Totò qui vécut deux fois

film sorti en 1998

Totò qui vécut deux fois (titre original : Totò che visse due volte) est un film italien constitué de trois épisodes numérotés sans autre titre, réalisé par Daniele Ciprì et Franco Maresco en 1998.

Totò qui vécut deux fois

Titre original Totò che visse due volte
Réalisation Daniele Ciprì, Franco Maresco
Scénario Daniele Ciprì, Franco Maresco, Lillo Iacolino
Pays de production Drapeau de l'Italie Italie
Genre comédie satirique
Durée 95 minutes
Sortie 1998

Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution.

Il est situé dans un Palerme monstrueux et apocalyptique grouillant de personnages grotesques, masturbateurs, blasphémateurs : victimes d'un monde où Dieu est mort en emportant toutes les valeurs d'une humanité sur le déclin.

Le film fluctuant entre matérialisme, nihilisme et nietzschéisme, aux multiples connotations scatologiques, n'est pas dépourvu de dimensions morales que le spectateur saisit dans un contexte d'apparentes contradictions. Le thème commun aux trois épisodes est précisément la mort de Dieu, et le pessimisme à travers cette uchronie dans laquelle le genre humain ne semble plus nourrir aucune espérance, obsédé par la seule satisfaction de ses besoins sexuels et de ses instincts les plus vils. Toutefois l'on peut y entendre, entre autres choses, un appel à l'aide désespéré qui semble choir dans le vide suffocant des autres êtres humains.

Les personnages, tous tenus par des hommes, parmi lesquels des homosexuels pourchassés, y compris ceux des femmes ne laissent aucune place à l'espoir. Les cinéastes donnent à voir des acteurs expressifs, souvent âgés, dont les physiques disgracieux ne sont habituellement pas filmés par le cinéma.

Parmi les scènes provocantes, celle dans laquelle le chef mafieux fait dissoudre le prophète dans l'acide, celle de l'ange spolié de ses ailes violé par plusieurs brutes dans un décor de ruines à travers un ralenti assourdissant. Celle encore du simplet implorant l'amour de la Vierge tout en s'ébrouant contre sa statue décatie.

Synopsis modifier

Préambule modifier

Le film débute par une citation brève du précédent film de Daniele Ciprì et Franco Maresco, L'Oncle de Brooklyn (1995) : un homme exultant qui sodomise un âne. L'on comprend alors qu'il s'agit de la projection d'un film dans un cinéma, à laquelle assiste ébahie une galerie de personnages excités.

I modifier

Paletta, l'idiot du village moqué et humilié par tous, mène sa triste et solitaire existence en cherchant à soulager son irréfrénable pulsion sexuelle. Grand amateur de sordides projections pornographiques, il tente de profiter de l'arrivée d'une prostituée célébrissime, un travesti nommé Tremmotori, pour parvenir enfin à un rapport sexuel. Mais Paletta est un pauvre échoué, sempiternellement réprouvé par sa vieille mère qui ne possède pas la somme d'argent nécessaire. Mû par son unique désir et cette occasion de pouvoir posséder la prostituée, il décide d'accomplir un geste extrême en dérobant une offrande d'une chapelle votive due au chef mafieux local pour honorer la mémoire de sa défunte mère. Alors en possession de la somme d'argent nécessaire pour rétribuer la prostituée, Paletta se rend au bordel et attend son tour. Soudainement des bruits menaçants se font entendre qui stupéfient les clients. C'est alors que des cambrioleurs armés de couteaux font irruption et dépouillent chaque client avant de prendre fuite. Ainsi Paletta assiste au naufrage de son projet et dans l'entre-temps, le boss étant parvenu à remonter à l'auteur du larcin de la chapelle votive, il inflige à Paletta de subir en outre sa punition : comme un Christ conduit à son calvaire, Paletta assurera de sa personne le remplacement de la statue profanée.

II modifier

Le second épisode est centré sur la veillée funèbre de Pitrinu, un homosexuel distingué et nanti. Autour du corps sont présents la mère et d'autres vieilles femmes ainsi que le frère Bastiano demeuré un violent opposant à l'homosexualité de son frère.

Fefè un édenté miséreux qui fut le compagnon de Pitrinu, hésite longtemps à se présenter devant le défunt. À travers un jeu de flashbacks enchaînés il se rappelle à son idylle d'un romantisme sirupeux qui prend le tour d'une grotesque comédie musicale. Mais les souvenirs ravivés laissent place à une rancœur et une réfutation grandissantes contre ce temps passé avec l'amant, lui révélant ses sentiments d'un amour feint et intéressé. Fefè, malgré la surveillance acharnée de Bastiano, parvient sur la fin à retirer du doigt du mort le précieux anneau qu'il convoitait de longue haleine, et s'emparant d'un fromage pour rassasier sa faim, il s'enfuit en le conspuant.

III modifier

Le troisième épisode est une très libre transposition des derniers jours de la vie du Christ.

Un ange descendu sur terre communique avec les hommes par des mélopées. Un vilain à la figure louche lui soustrait la poule qu'il soigne jalousement en l'assommant d'un coup de pierre. Lorsqu'il reprend connaissance, il est encerclé dans un champ de ruines par un groupe d'obèses qui le sodomisent brutalement. À cette scène de violence rendue par un ralenti assourdissant, participe aussi un simplet qui s'adonnera dans le développement du film à un pathétique coït avec une statue de la Vierge.

Pendant ce temps un vieux Messie, un homosexuel repenti au caractère bourru, appelé Totò, traverse les lieux désolés et dégradés que contrôle la mafia. Judas, un nain bossu et pédant l'accompagne en n'ayant de cesse de l'exhorter au miracle de lui procurer une femme.

Un jour il est convaincu par la famille de Lazare de ressusciter le proche dissous dans l'acide du vieux boss don Totò — interprété par le même acteur que Totò —, mais Lazare, à peine ressuscité, crie vengeance parcourant la province comme un forcené. Les meurtres des lieutenants du clan de don Totò se succédant à un rythme vertigineux, le vieux boss ordonne à ses mandatini d'enquêter sur le fait que Lazare ait pu retourner à la vie. C'est ainsi qu'il apprend que rôde dans les parages quelqu'un qui ressuscite les morts.

À l'ultime Cène, les apôtres habitués à se repaître de boisson et de nourriture, n'attendent pas même que soit revenu à table le Messie qui s'est momentanément retiré pour aller « pisser ». Au cours de ce repas devenu orgie, Judas qui a nourri contre ce Totò une rancœur d'avoir été constamment rabroué, s'est vendu au boss en échange d'un « vagin »[1] se lève et baise Totò lequel se demande s'il n'aurait pas viré homosexuel. Totò est immédiatement saisi par de sinistres personnages. Un court instant les apôtres cessent leur vacarme. L'un d'eux interrompt le silence par le fameux dicton sicilien « agneddi et sucu et finiu u vattiu ! »[2] qui relance le festin dans la clameur générale. Le face-à-face entre Totò et Don Totò le questionnant conduit le prophète au bain d'acide. Trois croix sont érigées sur la montagne : les condamnés sont Paletta, Fefè et le simplet.

Analyse modifier

L'absurde omniprésent d'un monde en contrechamp. Dimension esthétique, choix du noir et blanc, maîtrise formelle. Le sacré et le vulgaire. Les références cinématographiques.

Fiche technique modifier

Distribution modifier

Notes et références modifier

  1. Sticchiu en sicilien.
  2. Littéralement Agneau et jus, fini le baptême ! que l'on pourrait traduire par « La fête est finie, mais nous en avons bien profité ».
  3. Ainsi traduit dans l'article Très affreux, très sales et très méchants de Anne-Violaine Houcke sur Critikat.com.

Lien externe modifier