Scriptio continua

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La scriptio continua (expression latine pour « écriture continue »), également nommée scriptura continua, est un type d'écriture ininterrompue utilisé couramment dans la civilisation étrusque comme dans l'Antiquité gréco-romaine[1].

Virgile, Enéide, chant II, vers 191-198, épisode du cheval de Troie, discours du traître Sinon :
CONUERTANT PRIAMI IMPERIO PHRYGII(BU)SQUE FUTURUM /
SIN MANIBUS UESTRIS UESTRAM ASCENDISSET IN URBEM /
VLTRO ASIAM MAGNO PELOPEA AD MOENIA BELLO /
VENTURAM ET NOSTROS EA FATA MANERE NEPOTES /
TALIBUS INSIDIIS PERIURIIQ. ARTE SINONIS /
CREDITA RES CAPTIQ. DOLIS LACRIMISQUE COACTIS /
QUOS NEQUE TYDIDES NEC CLARISEUS ACHILLIS /
NON ANNI DOMUERE DECEM NON MILLAE CARINAE /
(Vergilius Vaticanus), exemple de scriptio continua avec une enluminure illustrant l'épisode suivant de Laocoon.

Description modifier

La scriptio continua se caractérise par son absence de ponctuation, d'espaces et de séparation entre les mots ou les phrases. Elle ne comporte pas non plus de point médian ni de signes diacritiques et les lettres sont toutes de même format, à l'inverse du système bicaméral. C'est au lecteur de rétablir les coupures lorsqu'il prononce les phrases.

Un grand nombre de manuscrits anciens, dont le Codex Sinaiticus, sont en scriptio continua.

La scriptio continua étant peu déchiffrable d'une manière immédiate, elle nécessite la lecture à voix haute pour être intelligible. La parole devient alors une aide à la compréhension[2]. Alberto Manguel relève que Cicéron et Augustin d'Hippone devaient répéter leurs textes avant de les lire à haute voix[2].

En Occident, ce système est resté en usage jusqu'aux IXe et Xe siècles, notamment dans les textes en gotique. L'étude des manuscrits irlandais et anglo-saxons permet de situer les premières segmentations aux VIIe et VIIIe siècles. C'est à cette époque que les moines copistes irlandais abandonnent l'écriture continue en adoptant les critères morphologiques qu'ils avaient trouvés dans les analyses des grammairiens (ponctuation, espaces) et des mises en page spécifiques (ornementation des initiales, lettres historiées, enluminures)[3],[4].

Galerie modifier

Notes et références modifier

  1. « Histoire de la ponctuation », Office québécois de la langue française, novembre 2017.
  2. a et b « Histoire de la lecture : le rôle de la voix », Laurent Jenny, université de Genève, 2003.
  3. Michel Fayol et Jean-Pierre Jaffré, Orthographier, Presses universitaires de France, , p. 80.
  4. Paul Saenger, « La naissance de la coupure et de la séparation des mots », dans Henri-Jean Martin et Jean Vezin (dir.), Mise en page et mise en texte du livre manuscrit, Paris, Éditions du Cercle de la Librairie, 1990, p. 447-455.

Bibliographie modifier

  • Hubert Cancik und Helmuth Schneider (Hrsg.), Der Neue Pauly. Enzyklopädie der Antike. Bd. 7 (Lemma Lesezeichen). Metzler, Stuttgart u. Weimar 1999, (ISBN 3-476-01477-0)
  • Severin Corsten, Stephan Füssel und Günther Pflug (Hrsg.), Lexikon des gesamten Buchwesens. Bd. 7. Hiersemann, Stuttgart 2004
  • René Henry Munsch, Histoire de l'écriture, Bloud et Gay, 1961
  • Alberto Manguel, Une histoire de la lecture, Actes Sud, 1998
  • M. B. Parkes, Antiquity : Aids for Inexperienced Readers and the Prehistory of Punctuation. Pause and Effect : An Introduction to the History of Punctuation in the West, Berkeley, Université de Californie, 1993
  • Paul Saenger, Space between words : the origins of silent reading, Stanford University Press, California, 1997

Articles connexes modifier