Théorème de Hille-Yosida

En théorie des semi-groupes, le théorème de Hille-Yosida est un outil puissant et fondamental reliant les propriétés de dissipation de l'énergie d'un opérateur non borné à l'existence et l'unicité et la régularité des solutions d'une équation différentielle (E)

.

Ce résultat permet notamment de donner l'existence, l'unicité et la régularité des solutions d'une équation aux dérivées partielles plus efficacement que le théorème de Cauchy-Lipschitz-Picard, plus adapté aux équations différentielles ordinaires.

Einar Hille (1894-1980) à droite
Kōsaku Yosida (1909-1990)

Semi-groupes modifier

La théorie des semi-groupes doit son origine à l'étude du flot d'une équation différentielle ordinaire autonome en dimension finie ainsi que de l'exponentielle d'opérateurs.

Définitions modifier

Soit   un espace de Banach ; on dit que la famille d'opérateurs linéaires   est un semi-groupe (fortement continu) si :

  1.  
  2.  
  3.  
  4.  

La condition 4 est équivalente à ce que  .

Si on remplace 4 par :   on dit que   est uniformément continu.

On retrouve (vaguement) avec cette définition la notion de famille à un paramètre de difféomorphismes bien connue en théorie des équations différentielles ordinaires.

On définit le générateur infinitésimal   d'un semi-groupe fortement continu   comme l'opérateur non borné   où :

 
 

Dans le cas où   et   la famille d'opérateurs   (définie classiquement par sa série) est un semi-groupe fortement continu de générateur infinitésimal  : c'est pourquoi on note parfois abusivement  .

On dit que le semi-groupe   est de contraction si  .

Propriétés des semi-groupes de contraction modifier

Théorème 1 — Soit   un espace de Banach,   un semi-groupe de contraction sur   et   son générateur infinitésimal. Alors :

  1.   le flot  
  2.   et   on a  , le flot   et vérifie  
  3.   est fermé de domaine dense.

Théorème 2 (Caractérisation des générateurs infinitésimaux)[réf. nécessaire] — Soit   un opérateur non borné sur  . On a l'équivalence :

  1.   est le générateur infinitésimal d'un semi-groupe de contraction
  2.   est dense et pour toute condition initiale   il existe une unique solution   de (E).

De plus, sous cette hypothèse, la solution   est à valeurs dans   et vérifie   ainsi que   (inégalités d'énergie).

On commence à voir apparaître le lien entre le problème (E) et la notion de semi-groupe. Pour préciser, il faut maintenant introduire la notion d'opérateur dissipatif.

Opérateurs dissipatifs modifier

Définitions modifier

  • Un opérateur   est dissipatif si  . Dans le cas où   est hilbertien on montre que A est dissipatif si et seulement si  .

Remarque: Si   est un opérateur dissipatif alors   l'opérateur   est injectif car  .

  • Si de plus  ,   est surjectif on dit que   est maximal-dissipatif (ou m-dissipatif). On peut montrer que  ,   est surjectif si et seulement si
 .

En pratique pour montrer qu'un opérateur est m-dissipatif on montre d'abord à la main qu'il est dissipatif et on résout ensuite un problème variationnel pour une valeur   bien choisie (par exemple avec le théorème de Lax-Milgram, voir exemple de l'équation de la chaleur traité plus bas).

Dans ce cas l'opérateur   est un isomorphisme (a priori non continu) de   et on note  , qu'on appelle la résolvante de A. De plus,

 ,  .

Nous allons voir que cette propriété de continuité peut être améliorée (on va rendre moins fine la topologie sur   en munissant   d'une norme  ).

Propriétés des opérateurs m-dissipatifs modifier

Propriété 1: si   est m-dissipatif alors c'est un opérateur fermé.

Corollaire 1 : pour   on pose  . Alors   est une norme pour laquelle   est un espace de Banach et  .

Propriété 2 : si   est un espace hilbertien et   est m-dissipatif alors il est à domaine dense.

Propriété 3 : réciproquement si   est de domaine dense, dissipatif, fermé et tel que son adjoint   est dissipatif alors   est m-dissipatif.

Corollaire 3 : toujours dans le cadre hilbertien

  1. si   est dissipatif autoadjoint à domaine dense alors il est m-dissipatif,
  2. si   est anti-adjoint à domaine dense alors il est m-dissipatif.

Remarque : dans ce dernier résultat, la condition de dissipativité n'est pas nécessaire car   anti-adjoint entraîne que   donc la dissipativité, voir l'exemple de l'équation des ondes plus bas.

Théorème de Hille-Yosida modifier

Énoncé modifier

Théorème 3 (Hille-Yosida) — Soit   un espace de Banach et   un opérateur non borné. On a l'équivalence

  1.   est m-dissipatif à domaine dense
  2.   est le générateur infinitésimal d'un semi-groupe de contraction

Le point 1 du théorème précédent peut être réécrit en termes de résolvante :

  1. '  , opérateur fermé à domaine dense, vérifie   et   pour tout  .

Ainsi sous ces hypothèses et d'après le théorème 2 pour toute condition initiale   il existe une unique solution forte   dans  . Lorsque la condition initiale est prise quelconque dans X on a une solution faible   de classe seulement   (et on montre que toute solution faible est limite dans   de solutions fortes).

Régularité des solutions modifier

On constate que la régularité de la solution est étroitement liée au choix de la condition initiale en fonction du domaine de A : il est donc naturel de penser qu'en imposant plus de « régularité » à   on obtienne plus de régularité sur les solutions. Plus précisément on pose pour  ,  . Alors on a le théorème suivant.

Théorème 4 — On peut munir les   des normes   pour lesquels ce sont des espaces de Banach. De plus si la condition initiale   alors la solution est de classe   et   pour   et au sens des topologies précédentes.

Exemples modifier

L'équation de la chaleur modifier

On se donne   un ouvert borné de classe   de   et on cherche à résoudre l'équation de la chaleur

 

sur   pour une condition initiale donnée.

On peut réécrire cette équation aux dérivées partielles sous la forme d'une équation différentielle ordinaire   en posant  ,   et en définissant   par   et   pour tout  . Nous sommes dans le bon cadre pour utiliser la théorie des semi-groupes et le théorème de Hille-Yosida ; reste à montrer que l'opérateur A est m-dissipatif.

Il est bien connu que le laplacien est un opérateur autoadjoint :

 

par double intégration par parties, et que   est dense dans  , il suffit donc de montrer qu'il est dissipatif ou de façon équivalente que  . Or tout   est de trace nulle, donc en intégrant par parties  .

Le corollaire 3 et le théorème de Hille-Yosida permettent enfin de conclure quant à l'existence-unicité et la régularité des solutions. On remarque de plus que

 

On retrouve, bien sûr, le côté dissipatif et irréversible de l'équation de la chaleur.

L'équation des ondes modifier

L'équation des ondes homogène se formule dans un domaine   suffisamment régulier (c'est-à-dire   en pratique) et sur un intervalle de temps   (avec  ) selon

 

On se place dans la théorie des semi-groupes en mettant l'équation précédente au premier ordre en temps. On pose alors

 ,  

(avec  ) et

 

L'équation devient alors

 .

Le domaine du Laplacien étant  , celui de   est   sur  . Les conditions initiales seront alors prises dans  . Le produit scalaire dans   est défini pour tout couple   dans   (  et  ) par  

Reste à vérifier que nous sommes bien dans les conditions d'application du théorème de Hille-Yosida :

  1.   est dense dans  .
  2.   est fermé.
  3.   est dissipatif. Ce point mérite une preuve.

Article connexe modifier

Théorème de Lumer-Phillips (en)