Utilisateur:ROUBERT4/Brouillon

La signature d'une paix particulière entre la Pologne et l'empire Ottoman (1693-1696) modifier

La question qu'il avait à résoudre en priorité, outre la nécessité de resserrer les liens entre la Pologne et la France, était celle de tenter d'amener les Polonais à la signature d'une paix particulière avec les Turcs. La diversion représentée par la menace ottomane sur les terres de l'Empire servait trop les visées de Louis XIV contre la Maison d’Autriche pour que celui-ci, en pleine guerre de la Ligue d'Augsbourg, ne cherche pas à affaiblir la coalition organisée par l'empereur pour lutter contre les raids incessants de l'empire ottoman sur les territoires relevant de sa couronne. Mais, le roi de Pologne, Jean III Sobieski était lié dans une alliance offensive et défensive contre les Turcs par le traité de Linz signé en 1684 avec l’Autriche et la République de Venise . Ce pacte impliquait qu’il ne pouvait traiter indépendamment. L'abbé tenta de convaincre la reine qui était française [1] de l'intérêt de cette paix pour le royaume, mais le roi tergiversa pendant trois ans et sa mort à la fin du printemps 1696 vint enterrer l’espoir de cette paix déjà fortement compromise par ses hésitations et la duplicité des Turcs.

L'élection d'un candidat français à la couronne de Pologne (1696-1697) modifier

En 1696, Louis XIV proposa au prince de Conti [2] de se porter candidat au trône de Pologne laissé vacant et qui devait faire l'objet d'une élection par la noblesse de ce pays. A la mi-juillet 1696, l’abbé de Polignac reçut une délégation de la noblesse conduite par le Grand Trésorier Jérôme Lubomirski [3] qui marqua nettement le choix d'une grande partie des primats pour une candidature française. Il rendit compte à Louis XIV en ses termes : "On dit que si la nation ne voulait aucun des trois princes, et si elle persistait dans la ferme et constante résolution d'exclure ainsi tous les piastes, il faudra par nécessité recourir aux princes étrangers entre lesquels la faction dont je parle choisit de préférence à tout autre et désire ardemment le prince de Conti [4]". Toutefois, l’abbé ne cachait pas dans ses courriers à Versailles que l’argent était le principal nerf de la guerre dans cette recherche de ralliements à la candidature française. L’abbé de Châteauneuf, envoyé en renfort par Versailles qui se méfiait de son ambassadeur à la suite de rapports défavorables à son action qui lui vinrent de Pologne, fit cause commune avec l’abbé de Polignac. Les deux abbés envoyèrent une dépêche au prince de Conti dans laquelle ils le suppliaient de hâter son départ.

Pendant que Louis XIV et son candidat hésitaient, l’Électeur Frédéric Auguste de Saxe dévoila sa candidature à trois mois de la date des élections. Il s'agissait d'un adversaire dangereux pour le clan français animé par l'abbé de Polignac car, ayant bien préparé son affaire, celui-ci possédait à la fois de l’argent et des troupes prêtes à rentrer en Pologne avec l'appui de la Russie et de l'Autriche qui ne souhaitaient pas que la France s'immisce dans les affaires polonaises. La diète d'élection, réunie les 25 et 26 mai 1697, proclama élu le prince de Conti le 27 au soir. Mais dans la nuit qui suivit, les partisans de l'électeur de Saxe qui avaient distribué de l'argent pour favoriser leur candidat pendant la diète, firent proclamer élu ce dernier par une minorité de seigneurs polonais en dehors du champ réservé à l'élection, le Kolo, ce qui affectait d'illégalité ce vote. L'abbé prévint Versailles en ces termes : " Voilà, Sire, ce que nous avons fait malgré l'opposition de trois généraux et l'infidélité d'un quatrième. Enfin, Monseigneur le prince de Conti est élu par les trois-quarts de la république et l'autre quart par pur désespoir a élu un autre prince que l'on ne pouvait prévoir." Le 1er juillet il se justifiait en ajoutant : " Vous voyez en quel état sont les affaires de Pologne. S'il [Conti] avait été ici ou dans le voisinage et si les millions de la République avait été comptants comme nous l'avions toujours demandé, la double élection ne se serait pas faite ou du moins elle n'aurait pas duré au lieu que présentement, nous nous trouvons avec un titre incontestable sans argent et sans roi, pendant que l'Électeur est aux portes avec des troupes et l'assistance de tous les États voisins au Royaume, intéressés à le soutenir" [5]. En effet, fort de cette élection douteuse, l'Électeur de Saxe pénétra en Pologne avec ses troupes et alla se faire couronner à Cracovie par ses partisans.

S'étant enfin décidé à partir, escorté par l’escadre de Jean Bart [6], le prince de Conti arriva au large de Dantzig le 26 septembre. Ses premières paroles aux envoyés polonais venus l'accueillir furent pour se plaindre que sa cause avait été mal présentée et qu'il souhaitait rétablir la vérité. Il descendit deux fois à terre pour rencontrer ses partisans. L’assemblée de la noblesse de Haute Pologne déclara légitime l’élection du prince de Conti, demanda à son concurrent saxon de quitter le territoire, mais l’Électeur refusa de se plier à cette exigence. Le 17 octobre, la diète de confirmation proclama à nouveau roi le prince français. Mais, elle fut obligée de lever séance devant l'approche des troupes de l'Électeur. Le général saxon Brandt, à la tête d'une troupe assez nombreuse, effectua un raid sur les environs de Dantzig. Le prince de Conti, dépourvu de troupes et menacé par les raids saxons et par la crainte du retour des glaces dans le Sund, décida de repartir avec l’escadre de Jean Bart.

L'abbé de Polignac victime de la raison d'État ? modifier

L'abbé de Polignac, sur ordre du roi, a payé de quelques années d'exil à Bonport l'échec de la diplomatie française dans cette tentative de s'immiscer dans les affaires de Pologne pour embarrasser l'Autriche qui, associée à l'Angleterre, menait depuis une dizaine d'années la guerre aux frontières du royaume de France. Mais était-t-il le seul coupable ? Dans son Histoire de la marine française où il a traité de l’affaire de Pologne. Eugène Sue a fait valoir que, nonobstant la raison d’Etat qui a manifestement prévalu dans la conclusion française de cette affaire et que de nombreux historiens ont repris à leur compte en répétant "l’accusation portée par Louis XIV contre M. de Polignac", et en le rendant " responsable et solidaire du mauvais succès du prince de Conti", on peut également conclure que "M. de Polignac n’eut aucun tort dans cette affaire : qu’il assura au contraire l’élection de M. le prince de Conti". En effet, ce dernier n'y a-t-il pas aussi une part de responsabilité en raison de son peu d'enthousiasme à s'éloigner de la cour laissant ainsi toute latitude aux manœuvres d'Auguste de Saxe pour s'emparer par un coup de force de la couronne qui aurait du lui échoir ? Et Louis XIV, lui même, n'a-t-il pas fait preuve de légèreté en s'engageant dans cette opération d'influence sans avoir la possibilité de donner à l'abbé les moyens financiers qui lui aurait permis de contrer les libéralités financières grâce auxquelles Auguste de Saxe a pu se constituer un parti acquis à sa cause à la veille de l'élection? La question reste pendante.

Bibliographie modifier

E de Bastard, Négociations de l'abbé de Polignac en Pologne pour l'élection du prince de Conti. Auxerre 1864.

David de La Bizardière, Histoire de la scission ou division arrivée en Pologne, le 27 juin 1697, au sujet de l'élection d'un roi. Paris 1699.

Chrysostome Faucher, Histoire du cardinal de Polignac. Paris 1780.

Pierre Paul, Le cardinal Melchior de Polignac (1661-1741) Paris, Plon, 1922.

Général de Piepape, François de Bourbon-Conti et sa candidature au trône de Pologne (1696-1697), Revue des Deux Mondes. Histoire de la Marine Française, XVIIe siècle, Jean Bart, Bonnaire éditeur.1836.  

Marie-Hélène de Polignac, La mission de l'abbé de Polignac en Pologne au travers des dépêches diplomatiques (1693-1697) Imprimerie Jeanne d'Arc, Le Puy en Velay, 2015.

Notes et Références modifier

  1. Marie Casimir Louise de la Grange d'Arquien (1641-1716)
  2. François-Louis de Bourbon-Conti (1664 -1709). Prince du sang membre de la branche cadette de la Maison de Condé. Brillant soldat, il participa à la guerre de la Ligue d’Augsbourg contre l’Autriche sous les ordres du Maréchal de Luxembourg et en particulier aux batailles de Steinkerque et de Nerwinden. Mais il avait des sentiments pour la duchesse de Bourbon, fille adultérine de son souverain avec la duchesse de Montespan, dont il répugnait à se séparer trop longtemps ce qui explique ses atermoiements concernant la Pologne.
  3. Jerzy Lubomirski
  4. Lettre de l'abbé de Polignac datée du 17 Juillet 1696. Archives diplomatiques du ministère des Affaires étrangères.
  5. Lettre de l'abbé de Polignac au marquis de Torcy, secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères de Louis XIV, en date du 1er juillet 1697. Archives diplomatiques du ministère des Affaires étrangères
  6. Le corsaire le plus connu du règne de Louis XIV. Il était entré très jeune dans la marine royale. Célèbre par ses conquêtes de frégates anglaises et hollandaises lourdement chargées en blé dont il ramenait les prises à Dunkerque pour nourrir le peuple de Paris affamé. Sa dernière mission fut à Dantzig en Pologne pour conduire le prince de Conti élu roi par la Diète. Jean Bart mécontent de l’accueil fait par la ville à son escadre se saisit de sept vaisseaux appartenant à des armateurs de la ville ce qui exacerba la colère des habitants de cette ville contre la France et son candidat