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Charles Dickens

Charles Dickens en 1867 ou 1868
Charles Dickens en 1867 ou 1868

Charles John Huffam Dickens, Charles Dickens [ˈtʃɑrlz ˈdɪkɪnz], né à Landport, près de Portsmouth, dans le Hampshire, le , mort à Gad's Hill Place, à Higham, dans le Kent, le , est considéré comme le plus grand romancier de l'époque victorienne, et, dès ses premiers écrits, il est devenu immensément célèbre, sa popularité ne cessant de croître au fil de ses publications.

L'expérience marquante de son enfance, que certains considèrent comme la clef de son génie, a été, peu avant l'incarcération de son père pour dettes à la Marshalsea, son embauche à douze ans chez Warren où il a collé des étiquettes sur des bouteilles de cirage pendant plus d'une année. Bien qu'il soit retourné presque trois ans à l'école, son éducation est restée sommaire et sa grande culture est essentiellement due à ses efforts personnels.

Il a fondé et publié plusieurs hebdomadaires, composé quinze romans majeurs, cinq livres de moindre envergure (novella en anglais), des centaines de nouvelles et d'articles portant sur des sujets littéraires ou de société. Sa passion pour le théâtre l'a poussé à écrire et mettre en scène des pièces, jouer la comédie et faire des lectures publiques de ses œuvres qui, lors de tournées souvent harassantes, sont vite devenues extrêmement populaires en Grande-Bretagne et aux États-Unis.

Charles Dickens a été un infatigable défenseur du droit des enfants, de l'éducation pour tous, de la condition féminine et de nombreuses autres causes, dont celle des prostituées.

Il est apprécié pour son humour, sa satire des mœurs et des caractères. Ses œuvres ont presque toutes été publiées en feuilletons hebdomadaires ou mensuels, genre inauguré par lui-même en 1836, format contraignant mais permettant de réagir rapidement, quitte à modifier l'action et les personnages en cours de route. Ses intrigues sont soignées et s'enrichissent souvent d'événements contemporains, même si l'histoire se déroule antérieurement.

Un chant de Noël (1843) a connu le plus vaste retentissement international, et l'ensemble de son œuvre a été loué par des écrivains de renom, comme William Makepeace Thackeray, Léon Tolstoï, Gilbert Keith Chesterton ou George Orwell, pour son réalisme, son esprit comique, son art de la caractérisation et l'acuité de sa satire. Certains, cependant, comme Charlotte Brontë, Virginia Woolf, Oscar Wilde ou Henry James, lui ont reproché de manquer de régularité dans le style, de privilégier la veine sentimentale et de se contenter d'analyses psychologiques superficielles.

Dickens a été traduit en de nombreuses langues, avec son aval pour les premières versions françaises. Son œuvre, constamment rééditée, connaît toujours de nombreuses adaptations au théâtre, au cinéma, au music-hall, à la radio et à la télévision.

Catherine Dickens

Catherine Hogarth Dickens, par Samuel Lawrence, 1838.
Catherine Hogarth Dickens, par Samuel Lawrence, 1838.

Catherine Thompson Hogarth (['kæθrin 'tɒmsən 'həʊgɑːθ]) dite « Kate » (['keit]) (Édimbourg, , Londres-), a été l'épouse de l'écrivain anglais Charles Dickens (1812-1870), avec lequel elle a eu dix enfants.

Catherine et Charles ont vécu vingt-deux ans sous le régime matrimonial avant que ne s'officialise leur séparation. Sur son lit de mort en 1879, soit neuf ans après le décès de son mari, Catherine a confié les lettres qu'elle avait reçues de lui à sa fille Kate (Katey), avec pour mission de les déposer au British Museum, afin, a-t-elle ajouté, que « le monde sache qu'il m'a un jour aimée » (« Give these to the British Museum, that the world may know he loved me once »). Ainsi, grâce à elle, alors que Dickens a détruit beaucoup de ses documents personnels, une partie de la correspondance privée du romancier se trouve au British Museum, encore que d'autres lettres soient conservées dans diverses bibliothèques, en particulier à la New York Public Library.

Catherine et Charles Dickens ont souvent voyagé ensemble, en Grande-Bretagne, en Écosse en particulier, ou en Europe (France, Suisse et Italie). Mrs Dickens a également accompagné son mari aux États-Unis lors de son premier séjour en 1842.

Si les premières années du mariage ont été heureuses, la mésentente s'est peu à peu instaurée et s'est accentuée au fil du temps ; elle a été portée à son comble en 1858 après la rencontre de Dickens avec la jeune actrice Ellen Ternan, dont il a fait, bien qu'il l'ait toujours nié, sa maîtresse. Cette liaison, gardée clandestine, s'est poursuivie, comme l'a montré Claire Tomalin, jusqu'à la mort du romancier en 1870. La séparation entre Catherine et Charles a été douloureuse, Mrs Dickens devant quitter sans retour le foyer familial avec l'aîné de ses enfants, Charles Dickens Jr (Charley), le seul ayant accepté de la suivre.

Si la critique a longtemps présenté Catherine Hogarth Dickens comme une personne fade et insignifiante, les travaux récents, ceux de Michael Slater et Claire Tomalin en particulier, cités en Bibliographie, la révèlent bien différente : enjouée, éprise de culture, mais totalement dominée par la personnalité de son mari. Un récent ouvrage de Lillian Nayder s'inscrit dans cette même veine, montrant au travers de Catherine, « à quel statut débilitant sont réduites les femmes de l'époque victorienne, à quel point l'écrivain pouvait être autoritaire avec celles de sa famille, comment il a anéanti l'une d'elles, qui n'avait rien fait pour mériter sa cruauté ».

Mary Scott Hogarth

Mary Scott Hogarth à 16 ans.
Mary Scott Hogarth à 16 ans.

Mary Scott Hogarth, née le 26 octobre 1819 et morte le 7 mai 1837, est la sœur de Catherine Dickens, l'épouse du romancier anglais Charles Dickens. Malgré son jeune âge et son décès prématuré – et peut-être à cause de cela –, elle a joué un grand rôle dans la vie du couple, dans celle de Dickens en particulier et aussi dans son œuvre. En réalité, évoquer Mary Scott Hogarth revient à parler essentiellement de son célèbre beau-frère, sans lequel elle serait restée sans doute inconnue, alors que, partageant son prestige, elle est passée à la postérité.

Les critiques, en effet, scrutent la brève existence de cette jeune fille pour mieux comprendre la personnalité, le comportement et l'œuvre du romancier. Sa mort a certainement contribué à révéler les tendances mystiques de Dickens, à accélérer la séparation du couple, et l'œuvre porte sa trace de façon appuyée surtout jusqu'à la publication en 1850 de David Copperfield, dont l'héroïne principale, Agnès, emprunte, après plusieurs autres protagonistes féminins qui l'ont précédée, bien de ses traits.

Georgina Hogarth

Georgina Hogarth dans sa jeune maturité.
Georgina Hogarth dans sa jeune maturité.

Georgina Hogarth (1827-1917) est la belle-sœur, la compagne et la confidente du romancier Charles Dickens (1812-1870) qui, dans son testament, la décrit comme « la meilleure et la plus sûre amie que puisse avoir un homme » (« the best and truest friend man ever had »). Elle devient un membre essentiel de la maisonnée des Dickens dès qu'elle s'y installe. Elle suit Dickens après sa séparation d'avec son épouse Catherine et reste auprès de lui jusqu'à sa mort en 1870. Comme pour sa sœur Mary Scott, l'évoquer revient essentiellement à parler de son célèbre beau-frère, sans lequel elle serait sans doute restée inconnue, alors que, partageant son prestige, elle passe à la postérité.

Certaines rumeurs malveillantes évoquent une possible liaison amoureuse entre Dickens et sa jeune belle-sœur ; circulant déjà lors des embarras conjugaux du couple, elles sont ensuite poursuivies avec des fortunes diverses, jusqu'à ces dernières années à l'occasion de la vente aux enchères d'un bijou. Claire Tomalin, qui analyse sur le problème dans sa biographie d'Ellen Ternan, la jeune maîtresse de Dickens, semble établir leur caractère fallacieux ou mensonger. D'après son analyse, que partagent avant elle des critiques tels que Peter Ackroyd, Michael Slayter ou Lillian Nayder, pour ne citer que les plus récents, Georgina tient auprès de Dickens le rôle exclusif de gouvernante, d'amie et de confidente.

Après le décès du romancier, Georgina garde des rapports affectueux avec les enfants Dickens et n'a de cesse, jusqu'au terme de sa longue vie, de défendre la mémoire et de préserver, avec l'aide de sa nièce Mamie, la correspondance de son beau-frère dont elle supprime consciencieusement toute référence pouvant faire ombrage à sa réputation.

L'œuvre de Dickens présente plusieurs personnages féminins qui, de près ou de loin, semblent être inspirés par Georgina, bien qu'elle-même se défende d'avoir servi de modèle, du moins pour l'une d'entre elles.

Ellen Ternan

Ellen Ternan en 1858.
Ellen Ternan en 1858.

Ellen Lawless Ternan (['elən 'lɔ:lis 'tə:nən]), aussi appelée Nelly Ternan ou Nelly Robinson (Ellen Robinson est son nom de mariage), née le à Rochester, Kent, et morte le à Fulham, est une actrice anglaise que sa liaison avec le romancier Charles Dickens a fait connaître du monde entier lorsqu'ont été révélés la réalité et les détails de l'affaire qui a provoqué la séparation de Dickens d'avec sa femme Catherine Hogarth Dickens.

Encore très jeune alors qu'elle se lie à Dickens, sa vie change complètement après leur rencontre ; elle existe désormais dans l'ombre de son prestigieux amant qui entend garder leurs relations secrètes. Elle fait d'assez nombreux voyages avec lui et fréquente beaucoup ses sœurs, particulièrement celle qui réside en Italie.

Si Dickens a d'abord pris sa carrière en mains, elle a très vite quitté définitivement la scène en 1860 et a alors vécu plus ou moins clandestinement jusqu'à la mort du romancier en 1870. Quelques années plus tard, elle s'est mariée, sans rien révéler de son passé et après s'être rajeunie d'au moins dix ans, avec un diplômé de l'université de Cambridge, le révérend George Wharton Robinson, M. A., qu'elle a rencontré six ans plus tôt, et exerçant en collaboration avec son époux la profession de maîtresse d'école à Margate, elle a eu deux enfants. Le couple Robinson s'est ensuite retiré à Southsea, et Ellen, après la mort de son mari, est restée en cette ville où elle a mené la vie discrète d'une dame de province.

Ce n'est qu'après sa mort en 1914 que ses enfants ont pris connaissance du passé de leur mère, dont ils ignoraient tout. Si Gladys, la fille cadette d'Ellen, s'est montrée plutôt indulgente, Geoffrey, son fils devenu militaire de carrière, en a conçu un vif ressentiment et n'a plus jamais voulu évoquer son souvenir.

La critique ne s'est pas montrée indulgente envers Ellen Ternan, du moins jusqu'en 1917 où ont été connus les détails de sa liaison avec Dickens, lorsque la fille de ce dernier, Kate Perugini (Katey), s'est confiée à Gladys Storey qui préparait un livre. Différents chercheurs, surtout à partir de 1980, ont ensuite exploité les documents laissés par Gladys Storey après son décès et remis au musée Charles Dickens de Londres. Claire Tomalin, en particulier, a alors brossé un portrait beaucoup plus positif d'Ellen Ternan, puis Michael Slater, tout comme Lilian Nayder ont confirmé les récentes conclusions qui font de la maîtresse de Dickens une muse vive, intelligente et agréable, puis une épouse dévouée à sa famille et s'intéressant à la vie de sa ville où elle a laissé un excellent souvenir.

Un chant de Noël

Première édition : frontispice et page-titre (1843), par John Leech.
Première édition : frontispice et page-titre (1843), par John Leech.

Un chant de Noël (A Christmas Carol), également publié en français sous les titres Cantique de Noël, Chanson de Noël ou Conte de Noël, est le premier et le plus célèbre des contes écrits par Charles Dickens. Rédigé en même temps que Martin Chuzzlewit et paru en chez Chapman & Hall avec des illustrations de John Leech, il est considéré comme « son œuvre la plus parfaite ». Aussitôt, Thackeray le salue comme un « bienfait national ». Acclamé par les critiques comme par le public, sa popularité n'a jamais faibli. Son protagoniste, Scrooge, reste sans doute le personnage dickensien le plus universellement connu et, grâce à ce livre, Dickens, incarné en une sorte de Père Noël pour le monde anglo-saxon, a été décrit comme l'« inventeur » de la fête qui lui est associée.

Pourtant, c'est d'abord une réponse qu'il a voulu apporter à des controverses d'ordre économique. Mais très vite, le conte s'est donné à lire comme affirmation des célébrations de Noël plutôt que pamphlet polémique, et, selon David Paroissien, qui lui attribue jusqu'au mérite d'avoir « sauvé les congés de fin d'année des griffes de sombres calvinistes », il a été promu au rang de « classique de la littérature de Noël des temps modernes ».

Les adaptations dont il a constamment fait l'objet depuis sa parution témoignent de l'universalité de son message. D'abord le théâtre, puis la scène du music-hall, la radio, la télévision et le cinéma, mais aussi la chanson de variété et la musique classique, le ballet comme la science-fiction, tous lui rendent hommage en une suite ininterrompue dont l'examen reflète l'évolution des goûts et des mentalités depuis le milieu du XIXe siècle.

Notes américaines

Page de titre avec une dédicace de l'auteur à Daniel Maclise, illustrateur.
Page de titre avec une dédicace de l'auteur à Daniel Maclise, illustrateur.

Notes américaines, en anglais American Notes for General Circulation, est le récit que Charles Dickens a fait de son voyage en Amérique du Nord au cours de l'année 1842 avec son épouse. Publié par Chapman and Hall dès octobre, avec des illustrations de Marcus Stone, ce petit ouvrage est en majeure partie fondé sur les lettres envoyées à John Forster tout au long du séjour. Les Dickens avaient quitté Liverpool le 3 janvier et étaient revenus le 7 juin, les six mois s'étant passés à visiter les grandes villes des États-Unis et, pendant un mois, celles du Canada, où ils avaient partout reçu un accueil triomphal de la part des autorités, des sommités littéraires et du public.

Cependant, fatigué de tant d'attention, irrité aussi par le ton de la presse, le refus général de prendre en considération l'institution d'un copyright international, le spectacle de l'esclavage, Dickens rédige dès son retour, pendant l'été passé au bord de la mer, un compte-rendu férocement critique où il raconte son voyage et dénonce la presse américaine, les conditions sanitaires des villes, l'esclavage, raillant le comportement des Américains, par exemple l'habitude qu'ils ont de cracher leur chique en public.

Notes américaines a très vite été piraté et diffusé aux États-Unis par le périodique Brother Johnathan (du nom de la figure allégorique conçue pour personnifier les États-Unis dans leur ensemble aux premiers temps de l'existence de la nation américaine). La colère des lecteurs et le déchaînement de la presse ont été égaux à l'engouement précédemment porté au visiteur, l'ouvrage a même été brûlé en public dans un théâtre de New York. Ce ressentiment se voit porté à son comble lorsque Dickens récidive peu après dans son roman Martin Chuzzlewit, paru en 1844, où une longue partie médiane consacrée au séjour en Amérique du héros, accompagné de son ami Mark Tapley, reprend avec une virulence accrue les critiques précédemment formulées.

Cependant, American Notes n'est pas né aussi spontanément qu'on a pu l'imaginer. Il existe une pléthore de récits de voyage aux États-Unis que Dickens est supposé avoir consultés. Ces récits représentent un genre spécifique dans lequel s'inscrit son livre, mais, comme l'écrit Nathalie Vanfasse, « force est […] de constater que si cet ouvrage peut être mis en relation avec d'autres récits de voyage sur les États-Unis écrits à la même époque, il se nourrit aussi largement de fiction ».

Quoi qu'il en soit, ce petit livre semble avoir eu une influence déterminante sur l'évolution de Dickens, donc de son œuvre. En effet, comme le signale Kate Flint, la réaction du public américain ne concernant pas seulement ses écrits, mais son personnage (persona), il est devenu ce qu'elle appelle une « commodité littéraire dont la circulation lui a complètement échappé ». Du coup, renforcé comme de l'extérieur dans son nationalisme, il s'est désormais autorisé à commenter toutes sortes d'affaires publiques, que ce soit par son militantisme ou par sa fiction.

Il existe de nombreuses réactions américaines et, parmi elles, se détachent deux articles, l'un fort critique de E. P. Whipple, l'autre de G. W. Putnam, au contraire tout acquis au visiteur. Ils ont tous les deux l'avantage de n'avoir pas été rédigés à chaud, mais après la mort du romancier en 1870. Le premier analyse et commente Notes américaines ; le second raconte le voyage et le séjour du couple avec des souvenirs de première main, puisque son auteur avait été choisi pour servir de secrétaire à Dickens pendant son périple.

Les Papiers posthumes du Pickwick Club

Exemplaire dédicacé par Charles Dickens à Mary Scott Hogarth (Mary Hogarth from her most affectionate Charles Dickens).
Exemplaire dédicacé par Charles Dickens à Mary Scott Hogarth (Mary Hogarth from her most affectionate Charles Dickens).

Les Papiers posthumes du Pickwick Club (titre original anglais : The Posthumous Papers of the Pickwick Club, souvent abrégé en The Pickwick Papers) [ðə 'pɪkwɪk 'peɪpəz], est le premier roman de Charles Dickens (1812-1870). D'abord signé Boz et publié en feuilleton de mars 1836 à novembre 1837, The Pickwick Papers connaît un succès quasi immédiat. Le premier numéro paraît à environ 400 exemplaires ; à la fin, le tirage s'élève à 40 000. Ainsi, comme il est dit dans l'un des premiers comptes rendus, Dickens s'est trouvé « catapulté vers la gloire comme une fusée » (« catapulted him to fame like a sky rocket »), et l'ouvrage est resté à la première place dans le cœur des lecteurs de Dickens pendant de nombreuses décennies.

À l'instar de Miguel de Cervantes, Dickens a conçu un héros donquichottesque dont les excentricités, loin d'agacer les lecteurs, le rendent aimable et touchant ; comme son illustre prédécesseur espagnol, Dickens cloue au pilori ses détracteurs en les humiliant plus qu'il ne le fait du héros. Il existe un parallèle entre les deux personnages : Don Quichotte est entiché de chevalerie errante et Pickwick s'est amouraché de savoir itinérant, et chacun mène son combat sans relâche selon un schéma devenu picaresque.

Malgré sa naissance accidentelle et sa structure épisodique, ce que Dickens a appelé « sa nature faite de pérégrination et d'exploration » (« perigrinatory and exploratory nature »), The Pickwick Papers s'est peu à peu constitué en roman, encore que certains de ses éléments restent en dehors de l'intrigue principale, mais contribuent, selon David Parker, à approfondir son ultime signification. Ce qui a commencé par une série d'épisodes comiques et relevant le plus souvent de l'anecdote gagne en envergure narrative, se transforme en intrigue, et finit, surtout après l'introduction de Sam Weller et les démêlés du héros avec la « vraie » vie, ici représentée par la rigueur de la loi, par devenir, comme l'écrit Paul Davis, « une sorte de Bildungsroman comique où s'effrite l'innocence du protagoniste, qui apprend à donner la primauté au réel sur les principes » (« a kind of comic Bildungsroman in which the innocent protagonist learns to compromise principle and affirm life »). Et loin d'être diminué ou aigri par ses souffrances et ses épreuves, Pickwick, qui n'a rien renié, préserve et même renforce sa bonne humeur et son indulgence premières. Davis conclut cette analyse en soulignant qu'avec The Pickwick Papers, Dickens, de journaliste, est devenu non seulement romancier, mais « le grand romancier comique de son siècle » (« the great comic novelist of his century »)…

Oliver Twist

Oliver en « redemande » (frontispice et page-titre par George Cruikshank).
Oliver en « redemande » (frontispice et page-titre par George Cruikshank).

Oliver Twist, de son nom complet en anglais Oliver Twist, or, the Parish Boy's Progress (Oliver Twist ou le Voyage de l'enfant de la paroisse), l'un des romans les plus universellement connus de Charles Dickens, a été publié en vingt-quatre feuilletons hebdomadaires dans sa revue Bentley's Miscellany entre février 1837 et avril 1839, juin et octobre 1837 exceptés.

L'histoire concerne un orphelin, Oliver Twist, soumis à des privations et des vexations dans l'hospice paroissial (workhouse) où il est né. Désigné par tirage au sort par ses camarades affamés, il ose demander une portion supplémentaire de gruau et est alors placé chez un croque-mort d'où il s'échappe pour prendre la route de Londres ; dès son arrivée, il rencontre l'un des personnages les plus célèbres de Dickens, the Artful Dodger, traduit par « Rusé matois » pour Alfred Gérardin en 1893 et par « le Renard » dans la collection Pléiade, chef d'une bande de jeunes pickpockets. Naïvement confiant en son nouveau compagnon, il se laisse entraîner dans l'antre de son maître, le criminel Fagin.

Oliver Twist s'inspire au moins en partie de l'histoire autobiographique de Robert Blincoe, publiée dans les années 1830 et très appréciée du public — même si subsiste un doute quant à son authenticité, où l'auteur, orphelin élevé à la dure dans un hospice paroissial, est soumis à un labeur forcé et aux pires souffrances dans une manufacture de coton.

Dickens s'est trouvé ulcéré par quelques commentaires l'accusant d'avoir glorifié le crime, et, dans sa préface de la troisième édition parue en 1841, il se dissocie avec tact de la manière romanesque avec laquelle certains de ses confrères traitaient ce thème, en particulier Ainsworth, Bulwer-Lytton ou encore Charles Lever. De fait, il présente un tableau réaliste des sordides bas-fonds de la capitale et expose sans concession la cruauté à laquelle sont soumis les orphelins à l'époque victorienne. Oliver Twist est en effet l'un des premiers ouvrages à vocation sociale du XIXe siècle, attirant l'attention du public sur nombre de maux contemporains, raillant l'hypocrisie des bien-pensants par le procédé d'une ironie sarcastique très sombre, mais faisant également appel à un pathétique appuyé pour décrire la misère ambiante et, comme le roman se termine bien, un sentimentalisme parfois jugé exagéré à l'égard, surtout, du héros de l'histoire.

Le roman a fait l'objet de nombreuses adaptations, tant pour la scène qu'à l'écran, et de plusieurs comédies musicales, dont la plus appréciée reste Oliver!, de Lionel Bart, qui a connu un immense et durable succès dès sa première en 1960.

Nicholas Nickleby

Couverture du feuilleton numéro 13 de 1839, par Hablot K.(night) Browne (dit Phiz).
Couverture du feuilleton numéro 13 de 1839, par Hablot K.(night) Browne (dit Phiz).

The Life and Adventures of Nicholas Nickleby, containing a Faithful Account of the Fortunes, Misfortunes, Uprisings, Downfallings and Complete Career of the Nickleby Family (Vie et aventures de Nicholas Nickleby, contenant le fidèle compte-rendu des bonnes et mauvaises fortunes, des succès et des échecs, et la carrière complète de la famille Nickleby), communément appelé Nicholas Nickleby [prononciation : 'nikələs 'nikəlbi], est le troisième grand roman de Charles Dickens, publié en feuilleton de 1838 à 1839 avec des illustrations de Hablot Knight Browne (dit Phiz), puis en un volume, « le prototype, écrit Mark Ford, du roman dickensien, Pickwick Papers et Oliver Twist étant si totalement sui generis qu'ils en sont devenus uniques ». L'intrigue est centrée sur le personnage de Nicholas, jeune homme laissé impécunieux par la mort de son père et devant subvenir aux besoins de sa mère et de sa sœur. Son caractère droit et indépendant suscite l'antagonisme de son oncle Ralph Nickleby qui le juge à tort sans valeur et le poursuit de son inimitié. Dans son sillage, se distinguent sa jeune sœur Kate et sa mère, l'inénarrable Mrs Nickleby.

Commencé de concert avec Oliver Twist, le livre a connu un succès immédiat, en partie dû aux descriptions de l'école du Yorkshire que dirige l'épouvantable Wackford Squeers, où Nicholas est engagé comme répétiteur (usher) ; réplique de Bowes Academy à Greta Bridge, que Dickens a lui-même visitée sous une fausse identité en compagnie de son illustrateur et ami Hablot K. Browne lors de la préparation du roman. L'horreur des scènes décrites et le pathos qui en émane rappellent l'hospice où Oliver languit sous la férule du bedeau Mr Bumble durant son enfance.

L'action se situe surtout à Portsmouth et Londres, avec des épisodes dans le Yorkshire, le Devonshire, le Hampshire et le Surrey. Les thèmes principaux y concernent l'injustice sociale et la corruption morale dont sont victimes enfants et jeunes adultes, traitées sur le mode ironique de la satire. C'est aussi le premier d'une série de romans comportant une composante nettement romantique, les sentiments, la camaraderie, l'amitié et surtout l'amour, y jouant un rôle essentiel. George Gissing et G.K. Chesterton ont vivement loué le comique de certains personnages, en particulier celui de Mrs Nickleby et de Mme Mantalini, et Peter Ackroyd, dans sa biographie de Dickens, écrit de Nicholas Nickleby que c'est « peut-être le roman le plus drôle jamais écrit en anglais ».

La fortune de Nicholas Nickleby a été fluctuante : bien qu'ayant la faveur du public (il se vend d'emblée à 50 000 exemplaires), il est d'abord négligé par la critique et subit une éclipse. Grâce aux travaux d'éminents auteurs, il retrouve son lustre dans la première moitié du XXe siècle et est désormais reconnu comme l'un des plus grands romans dickensiens…

Le Magasin d'antiquités

Couverture du Master Humphrey's Clock, 1840, par George Cattermole et Hablot Knight Browne (Phiz).
Couverture du Master Humphrey's Clock, 1840, par George Cattermole et Hablot Knight Browne (Phiz).

Le Magasin d'antiquités, en anglais The Old Curiosity Shop, est, avec Barnaby Rudge, l'un des deux romans que Charles Dickens (1812-1870) a publiés, en compagnie de quelques nouvelles, dans son anecdotique et éphémère revue L'Horloge de Maître Humphrey, parue de 1840 à 1841, puis en un volume en 1841. Master Humphrey est censé être le narrateur des premiers chapitres, puis l'histoire est confiée à une autre voix, sans solution de continuité entre l'une et l'autre.

Il concerne la jeune Nell Trent (la petite Nell) qui vit avec son grand-père maternel, dont le nom n'est jamais révélé, dans une vieille maison de Londres appelée « The Old Curiosity Shop », car elle comprend en rez-de-chaussée un magasin d'antiquités bourré, selon Gilbert Keith Chesterton, d'« objets grotesques et sinistres, d'armes bizarres, de décorations en volutes diaboliques ».

Centrée sur les deux protagonistes, le grand-père et la petite-fille, l'intrigue est d'abord marquée par le mystère. Pourquoi cette situation ? Pourquoi l'absence du vieil homme pendant la nuit ? Bientôt, cependant, le voile se déchire avec l'intervention de plus en plus appuyée du nain Daniel Quilp, aussi difforme d'aspect que roué et cruel de tempérament. Divers comparses prennent également substance, soit du côté du couple des protagonistes, soit de celui de ses persécuteurs. Jusqu'au jour où, par une décision dont l'enfant a l'idée, l'intrigue s'ouvre brusquement sur le monde et bascule dans le champ du picaresque, avec l'errance, l'aventure de la route, les rencontres inopinées. Dès lors, le pathos, déjà appuyé dans la première partie, s'amplifie jusqu'à devenir extrême, Dickens ayant, sans rémission possible, fondé son histoire sur le sort pitoyable d'une orpheline et d'un vieillard, qui plus est en situation de faiblesse et en butte à l'adversité, les deux suscitées par la convoitise et la concupiscence des plus vils.

La mort de la petite Nell, bientôt suivie de celle de son grand-père, reste l'un des événements les plus célèbres de la fiction anglaise ; à l'époque de la parution des feuilletons, elle a suscité une vague de réactions jusqu'alors inédite : des milliers de lecteurs, des hommes semble-t-il, ont imploré Dickens de garder l'enfant en vie, puis des milliers d'autres ont exprimé leur deuil de sa disparition qui a pris l'envergure d'une catastrophe nationale.

The Old Curiosity Shop a d'emblée connu un succès considérable que le temps n'a pas démenti, quoique les critiques se soient peu à peu détournés du pathos qu'il contient. Il a été dès 1909 porté à l'écran et, depuis, les adaptations filmiques ou télévisuelles se succèdent.

La plus récente traduction en français est celle de Sylvère Monod et Marcelle Sibon dans la Bibliothèque de la Pléiade.

Barnaby Rudge

Couverture de Master Humphrey's Clock, 1840, illustration de George Cattermole et Hablot K. Browne, dit Phiz.
Couverture de Master Humphrey's Clock, 1840, illustration de George Cattermole et Hablot K. Browne, dit Phiz.

Barnaby Rudge: A Tale of the Riots of Eighty (« Barnabé Rudge, conte des émeutes de quatre-vingt »), habituellement connu en anglais sous le titre de Barnaby Rudge, est un roman historique de Charles Dickens (1812-1870) publié par Chapman & Hall en feuilleton de quatre-vingt-huit épisodes hebdomadaires de février à novembre 1841 dans l'éphémère revue Master Humphrey's Clock (« L'Horloge de Maître Humphrey », 1840-1841). L'action du roman concerne un ancien meurtre perpétré dans une petite ville non loin de Londres, sur quoi se greffent, quelque vingt-cinq ans après, les émeutes anti-catholiques dites Gordon Riots, conduites par Lord George Gordon, qui, du 2 au à Londres, ont provoqué de très importants dégâts et fait de nombreuses victimes.

Barnaby Rudge est le septième roman de Charles Dickens, d'abord conçu en 1836 sous le titre Gabriel Vardon, The Locksmith of London (« Gabriel Vardon, le serrurier de Londres ») pour Richard Bentley, qui rêve d'une grande œuvre romanesque en trois volumes (three-decker) destinée à sa revue, le Bentley's Miscellany. Longtemps retardé par divers démêlés éditoriaux, il est finalement rassemblé en un seul volume par Chapman & Hall avec son titre définitif. C'est le premier essai de Dickens dans le genre historique, le second étant A Tale of Two Cities (Le Conte de deux cités), publié en 1859, et situé au temps de la Révolution française. La première édition a été illustrée par George Cattermole et Hablot K(night) Browne, dit Phiz.

D'après Gordon Spence, c'est l'œuvre d'un homme jeune (38 ans) en pleine possession de son thème, qu'il a depuis longtemps déjà l'ambition de traiter avec envergure, et le chemin ayant conduit à sa publication fait écho à la montée en gloire de l'écrivain. Pourtant, il ne figure pas au palmarès des œuvres les plus appréciées de Dickens, et a été peu exploité par la caméra, puisque existent seulement un film muet réalisé en 1915 et une adaptation produite par la BBC en 1960

Martin Chuzzlewit

Frontispice de Martin Chuzzlewit par Phiz.
Frontispice de Martin Chuzzlewit par Phiz.

Vie et aventures de Martin Chuzzlewit (The Life and Adventures of Martin Chuzzlewit), plus communément appelé Martin Chuzzlewit, est un roman de l’écrivain britannique Charles Dickens, paru tout d’abord sous forme de feuilleton de janvier 1843 à juillet 1844 dans le Blackwood’s Edinburgh Magazine puis en trois volumes, chez Chapman & Hall, en 1844.

Dernier de sa série dite « picaresque », Dickens le considère comme son meilleur ; pourtant, le livre, bien qu’offrant de multiples rebondissements, ne connaît pas la grande faveur du public comme ses précédents ouvrages ; aussi, pour relancer les ventes mensuelles, est-il conduit à en modifier l’intrigue de façon spectaculaire. Pour cela, il expédie son jeune protagoniste, Martin Chuzzlewit, en Amérique, pays qu’il connaît pour l’avoir visité l’année précédente, séjour ayant d’ailleurs conduit à la publication de ses Notes américaines (American Notes) en 1842.

Cet épisode offre à sa verve satirique une nouvelle cible de choix, et Dickens brosse de ce pays une image de contrée perdue et malsaine où seuls surnagent quelques agrégats de grossière civilisation, îlots inhospitaliers que hantent des cohortes de camelots et charlatans de tout poil aussi roublards qu’imaginatifs. Cette description, que Kenneth Hayens juge superficielle et caricaturale, soulève outre-Atlantique un tollé de protestations que Dickens a bien du mal à contenir, et Kenneth Hayens avance l’idée que, malgré la vision sommaire qui en est donnée, le roman a contribué, tout autant qu’American Notes, à associer le nom de Dickens aux États-Unis d’Amérique.

Selon la préface de l’auteur, le thème principal de Martin Chuzzlewit est l’égoïsme, diffus parmi tous les membres de la famille Chuzzlewit et traité sur le mode satirique. Le roman présente deux « méchants » (villains), Seth Pecksniff et Jonas Chuzzlewit, qui comptent parmi les plus célèbres de Dickens, passés, comme les Fagin, Bill Sikes (Oliver Twist), Compeyson (Great Expectations) et autres, à la légende. Cependant, au-delà de la leçon moralisante, John Bowen souligne que « le roman est l’un des plus drôles de la langue, suscitant le rire et l’affection depuis sa première parution »

Dombey et Fils

Couverture des numéros mensuels.
Couverture des numéros mensuels.

Dombey et Fils (en anglais : Dombey and Son), précédé de Martin Chuzzlewit et suivi de David Copperfield, est un roman anglais de Charles Dickens (1812-1870), publié à Londres en dix-neuf feuilletons d'octobre 1846 à avril 1848 par The Graphic Magazine, puis en un volume chez Bradbury and Evans en 1848. Le roman a d'abord paru sous son titre complet, Dealings with the Firm of Dombey and Son: Wholesale, Retail and for Exportation, (traduit dans La Pléiade par Dossier de la maison Dombey et Fils), puis abrégé en Dombey and Son. Il a été illustré, selon des indications très précises de Dickens, par le dessinateur Hablot Knight Browne.

Avec ce septième roman, Dickens couronne une première phase de son œuvre créatrice, parvenue, selon la critique, à sa maturité. À ce titre, il représente une charnière (« watershed novel ») annonçant « les œuvres plus mûres et artistiquement plus satisfaisantes », avec, en effet, une parfaite adéquation entre d'une part sa perception des tensions sociales de l'époque et sa signification morale, et de l'autre, la cohérence de sa structure et la pertinence de son réseau symbolique.

Si, comme il l'écrit lui-même dans la préface d'une édition de 1865, le thème principal du roman précédent, Martin Chuzzlewit, a été l'égoïsme, celui de Dombey et Fils concerne l'orgueil démesuré d'un père que suit, après bien de tragiques turbulences, sa rédemption. Les trois-cents premières pages concernent essentiellement les relations existant entre ce père et son fils, le Petit Paul, qui se languit et meurt, et l'amour exclusif que se portent Paul et sa sœur Florence que Mr Dombey néglige sans retenue. Le reste du roman concerne plutôt la relation père-fille que le malheur finit par rapprocher, Mr Dombey, en effet, perdant de sa superbe sous les coups du sort et cédant enfin à l'affection restée sans faille de Florence. Dans l'ensemble, malgré des passages comiques comme il s'en trouve dans toute l'œuvre de Dickens, Dombey et Fils est un roman d'humeur sombre qui oppose symboliquement le foyer aride de Mr Dombey au rayonnement affectueux de la famille Toodle et au luminaire qu'est l'établissement nautique dirigé par Solomon Gills, l'oncle Sol, au nom prédestiné.

Lors de sa publication en feuilleton, le public n'a jamais boudé son plaisir et, à la parution en volume, Dombey and Son a été, à la différence de son prédécesseur Martin Chuzzlewit, plutôt bien accueilli par la critique. Constamment réédité dans les pays anglophones et en traduction, il figure aussi au programme de littérature des établissements universitaires, et a été plusieurs fois à l'honneur en France aux concours du CAPES et de l'Agrégation d'anglais, notamment en 1991.

David Copperfield

Frontispice de la première édition en feuilleton de 1849, par Hablot Knight Browne (Phiz).
Frontispice de la première édition en feuilleton de 1849, par Hablot Knight Browne (Phiz).

David Copperfield ou L'Histoire, les aventures et l'expérience personnelles de David Copperfield le jeune (en anglais The Personal History, Adventures, Experience and Observation of David Copperfield the Younger, abrégé en David Copperfield (['deɪvɪd 'kɒpə'fɪ:ld]), est le huitième roman de Charles Dickens, et le premier de cet auteur à présenter un narrateur à la première personne. Il a été publié en vingt numéros, comptant pour dix-neuf, par Bradbury and Evans entre 1849 et 1850 avec des illustrations de Hablot Knight Browne, dit Phiz.

Beaucoup considèrent ce roman comme le chef-d'œuvre de Dickens, à commencer par son ami et premier biographe John Forster qui écrit : « La réputation de Dickens ne fut jamais aussi haute que lors de la publication de Copperfield » (« Dickens never stood so high in reputation as at the completion of Copperfield »), et l'auteur lui-même y voit « son enfant préféré » (« favourite child »). Il est vrai que, précise-t-il, « sous la fiction se cache quelque chose de la vie de l'auteur » (« underneath the fiction lay something of the author's life »), c'est-à-dire une expérience d'écriture de soi. Il n'est donc pas étonnant qu'à ce titre, le livre soit souvent rangé dans la catégorie des œuvres autobiographiques. D'un strict point de vue littéraire, cependant, il dépasse ce cadre par la richesse de ses thèmes et l'originalité de son écriture, ce qui en fait un véritable roman autobiographique.

Situé au milieu de la carrière de Dickens, il représente, selon Paul Davis, un tournant dans son œuvre, le point de séparation entre les romans de la jeunesse et ceux de la maturité. En 1850, Dickens a trente-huit ans et il lui en reste à vivre trente-deux qu'il remplira d'autres chefs-d'œuvre souvent plus denses, parfois plus sombres et abordant la plupart des questions politiques, sociales ou personnelles qu'il se pose.

À première vue, l'œuvre est modelée à la manière lâche et quelque peu décousue des « histoires personnelles » (personal histories) très en vogue dans la Grande-Bretagne du XVIIIe siècle ; mais en réalité David Copperfield est un roman soigneusement structuré et unifié. Il commence, comme d'autres romans de l'écrivain, par une peinture assez noire de la condition enfantine dans l'Angleterre victorienne, notoirement lorsque les enfants gênants sont parqués dans d'infâmes pensionnats, puis s'attache à retracer la lente ascension sociale et surtout intime d'un jeune homme qui, subvenant péniblement aux besoins de sa bonne tante tout en continuant ses études, finit par devenir écrivain : histoire, écrit Paul Davis, d'un « monsieur Tout-le-Monde victorien en quête de compréhension de soi » (« a Victorian everyman seeking self-understanding »)…

La Maison d'Âpre-Vent

Couverture du premier numéro, mars 1852
Couverture du premier numéro, mars 1852

La Maison d'Âpre-Vent, en anglais Bleak House, est le neuvième roman publié par Charles Dickens d'abord en vingt feuilletons entre et , puis en un volume en 1853.

Bleak House, premier des grands romans panoramiques de Dickens, décrit l'Angleterre comme une bleak house, c'est-à-dire une « demeure de désolation », que ravage un système judiciaire irresponsable et vénal, incarné par le chancelier (Chancellor), engoncé dans sa gloire « embrumée » de la Chancellerie (Court of Chancery). L'histoire décrit une succession contestée devant le tribunal, l'affaire « Jarndyce contre Jarndyce », qui affecte de près ou de loin tous les personnages et concerne un testament obscur et de grosses sommes d'argent. Les attaques dirigées par l'auteur contre l'appareil judiciaire s'appuient sur l'expérience que Dickens en avait acquise en tant que clerc. Sa mise en scène sans complaisance des lenteurs, du caractère byzantin de la loi et de la cour de justice reflète l'exaspération montante de son époque vis-à-vis du système, et il a parfois été jugé que le roman avait préparé les esprits aux réformes des années 1870. Mais Dickens écrit à un moment où le système est déjà en train de changer : si les « six clercs et maîtres » cités dans le premier chapitre ont été respectivement supprimés en 1842 et en 1852, la question d'une réforme encore plus radicale est à l'ordre du jour. Ce contexte pose le problème de la période dans laquelle La Maison d'Âpre-Vent est supposé se dérouler ; à s'en tenir aux seuls faits historiques, l'action se situerait avant 1842, ce dont un certain nombre de lecteurs auraient eu conscience, mais cette datation bute sur d'autres aspects, si bien que le débat reste ouvert.

L'une des grandes originalités de ce roman est qu'il utilise deux narrateurs, l'un à la troisième personne rendant compte des démêlés de la loi et du beau monde, l'autre, à la première personne, incarné par Esther Summerson qui raconte son histoire personnelle. Par le stratagème de la double narration, que Paul Schlicke juge « audacieux », Dickens lie, tout en les opposant, l'expérience domestique d'Esther aux grands problèmes publics. Le récit d'Esther culmine en la découverte de ses origines : enfant illégitime d'une aristocrate, Lady Dedlock, abandonnée à sa naissance et élevée par une tante malveillante, cette jeune femme reste peu sûre d'elle-même, accueillant avec gratitude la petite considération qu'elle reçoit de la société patriarcale qui l'entoure. Sa situation reflète celle de la communauté tout entière, que minent des privilèges ancestraux faisant fi de ses aspirations et besoins, avec des institutions sclérosées vouant les enfants à l'orphelinat et les habitants aux taudis, tandis qu'une prétendue philanthropie asservit plus qu'elle ne libère ses récipiendaires...

Les Temps difficiles

Première page de Household Words du 1er avril 1854 avec les premiers chapitres du roman.
Première page de Household Words du 1er avril 1854 avec les premiers chapitres du roman.

Les Temps difficiles est le dixième roman de Charles Dickens, un court roman paru, non en publications mensuelles comme les précédents, mais en feuilleton hebdomadaire dans sa revue Household Words, du 1er avril au 12 août 1854.

Roman social, il est situé dans la ville fictive de Coketown (image de Manchester, le grand centre textile, et de Preston où Dickens a séjourné durant la grève de janvier 1854) et montre les difficultés d'adaptation des deux classes sociales (la bourgeoisie d'affaire et les ouvriers) à la nouvelle économie issue de la révolution industrielle. L'auteur y dépeint avec un réalisme dénonciateur une classe ouvrière asservie, misérable et moutonnière, abrutie par le travail répétitif, livrée aux démagogues professionnels, que domine une bourgeoisie pragmatique et utilitariste, avide de profits et de pouvoir, persuadée de la nature quasi divine de ses droits et forte de la bonne conscience qu'elle puise dans les lois de l'économie de marché, mais dont il analyse les alibis et présente les travers avec une ironie mordante.

Comme dans Dombey et Fils paru six ans plus tôt, il fait un portrait acide de la bourgeoisie dont la fortune s'est bâtie sur l'industrie. Thomas Gradgrind, le personnage masculin principal, est le représentant de cette bourgeoisie rationaliste qui se croit investie de la mission de promouvoir le progrès matériel, le productivisme, le culte de l'efficacité, la prévalence des « Faits » sur l'imagination, et veut réduire le monde à une série d'équations. Il se rend compte trop tard, en découvrant la souffrance de sa fille Louisa et la déchéance morale de son fils Tom, de l'échec de son système éducatif et de la faillite de son existence.

Malgré des personnages que leurs outrances rendent comiques, comme Mr Bounderby et Mrs Sparsit, l'atmosphère du roman est plutôt sombre et Dickens refuse aux protagonistes un dénouement heureux. Il ne partage pas l'optimisme délibéré d'Elizabeth Gaskell dont le roman North and South, qui se déroule à la même époque et, en grande partie, dans le même espace géographique, suit de peu le sien dans Household Words, puisqu'il y paraît de septembre 1854 à janvier 1855. Traitant aussi des relations patrons-ouvriers, mais d'un point de vue féminin, Mrs Gaskell imagine qu'ils finiront par apprendre à se comprendre, alors que Dickens laisse son lecteur dans l'incertitude et le doute quant à l'avenir des personnages et à la solution des antagonismes entre capitalistes et prolétaires.

La Petite Dorrit

Couverture du numéro III, février 1856
Couverture du numéro III, février 1856

La Petite Dorrit (Little Dorrit), onzième roman de Charles Dickens (1812-1870), est le deuxième d'une série de trois romans politiques et sociaux, publié en vingt feuilletons mensuels comptant pour dix-neuf, de décembre 1855 à juin 1857 par Bradbury and Evans. C'est le plus politique des romans de Dickens et aussi celui dont la structure est la plus symbolique : il est en effet divisé en deux livres, le premier intitulé « Pauvreté » et le second « Richesse », chacun comptant dix numéros parus au prix de 1 shilling, la dernière livraison en ayant réuni deux.

Œuvre satirique, il dénonce les institutions du royaume, en particulier celle de la prison pour dettes où sont enfermés les débiteurs sans qu'ils puissent travailler, en l'occurrence, la prison de Marshalsea, que Dickens connaît bien car son père y a été retenu.

Les autres dénonciations de Dickens portent sur l'insécurité des travailleurs de l'industrie, les conditions de leur emploi, la bureaucratie du ministère des Finances (H M Treasury), le jargon technocrate, que Dickens recense au livre I, chapitre 10, dans la célèbre liste du Circumlocution Office, le « ministère des Circonlocutions », de même que la séparation et le manque de communication entre les classes sociales.

D'après Paul Davis, la passivité du héros et de l'héroïne, la complication et l'obscurité de l'intrigue relative à l'héritage perdu, la noirceur du tableau social rendent cette histoire à la fois sombre et ambiguë. Elle se présente, en effet, comme une sorte d'anatomie de la société victorienne qu'obsèdent la richesse et le pouvoir, qu'enserre un corset de traditions profitant aux classes dites privilégiées et que plombe une religion oppressive et stérile. La lutte que mènent Amy Dorrit et Arthur Clennam pour se libérer de ces chaînes sociales, la rédemption finale et l'espérance nouvelle ne suffisent pas, selon lui, à lever le voile de ténèbres dont l'œuvre semble enveloppée.

De fait, le roman a fait l'objet de nombreuses critiques à sa parution, pour son humeur sombre et son intrigue compliquée justement, ce qui n'a nullement nui aux ventes qui ont dépassé toutes celles des parutions précédentes. Cependant certains auteurs l'ont plus tard réhabilité, en particulier G. B. Shaw (1856-1950) qui le juge « plus séditieux que Le Capital de Karl Marx » et l'appelle « le chef-d'œuvre des chefs-d'œuvre » (« the masterpiece of masterpieces »), Lionel Trilling qui le range parmi les plus profonds ouvrages du XIXe siècle, et Angus Wilson, sensible surtout à « la grisaille du mal qui recouvre le monde » (« the all-pervading grey evil of the world »). Paul Schilcke résume l'opinion actuelle en écrivant que La Petite Dorrit en est venu à être admiré comme l'une des plus grandes œuvres de Dickens.

Le Conte de deux cités

Couverture, par Phiz.
Couverture, par Phiz.

Le Conte de deux cités, parfois intitulé en français Le Conte de deux villes ou Paris et Londres en 1793 (en anglais A Tale of Two Cities, A Story of the French Revolution), est publié en feuilleton hebdomadaire du 30 avril au 25 novembre 1859 dans la revue All the Year Round, que Dickens vient de fonder ; dans le même temps, il paraît en fascicules mensuels avec des illustrations de Phiz, et aux États-Unis dans Harper's Weekly mais avec un léger décalage (de mai à décembre 1859).

Douzième roman de Charles Dickens, il appartient à sa dernière période, « plus empreinte de gravité » (a graver man), selon Sidney Dark, et « plus soigneuse de la création artistique » (a more careful literary artist). Il se situe au temps de la Révolution française à Paris et à Londres, les « deux cités » du titre, et culmine en 1793 à Paris sous la Terreur.

Sylvère Monod écrit du Conte de deux cités et des Temps difficiles que ce sont les « deux œuvres les moins dickensiennes de Dickens ». Il lui paraît nécessaire, dans un premier temps, « d[e les] étudier ensemble […] et séparées du reste du roman dickensien ». Elles sont plus courtes que les autres, « le souffle de Dickens s'y fait excessivement court », ajoute-t-il, et cela est d'abord dû à des contraintes de publication, « auxquelles il répugnait ». Pour autant, après avoir détaillé les circonstances de la genèse et de la publication des deux ouvrages, il les considère séparément, le premier classé « roman social », et le second, après Barnaby Rudge, « roman historique, ou semi-historique ».

Dickens a cherché, selon lui, à atteindre deux buts : présenter et imposer à son public l'image et l'idée qu'il se fait de la Révolution française, et associer dans un même récit deux villes qui lui sont devenues presque également chères. En conséquence, « ce roman historique [va] être un roman à thèse, et l'alternance ou le chevauchement des scènes se déroulant dans deux décors différents [va] exiger une construction ingénieuse et serrée ». Mais le deuxième but n'est pas atteint « en ce sens que A Tale of Two Cities n'a rien d'une histoire des deux villes ». Chesterton le trouve pourtant excellemment construit, intégrant parfaitement la vie des gens ordinaires dans les grands événements publics, et associant « pathétique et dignité » (dignity and pathos), ce qui est une manière de louer sa sobriété dramatique. Quant à Andrew Sanders, il corrobore le jugement de Chesterton en soulignant le savant agencement de l'intrigue et la subtile intégration des drames personnels aux décors chargés d'histoire.

Le roman est en général peu prisé des critiques, notamment, d'après Margaret Drabble, en raison de son manque d'humour, mais, vendu à plus de deux millions d'exemplaires, il reste l'une des œuvres les plus populaires de Dickens, tant sous sa forme écrite que dans ses versions adaptées pour le théâtre et l'écran ; il a également inspiré plusieurs comédies musicales et un opéra.

En France, le jury de l'agrégation d'anglais l'a retenu à son programme pour le concours de 2013 en recommandant l'édition d'Oxford : Charles Dickens, A Tale of Two Cities [1859], Andrew Sanders, coll. « Oxford World’s Classics », .

Les Grandes Espérances

Publicité pour Les Grandes Espérances en couverture d'All the Year Round.
Publicité pour Les Grandes Espérances en couverture d'All the Year Round.

Les Grandes Espérances ou De grandes espérances (en anglais Great Expectations) est le treizième roman de Charles Dickens (1812-1870), le deuxième, après David Copperfield, à être raconté entièrement à la première personne par le protagoniste lui-même, Philip Pirrip, dit Pip. Le sujet principal en est la vie et les aventures d'un jeune orphelin jusqu'à sa maturité. D'abord publié en feuilleton de décembre 1860 à août 1861 dans le magazine de Dickens All the Year Round, il paraît ensuite en trois volumes chez Chapman and Hall en octobre 1861.

Conçu pour être deux fois plus long, le roman doit son format à des contraintes de gestion affectant la revue à laquelle il est confié. Ramassé et dense, avec une économie de moyens inhabituelle chez Dickens, il représente, par l'équilibre de sa structure, la perfection de son déroulement et l'aboutissement des intrigues, l'apogée de la maturité de son auteur. Il se situe dans la dernière partie de sa carrière, « l'après-midi de sa vie et de sa gloire » (the afternoon of his life and glory) selon G. K. Chesterton, et après lui, seul à être complet, ne paraît que L'Ami commun.

L'histoire commence vers 1812, comme la prime enfance de Dickens passée dans le même comté rural du Kent, pour se terminer vers 1846. D'emblée, le lecteur est « régalé » (treated) par la terrifiante rencontre entre le héros et le forçat évadé Abel Magwicth ; Great Expectations est un livre violent, marqué par des images extrêmes, la pauvreté, les bateaux-prisons au large, the hulks, les entraves et les chaînes, les luttes à mort. Il associe donc une intrigue nourrie de rebondissements imprévus à une posture autobiographique comprenant différentes tonalités de remémoration, et, indépendamment de sa technique narrative, il reflète sinon les événements de la vie, du moins les préoccupations de l'auteur, et surtout sa conception de la société et de l'homme.

Les Grandes Espérances présentent une panoplie de personnages hauts en couleur, qui sont restés dans la conscience populaire : l'implacable Miss Havisham et Estella à la beauté glacée, Joe le forgeron tout raison et bonté, l'oncle Pumblechook, à la fois débonnaire et desséché, la figure coupante de l'avoué Jaggers, celle, à deux facettes, de son double opposé Wemmick, l'ami disert et sage Herbert Pocket.

En un long et convulsif processus de changement, les thèmes conflictuels, classiques chez Dickens, de la richesse et de la pauvreté, de l'amour et du rejet, du snobisme et de l'amertume, finissent par céder peu ou prou le pas au pouvoir de la bonté et à sa victoire sur les forces de l'obscurantisme et du mal...

L'Ami commun

Jaquette du quatrième numéro (août 1854).
Jaquette du quatrième numéro (août 1854).

L'Ami commun (titre original : Our Mutual Friend), quatorzième et dernier roman achevé de Charles Dickens, a été publié par Chapman & Hall en vingt feuilletons comptant pour dix-neuf en 1864 et 1865 avec des illustrations de Marcus Stone, puis en deux volumes en février et novembre 1865, enfin en un seul la même année. Situé dans le présent, il offre une description panoramique de la société anglaise, la troisième après La Maison d'Âpre-Vent et La Petite Dorrit. Ainsi, il se rapproche beaucoup plus de ces deux romans que de ses prédécesseurs immédiats, Le Conte de deux cités et Les Grandes Espérances.

Dickens s'emploie à dénoncer la superficialité d'une société fissurée en divisions de classes, corrompue par l'avidité du gain, l'incompétence du pouvoir, le gaspillage de la vie urbaine vouée au matérialisme et les relations prédatrices qu'entretiennent entre eux les êtres humains. Pour symboliser la déréliction de ce monde en décomposition, il utilise les décharges londoniennes, tumuli de rebuts déversés pêle-mêle (dust heaps), le cours du fleuve charriant des cadavres, les oiseaux de proie humains détroussant les morts et fouillant sans relâche dans les ordures. Ainsi, il associe une satire mordante à un réalisme noir, un fond traditionnel de fantastique et de contes de fée à une mise en garde contre les périls montants et, comme toujours, propose en antidote les valeurs morales qu'assurent la bonne volonté et un altruisme bien orienté.

Il fait aussi montre d'originalité dans la construction de l'intrigue qui se signale par sa cohérence, voire un certain raffinement dans la complexité ; de plus, malgré la surabondance de cadavres, testaments et complots, il abonde en scènes humoristiques où fraicheur d'observation et verve se déploient avec audace. Considérant en effet qu'une voix unifiée ne saurait à elle seule représenter la fragmentation de la société moderne et rendre compte de l'instabilité du monde qu'elle génère, Dickens donne à son narrateur, pourtant moins présent que dans beaucoup de ses romans, une amplitude de tons encore jamais atteinte, tour à tour ironique et désinvolte, sérieux et comique, solennel et léger.

Si la critique contemporaine reste divisée sur son intrigue et ses personnages, L'Ami commun est aujourd'hui reconnu comme l'un des chefs-d'œuvre de la dernière manière de Dickens. Quoique moins courtisé par les adaptateurs que certains ouvrages précédents, le roman a inspiré plusieurs réalisateurs de cinéma ou de télévision, et même le poète T. S. Eliot ou le chanteur Paul McCartney.

Le Mystère d'Edwin Drood

Couverture du numéro du 6 septembre 1870 par Charles Allston Collins.
Couverture du numéro du 6 septembre 1870 par Charles Allston Collins.

Le Mystère d'Edwin Drood (The Mystery of Edwin Drood) est le quinzième et dernier roman de Charles Dickens, mort subitement en avant qu'il puisse le compléter, épuisé par une tournée d'adieu de douze lectures publiques de ses œuvres. Seules six des douze livraisons mensuelles projetées ont été publiées par Chapman & Hall d'avril à , avec des illustrations de Samuel Luke Fidles et une couverture de Charles Allston Collins. Paru en volume le 31 avril de cette même année avec des illustrations de Marcus Stone, le roman, quoique donnant quelques indications sur la suite qui lui aurait été destinée, laisse de nombreux mystères, que critiques et écrivains s'essayent à élucider sans discontinuer depuis 1870.

L'histoire se déroule à Cloisterham, ville imaginaire inspirée à Dickens par Rochester, dans le Kent, dont la topographie, l'architecture et l'atmosphère, bien connues de lui, qui a passé une partie de son enfance dans la ville voisine de Chatham, sont fidèlement évoquées. Elle concerne surtout le jeune Edwin Drood, orphelin promis par testament à Rosa Bud, elle aussi orpheline, union assortie d'une coquette fortune. Edwin Drood est très lié à son oncle Jasper, personnage divisé, adepte des fumeries d'opium de Londres, ainsi que chantre, maître de chœur à la cathédrale de la ville et secrètement amoureux de sa future nièce. D'autres personnages assez mystérieux, comme les jumeaux Neville et Helena Landless, venus de Ceylan, compliquent les relations liant les divers acteurs de l'histoire.

Edwin et Rosa finissent par renoncer à leur union ; soudain, Edwin disparaît, et le manuscrit s'interrompt bientôt ; faute de suite, commence ce que Paul Schlicke a appelé « l'industrie de la résolution du mystère », qui se désigne aussi par « la littérature droodienne » (Droodian literature), longue série d'investigations, d'hypothèses, de solutions et fins en tous genres ; les spéculations, d'ailleurs, continuent à alimenter la chronique des faits divers de la littérature, le dernier avatar en étant l'adaptation télévisuelle du roman en deux parties, avec une suite annoncée comme « définitive », que BBC2 diffuse les 10 et .

Pour autant, le dernier livre de Dickens, qui, certes, s'apparente à un roman policier, peut aussi être lu comme la « culmination des thèmes et des motifs de ses précédents ouvrages » (« the culmination of themes and motifs in his earlier works »), ce que d'éminents critiques comme Edmund Wilson et Angus Wilson s'attachent à analyser.

Narration d'Esther dans La Maison d'Âpre-Vent

Couverture du premier numéro, mars 1852.
Couverture du premier numéro, mars 1852.

La Maison d'Âpre-Vent, autrement dit Bleak House, de Charles Dickens, contient une innovation narrative d'envergure : un double récit (double narrative), l'un à la troisième personne, l'autre à la première. Le deuxième apparaît au troisième chapitre, intitulé A Progress (« Progrès », « Avancée »), titre désignant très exactement, mais dans le paradoxe, le rôle de ce texte tant sur le plan énonciatif que sur celui de l'énoncé.

Pour qu'il y ait « progrès », il convient d'effectuer une marche en avant, ce que présentent le récit et aussi l'héroïne, Esther Summerson ; pourtant, cette marche en avant — et là se situe le paradoxe — se place sous le double signe de la rupture et de l'absence, si bien que le progrès annoncé se manifeste négativement. Rupture, en effet, de la continuité narrative, puisqu'on passe d'un narrateur qui n'est que narrateur à un autre qui est sans doute le personnage central du roman, ce qui entraîne une nouvelle temporalité, le prétérit prenant la place du présent ; absence parce que ce personnage, qui s'identifie peu à peu au féminin, se définit d'abord par ses manques, naissance escamotée, absence de la mère, humilité obligée, et, le texte le confirme, s'investit dans le dire pour se construire une identité.

Cependant, son discours semble comme sapé de l'extérieur par une instance à la fois ironique et tourmentée dont les traces empêchent le lecteur d'adhérer totalement à cette quête et, de ce fait, au bonheur final que présente l'épilogue du roman.

Aspects de la vie de Charles Dickens relatifs à La Maison d'Âpre-Vent

Couverture du premier numéro, mars 1852
Couverture du premier numéro, mars 1852

La Maison d'Âpre-Vent (Bleak House), publié par Charles Dickens entre mars 1852 et septembre 1853, puis en un volume cette même année, contient nombre d'aspects qu'il est possible de mettre directement en relation avec certains événements de la vie du romancier.

Selon la critique littéraire issue du structuralisme la vérité d'un texte est à trouver dans ce seul texte. Une autre approche consiste à l'ancrer dans l'arrière-fond historique de l'auteur, ce qui semble d'autant plus approprié en ce qui concerne Dickens, que l'homme s'est impliqué dans son œuvre, révélant directement ou entre les lignes ses idées, ses sympathies et ses haines, faisant part sans relâche de ses obsessions et de ses actions militantes, quitte à les déguiser en termes de fiction. De plus, Dickens n'a eu de cesse de se battre contre les systèmes, les théories, les idéologies qui lui paraissaient conduire à une forme de déshumanisation.

D'ailleurs, John Forster, son ami et premier biographe, corrobore cette approche lorsqu'il écrit : « Chaque écrivain doit s'exprimer à partir de sa propre expérience ». L'emploi du verbe « devoir » (must) dit bien qu'il ne s'agit point là d'une possibilité, mais d'une obligation à laquelle Dickens souscrivait totalement, d’autant qu’il a écrit deux romans à la première personne, David Copperfield, publié juste avant La Maison d’Âpre-Vent, puis, dix années plus tard, Les Grandes Espérances dans lequel il met aussi, quoique indirectement, beaucoup de lui-même. D’autre part, La Maison d’Âpre-Vent comporte, entre autres originalités, deux narrateurs, dont l’un, Esther Summerson, est un personnage du roman qui s’exprime en son nom propre et raconte les faits plus personnels, alors que le narrateur principal, qui n'est qu'un narrateur, est en charge des grands événements relatifs au pays tout entier.

George Ford et Sylvère Monod notent que David Copperfield ne se préoccupe qu'accessoirement des affaires publiques, alors que La Maison d'Âpre-Vent traite essentiellement de sujets d'actualité. Ils considèrent cependant que « ce serait une erreur de sous-estimer [dans le second] l'importance des mondes privés […], et ce serait une erreur aussi grande de faire de même pour la vie personnelle de Dickens à l'époque ». Ils font aussi remarquer que le titre retenu, Bleak House, est le nom d'une demeure, rappel que le roman « se préoccupe aussi de maisons et de foyers, à la campagne comme à la ville, et pas seulement de sujets d'intérêt public ».

Les critiques se sont donc penchés sur les convergences, qu’elles soient étroites ou plus lointaines, existant entre l’enfance, l’adolescence, la vie privée comme professionnelle de Dickens, et les événements, les personnages, les problèmes soulevés (et les réponses qui y sont apportées), bref l'ensemble cohérent que constitue le roman.

Anatomie de la société dans La Maison d'Âpre-Vent

Couverture du premier numéro, mars 1852.
Couverture du premier numéro, mars 1852.

La Maison d'Âpre-Vent, Bleak House en anglais, neuvième roman publié par Charles Dickens – d'abord en vingt feuilletons entre mars 1852 et septembre 1853, puis en un unique volume la même année –, est l'une de ses premières grandes œuvres panoramiques. Il y décrit l'Angleterre comme une bleak house, c'est-à-dire une « demeure de désolation », que ravage un système judiciaire irresponsable et vénal incarné par le chancelier (Chancellor), engoncé dans la gloire embrumée de la Chancellerie (Court of Chancery). L'histoire s'enracine en effet dans une succession contestée devant le tribunal, l'affaire « Jarndyce contre Jarndyce » (Jarndyce v. Jarndyce), qui affecte de près ou de loin tous les personnages et concerne un testament obscur ainsi que de grosses sommes d'argent.

Les attaques dirigées contre l'appareil judiciaire s'appuient sur l'expérience que Dickens en avait acquise en tant que clerc. Sa mise en scène sans complaisance des lenteurs, du caractère byzantin de la loi et de la cour de justice reflète l'exaspération montante de son époque vis-à-vis du système ; il a parfois été jugé que le roman avait préparé les esprits aux réformes des années 1870. Mais Dickens écrit à un moment où le système est déjà en train de changer : si les « six clercs et maîtres » cités dans le premier chapitre ont été respectivement supprimés en 1842 et en 1852, la question d'une réforme encore plus radicale est à l'ordre du jour. Ce contexte pose le problème de la période dans laquelle La Maison d'Âpre-Vent est supposé se dérouler ; à s'en tenir aux seuls faits historiques, l'action se situerait avant 1842, ce dont un certain nombre de lecteurs aurait eu conscience, mais cette datation bute sur d'autres aspects du roman, si bien que le débat reste ouvert.

Le stratagème de la double narration – un récit à la troisième personne, rendant compte des démêlés de la loi et du beau monde, et un récit à la première personne, incarnée par Esther Summerson – permet à Dickens de lier, tout en les opposant, l'expérience domestique aux grands problèmes publics.

La Maison d'Âpre-Vent fait en effet écho à de nombreux événements marquants non seulement de la vie de Dickens, mais de l'actualité, reflétant ainsi la plupart de ses préoccupations personnelles, politiques et sociales et, comme tous ses romans, présentant une véritable anatomie de la société, dont la plupart des caractéristiques s'identifient facilement pour les lecteurs de l'époque. Cette vision, cependant, ne prétend pas à l'objectivité, mais donne la préséance aux opinions, préférences et partis-pris de l'auteur, parmi lesquels domine la conviction que le salut dépend de ce qu'il appelle les valeurs du cœur chez chaque individu.

Identité littéraire des personnages dans La Maison d'Âpre-Vent

Couverture du premier numéro, mars 1852.
Couverture du premier numéro, mars 1852.

La Maison d'Âpre-Vent, Bleak House en anglais, publié entre mars 1852 et septembre 1853, est, avec plus de soixante personnages, l'un des plus peuplés des romans de Charles Dickens.

Certains ne sont que de fugitifs passants, comme Miss Wisk au nom éloquent, qui ne fait qu'une brève apparition au mariage de Caddy Jellyby, jeune fille tenant un rôle important dans l'intrigue ; pour autant, chacun d'eux, émanant de toutes les strates sociales, se trouve étroitement relié au schéma général. Ils sont tour à tour décrits par les deux narrateurs, l'un, anonyme, s'exprimant à la troisième personne pour rendre compte des démêlés de la loi et du beau monde, l'autre, Esther Summerson, la seule véritable héroïne du roman, qui raconte en contrepoint son histoire personnelle, vécue sept années auparavant, puis qui finit par rattraper son homologue en participant directement à l'histoire.

Certains ne se retrouvent que dans un seul récit ; d'autres, mais ils restent peu nombreux, vont de l'un à l'autre en certaines occasions, ce qui implique l'établissement de passerelles narratives ; ainsi, par le stratagème de cette double narration (double narrative), que Paul Schlicke, et il n'est pas le seul, juge « audacieux », Dickens les présente sous plusieurs facettes, les deux points de vue s'avérant complémentaires.

De plus, la double narration rend leur caractérisation à deux mains plus complexe, ce qui donne l'occasion à Dickens de déployer une large palette de procédés alliant la satire au pathos, des emprunts aux traditions littéraires ou populaires, à l'actualité et au mythe. Enfin, chaque personnage remplit une fonction bien délimitée au sein de cette vaste structure apparemment échevelée, mais dont la cohérence, l'unité et aussi la finalité se dégagent peu à peu d'inexorable façon.

Double narration dans La Maison d'Âpre-Vent

Couverture du premier numéro, mars 1852.
Couverture du premier numéro, mars 1852.

La Maison d'Âpre-Vent, premier des grands romans panoramiques de Charles Dickens, a pour première originalité d'utiliser deux narrateurs, l'un à la troisième personne, rendant compte des démêlés de la loi et du beau monde, l'autre à la première, incarné par Esther Summerson qui raconte son histoire personnelle. Par le stratagème de la double narration (double narrative), que Paul Schlicke juge « audacieux », Dickens lie, tout en les opposant, l'expérience domestique d'Esther aux grands problèmes publics. Le récit d'Esther culmine en la découverte de ses origines : enfant illégitime d'une aristocrate, Lady Dedlock, abandonnée à sa naissance et élevée par une tante malveillante, cette jeune femme reste peu sûre d'elle-même, accueillant avec gratitude la petite considération qu'elle reçoit de la société patriarcale qui l'entoure. Sa situation reflète celle de la communauté tout entière, que minent des privilèges ancestraux faisant fi de ses aspirations et des besoins du peuple, avec des institutions sclérosées vouant les enfants à l'orphelinat et les habitants aux taudis, tandis qu'une prétendue philanthropie asservit plus qu'elle ne libère ses récipiendaires.

Caractéristique la plus originale de La Maison d'Âpre-Vent, cette double narration est l'élément principal qui en détermine et le schéma et la signification. Tels les participants à la dialectique du poème de Tennyson Les Deux Voix, publié en 1842 et grandement admiré par Dickens, les narrateurs de La Maison d'Âpre-Vent offrent deux perspectives de l'existence humaine ; chez Tennyson, un être divisé et mélancolique voit en l'homme le produit de la loi naturelle, tandis que l'autre a foi dans le libre arbitre, de même chez Dickens, le narrateur omniscient présente une vue déterministe de l'individu et de la société, tandis qu'Esther Summerson est d'avis que l'homme a le pouvoir de décider de son propre sort.

La Maison d'Âpre-Vent est donc un livre novateur par sa conception, son organisation et certains aspects de son style. À ce titre, il constitue un jalon dans l'évolution de l'œuvre de Dickens, ce que l'anglais appelle un watershed novel (« un roman charnière »). Il est souvent caractérisé comme le premier d'une série appartenant à sa dernière manière et, les critiques s'accordent sur ce point, l'une de ses œuvres les plus remarquablement achevées.

Personnages dans Dombey et Fils

Mr Carker se présente à Florence et à la famille Skettles (ch 24), par Phiz.
Mr Carker se présente à Florence et à la famille Skettles (ch 24), par Phiz.

Dombey et Fils, publié par Charles Dickens en 1848, est loin d'être le plus peuplé de ses romans. De plus, presque tous les personnages, l'héroïne Florence sans doute exceptée, apparaissent comme des « personages-humeurs », selon l'expression forgée par Samuel Johnson, c'est-à-dire caractérisés par une exagération, voire une excentricité, bonne ou mauvaise, qui tend à résumer leur personnalité. Même Le Petit Paul, l'enfant mâle enfin né pour perpétuer la puissante firme « Dombey and Son », devient bizarre, est jugé vieillot et démodé, mais adulte avant l'âge, capable de comprendre, avant qu'il ne meure prématurément, le mystère des vagues et au-delà, du cosmos tout entier.

Dickens insiste surtout sur les rapports existant entre eux, en particulier sur l'étrange relation qu'entretiennent la fille Florence et le père Mr Dombey, appelée à changer seulement lors du dénouement, après que ce dernier, jusqu'alors absent, inutile et cruellement indifférent, a enfin connu la rédemption au bout d'un chemin initiatique comme à rebours, jalonné par la défaite, le chagrin, la maladie. Cette relation pose d'ailleurs de nombreux problèmes pour lesquels les critiques ont proposé, selon les générations, des explications moralisatrices, sociétales, psychanalytiques ou féministes.

À l'évidence, Dickens privilégie moins la caractérisation de chacun, utilisant surtout à cette fin deux procédés traditionnels issus des XVIIe et du XVIIIe siècle, l'ironie satirique dirigée contre les méchants et le sentimentalisme, souvent poussé jusqu'au mélodramatique, porté vers les bons qui, à la fin du roman, se trouvent réunis autour d'une symbolique bouteille de vieux madère dont la présence ou l'absence n'a cessé de ponctuer l'évolution de l'action.

Vision de l'Angleterre contemporaine dans Dombey et Fils

Couverture des numéros mensuels.
Couverture des numéros mensuels.

Dombey et Fils (1846-1848), de Charles Dickens, est publié en une période de profonds bouleversements économiques et sociaux, d'instabilité politique et de mutations affectant toutes les couches de la population ; certes, le roman n'est pas un document exhaustif sur la condition de l'Angleterre, ni même sur Londres qui y tient une grande place ; il ne se présente pas non plus comme un roman « social » tel Les Temps difficiles. Cependant, si Dickens y perçoit les forces en présence, l'émergence de nouvelles valeurs, les dangers d'une recherche effrénée de l'argent, ce Mammon des temps modernes, sa réponse reste éminemment artistique.

Il est difficile, en effet, de faire la part entre ce qu'il condamne et ce qu'il admire : d'une part, la société que représente Dombey est mortifère, de l'autre, le magasin de Solomon Gills, « L'Aspirant de Bois », havre de paix quasi pastorale et de bonheur innocent, est économiquement dépassé et n'est sauvé de la faillite que par l'intervention providentielle des investissements critiqués.

Le roman fait également une large part à la condition des femmes, qu'il explore, le plus souvent symboliquement, dans plusieurs de ses aspects : les relations familiales, la maternité, les vertus domestiques. Son idéal, déjà souvent exprimé dans les romans précédents, reste l'ange du foyer que représente Florence, mais certains critiques remettent ce schéma en question et accordent plus d'importance à l'aspect sexuel de la féminité.

Folklore, légendes et mythes dans Dombey et Fils

Couverture des numéros mensuels.
Couverture des numéros mensuels.

Dombey et Fils, publié en 1848, emprunte beaucoup à la littérature populaire issue du folklore légendaire, des mélodrames contemporains et de la pantomime traditionnelle. Il reprend aussi certaines chansons à la mode, surtout des airs glorifiant le monde de la mer, et enfin, quoique plus sobrement, quelques contes de fées et mythes anciens, tels que ceux d'Argus ou du Cyclope.

Tous ces apports se trouvent dépouillés de leur aspect burlesque ou solennel, et enrichis d'une dimension morale et spirituelle, mais dans l'ensemble ils gardent leur schéma d'origine avec des personnages appelés à subir des épreuves et selon le cas, à en mourir ou y trouver matière à renaissance, ce qui correspond bien à la ligne directrice du roman qui impose le châtiment des méchants, la récompense discrète des bons et la rédemption du personnage principal, Mr Dombey, qui découvre après une longue période de glaciation du jugement et grâce aux tourments que le sort et surtout lui-même lui ont imposés, la révélation de son iniquité et la voie de la lumière.

Il n'en demeure pas moins que cet aspect du roman est le plus souvent ludique et permet à Dickens de puiser dans sa veine à la fois comique et satirique, comme en témoigne, par exemple, le riche bestiaire servant à décrire les personnages qui en sont la cible.