Union professionnelle de l'Aiguille

Syndicat d'ouvrières

Entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle, un développement massif du secteur industriel est apparu. Face à cela, les paysans se sont dirigés vers les villes et usines. Cela a entraîné la naissance d’une classe ouvrière n’ayant aucun droit juridique ou politique et vivant dans des conditions catastrophiques. Les ouvriers étant rémunérés de manière excessivement médiocre, des syndicats vont se créer à partir de 1885 afin de faire face à l’autorité paternaliste des bourgeois. La difficulté au niveau de ces syndicats est que ceux-ci sont uniquement dédiés aux hommes ce qui veut dire que les réclamations des femmes ne sont absolument pas prises en compte.

Union professionnelle de l'aiguille
Histoire
Fondation
Origine
Pour lutter face à l'attitude paternaliste de l'époque
Cadre
Type
Objectif
Afin que les ouvrières puissent jouir d'une plus grande indépendance ainsi que d'une plus grande autonomie
Pays
Organisation
Fondatrice

Voulant toujours lutter face au paternalisme de la bourgeoisie et se voir obtenir une reconnaissance, de multiples associations pour les femmes travailleuses vont se développer à partir de la fin du XIXe siècle et par la suite s’étendre à Anvers, à Gand, à Liège mais également à Bruxelles. La femme fut très préoccupée de sa situation professionnelle car beaucoup de difficultés se présentaient face à elle. C’est pour cette raison qu’en 1897, le Congrès de la Ligue démocratique belge a insisté sur le fait que toutes les femmes aient la possibilité de se joindre à un syndicat[1]. Celle-ci n’étant pas mise en valeur à cette époque-là, l’idée de ces organisations fut de créer ces associations de manière caritative afin que les femmes s’entraident pour obtenir une plus grande indépendance.

Couturière

Dans cette émergence, Victoire Cappe, enseignante de 20 ans étant témoin des conditions éprouvantes des ouvrières travaillant à domicile (dites « ouvrières de l’aiguille »), celle-ci va fonder l’Union Professionnelle de l’Aiguille (à l'origine des mouvements féminins chrétiens d'action sociale) en 1907 à Liège dans la lignée de la démocratie chrétienne (ancêtre de la Ligue Ouvrière Féminine Chrétienne)[2]. Les socialistes étaient à la tête du pouvoir jusqu’en 1884 et ceux-ci ont créé des institutions socialistes féminines.

À partir de 1884, ce sont les catholiques qui sont parvenus à être à la tête du pouvoir et ont décidé par la même occasion de constituer également des institutions afin de supporter la lutte des femmes.

Ce premier syndicat féminin chrétien de Liège a été fondé par Victoire Cappe car elle compatissait pour les femmes qui travaillaient dans des conditions difficiles dans le domaine de la couture[3]. Cette union va par la suite déteindre sur l’ensemble des unions professionnelles féminines qui vont former le Secrétariat général des unions professionnelles féminines chrétiennes. Celui-ci a également été fondé par Victoire Cappe en 1912[4]. En 1914, dans une situation qui encourage le retour des femmes au foyer, le modèle traditionnel de la femme chrétienne dévouée à son rôle de mère et d'épouse a affaibli l'indépendance et l’autonomie des femmes dans leur action syndicale.

Les membres de l’Union professionnelle de l’Aiguille modifier

 
Salle de couture au début du XXe siècle

"La femme qui coud est une figure emblématique de l'imaginaire occidental, et son aiguille, son attribut naturel interdit aux vrais représentants du sexe fort (les hommes)"[5]. Voulant une reconnaissance des femmes, la couture les concerne plus que les hommes.

Les adhérents de cette organisation pratiquent une variété de métiers différents faisant chacun partie du secteur du textile. Parmi ces membres se trouvent des tailleuses, des modistes, des couturières, des lingères, des brodeuses, des chapelières, des artisanes de la mode, des fabricantes de vêtements mais également de nombreuses autres professionnelles du textile. Nonobstant leurs différentes professions, ceux-ci possèdent le même engouement, l’artisanat de l’aiguille. Ayant chacune la même implication, cela va permettre qu'elles puissent se souder afin de créer un véritable groupe d'entraide pour atteindre leurs objectifs[2].

Autrices de l’organisation modifier

Victoire Cappe, fondatrice de l’Union professionnelle de l'Aiguille, est née en 1886 et a vécu dans une famille bourgeoise. Son père a fait faillite et a décidé, face à cela, de quitter le pays en abandonnant Victoire, ses sœurs ainsi que sa mère. Cette dernière s’étant détachée de ses enfants, c’est la grand-mère maternelle qui s’est occupée de garder ceux-ci. Pour vaincre ses différentes faiblesses, Victoire Cappe a pris la décision de s’impliquer dans une lignée sociale, chrétienne et féministe. C’est pour cette raison qu’elle va travailler à favoriser l'inclusion des femmes sur les plans social, culturel et économique dans une société marquée par le paternalisme[6].

 
Victoire Cappe (à gauche) et Maria Bears

Victoire Cappe sera subordonnée par Marie Schellings (tailleuse) qui se voit octroyer le statut de vice-présidente de cette organisation le 5 mai 1907. Elle est la co-fondatrice de cette organisation. En 1910, cette collaboratrice deviendra la présidente de la section des ouvrières en atelier de l’Union professionnelle de l’Aiguille. En 2013, elle sera de nouveau élue en cette qualité[7].

Victoire Cappe n'a pas uniquement contribué à la fondation de l'Union professionnelle de l'Aiguille. Dans la même conception, celle-ci a soutenu Louise Cohen qui a créé le secrétariat de Namur suite à la réunion qu'elle a planifié le 7 juin 1914. Le secrétariat de Namur est connu pour être le premier syndicat constitué d'une centaine d'ouvrières contrairement à l'Union professionnelle de l'Aiguille qui était composée d'un nombre plus restreint d'ouvrières à l'origine[8].

Raisons de créer un syndicat modifier

L’Union professionnelle de l’Aiguille est également appelée « syndicat de l’Aiguille ». Initialement, le syndicat ne favorise pas l'accès aux femmes.

Premièrement, à la fin du XIXe siècle, la commission syndicale du Parti ouvrier belge conteste la création de syndicats féminins exclusifs. Selon cette commission, les femmes qui travaillent doivent se diriger vers des syndicats déjà présents. Deuxièmement, les cotisations syndicales sont impayables pour les femmes vu qu'elles ont un salaire très peu élevé. Pour terminer, les femmes n'ont pas de carrières professionnelles linéaires.

Cependant, l'argumentation de Victoire Cappe s'oppose aux éléments ci-dessus.

Le syndicat est un élément essentiel pour Victoire Cappe. Selon elle, “Le syndicat est le lieu d’organisation de défense et de réflexion sur les droits des travailleuses”. Le syndicat va permettre une certaine libération des femmes, une amélioration tant au niveau de leur salaire qu’au niveau de leur professionnalisme mais surtout qu’il y ait une reconnaissance de leurs droits face à cette société industrielle paternaliste. La mise en place de l’Union professionnelle de l’Aiguille va favoriser l’observation des différents changements à devoir établir. Si des changements sont à effectuer, le seul moyen pour que cela ait lieu est de passer par le syndicat[9]. L’élément principal du syndicat est la défense des intérêts professionnels des affiliés « Il doit être conduit par les travailleuses elles-mêmes, être autonome vis-à-vis du clergé, et être uniquement féminin pour prendre en compte les intérêts spécifiques des femmes »[10].

D'ailleurs, la création de syndicats afin de reconnaître l'indépendance et l'autonomie des ouvrières va se développer également dans d'autres pays que celui de la Belgique. Par exemple, en France, Aimée Novo et Andrée Butillard vont créer en 1909 le syndicat des ouvrières de l'aiguille de la rue Vercingétorix (à Paris)[11].

Objectifs de l’Union professionnelle de l’Aiguille modifier

L’Union professionnelle de l’Aiguille consiste à offrir des services aux femmes qui travaillent dans le domaine de la couture. Ces services sont notamment une caisse de mutualité, des formations, une bourse de travail.

Les ouvrières travaillant à domicile dans des conditions déplorables, il est légitime qu’elles bénéficient de ces services afin de faire face aux difficultés qu'elles rencontrent. L’objectif principal qui découle de ce qui vient d'être énoncé est que ces femmes puissent jouir d’une plus grande indépendance et autonomie face à l’attitude paternaliste de la société de l’époque. La priorité va être de protéger les intérêts professionnels des femmes. Cette organisation sociale et économique va favoriser celles-ci à sortir de leur isolement et de revendiquer leurs droits[10]. Cette organisation va étendre la politique et l’éducation sociale des femmes ouvrières. Les droits politiques de la femme vont être mis particulièrement en avant afin qu’elles soient mieux reconnues.

En effet, de nombreuses différences entre les hommes et les femmes ont été apparentes durant ces XIXe et XXe siècles. Une des premières personnes a avoir alerté sur ce sujet est Zoé Gatti de Gamont (féministe et éducatrice belge). En 1834, celle-ci avait confirmé cela en avertissant sur les conditions compliquées des femmes au XIXe siècle. Heureusement, le XXe siècle a permis la naissance de multiples progrès concernant la reconnaissance des femmes notamment grâce aux syndicats mis en place. En somme, l'Union professionnelle de l'Aiguille a joué un rôle majeur pour que cette reconnaissance de l'autorité et de l'indépendance des femmes se manifeste. Il faudra attendre 2002 pour que l'égalité hommes - femmes soit reconnue dans la Constitution belge[12].

Actuellement, beaucoup de mouvements cherchant à promouvoir la reconnaissance des femmes existent. Un des mouvements les plus semblables à l'Union professionnelle de l'Aiguille ,notamment concernant les objectifs recherchés, est le mouvement "Vie féminine". Ce mouvement féministe prône une société plus égalitaire tout en combattant les exclusions des femmes dans notre société. Lors d'activités, ces femmes vont mettre en regard leurs difficultés mais également apprendre ensemble. Les ouvrières de l'Union professionnelle de l'Aiguille apprenaient aussi leur métier ensemble. "Vie féminine" va mettre en place des actions afin que les femmes puissent se voir reconnaitre une plus grande autonomie ainsi qu'une plus grande indépendance similairement à ce que recherchait l'Union professionnelle de l'Aiguille[13].

Références modifier

  1. E., GERARD, et P., WYNANTS, Histoire du mouvement ouvrier chrétien, Leuven University Press, , p. 339-340
  2. a et b V., LAURENT, « Le progrès social par le chas de l'Aiguille » [PDF], sur Vie féminine,
  3. V., LAURENT, « Le progrès social par le chas de l'Aiguille », sur Vie féminine,
  4. E., GUBIN, et C., JACQUES, Encyclopédie d'histoire des femmes : Belgique, xixe – xxe siècles, Racine, , p. 527
  5. N. PELLEGRIN, Revue d’Histoire Moderne & Contemporaine : Les vertus de « l'ouvrage ». Recherches sur la féminisation des travaux d'aiguille (XVIe-XVIIIe siècles), (lire en ligne), p. 747
  6. D., KEYMOLEN, Victoire Cappe 1886-1927. Une vie chrétienne, sociale, féministe, Louvain, Bruylant, , 483 p. (ISBN 2-87209-639-6)
  7. R., DRESSE, « Schellings Marie », sur Maitron,
  8. M., ASSELBERGHS, « Les femmes qui ont fait Namur », sur rtbf actus,
  9. M-T, COENEN, « Syndicalisme au féminin », sur En marche,
  10. a et b « Un syndicalisme féminin, chrétien et autonome au début du 20e siècle », sur Vie féminine,
  11. J., CHABOT, Les débuts du syndicalisme féminin chrétien en France (1899-1944), Lyon, Presses universitaires de Lyon, , 234 p. (lire en ligne), p. 47-59
  12. C. LAPORTE, « Lente montée vers l'égalité », sur La libre,
  13. M., DELVAL, « Vie féminine », sur WOC Wallonie Picarde

Bibliographie modifier

  • GERARD, E., et WYNANTS, P., Histoire du mouvement ouvrier chrétien, Leuven University Press, 1994, p. 339-340.
  • LAURENT, V., "Le progrès social par le chas de l'Aiguille", sur Vie féminine, 2014.
  • GUBIN, E., et JACQUES, C., Encyclopédie d'histoire des femmes : Belgique, xixe - xxe siècles, Racine, 2018, p. 527.
  • PELLEGRIN, N., Revue d'Histoire Moderne & Contemporaine : Les vertus de "l'ouvrage". Recherches sur la féminisation des travaux d'aiguille (XVIe-XVIIIe siècles), 1999, p. 747.
  • KEYMOLEN, D., Victoire Cappe 1886-1927. Une vie chrétienne, sociale, féministe, Louvain, Bruylant, 2001, p. 483.
  • DRESSE, R., "Schellings Marie", sur Mailtron, 2021.
  • ASSELBERGHS, M., "Les femmes qui ont fait Namur" sur rtbf actus, 2020.
  • COENEN, M-T., "Syndicalisme au féminin", sur En marche, 2008.
  • CHABOT, J., Les débuts du syndicalisme féminin chrétien en France (1899-1944), Lyon, Presses universitaires de Lyon, 2003, p. 47-59.
  • LAPORTE, C., "Lente montée vers l'égalité", sur La Libre, 2005.
  • DELVAL, M., "Vie féminine", sur WOC Wallonie Picarde.