Tore algébrique

groupe algébrique

Un tore algébrique est une construction mathématique qui apparaît dans l'étude des groupes algébriques. Ils constituent l'un des premiers exemples de tels groupes.

La notion est due à Armand Borel en 1956[1], progressivement étendue par Alexandre Grothendieck[2] et Takashi Ono (mathématicien) (en)[3],[4] pour atteindre sa forme moderne. Les tores algébriques entretiennent d'étroites relations avec la théorie de Lie et les groupes algébriques.

L'étude des tores algébriques dans le cas des corps finis présente également un intérêt pratique en cryptographie, où ils permettent de construire des groupes d'ordre élevé tout en assurant que les éléments du groupe se prêtent à une représentation relativement compacte[5],[6],[7],[Note 1].

Définition modifier

Un tore algébrique de dimension   sur un corps   est un schéma en groupes (en)   qui vérifie[8],[9],[Note 2] :

 
  est la clôture algébrique[Note 3] de   et   est le groupe multiplicatif. On dit plus généralement d'une extension   de   telle que   qu'elle « déploie » le tore. La plus petite telle extension est appelée corps de rupture du tore. Si le tore est déployé sur  , sans qu'il y ait besoin d'étendre les scalaires, on dit qu'il est « scindé ».

Dans le cas où   est un corps fini, un tore de dimension   est déployé par   et correspond à la donnée d'un  -module de rang   et d'un automorphisme d'ordre  [7].

Réseau des caractères modifier

On associe à un tore   l'ensemble   qui possède une structure naturelle de réseau euclidien, et qui est donc appelé « réseau des caractères » de ce tore. La notion duale existe, et l'ensemble   est appelé « réseau des cocaractères ».

Le foncteur qui associe au tore son réseau des caractères forme une (anti-)équivalence de catégories. Ainsi, de même que la dualité de Pontriaguine classifie les groupes abéliens compacts via leurs caractères, les tores algébriques sont classifiés par leur réseau de caractères.

Exemple modifier

Soit  , de clôture algébrique  , on note   le seul élément non nul de  . Il y a deux tores de dimension 1 sur  , qui correspondent aux deux actions de   sur   : ou bien   agit comme l'identité (et on obtient le tore scindé  ) ou bien elle agit comme   et on obtient un tore dont les points réels forment un cercle unité : le groupe  .

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. Plus précisément, il s'agit de représenter certains éléments de   en n'utilisant que   éléments de  , au lieu des   que nécessiterait l'approche naïve.
  2. Une version un peu plus générale d'un tore défini sur un schéma est donnée par Grothendieck dans SGA 3, exposé IX, définition 1.3. L'isomorphisme s'entend alors au sens de la topologie fpqc.
  3. En réalité, séparable suffit.

Références modifier

  1. Armand Borel, « Groupes Lineaires Algebriques », The Annals of Mathematics, vol. 64, no 1,‎ , p. 20 (ISSN 0003-486X, DOI 10.2307/1969949, lire en ligne, consulté le )
  2. A. Grothendieck, « Généralités sur les groupes algébriques affines. Groupes algébriques affines commutatifs », Séminaire Claude Chevalley, vol. 1,‎ 1956-1958, p. 1–14 (lire en ligne, consulté le )
  3. Takashi Ono, « Arithmetic of Algebraic Tori », The Annals of Mathematics, vol. 74, no 1,‎ , p. 101 (ISSN 0003-486X, DOI 10.2307/1970307, lire en ligne, consulté le )
  4. Voskresenskiĭ, V. E., Algebraic Groups and Their Birational Invariants., American Mathematical Society, (ISBN 978-1-4704-1622-5 et 1-4704-1622-0, OCLC 1032716109, lire en ligne)
  5. Karl Rubin et Alice Silverberg, « Torus-Based Cryptography », dans Advances in Cryptology - CRYPTO 2003, Springer Berlin Heidelberg, (ISBN 978-3-540-40674-7, lire en ligne), p. 349–365
  6. Karl Rubin et Alice Silverberg, « Algebraic tori in cryptography », High Primes and Misdemeanours: Lectures in Honour of the 60th Birthday of Hugh Cowie Williams,‎ , p. 317–326 (DOI 10.1090/fic/041/25, lire en ligne, consulté le )
  7. a et b David Madore, « Tores algébriques sur les corps finis »,
  8. James E. Humphreys, « Linear Algebraic Groups », Graduate Texts in Mathematics,‎ (ISSN 0072-5285, DOI 10.1007/978-1-4684-9443-3, lire en ligne, consulté le )
  9. Bernard Le Stum, « Une introduction aux groupes algébriques »,