Thomas Dulain (Jean-Thomas Dulaien en anglais) est un pirate français, né en 1704 au Pouliguen, décédé après 1729, à une date inconnue.

Histoire modifier

Thomas Dulain, orphelin à 12 ans, s'engage à 14 1ans comme pilotin[Note 1] et se forme au métier de pilote de marine marchande[1], effectuant plusieurs voyages transatlantique entre 1718 et 1723, avant de vagabonder dans la Mer des Antilles[2].

En 1727, il était à bord d'un navire corsaire dans les Caraïbes, naviguant contre les Anglais avec un équipage en partie espagnol et en partie français. Les membres d'équipage français se mutinèrent, massacrant les Espagnols et élisant Dulain comme capitaine. Ils rebaptisent le navire Sans Pitié[3] ; il a vite une centaine d'hommes sous ses ordres, « tant blancs que noirs », qu'il qualifie d' « ennemis du genre humain »[4].

L'équipage a convenu d'une charte-partie (Thomas Dulain est l’un des rares pirates dont la charte-partie est connue[5]), c’est-à-dire d'un contrat liant les forbans entre eux et établissant les règles à bord, pour régir le comportement à bord du navire. Comme dans d'autres codes de piraterie, il y avait des dispositions pour punir les marins qui désertaient, cachaient du butin, se disputaient ou manquaient à leurs fonctions. Les articles prévoyaient également une indemnisation pour les marins blessés et nommaient un lieutenant pour surveiller les cargaisons à bord des navires capturés. Le meurtre des prisonniers était interdit, sauf notamment s'ils étaient espagnols[3].

Contrairement à la plupart des autres pirates, Dulain spécifiait les conditions précises dans lesquelles sa proie ne bénéficierait d'aucune pitié. Si un navire lui résistait après avoir vu son drapeau noir, il hisserait ce qu'on appelle un « drapeau sanglant » (ou Pavillon Sans Quartier en français, Flag of No Quarter en anglais), un drapeau rouge avertissant qu'aucun quartier (aucune pitié) ne serait accordée si les victimes ne se rendaient pas volontairement. Si ses victimes tiraient ensuite trois coups de canon ou plus, aucune d'entre elles ne serait épargnée[6].

Début 1729,le gouverneur des Antilles arme des navires pour pour suivre Dulain ; celui-ci trouva une cachette pour son navire de 60 tonnes et 14 canons parmi les grands arbres des rives de West Caicos. Il captura rapidement plus d'une douzaine de navires – dont certains français – et absorba les meilleurs d'entre eux dans sa flottille, en gardant d'autres pour caréner le Sans Pitié. Il nomme un associé nommé Garnier pour commander son navire consort, rebaptisé Sans Quartier (No Quarter). Au bout d'un an, ils décidèrent de partager leur butin et de rentrer en France pour demander grâce.

Après avoir déposé la majeure partie de son équipage sur Tortuga et s'être préparé à partir pour Nantes, Dulain aurait surpris l'équipage du Sans Quartier alors qu'il s'éloignait avec la majeure partie de leur trésor, en criant « Au revoir ! Adieu, canailles ! Je pars en France et nous ne sommes plus pirates »[3] .

Les autorités françaises offrirent à Dulain une grâce à condition qu'il restitue tous les biens volés. Avant d'accepter l'offre, lui et son équipe vendirent leur butin et en cachèrent les bénéfices, en laissant une partie à des amis et à des parents[7]. Les autorités soupçonnaient que le petit butin qu'elles avaient trouvé sur le Sans Pitié n'était qu'une petite partie de ce que Dulin avait volé, et elles persuadèrent les prêtres locaux de menacer d'excommunication les citoyens qui aidaient les pirates. La menace fonctionna et après que les informateurs les aient conduits au trésor caché, les fonctionnaires arrêtèrent Dulain et son équipe. Le Sans Pitié, en mauvais état, est vendu pour contribuer à défrayer les pertes des marchands dont Dulain avait pillé les cargaisons. Après avoir fait appel au roi, l'équipage fut libéré, mais Dulain resta en prison encore quelque temps : son sort final n'est pas connu [6].

Le drapeau pirate "Jolly Roger" modifier

 
Le drapeau pirate "Jolly Roger" de Thomas Dulain.

Le drapeau pirate de Dulain a été décrit par le maire de Nantes comme « en tissu noir, avec des motifs blancs de figures humaines, de coutelas, d'os et de sabliers ». Une gravure sur bois prétendument réalisée à partir d'un dessin du drapeau a survécu, tout comme d'autres dessins indépendants de celui-ci. Le drapeau original a été conservé pendant quelques années, mais peut-être détruit plus tard sur ordre du roi Louis XV[8].

Le drapeau de Dulain est souvent confondu avec celui de Walter Kennedy, décrit en termes similaires. Parce que le drapeau original est manquant et que les dessins existants varient, sa conception exacte est inconnue[6].

Bibliographie modifier

  • Kevin Porcher, Faire le métier de pirate dans les Antilles : l'exemple de Thomas Dulain (1728-1729), Annales de Bretagne et des Pays de l'Ouest, n° 127-1, 2020, pages 151-179.

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. Élève officier non diplômé.

Références modifier

  1. Rob Ossian, « Jean Thomas Dulaien », sur www.thepirateking.com (consulté le )
  2. Erwan-Chartier Le Floch, « Thomas Dulain, un forban breton aux Antilles », Journal Le Télégramme,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  3. a b et c Léon Vignols, La piraterie sur l'Atlantique au XVIIIe siècle, Paris, Typographie Oberthur, , French éd. (lire en ligne)
  4. Kevin Porcher, « « Faire le métier de pirate » dans les Antilles, l’exemple de Thomas Dulain (1728-1729) », Annales de Bretagne et des Pays de l'Ouest, nos 127-1,‎ , pages 151 à 179 (lire en ligne, consulté le ).
  5. Kevin Porcher, « « Faire le métier de pirate » dans les Antilles, l’exemple de Thomas Dulain (1728-1729) », Annales de Bretagne et des Pays de l'Ouest, nos 127-1,‎ , pages 151 à 179 (lire en ligne, consulté le )'.
  6. a b et c (en) Benerson Little, The Golden Age of Piracy: The Truth Behind Pirate Myths, New York, Skyhorse Publishing, Inc., (ISBN 9781510713048, lire en ligne)
  7. (en) Benerson Little, The Sea Rover's Practice: Pirate Tactics and Techniques, 1630-1730, Washington DC, Potomac Books, Inc., (ISBN 9781574889109, lire en ligne), p. 201
  8. Benerson Little, « THE GOLDEN AGE OF PIRACY: The Truth Behind Pirate Myths - Benerson Little », sur www.benersonlittle.com (consulté le )