux de communication de masse

se sont retrouvés dans une multitude de formations, recherches, actions.

L’opération, qui a duré trois ans, a donné de brillants et riches résultats. Elle a été saluée à l’étranger et, en France, par les différents ministres concernés, qui se sont engagés à généraliser l’éducation aux médias. Mais tout s’est arrêté, faute de financement. Pas pour longtemps. La déception fut de courte durée. Car l’élan donné par JTA et ce blocage lui-même, avaient tout pour motiver les 1 200 acteurs de l’expérience à « généraliser », chacun à sa manière, l’esprit des recherches-actions qu’ils avaient menées ensemble et en mêlant intimement l’axe concernant l’image et l’audiovisuel et celui œuvrant dans le champ des réseaux de communication.

Les structures anciennes, dans le contexte de JTA, avaient expérimenté des complémentarités créatrices et y ont trouvé comme un second souffle : par exemple l’ICAV, Média-formation, certains programmes lancés dès le début des années 70 (ou bien avant), dans les IUFM, les CRDP, les CDDP, les CREPS, l’INJEP, dans le cadre de l’éducation culturelle des lycées agricoles, dans l’action des groupes de parents d’élèves, de travailleurs sociaux, des Mouvements d’Éducation Populaire et celle de leurs animateurs de terrain.

De nouvelles structures sont nées après 1982 soit directement de JTA, soit par héritage des pistes de travail ouvertes par l’opération.

Différentes approches et principaux acteurs modifier

1983 modifier

  • Création des classes A 3 conduisant à un bac. « Médias Audiovisuels ».
  • Le CLEMI (Centre de Liaison de l'Enseignement et des Médias d'Information).

1985 modifier

  • Le Plan Images Interactives équipant 164 établissements de NTIC.
  • Le programme Vidéo Collège (tournage, parfois montage).
  • Les A.C.S. (Ateliers de Communication Sociale), plateaux techniques associatifs, pédagogiques dans l’esprit de l’Éducation Populaire. (Jeunesse et Sports).
  • L’A.N.T.E.A. (Association Nationale des Téléspectateurs et Auditeurs).

1986 modifier

1987 modifier

  • « La Télé est à Nous » Association de Téléspectateurs.

1988 modifier

1990 modifier

  • "EN. JEU. TÉLÉ." (ENfants, JEUnes et TELEvisions). Les CEMEA et les FRANCAS, associés à APTE, fondent ensemble (le ) cette association d’éducation populaire à la télévision, et lance la revue « Zapp ».
  • M.T.T. (Medias Télévision, Téléspectateurs).

Parmi les initiatives à retenir modifier

De 1980 à 2002 modifier

L’Université d’été de la communication de Carcan-Maubuisson-Hourtin a rassemblé de nombreux chercheurs et spécialistes qui ont pu exposer leurs travaux et leur vision prospective de l’évolution des médias.

En 1984 modifier

démarre « Scoop en stock », à Poitiers, festival des fanzines et de la presse jeune, qui va assez tôt associer APTE au fondateur J. PRESSE, pour s’ouvrir aussi à la presse audio-visuelle (« Vidéo Scoop »), et expérimenter des dispositifs télévisuels de communication, gérés par des équipes de jeunes participants. En 1998, séparément de « Scoop en Stock », l’opération devient « IMAGE OUVERTE », et intègre très tôt l’interactivité du web dans le festival (jusqu’en 2004).

Entre 1993 et 1999 modifier

le ministère de la Jeunesse et des Sports a suscité et financé 12 sites d’expérimentation en France dans le cadre d’un programme « Vidéo Insertion », et deux équipes de travail ont été désignées pour analyser le rôle des pratiques audiovisuelles dans l « insertion » des jeunes à la Cité. En cours de recherche, des questions plus fondamentales se sont posées : comment l’utilisation des médias audiovisuels sont-ils une pratique culturelle ? Comment caractériser les actions d’éducation aux medias étudiées et qui se réclament de l’Éducation Populaire (« Pratique Culturelle et insertion ») ? L’éducation nationale lance les Ateliers de Pratique Artistique interdisciplinaires qui se sont parfois appuyés sur l’audiovisuel et les NTIC, et crée des établissements focalisés sur la communication par l’image, comme le LISA (Lycée de l’Image et du Son) à Angoulême. Le BEATEP (Brevet d’État animateur Technicien de l’Éducation Populaire), remplacé aujourd’hui par le BPJEPS, proposaient parfois des options centrées sur l’éducation aux médias.

Bibliographie modifier

Les ressources choisies l’ont été en fonction de leur proximité avec le thème de la fiche : Éducation aux médias et de leur capacité à alimenter la réflexion et le dialogue entre ces deux domaines.

Livres modifier

  • BAZALGETTE, Cary, Évelyne BEVORT et Josiane SAVINO. L’éducation aux médias dans le monde : nouvelles orientations.
  • CARRIER, Jean-Pierre. Initiation aux médias : vocabulaire et pratiques de formation.
  • CARRIER, Jean-Pierre et Christian GAUTELLIER. Le petit écran des enfants.
  • DE LORIMIER, Jacques. Ils jouent au Nintendo : mais apprennent-ils quelque chose ?
  • DHAVRÉ, Aline et Josiane SAVINO. Image d’information et citoyenneté à l’école primaire.
  • FRÉMONT, Pierre. L’Image d’information à l’école, de l’innovation à sa généralisation.
  • FRÉMONT, Pierre et Évelyne BEVORT. Médias, violence et éducation.
  • GONNET, Jacques. Éducation aux médias. Les controverses fécondes.
  • JEHEL Sophie, Parents ou médias, qui éduque les préadolescents ? Enquête sur leurs pratiques TV, jeux vidéo, radio, internet, Toulouse, éditions Erès, 2011
  • JOST, François. La télévision du quotidien : entre réalité et fiction.
  • LEMAIRE, Jacques et autres. Médias : information ou manipulation.
  • PIETTE Jacques éducation aux médias et fonction critique
  • FRAU- MEIGS Divina – Penser la société De l'écran, dispositifs et usages, Paris, Presses de la Sorbonne nouvelle, 2011
  • JAQUINOT Geneviève, pour l’ensemble de son œuvre
  • SOULÉ, Yves. La télévision à l’école : regards et pratiques.
  • TISSERON, Serge. Enfants sous influence.( (Les écrans rendent-ils les jeunes violents ?)
  • TOUSSAINT, Bruno. Le Langage des images et des sons.

Conférences modifier

  • MONDZAIN Marie-José: Qu'est-ce que voir une image ? La conférence de l'Université de tous les savoirs du mardi

Revues modifier

  • Jeunes et médias : les cahiers francophones de l'éducation aux médias – Edition Publibook Université – Information & communication (revue dirigée par Le Centre d'études sur les jeunes et les médias

Articles connexes modifier