Vox in Rama

bulle d'indiction condamnant l'hérésie luciférienne

Vox in Rama
Blason du pape Grégoire IX
Bulle pontificale du pape Grégoire IX
Date
Sujet condamnation de l'hérésie luciférienne
Chronologie

Vox in Rama est une bulle pontificale fulminée par le pape Grégoire IX en plusieurs exemplaires du 11 au . C'est le premier texte ecclésiastique officiel qui affirme la réalité de cérémonies maléfiques secrètes organisées par des hérétiques avec la participation du Diable. L'idée sera abondamment reprise au cours des chasses aux sorcières.

Destinataires, contenus modifier

Les premiers mots, « une voix à Ramah », sont tirés de Jérémie (31:15) et de l’Évangile de Matthieu (2, 18).

La lettre est adressée à l'archevêque de Mayence Siegfried III von Eppstein, à l'évêque de Hildesheim Konrad II de Riesenberg (de) et à l'inquisiteur Conrad de Marbourg.

Selon la lettre, les hérétiques se livreraient à des orgies diaboliques. « "Quand un novice à initier est présenté devant l’assemblée des mauvais pour la première fois", dit le texte, "une sorte de grenouille lui apparaît ; un crapaud, selon certains. Il en est qui lui font un baiser sur le derrière, d’autres sur la bouche, en lui suçant la langue et en absorbant sa bave. Parfois le crapaud est de taille normale, mais en d’autres occasions il est aussi gros qu’une perdrix ou un canard. Le novice s’avance et se tient devant un homme à la pâleur effrayante. Les yeux de ce dernier sont noirs, son corps si fin et si émacié qu’il ne semble pas avoir de chair, seulement la peau et les os. Le novice l’embrasse ; l’homme est froid comme la glace. Après ce baiser, tout résidu de foi catholique demeuré dans le cœur du novice disparaît". Le texte poursuit en décrivant la façon dont le banquet qui suivait était présidé par un chat noir "aussi gros qu’un chien de taille moyenne", dont l’anus était embrassé par tous les présents, chacun à son tour, en commençant par le nouvel initié. Puis les lumières étaient éteintes et une orgie s’ensuivait : "Alors la silhouette d’un homme émerge d’un coin sombre. La partie supérieure de son corps, à partir des hanches, brille de façon aussi éclatante que le soleil. En dessous, sa peau est épaisse et couverte de fourrure comme celle d’un chat. L’hérétique qui préside lui présente un morceau de l’habit du novice en lui disant : 'Maître, on m’a donné cela, et à mon tour je vous le donne'. Ces gens se disent les dévots de Lucifer, dont ils prétendent qu’il a temporairement été chassé du paradis et y retournera" »[1].

Selon Robert I. Moore, « en tant que premier document officiel, tous types confondus — a fortiori première lettre pontificale — à reprendre et admettre comme des faits l’invocation du démon Lucifer, son apparition et sa participation à des actes sexuels lors des assemblées secrètes, Vox in Rama marque la réception dans la haute culture de la croyance à la réalité de telles pratiques et phénomènes. Sa funeste influence allait persister pendant un demi-millénaire[2]. »

Édition modifier

Musique modifier

  • Vox in Rama est un motet à cinq voix, publié dans le recueil Il secondo libro de motetti (1581) par le compositeur franco-flamand Giaches de Wert (1535-1596), qui met en musique une partie du texte de la bulle papale.
  • Vox in Rama a également été mis en musique par le compositeur polonais Mikołaj Zieleński (vers 1550-vers 1615) dans son Offertoria et communiones totius anni (1611).

Notes et références modifier

  1. Robert I. Moore (trad. Julien Théry), Hérétiques. Résistances et répression dans l’Occident médiéval, Paris, Belin, , p. 394-395
  2. Moore 2017, p. 395-396

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

  • Norman Cohn, Démonolâtrie et sorcellerie au Moyen âge : fantasmes et réalités [1967], trad. fr. Sylvie Laroche, Maurice Angeno, Paris, Payot, 1982.
  • Robert I. Moore, Hérétiques. Résistances et répression dans l’Occident médiéval [2012], trad. fr. Julien Théry, Paris, Belin, 2017, aux p. 392-399.
  • Vox in Rama (bulle pontificale de 1233)
    cf. « aposcripta-666 (acte) | aposcripta/notice/26666 », sur Telma - Chartes (consulté le ).

Articles connexes modifier