Martingale (calcul stochastique)

type de processus stochastique

Une martingale est une séquence de variables aléatoires (autrement dit un processus stochastique), telles que l'espérance mathématique à l'instant , conditionnellement à l'information disponible à un moment préalable , notée , vaut (avec ).

En particulier, dans un processus discret (t entier), .

Une martingale peut modéliser les gains / pertes accumulés par un joueur au cours de répétitions indépendantes d'un jeu de hasard à espérance nulle (même si le joueur s'autorise à modifier sa mise en fonction des gains passés), d'où l'emprunt du terme martingale au monde du jeu.

On dira que est un processus adapté à la filtration .

On parlera de sous-martingale si et de sur-martingale si .

Définitions modifier

Processus stochastique

Un processus stochastique est une famille de variables aléatoires, généralement indexée par   ou  .

Filtration

Une filtration est une suite croissante de tribus (ou sigma-algèbres)  , c'est-à-dire  .

Filtration naturelle

Soit   une suite de variables aléatoires. On dit que   définie par   est la filtration naturelle de la suite  .

Processus adapté

On dit que le processus   est adapté à la filtration   si   est  -mesurable pour tout entier n.

Martingale dans  

Soit   une filtration.

Soit   une suite de variables aléatoires.

On dit que   est une martingale par rapport à   si:

  1.   est adaptée à la filtration  .
  2.   est intégrable pour tout entier n.
  3.  .

Si   respecte les deux premières conditions, et   alors on l'appelle sous-martingale, et si  , alors on l'appelle sur-martingale.

On dit que   est une  -martingale.

Processus prévisible

Soit   une filtration.

Soit   une suite de variables aléatoires.

On dit que   est un processus prévisible si   est  -mesurable et   est  -mesurable pour tout entier n.

Situation générale modifier

Sur les espaces de Banach modifier

Soit

  •   un ensemble partiellement ordonné
  •   un espace de Banach
  •   un espace probabilisé avec filtration  
  •   une processus stochastique sur  

Alors   est appelé un  - -martingale, si

  1.   est  -adapté,
  2.    , cela signifie  ,
  3.    -presque sûrement pour tous   avec  .

Si en plus est vrai

  •    , cela signifie  ,

alors   est un  -martingal ou court  -martingal[1].

Historique du nom modifier

Donnons ici une histoire anti-chronologique du nom (et non du concept) de martingale (issue de cette note[2]).

En théorie des probabilités, la première apparition du mot martingale (et non du concept) se trouve dans la thèse[3] de Jean Ville (en 1939), au chapitre IV, paragraphe 2 dans l'expression : « système de jeu ou martingale ». Il précise que ce terme est emprunté du vocabulaire des joueurs. Notons que la dénomination anglaise (martingale) a été reprise de la française par Joseph Leo Doob, alors rapporteur de la thèse de Ville.

La martingale dans les jeux

Dans le langage des jeux, le terme martingale, le dictionnaire[4] de l'Abbé Antoine François Prévost de 1750, définit le terme comme une stratégie qui consiste pour le joueur à doubler sa mise à chaque perte "pour se retirer avec un gain sûr, supposé qu'il gagne une fois". Plus tôt, en 1611, le dictionnaire franco-anglais de Randle Cotgrave[5]. définit L'expression « à la martingale » avec les termes : absurdly, foolishly, untowardly, grossely, rudely, in the homeliest manner (absurde, stupide, fâcheusement, grossièrement, brutalement, de manière laide). Notons que le terme martingale fait son apparition dans le dictionnaire de l'Académie française en 1762.

Selon une expression provençale[6], jouga a la martegalo signifierait : jouer de manière incompréhensible, absurde. C'est peut-être l'origine de l'application du terme "martingale" aux jeux. On peut penser que la stratégie de martingale peut être considérée comme absurde.

La martingale est absurde ?

Le terme martegalo se rapporte aux habitants de Martigues. La situation isolée de Martigues, au XVIe siècle, « a valu à ses habitants une réputation de naïveté proverbiale » ; on leur attribue une certaine « badauderie », de la « naïveté » ainsi que « des propos goguenards »[2].

Propriétés modifier

Propriété 1

Soit   une martingale.

On a  

Autrement dit, la suite   est constante.

Exemples de martingales modifier

  • Soit   une variable aléatoire intégrable et  .

Alors   est une  -martingale.

  • Soit   une suite de variables aléatoires indépendantes et centrées.

La suite   définie par   est une  -martingale avec  [7].

  • Soit   une  -martingale, soit   un processus borné prévisible par rapport à  .

Alors   définie par   est une  -martingale.

  • Martingale de Doob

On étudie l'espérance conditionnelle d'une variable aléatoire X selon une suite de variables aléatoires   définies sur le même espace probabilisé et on pose :

 

La suite des   est appelée martingale de Doob.

  • Martingale de Wald

On définit la suite des   selon la fonction génératrice d'une suite de variables aléatoires indépendantes identiquement distribuées  

 

La suite des   est appelée martingale de Wald.

  • Exemple de martingale à temps continu

On peut par exemple définir des martingales avec des mouvements browniens. Ceci a de nombreux liens avec l'intégration stochastique. On commence par définir la filtration comme étant la filtration naturelle d'un mouvement brownien standard  . Alors le processus stochastique   est une martingale. Ceci donne par ailleurs la décomposition de Doob de la sous-martingale  

Martingales et temps d'arrêts modifier

Théorème 1

Soit   une  martingale et   un temps d'arrêt.

Alors   est une martingale (appelée "martingale arrêtée").


Corollaire

 .

Décomposition de Doob-Meyer modifier

La décomposition de Doob-Meyer permet de décomposer un processus stochastique intégrable adapté en une martingale et un processus prévisible.

Bibliographie modifier

Article connexe modifier

Notes et références modifier

  1. Tuomas Hytönen, Jan van Neerven, Mark Veraar et Lutz Weis, Analysis in Banach Spaces, Volume I: Martingales and Littlewood-Paley Theory, Springer Cham, (DOI 10.1007/978-3-319-48520-1)
  2. a et b Roger Mansuy, « Histoire des martingales », Math. & Sci. hum. / Mathematical Social Sciences (43e année),‎ 2005 (1), p. 105-113 (lire en ligne).
  3. Ville, J., Étude critique de la notion de collectif, Paris, Gauthier-Villars,
  4. [1] Manuel lexique ou dictionnaire portatif des mots François (1750).
  5. A Dictionarie of the French and English Tongues A Dictionarie of the French and English Tongues, Randle Cotgrave, édition originale de 1611.
  6. [2], voir Lou Trésor dou Félibrige ou Dictionnaire de provençal-français (1879), de Frédéric Mistral pour les expressions provençales.
  7.   désigne la tribu engendrée par les   donc l'ensemble des parties de