Tenseur énergie-impulsion

un champ tensoriel utilisé en relativité générale afin de représenter la répartition de masse et d’énergie

Le tenseur énergie-impulsion est un outil mathématique utilisé notamment en relativité générale afin de représenter la répartition de masse et d'énergie dans l'espace-temps.

La théorie de la relativité restreinte d'Einstein établissant l'équivalence entre masse et énergie, la théorie de la relativité générale indique que ces dernières courbent l'espace. L'effet visible de cette courbure est la déviation de la trajectoire des objets en mouvement, observé couramment comme l'effet de la gravitation.

Histoire modifier

Le tenseur énergie-impulsion du champ électromagnétique a été écrit, pour la première fois, par Joseph Larmor (-) en dans l'essai qui lui a permis de remporter le prix Adams et qu'il a publié en dans Aether and Matter[1].

En , William Thomson (-) introduit la notion de densité d'énergie électromagnétique[2],[3] ; en , James Clerk Maxwell (-), celle de tension électromagnétique[2],[4] ; en , John Henry Poynting (-) et Oliver Heaviside (-), celle de flux d'énergie électromagnétique[2],[4] ; puis, en , Joseph John Thomson (-), celle de densité de moment électromagnétique[2],[4]. En , Hermann Minkowski (-) réunit ces quatre notions dans un tenseur : le tenseur énergie-impulsion du champ électromagnétique[2]. Ce faisant, il introduit la notion de tenseur énergie-impulsion[5],[6],[7]. Mais il ne l'applique qu'au champ électromagnétique[5]. C'est à Max von Laue (-) qu'est due — semble-t-il — l'usage général du tenseur pour décrire la dynamique de m'importe quel type de matière ou de champ[5] : en , il en donne une décomposition générale[5],[8],[9].

En , Max Planck (-) énonce la propriété d'égalité — à un facteur c2 près — du flux d'énergie et de la densité d'impulsion[5],[10],[11] ; propriété qu'en , Henri Poincaré (-) avait établie dans le cas particulier du champ électromagnétique[5],[12],[13].

Définition modifier

  • Tenseur énergie-impulsion pour la matière:

On considère que la matière M qui engendre le champ gravitationnel est un système isolé et en mouvement comme un fluide de poussière avec une vitesse:

 

Dans ce cas le tenseur énergie-impulsion de la matière   est par définition :

 

 

 

 

  = une distribution propre de la matière


Voyons que vaut   :

comme   ne contient pas   la relation (a) devient :

 

 

 

comme   ne contient pas non plus   on peut sortir  

 

parmi les   il y a un seul   quand  

 

 

 

or

 

 

 

d'où

 

soit

 


La relation (a) nous permet d'injecter   dans l'équation tensorielle d'Einstein, il suffit de prendre l'action de la matière suivante:

 

 

et la variation   par rapport à   donne:

 

c'est-à-dire

 

Pour l'action du champ gravitationnel on prend:

 

 

et la variation   donne:

 

Et le principe de moindre action nous donne:

 

 

  • Tenseur énergie-impulsion pour le champ électromagnétique sans charge:

En présence du champ électromagnétique  

Dans ce cas le tenseur énergie-impulsion du champ EM sans charge   est par définition :

 

 

 


Maintenant calculons   :

comme   ne contient pas   la relation (b) devient

 

 

comme

 

et

 

d'où

 


d'autre part

 

 

parmi les   il y a un seul   quand  

et parmi les   il y a un seul   quand  

 


 

changeons les indices a=s, b=m, et comme   antisymétrique ça donne

 

 

d'où

 

 


La relation (b) nous permet d'injecter   dans l'équation tensorielle d'Einstein, il suffit de prendre l'action suivante:

 


et la variation   par rapport à   donne:

 

c'est-à-dire

 

Et le principe de moindre action nous donne:

 

 


Remarque les tenseurs d'énergie-impulsion possèdent deux propriétés essentielles:

- Symétrique  

- Conservatif  


On peut vérifier que Tμν est conservatif c'est-à-dire :

 

Comme   ça donne

 

Or on est dans un système isolé, on a   car il y a la conservation de masse (comme dans le cas de conservation de charge  )


 

 

il nous reste donc

 

or

 

 

 

mais on a

 

comme  

on peut sortir  

 

or

 

 

Plaçons nous dans un repère normal, les gamma   sont nuls. Et la matière n'a pas d'interaction avec l'extérieur (système isolé) la vitesse des particules est constante donc il n'y a pas d'accélération .

 

finalement on a bien :  


En présence du champ EM (sans charge) le tenseur énergie-impulsion   du champ EM est aussi conservatif.

Interprétation le tenseur énergie-impulsion pour la matière modifier

 
Les composants du tenseur énergie-impulsion.

La composante   du tenseur énergie-impulsion est le flux de la   composante de la quadri-impulsion[14],[15].

Le tenseur énergie-impulsion peut s'écrire sous la forme d'une matrice 4 × 4 réelle symétrique :

 

Ce tenseur dérive des flux du quadri-moment (quadrivecteur impulsion-énergie) à travers des surfaces de coordonnée   constante.

Les composantes du tenseur énergie-impulsion sont les suivantes :

  • T00 est la densité d'énergie[16],[17],[18]. Elle est positive ;
  • cT0i est la composante i du flux d'énergie[18] à travers la surface unité suivant i[16] ;
  • Ti0/c est la densité de la composante i de l'impulsion relativiste[16],[18] ;
  • Tij est la composante j du flux de la composante i de l'impulsion relativiste[18]. Les composantes Tij sont celles du tenseur des contraintes dans l'espace[17].
  • Par symétrie, {T01, T02, T03 }={T10, T20, T30} et sont donc aussi des densités de moments.
La sous-matrice 3 × 3 des composantes spatiale :
 

est la matrice des flux de moments. En mécanique des fluides, sa diagonale correspond à la pression, et les autres composantes correspondent aux efforts tangentiels dus à la viscosité.

Propriétés modifier

Le tenseur énergie-impulsion est un quadritenseur[19] d'ordre 2[20],[21],[22].

Il est symétrique[20],[23],[17] :

 .

Étant symétrique, il ne possède que dix composantes indépendantes[17].

Le tenseur énergie-impulsion est de divergence nulle[20] :

 .

Dans le cas d'un fluide parfait, où  , en métrique plate, cette condition de divergence nulle redonne l'équation de conservation de la masse en régime permanent : div (ρv) = 0

Dimension et unité modifier

En analyse dimensionnelle, le tenseur énergie-impulsion est homogène à une densité (volumique) d'énergie, c'est-à-dire au produit d'une densité d'impulsion par une vitesse[24].

Dans le Système international d'unités, son unité est le joule par mètre cube (J/m3)[24], unité dérivée de l'énergie volumique[25],[26] :

J/m3 = 1 kg m−1 s−2.

Exemples modifier

Fluide parfait modifier

Pour un fluide au repos, le tenseur énergie-impulsion se réduit à la matrice diagonale diag(ρc^2,-p,-p,-p)ρ est la masse volumique et p la pression hydrostatique.

Énergie noire modifier

Placer la constante cosmologique   dans le membre de droite de l'équation d'Einstein permet de lui associer un tenseur énergie-impulsion[27] :

 .

Cela correspond au tenseur énergie-impulsion d'un fluide parfait dont l'équation d'état est[27] :

 .

Si la constante cosmologique est positive, alors le fluide associé est caractérisé par une densité d'énergie   positive et une pression   exactement opposée[27]. C'est ce fluide, qui ne correspond à aucune forme connue de matière, qui est appelé l'énergie noire[27].

Relativité générale modifier

Le vide est, en relativité générale, une région de l'espace-temps où le tenseur énergie-impulsion s'annule[28],[29].

Notes et références modifier

  1. Jones 2017, § 10.7.5, p. 266.
  2. a b c d et e NI 2017, sec. 2, p. 95.
  3. Whittaker 1989, t. II, chap. II, p. 66.
  4. a b et c Whittaker 1989, t. II, chap. II, p. 67.
  5. a b c d e et f Gourgoulhon 2010, p. 626, n. historique.
  6. Gourgoulhon 2010, p. 745, réf. 289.
  7. Minkowski 1908.
  8. Gourgoulhon 2010, p. 741, réf. 243.
  9. Laue 1911.
  10. Gourgoulhon 2010, p. 747, réf. 327.
  11. Planck 1908.
  12. Gourgoulhon, p. 747, réf. 329.
  13. Poincaré 1900.
  14. Barrau et Grain 2016, chap. 5, sec. 5.2, § 5.2.1, p. 81.
  15. Schutz 2022, chap. 4, sec. 4.4, p. 92.
  16. a b et c Barrau et Grain 2016, p. 81.
  17. a b c et d Semay et Silvestre-Brac 2021, chap. 2, § 12.2, p. 260.
  18. a b c et d Semay et Silvestre-Brac 2021, chap. 2, § 12.4, p. 264.
  19. Heyvaerts 2012, chap. 7, sec. 7.6, § 7.6.6, p. 146.
  20. a b et c Barrau et Grain 2016, p. 82.
  21. Semay et Silvestre-Brac 2021, chap. 2, § 12.2, p. 258.
  22. Taillet, Villain et Febvre 2018, p. 721.
  23. Gourgoulhon 2010, p. 625.
  24. a et b Gourgoulhon 2010, § 19.1.1, p. 621.
  25. Pérez 2016, chap. 10, sect. II, § II.8, p. 249.
  26. Dubesset 2000, 1re part., tabl. 4, s.v. énergie volumique, p. 3.
  27. a b c et d Semay et Silvestre-Brac 2021, chap. 12, § 12.3, p. 264.
  28. Hobson, Efstathiou et Lasenby 2009, chap. 8, § 8.6, p. 181.
  29. Penrose 2007, chap. 19, § 19.6, p. 447.

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

Publications originales modifier

Ouvrages d'introduction modifier

Manuels d'enseignement supérieur modifier

Dictionnaires et encyclopédies modifier

Divers modifier

Articles connexes modifier

Liens externes modifier