Cire anatomique d'un cœur humain d'André-Pierre Pinson, exposée au musée de l'Homme.
Cire anatomique d'une demi-tête de femme, exposée au musée de l'Homme.

André-Pierre Pinson (1746-1828) est connu surtout pour ses cires anatomiques réalisées à la fin du xviiie siècle pour le cabinet de curiosité du duc d'Orléans, dont La Femme à la larme conservée au musée de l’Homme à Paris. Dans les premières années du xixe siècle, il façonna plusieurs centaines de champignons en cire. Il est aussi l’auteur de portraits en cire.


André-Pierre Pinson (1746-1828) fabriqua des champignons en cire inspirés de gravures dues à Pierre Bulliard (1742-1793).


"André-Pierre Pinson, (1746-1828), « chirurgien des cent-suisses » (garde personnelle du roi aux Tuileries), était anatomiste et surtout artiste. Il exposa plusieurs fois ses cires aux Salons du Louvre. Celles-ci étaient destinées au Cabinet d’anatomie du duc d’Orléans, qui était ouvert au public au Palais-Royal. À la Révolution, le cabinet fut confisqué et affecté à la galerie d’anatomie du tout nouveau Muséum d’histoire naturelle, futur Muséum national d’Histoire naturelle. Après la Révolution, Pinson fut nommé préparateur à l’École de médecine.  Pinson réalisa également de nombreuses pièces d’anatomie animale, ainsi que des remarquables modèles de champignons.

Les préparations artificielles en cires permettaient d’obtenir en un seul modèle à trois dimensions une démonstration anatomique très précise, étant souvent même le fruit de plusieurs dissections. Elles palliaient les énormes difficultés que l’on avait à se procurer des cadavres pour les démonstrations d’anatomie humaine et à les conserver ensuite. Après la Révolution, les collections de cires anatomiques deviennent plus importantes en illustrant un strict propos anatomo-médical. D’objet de contemplation et de prestige au XVIIIe siècle, confirmant un discours philosophico-médical, le modèle anatomique devient outil de connaissance médicale au XIXe, moyen de compréhension scientifique."[1]


"L’auteur de cette collection est pratiquement inconnu, pourtant il a fait une œuvre colossale, à l’époque même où Fontana créait le musée de cires anatomiques de Florence. Il s’agit du chirurgien André-Pierre Pinson, dont le Muséum a hérité toutes les œuvres à la Révolution. Sous l’Ancien Régime, Pinson était chirurgien des cent-suisses, c’est-à-dire de la garde personnelle de Louis XVI, aux Tuileries. Mais, il était surtout connu pour ses talents d’artiste, avec un net penchant pour l’anatomie. Il avait exposé plusieurs fois des modèles en cire aux Salons du Louvre, briguant un poste à l’Académie royale de peinture et de sculpture. Il avait un puissant protecteur, franc-maçon comme lui (il était même le Grand-Maître de la plus importante des obédiences maçonniques françaises), le duc d’Orléans, pour lequel il confectionna des centaines de modèles anatomiques en cire.

Ce Cabinet du Palais-Royal était d’ailleurs destiné beaucoup plus au prestige personnel du prince, qui le montrait à ses visiteurs illustres, qu’au prestige même de l’anatomie, dont le duc se souciait fort peu, trop occupé par l’agitation révolutionnaire dirigée contre son cousin Louis XVI. Cependant, sous couvert du mécénat des grands du royaume, l’anatomie gagnait toujours du terrain. Le corps humain se détachait de plus en plus de l’Église et était de plus en plus livré à la science.

À l’École de santé, on créa un poste de chef des travaux anatomiques (confié à Honoré Fragonard, l’anatomiste, le cousin du peintre, célèbre pour ses pièces séchées de l’École vétérinaire d’Alfort), un poste de modeleur en cire pour Pinson (l’auteur de la collection du ci-devant Orléans) et un poste de conservateur des collections pour Thillaye, chargé de leur bon agencement. L’accroissement des collections devenait le gage du dynamisme de l’enseignement et de la recherche médicale.

Pour “ses” Galeries d’anatomie comparée, installées tant bien que mal dans d’anciens bâtiments, Cuvier fit donc préparer de nouvelles pièces anatomiques qu’il disposa sous forme de démonstrations linéaires, selon l’ordre de ses cours. Pour les démonstrations de myologie, qui se conservaient mal séchées, pour l’innervation, pour la vascularisation, pour le développement des animaux, il eut recours aux modèles en cire ; de même pour les invertébrés, tels les mollusques, dont le corps mou perdait sa couleur ou se déformait dans l’alcool ; voire enfin, des champignons en cire ! La plupart de ces reproductions furent encore confectionnées par Pinson ou bien par l’École de Rouen. Cuvier était bien placé pour toutes ces commandes car il faisait partie du comité d’experts surveillant les céroplasticiens. Il disposa tous ces modèles dans ses Galeries ouvertes au public en 1806, venant ainsi compléter son discours, essentiellement pratique.

La mise en pratique de la méthode anatomo-clinique prônée par les Révolutionnaires avait suscité le rapprochement des symptômes observés au chevet du malade et des lésions décelées à l’autopsie. En utilisant des méthodes relativement simples, examen physique et anatomie macroscopique, l’école française fit faire de tels progrès à la pathologie que cette discipline acquit rapidement une dimension nouvelle. L’on fit encore appel aux artistes et André-Pierre Pinson fut le premier de ceux-là, pour reproduire d’abord force anévrismes, malformations, cancers, tumeurs... plus tard, les chancres, les pustules, les bubons, les impétigos, les croûtes, dans une vaste leçon de choses"[2]

La Femme à la larme.[1]

"Parallèlement aux réalisations anthropotomiques de Fragonard, de véritables cires anatomiques sont réalisées en France. À Paris, le chirurgien de la garde personnelle de Louis XVI, André-Pierre Pinson,23 fabrique de nombreux mannequins et pièces anatomiques pour le cabinet du Palais-Royal. Toutefois comme pour le cabinet florentin, les pièces anatomiques sont bien plus esthétiques que scientifiques. Les réalisations de Pinson ont pour point commun avec celles de Fragonard une véritable mise en scène relevant plus de la sculpture et de l’art que de l’observation scientifique.

Après la Révolution française, ce spectacle n’est plus réservé à l’aristocratie, mais est aussi ouvert au peuple au sein de la galerie d’anatomie comparée du musée national d’histoire naturelle de Paris.24 Les œuvres de Pinson ayant plus une ambition artistique que scientifique, les proportions sont secondaires. Le cœur est beaucoup trop volumineux et témoigne, encore au XVIIIème siècle, d’un lien puissant existant entre l’âme et les viscères. Avec un fort accroissement de la rigueur dans l’observation scientifique et le développement de la pédagogie dans le domaine de l’histoire naturelle et de la médecine, les modèles anatomiques deviennent beaucoup plus précis et réalistes au cours du XIXème siècle. Cette exactitude fait par ailleurs basculer l’histoire naturelle vers les sciences naturelles."[3]


Biographie complète de Pinson[4].


Biographies de sa femme, la peintre Isabelle Pinson (article possible sur elle également)[5] [6].


"L’étude anatomique revêt à la longue une direction artistique parce que les peintres, les sculpteurs et les dessinateurs s’efforcent à représenter toutes les intimités, les plis et toute la raideur du corps humain. L’écorché, c’est-àdire la reproduction du corps sans peau, « écorché vif », constitue l’une des preuves déterminantes dans la plupart des écoles des « beaux-arts ». Une telle tradition prend naissance graduellement et parmi ses précurseurs français on retrouve Edme Bouchardon, Louis-Pierre Deseine, André-Pierre Pinson, succédés à distance par Cézanne, par van Gogh et par Matisse"[7]

Le Grand Ecorché.

"Ce buste en cire, extrêmement réaliste, fait partie des plus anciennes pièces du « Musée Dupuytren », dont les collections sont conservées sur le campus Pierre et Marie Curie de Sorbonne Université. Attribué au chirurgien et céroplaste André-Pierre Pinson (1746-1828), il représente le jardinier Philippe Delaître. Lorsque la Société royale de Médecine s’arrête sur son cas, en 1786, il est âgé d’une trentaine d’années, vit à Meaux et « vient à Paris deux fois par semaine vendre ses légumes ». La tumeur qui lui couvrait une grande partie du visage « a fait donner à ce jardinier le surnom de la Taupe, et on le connaît plus sous ce nom, dans le faubourg de Meaux qu’il habite, que sous celui de Delaître ».

Nous possédons tous des nævi (ou grains de beauté), constitués de l'agrégation de mélanocytes, mais le nævus géant qui recouvrit progressivement le visage du jardinier Delaître attira l’attention de nombreux scientifiques à la fin du XVIIIème et au début du XIXème siècles, du chimiste Fourcroy à Jean-Louis Alibert, médecin fondateur de la dermatologie en France, et qui raconte « l’histoire du jardinier Delaître » dans sa Monographie des dermatoses ou précis théorique des maladies de la peau (1832).

C’est dans ce contexte que Pinson, qui exposa sa première sculpture au Salon du Louvre en 1771, réalisa le portrait de Delaître. Fils de chirurgien et chirurgien lui-même, il mit ses connaissances médicales au service de la céroplastie, jusqu’à être nommé en 1795 « artiste modeleur en cire » à l’Ecole de Santé. Les collections d’anatomie pathologique Dupuytren conservent près de 300 cires, majoritairement réalisées par les plus grands céroplastes du XIXème siècle (Tramond, Baretta, etc.) et qui, comme le portrait de Delaître, permettaient de « fixer » à des fins scientifiques et pédagogiques des pathologies qui, pour beaucoup, restaient encore mystérieuses."[8]


"L’Herbier de Paris, conservé dans des rangées de casiers métalliques, est réparti sur trois étages. Une carpothèque (collection de fruits) et des collections d’artéfacts (peintures, moulages) accompagnent cet ensemble. On peut citer les cires de Robillard d’Argentelle (1777-1828), conservées tant pour leurs intérêts esthétiques que pédagogiques, ou les 540 champignons en cire du céroplasticien André Pierre Pinson (1746-1828) (2)."[9]


"Nou s nou s intéressions beaucou p à Pinson, qui avait été, tout d'abord, chirurgien des Cent-Suisses, à la Cou r d e Louis XVI, à Versailles. C'était en mêm e temp s un artiste et un anatomist e très en vue , spécialiste de la sculpture sur cire. En particulier, bien que n'étan t pa s académicien , Pinso n a ét é autoris é à expose r de s oeuvre s anato - mique s à des Salons du Louvre. Il a réalisé également des portraits de personnages célèbres (médaillons). Malheureusement, ce personnage nous "échappait " : si on savait beaucoup de choses sur sa vie publique, on ne connaissait aucun acte d'état civil le concernant. Ainsi, ses lieux de naissance et de décès ne correspondaient qu' à des présomptions - qui devaient d'ailleurs se révéler inexactes -, et on ne lui connaissait même pas de prénom. Finalement, j'avais eu l'idée qu'il avait pu être franc-maçon. Cela m'avait permis de trouver mentionnés, sur le Tableau d'un e Loge affiliée au Grand Orient, son prénom et son lieu de naissance , écrits de la mai n du fameux chanoine-astronome de Sainte - Geneviève , Pingré. J e précise que Pinson avait reçu, sur son acte de baptême , en 1746, deux prénoms : Andr é Pierre. La coutume était alors générale d'employe r comme prénom usuel le dernier prénom. Cependant, dans le cas de Pinson, cela n' a pas été le cas. En effet, parmi ses très nombreu x frères et soeurs, son frère le plus proch e a été prénommé Louis Pierre, et, comme divers manuscrits le prouvent, les deux frères, au cours de leur vie, ont été appelés respectivement Andr é et Louis. A partir de la bourgade de Charente-Maritime, où Pinson était né , j'a i pu le suivre, à travers la France. Un e petite partie de ce que j'a i trouvé sur lui a été présentée, notamment, dans une communication faite en collaboration avec Michel Lemire , en 1989, et dans son beau livre, Artistes et mortels, qui a été évoqué dans le cadre de la Société."[10]

  1. a et b « La femme à la larme », sur Musée de l'Homme (consulté le )
  2. Michel Lemire, « Les collections de cire : au carrefour du renouveau pédagogique et scientifique de l'anatomie », dans Le Muséum au premier siècle de son histoire, Publications scientifiques du Muséum, coll. « Archives », (ISBN 978-2-85653-845-6, lire en ligne), p. 509–521
  3. PERCHERON, Bénédicte, " De cire, de papier ou de plastique : histoire, représentations et utilisations des modèles anatomiques du cœur ", Le cœur dans tous ses états,, Oxford, Bern, Berlin, Bruxelles, Frankfurt am Main, New York, Wien, Peter Lang, Modern French identities, Vol. 107, , 15 p. (lire en ligne), p. 8 - 9
  4. Jean-Pierre Changeux, La lumière au siècle des Lumières & aujourd'hui: art et science, Odile Jacob, (ISBN 978-2-7381-1644-4, lire en ligne)
  5. Georges BOULINIER, « Une artiste à l'Ecole de Médecine de Paris : Isabelle Pinson (1769-1855 », HISTOIRE DES SCIENCES MÉDICALES - TOME XXXI - №3/4,‎ (lire en ligne)
  6. Georges Boulinier, « Notes biographiques sur le peintre Isabelle Pinson (1769-1855) », Dix-Huitième Siècle, vol. 36, no 1,‎ , p. 249–254 (DOI 10.3406/dhs.2004.2609, lire en ligne, consulté le )
  7. « Anthropologie du corps et l'identité. A partir d'une métaphore ancienne - ProQuest », sur search.proquest.com (consulté le )
  8. « Musealia - Buste en cire de Delaître, dit « La Taupe » », sur Sorbonne Université (consulté le )
  9. Denis Lamy et Aline Pelletier, « La conservation et la valorisation de l’Herbier de Tournefort au Muséum national d’Histoire naturelle », La Lettre de l'OC JM,‎ (lire en ligne)
  10. Georges BOULINIER, « Documents inédits sur Dupuytren », HISTOIRE DES SCIENCES MÉDICALES - TOME XXX - № 2,‎ , p. 10 (lire en ligne)