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«les plans de guerre de la Première Guerre mondiale (1914-1918)»

Réfléchir à un plan, si un jour la guerre devait éclater, telles sont les missions permanentes d'un haut commandement. Une longue réfléxion, qui commence dès le début du XXe siècle[1] et qui doit aboutir à l'élaboration d'un plan de guerre qui décrira probablement l'avenir des différents peuples européens et par la suite mondiaux. La pensée militaire s'était, avant 1903, plutôt intéressée à l'éventualité d'un conflit uniquement franco-allemand. Mais les alliances qui suivirent firent rapidement comprendre qu'il s'agirait d'une guerre continentale voire mondiale, entre les alliés français : Triple-Entente, et les alliés allemands : Triple Alliance.

Les prévisions

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Avant 1914 dans les pays concernés par l'eventualité d'une guerre, on avait déjà élaboré quelques plans de guerres : tant sur la mobilisation, la concentration des effectifs que sur les plans d'opérations. D'un côté comme de l'autre on savait qu'une guerre éventuelle ne pourrait en aucun cas ressembler à celle de 1870, compte tenu des énormes masses d'hommes qui pourront alors être mobilisés en cas de déclaration de guerre de la part de l'un côté ou de l'autre.

L'Allemagne : le plan Schlieffen

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Le général comte Alfred von Schlieffen (1933-1913), chef du grand État-major allemand depuis 1891, s'est bien préparé, depuis l'alliance passée entre la Russie et la France[2] en 1894 sous la présidence de Sadi Carnot et du gouvernement autocratique du Tsar Alexandre III [3]à devoir mener une guerre sur deux fronts opposés. Il décide de porter son premier effort contre la France puis de se retourner contre la Russie, en espérant que celle ci soit assez affaiblie par la guerre russo-japonaise qui s'est déroulée de 1904 à 1905[4]. Car la crainte de l'Allemagne c'est de se retrouver encerclé par ses deux ennemis directs, c'est-à-dire la France et la Russie[5].

La priorité de ce plan était la destruction rapide de l'armée française par une vaste manœuvre de débordement du système fortifié Verdun-Belfort, celui-ci étant jugé imprenable, ce qui impliquera logiquement la violation de la neutralité belge. Un gros risque survint, celui de provoquer par la même occasion l'entrée en guerre de l'Angleterre, mas ce risque est devenue réalité puisque en 1904, cette dernière se rapproche considérablement de la France, en créant une Entente cordiale[6]. Par conséquent Schlieffen maintient tout de même sa stratégie qui consiste à traverser la Belgique, mais en violant ainsi la neutralité belge. L'Allemagne disposera de 35 corps d'armées et 8 divisions de cavaleries, et se jugera capable d'englober tout le dispositif ennemi et d'obliger la France à la capitulation, après une campagne vaste et rapide. Durant cette campagne la Russie devrait pouvoir être facilement contenue par les troupes austro-hongroises, alliées de l'Allemagne.

En 1906 le général Schlieffen pris sa retraite, son successeur Moltke, reprend quasiment dans l'intégralité le plan Schlieffen mais prend en compte le rapide rétablissement de l'armée Russe, et aussi l'instauration en France de la loi des 3 ans en 1913[7] qui augmente d'un an le passage du service national. Par conséquent il renforce ses effectifs de son centre, ce qui donne au plan Schlieffen un aspect plus prudent et cerainement beaucoup moins audacieux. Par ailleurs Moltke avait pronostiqué en 1899, devant le reichstag, que la guerre future risquait fort d'être une "guerre de sept ans, voir de trente ans" [8] il pensait d'ailleurs qu'elle irait jusqu'à l'épuisement général

La France : le plan XVII

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Le plan XVII a été élaboré par Joseph Joffre (1852-1931)[9], chef d'état-major depuis 1911. Joffre était un partisan d'une attaque violente et décisive qui permettrait d'en finir d'un seul coup avec les forces organisées de l'ennemi. Il voulait préconiser le passage par le Luxembourg et la Belgique, mais le gouvernement y mit son véto, après avis de ses alliés, les Anglais. Joffre élaborera par la suite ce qui deviendra le plan XVII. Grâce à l'alliance franco-anglaise, il est assuré que les Anglais enverront des troupes en cas de violation de la neutralité belge. Il suppose par la même occasion que l'Italie évoluera vers la neutralité.

Le plan XVII prend en compte la violation de la neutralité belge par l'Allemagne, mais une question essentielle se pose : jusqu'où ira-t-elle ? L'État-major estime qu'elle ne dépassera pas la Meuse, Joffre prévoit donc le regroupement des forces entre la Suisse et le Luxembourg, et définit au début de l'année 1914, les deux directions offensives à lancer dès cette opération terminée : l'une " entre le massif forestier des Vosges et la Moselle en aval de Toul" et la seconde " au Nord de la ligne Verdun-Metz"[10].

Le 2 août 1914 [11]soit la veille de la déclaration de Guerre de l'Allemagne qui sera suivi le lendemain par l'invasion de la Belgique et du Luxembourg par l'armée allemande, soit la déclaration de guerre de l'Allemagne, Joffre augmente le dispositif prévu en faisant entrer en ligne son armée de réserve ce qui prouve sa volonté offensive.

L'Autriche Hongrie

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Conrad von Hötzendorf, le commandant en chef autrichien, se voit dans l'obligation d'engager ses forces contre la Russie, et de tenir contre eux au moins six semaines. Moltke le prévient qu'il espère " en avoir fini avec la France six semaines après l'ouverture des hostilités, ou du moins être assez avancé, pour envoyer le gros de nos forces sur le front oriental". Mais les austro-Hongrois se rendront compte avant la Guerre que leur adversaire prioritaire, ce ne sont pas les russes, que Hötzendorf espère neutre, mais les serbes. Seule une forte concentration des forces austro-hongroises pourrait permettre un succès rapide face à l'ennemi. Par conséquent deux plans sont élaborés, pour répondre à deux hypothèses :

  • en cas de Guerre sur deux fronts, russe et serbe, les Autrichiens se concentreront plutôt contre les Russes, en envoyant leurs deux groupements de forces les plus importants A et B, tandis que le Minimal Gruppe serait opposé aux Serbes.
  • si par contre la Russie était neutre dans cette guerre, le groupement B serait lui engagé face aux Serbes[12].

En juillet 1914, cette dernière hypothèse est encore retenue par l'état-major, même si la probabilité que la Russie entre dans le conflit est assez importante.

La Russie

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En France, en Allemagne ou encore en Autriche-Hongrie, les plans de campagnes sont élaborés sous l'autorité d'un seul et même homme (Schlieffen, Joffre, Hötzendorf). Ce n'est pas le cas pour la Russie, car de 1904 a 1914 se succèderont six États-majors[13]. Le plan russe tient compte de plusieurs éléments : la situation géographique de la Pologne qui est proche de la Prusse-orientale et de la Galicie autrichienne, qui peut dans ce cas constituer un point de départ pour une offensive dirigée vers la capitale allemande : Berlin.

Mais l'adversaire prioritaire de la Russie reste tout de même l'Autriche-Hongrie, même si l'accord avec la France prévoit que en cas d'agression allemande contre cette dernière la Russie se verrait dans l'obligation d'intervenir dans le combat.

L'état-major russe prépare alors deux plans G comme Germanie et A comme Autriche[14]. G est de loin l'hypothèse qui à l'air la plus dangereuse et dans l'hypothèse A, l'Allemagne attaquerait uniquement a l'Ouest et garderait à l'Est une attitude uniquement de défense. Le plan de campagne se résume simplement : battre l'armée austro-hongroise tout en aidant la France par une offensive contre l'Allemagne.

Le renforcement des fortifications allemandes à l'Est, confortent les Russes dans leurs conviction que les Allemands attaqueront uniquement à l'Ouest. Les Russes choisissent donc d'appliquer le plan A, avec un effort principal en Galicie pour éliminer rapidement les forces austro-hongroises évaluées à 12 corps d'armées en envoyant une quinzaine de corps d'armées.

La Grande-Bretagne

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La Grande-Bretagne s'est engagée en cas de violation de la neutralité belge, à envoyer du renfort en France, dans les quinze jours qui suivent. Mais la Grande-Bretagne n'a pas vraiment conçu de plan de guerre, à part l'accord de 1913 avec la France qui prévoit la concentration des forces navales françaises en Méditerranée, tandis que la royal Navy, navires de guerre des forces anglaises, prendra le contrôle de la Mer du Nord et de la Manche.

Réalisation et échecs

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Certes beaucoup de plans ont été imaginés, mais quasiment tous ont échoués. La guerre imaginée est rarement celle qui en résulte, et l'adversaire qu'on analyse est rarement le même dans les plans de guerre que sur le champ de bataille. En un mois, toutes les prévisions des chefs furent déjouées. Car les prévisions de de tous les états-majors, c'est-à-dire que la guerre serait brève et fondée sur l'offensive se révèlèrent totalement fausses[15], ces deux idées, furent même en grande partie responsable de la guerre.

A l'Ouest, la première fausse idée, fut de croire que la guerre ne pourrait qu'être courte[16]. français et allemands ont élaboré des stratégies fondées sur une seule offensive violente et rapide à la fois. La première offensive de Joffre en Lorraine est rapidement arrêtée et ce dernier mis à la retraite pour avoir sous-estimé l'ampleur du débordement effectué par l'aile droite allemande et pour avoir omis de prévoir que l'ennemi pouvait utiliser ses unités de réserve dès la première offensive.

Tandis que la manœuvre allemande qui, elle, aurait pu au moins donner la satisfaction de la réussite, échoue elle aussi, à cause d'un chef qui n'aurait pas eu assez d'audace, et qui a volontairement amputé le plan Schlieffen en enlevant des troupes sur l'aile droite. En revanche, les armées allemandes et françaises étaient à peu près égales en termes de sentiment national, de qualités techniques et d'effectif[17]. Par contre les bilans en matière de vie humaines sont assez désastreux, il y eut 40 000 morts français entre le 20 et le 23 août dont 22 000 le rien que pour le samedi 22[18]. Mais il y eut un élément décisif : L'armée française ne succomba pas à l'affolement, sans quoi la Guerre aurait été certainement perdue[19]

Le bilan autrichien n'est guère meilleur, pour avoir été persuadé que la Russie resterait neutre, Conrad Von Hötzendorf s'est retrouvé dans la nécessité de modifier dès le premier jour des combats son dispositif de campagne, retirant à la hâte une partie de son armée du front serbe pour défendre une partie de son territoire envahi.

Les Russes quant à eux, peuvent néanmoins s'estimer heureux et fier d'un bilan bien meilleur que les autres pays, par rapport à leur plan initial. Certes la défaite autrichienne n'est pas définitive, mais la Galicie est tout de même occupée. Et en s'engageant en Prusse orientale, les Russes montrent qu'ils tiennent parole vis-à-vis des Français et des Anglais, malgré la défaite de Tannenberg contre les forces de Hindenburg, qui contraint les Russes à évacuer la Prusse-orientale, pour ne pas subir une invasion.

L'improvisation durant la guerre

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Les plans de campagnes de l'avant-guerre ayant mené le conflit à l'enlisement, il fallut improviser. Après une année désastreuse pour l'Entente, une conférence militaire entre alliés est organisé à Chantilly[20] en décembre 1915 sous la présidence de Joseph Joffre, qui souhaite coordonner les offensives sur les trois fronts : occidental, italien et oriental, dans le but de couper les échanges entre les armées allemande et autrichienne.

En février 1916, il est décidé de fixer au 1er juillet l'offensive franco-britannique sur la Somme : normalement elle aurait du être précédé 15 jours avant de plusieurs attaques succésives des armées russes et italiennes afin d'épuiser les ennemis. Mais ce programme fut très compromis par les initiatives des deux puissances centrales qui prennent de vitesse les français et les italiens. Certes la bataille de la Somme sera quand même déclenchée le jour prévu, mais l'armée française y participera beaucoup moins que prévu.

L'année 1916 se termine comme 1915 sur un nouveau constat d'échec et une seconde conférence à Chantilly, une seconde décision est prise, les français et les anglais attaqueront dès février pour surprendre l'ennemi, mais malheureusement, c'est aussi trop tôt pour les Russes qui ne pourront reprendre l'offensive qu'au printemps. Mais Joffre fut relevé de son commandement et son successeur,Robert Georges Nivelle, élabore un plan grandiose censé mener l'armée français à la victoire, mais cette offensive se voit une nouvelle fois contrariée par une initiative allemande, qui sera cette fois défensive : la sanglante défaite du Chemin des dames, qui se soldera par un échec meurtrier et annonce le remplacement de Nivelle par Pétain.

L'armée russe ne viendra jamais, devant contenir les vagues révolutionnaires dans son propre pays. Un seul plan en définitive paraît avoir été suivi d'effet, celui de Phillipe Pétain (1856-1951) en 1918, qui lui aura attendu le renfort de l'armée américaine avant de lancer une offensive fulgurante. "J'organise mon front pour résister aux offensives attendues, j'attends les chars et les américains. Après..."[21]

Notes et références

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  1. Stéphane Audoin-Rouzeau et Jean-Jacques Becker, « Encyclopédie de la grande Guerre 1914-1918», seconde de couverture
  2. Stéphane Audoin-Rouzeau et Jean Jacques Becker, «Encycloépdie de la Grande guerre», L'alliance Franco-Russe p.165
  3. http://www.herodote.net/histoire/evenement.php?jour=18940104
  4. Jean Delmas, « Plans de guerre », François Lagrange Inventaire de la grande Guerre p.185
  5. Stéphane Audoin-Rouzeau et Jean-Jacques Becker,« Encyclopédie de la grande Guerre 1914-1918», p.161
  6. François Lagrange,« Inventaire de la Grande Guerre 1914-1918, p.185 »
  7. François Lagrange« Inventaire de la Grande Guerre 1914-1918, p.185 »
  8. Stéphane Audoin-Rouzeau et Jean-Jacques Becker, « Encyclopédie de la grande Guerre 1914-1918», p169 et 170
  9. François Lagrange « Inventaire de la Grande Guerre 1914-1918 » p.186
  10. François Lagrange « Inventaire de la Grande Guerre 1914-1918 » p.186
  11. François Lagrange« Inventaire de la Grande Guerre 1914-1918 », p.186
  12. François Lagrange« Inventaire de la Grande Guerre 1914-1918 », p.188
  13. Jean Delmas, « Plans de guerre », François Lagrange Inventaire de la grande Guerre, p.188
  14. Jean Delmas, « Plans de guerre », François Lagrange Inventaire de la grande Guerrep.188
  15. faussesStéphane Audoin-Rouzeau et Jean-Jacques Becker, « Encyclopédie de la grande Guerre 1914-1918», p243 et 244
  16. Stépahen Audoin-Rouzeau et Jean-Jacques Becker« Encyclopédie de la Grande Guerre 1914-1918 », p.243
  17. Stéphane Audoin-Rouzeau et Jean-Jacques Becker « Encyclopédie de la Grande Guerre 1914-1918 »,p.245
  18. Stéphane Audoin-Rouzeau et Jean-Jacques Becker « Encyclopédie de la Grande Guerre 1914-1918 »,p.245
  19. Stéphane Audoin-Rouzeau et Jean-Jacques Becker « Encyclopédie de la Grande Guerre 1914-1918 »,p.246
  20. François Lagrange « Inventaire de la Grande Guerre 1914-1918 », p.190
  21. François Lagrange « Inventaire de la Grande Guerre 1914-1918 »,p.191

Annexes

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Articles connexes

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Liens externes

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Bibliographie

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  • Jean Delmas, « Plans de guerre »,  François Lagrange Inventaire de la grande Guerre
  • Jean-Jacques Becker, « Prévision des états-majors et effondrement des plans », Jean-Jacques Becker & Stéphane Audoin-Rouzeau Encyclopédie de la grande guerre 1914-1918