Tadmit

commune d'Algérie

Tadmit est une commune de la wilaya de Djelfa en Algérie.

Tadmit
Noms
Nom arabe algérien تاعضميت
Administration
Pays Drapeau de l'Algérie Algérie
Wilaya Djelfa
Daïra Aïn El Ibel[1]
Code ONS 1736
Démographie
Population 10 359 hab. (2008[2])
Densité 13 hab./km2
Géographie
Coordonnées 34° 17′ 12″ nord, 2° 59′ 19″ est
Superficie 788,58 km2
Localisation
Localisation de Tadmit
Localisation de la commune dans la wilaya de Djelfa
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Tadmit
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Tadmit

Géographie modifier

La commune de Tadmit est située dans la partie Sud-Ouest de la wilaya de Djelfa, à la limite de la wilaya de Laghouat.

Elle couvre une superficie de 788,58 km² (repr. 2,44% de la Wilaya), et fait partie du territoire de l’Atlas Saharien. Elle fait partie de la Daïra de Ain El Ibel qui compte quatre communes (Ain el Ibel, Zaccar, Moudjebara, et Tadmit)[3].

 
Carte topographique de Tadmit

Histoire modifier

Antiquité modifier

Déscription de Guénin (1889) modifier

Dans sa « Notice sur les ruines de Tadmit »[4] de 1889, Guénin décrit de nombreuses ruines de villes, de villages, de postes et d'enceintes de défense découvertes à Tadmit et ses environs. Cette description étant pratiquement la seule disponible, elle est développée ci-bas en détail. Une commentaire critique suivra plus bas.

Selon l'auteur, l'attribution des ruines, qu'elle soit romaines ou berbères, demeure incertaine ;seule des fouilles, inscriptions ou poteries pourraient éclairer leur origine. Guénin estime probable qu'une petite colonie romaine se soit établie à Tadmit, en raison des similitudes entre ses ruines et celles de Messaâd où les Romains avaient également résidé dans la même vallée [voir aussi Alan Bowman [5] ou Albertini [6], ainsi que plus bas].

Autrefois, un village aurait occupé le site actuel du Pénitencier (voir plus bas), tandis que sur la rive opposée de l'Oued-Tadmit, auraient subsisté les vestiges d'une ville avec des maisons de forme régulière et des murs bien construits. Ces deux centres, nichés au pied des rochers qui resserrent le lit de la rivière, auraient semblé avoir été érigés pour protéger les bas-fonds contre les attaques venant du nord-ouest. La ville sur la rive gauche était entourée d'un mur d'environ un mètre d'épaisseur. Chaque ville était également défendue par un "véritable oppidum", avec des remparts doubles, couronnant les sommets des collines sur lesquelles elles étaient édifiées, comme le souligne Guénin. Des réduits et tours surveillaient les cols.

Guénin décrit également que le centre d'occupation le plus important se trouvait probablement au pied du Kef-el-Boura, où d'importants amas de ruines s'étendent sur environ un kilomètre de longueur et 600 mètres de largeur. Il aurait été manifeste qu'une ville considérable occupait autrefois cet endroit, s'étendant jusqu'au sommet de la montagne. Des murailles épaisses bloquaient les vallées pouvant servir de voies d'accès à la ville, tandis que des avant-postes surveillaient ses abords.

En amont du pont de la route de Takarzane, des traces de constructions isolées subsisteraient encore, selon Guénin : une enceinte carrée d'environ 100 mètres de côté, ainsi que des postes sur les deux rives de la rivière, destinés à protéger les bas-fonds où les habitants des villes cultivaient leurs terres. Toutes ces ruines seraient caractérisées par des amoncellements de petites pierres, parsemés de pierres plus grandes et de forme régulière, qui semblent avoir été taillées mais qui se seraient mal conservées en raison de la nature friable et tendre du grès qui les compose. Quelques débris de poterie assez fine, vernissée de vermillon à l'intérieur, aurait gît à la surface du sol. Aucun indice extérieur caractéristique n'aurait permit d'établir l'origine des ruines de Tadmit ; seul le nom "Tadmit", par sa sonorité, laisserait supposer une occupation berbère.

Selon Guénin, les habitants locaux interrogés n'auraient pas transmis de tradition sur l'histoire de leur ville, à l'exception d'une légende concernant la fertilité du sol de Tadmit. Selon cette légende, la vallée de l'Oued-Tadmit était autrefois si verdoyante qu'on pouvait parcourir le trajet de Mokta-el-Oust à Tadmit au milieu de l'été sans être touché par un seul rayon de soleil. Bien que cela puisse sembler exagéré, Guénin estime indéniable que la vallée de l'Oued-Tadmit n'était pas aussi déserte qu'aujourd'hui, et qu'elle aurait abrité une population nombreuse qui y trouvait les moyens de subsister grâce à la fertilité du sol environnant et à la rivière toujours abondante en eau.

Interprétation modifier

Comment interpréter la description des notes de Guénin, sur lesquelles la littérature reste complètement muette? Gsell, dans son Atlas Archéologique signale brièvement dans la vallée de l'oued Tadmit, sur les deux rives[7] des ruines d'agglomérations plus ou moins importantes ; cependant, rien ne prouverait qu'elles soient d'origine romaine

Despois[8], un auteur bien informé sur le Djebel Amour, nie catégoriquement l'existence de toute trace d'occupation romaine dans le massif. Dans son ouvrage, il consacre des paragraphes détaillés à la description des villages et des ksour berbères abandonnés, sans faire mention de vestiges romains. De plus, il souligne l'existence d'enceintes carrées vides, qu'il interprète comme des abris à bestiaux, suggérant ainsi une activité pastorale plutôt qu'une occupation romaine[9]. Les photographies qu'il présente dans son livre ne montrent aucun élément convaincant de présence romaine. Plus récemment, Morizot[10] s'est appuyé sur des photos aériennes. Il est d'avis qu'il est possible de conclure que peu ou pas des sites préalablement identifiés comme tels ne sont romains, ni même très anciens. Cependant, ces mêmes vues semblent confirmer l’existence de ruines là où la carte ICN les signalait en 1951. Toutefois, il émet des doutes quant à leur caractère romain. Il estime qu'un examen au sol sera nécessaire pour définitivement trancher cette question.

D'un autre coté, la carte INC Tadjemout au 1/50.000 de 1951 répertorie de manière détaillée les ksour habités, les ksour abandonnés, ainsi que de nombreux tombeaux mégalithiques, avec quatre sites spécifiquement marqués du sigle RR réservé aux ruines romaines. Ces ruines romaines clairement identifiées suggère fortement une présence romaine dans la région. Citons parmi ces sites le Castellum Dimmidi[11],[12],[13] à Messad (situé à environ 50 km), Hammam-Charef[14] (aussi à env. 50 km) ou Medjedel[15] (à env. 130 km) de Tadmit, tous formellement identifiés comme romains.

Époque coloniale française modifier

Depuis au moins 1855, Tadmit prospère au milieu de plaines bien irriguées, sous la surveillance de la communauté indigène de Laghouat[16]. L'intervention française a perturbé l'agriculture locale, redirigeant l'eau vers les nouveaux établissements coloniaux. L'établissement par le Commandant Marguerite d'un poste de commandement français en 1857[17] a symbolisé une appropriation plus large des terres. La rhétorique coloniale qualifie l'agriculture indigène de "régressive", justifiant ainsi l'intervention européenne[18]. Tadmit est devenu un point focal de la colonisation française, utilisant les données météorologiques et les projets d'infrastructure pour renforcer le contrôle colonial et chasser les agriculteurs indigènes des terres fertiles.

Un pénitencier pour "indigènes" a été créé en 1885[19], et il était en service au moins jusqu'en 1916, comme le souligne une instruction préfectorale[20]. Durant l'été 1908, "une grave épidémie de typhus exanthématique" (65 hommes atteints et 7 décès sur un effectif; de 103 détenus) fait rage[21]. Au cours de l'année 1913, "27 indigènes ont été internés au pénitencier de Tadmit, dont 25 pour avoir effectué le pèlerinage à la Mecque sans autorisation", en outre, "15 ont été mis en surveillance spéciale pour des causes politiques ou par mesure de sécurité publique."[22] Le typhus fait de nouveau rage en 1917, sur 120 prisonniers, 80 succombent au typhus[23]. Selon Sylvie Thénault[24], le pénitencier de Tadmit "arrivait en tête de la hiérarchie de la pénibilité"; on l'appela aussi "l'enfer du Djebel-Amour", relève le journal Le Radical[25].

À la suite d'une étude menée en 1918 dans la région de Djelfa, il fut décidé d'installer à Tadmit, en 1922, dans l'ancien pénitencier[26], une station d'élevage ovin à Tadmit [27]. Le troupeau initial comprenait 600 animaux, ce qui fut ramené à 250 par sélection. Dix ans après, le cheptel comprenait plus de 2200 bêtes. La station a permis de sélectionner et d'élever les races dites de "Tadmit" (qui se distingue par la finesse de sa laine), la variété dite de "Raimbi" et celle de "Zahrez". Des doutes sur la qualité de Tadmit émergent dès les années 1950. Malgré sa réputation, le taux de mortalité y est plus élevé qu'ailleurs, avec des pertes significatives dans le cheptel en 1945[28]. Toutefois, ce rapport est réfuté quelques moins plus tard[29].

Le 28 octobre 1952, à Tadmit, la Commune Mixte de Djelfa a créé un aérodrome. Situé à 50 kilomètres au sud-sud-ouest de Djelfa, il est autorisé pour un usage privé et signalé par une croix blanche au centre de la zone d'atterrissage[30].

 
Station d'élevage ovine à Tadmit (1927)
 
Station d'élevage ovine à Tadmit (1927)

Administration modifier

Économie modifier

Culture et patrimoine modifier

Notes et références modifier

  1. « Décret executif n° 91-306 du 24 août 1991 fixant la liste des communes animées par chaque chef de daïra. 17 - Wilaya de Djelfa », Journal officiel de la République Algérienne, (consulté le ), p. 1303
  2. « Wilaya de Djelfa : répartition de la population résidente des ménages ordinaires et collectifs, selon la commune de résidence et la dispersion ». Données du recensement général de la population et de l'habitat de 2008 sur le site de l'ONS.
  3. Direction du Tourisme et de l’Artisanat de la Wilaya de Djelfa ; Schema directeur d’amenagement touristique 2030 ; https://djelfa.mta.gov.dz/wp-content/uploads/sites/26/2022/02/SDAT-Djelfa-Phase-02.pdf, consulté 26.3.2024.
  4. L. Guénin, Bulletin archéologique du Comité des travaux historiques et scientifiques, Paris, Ernest Leroux, , 414 p., p. 275-276
  5. Alan Bowman et al. The Cambridge Ancient History Volume 12. The Crisis of Empire, AD 193-337, 2nd Edition, 2005. p 257.
  6. M. Albertini. L'Afrique romaine : notes prises aux conférences faites par M. Albertini au Cours d'instructions préparatoire au Service des Affaires indigènes d'Algérie-Tunisie (Deuxième édition). Alger 1927, p.16ff.
  7. S. Gsell, Atlas archéologique de l'Algérie : édition spéciale des cartes au 200.000e du Service Géographique de l'Armée / avec un texte explicatif rédigé par Stéphane Gsell - Texte, Jouran/Alger, 1911. (feuille 57, au nord-ouest) ; https://arachne.dainst.org/entity/2128240/image/2136910.
  8. J. Despois, Le Djebel Amour, Alger, 1957.
  9. J. Despois, Ibid., p. 26 et 118.
  10. Morizot, Pierre. La présence romaine dans le Djebel Amour (Algérie): Apport des images Spot et de la photographie aérienne In: Frontières et limites géographiques de l'Afrique du Nord antique: Hommage à Pierre Salama [online]. Paris: Éditions de la Sorbonne, 1999
  11. Carcopino Jérôme. Fouilles de M. Gilbert Picard dans le castellum du limes de Numidie près du bourg de Messad (province d'Alger). In: Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 83ᵉ année, N. 2, 1939. pp. 204-209.
  12. Gilbert Charles Picard, Castellum Dimmidi. Paris, De Boccard, s. d. (1944).
  13. Dussaud René. Gilbert Charles-Picard. — Castellum Dimmidi. In: Syria. Tome 26 fascicule 3-4, 1949. pp. 373-374.
  14. Salama Pierre. Quelques incursions dans la zone occidentale du limes de Numidie. In: Antiquités africaines, 27,1991. pp. 97ff.
  15. Salama. Quelques incursions dans la zone occidentale du limes de Numidie. pp. 95ff.
  16. Cutler, Brock. "Imperial Thirst : Water and Colonial Administration in Algeria, 1840-1880". Review of Middle East Studies, vol. 44, no. 2, 2010, pp. 167-75. JSTOR, http://www.jstor.org/stable/23057154., p. 170-171.
  17. Archives Nationales d'Algérie, Territoire du Sud. Lettre du commandant supérieur du cercle de Laghouat au commandant général de la subdivision de Médea, 24 mars 1885. Cité par Brock, "Imperial Thirst...", cit. op.
  18. Voir aussi Algan, "Histoires de chasses", Chambon/Auxerre, 1894. P. ex. pages 181, 183, 186, 195.
  19. L. Benseghir. Impact de la sécheresse et de l'anthropisme sur la biodiversité et le sol dans la station de Tadmit. Thèse de Master, USTHB, 2008.
  20. Région d'Oran : instructions préfectorales hebdomadaires; Nr. 1. 1916. Pages 17-18.
  21. Journal militaire. Contenant les ordonnances, les nominations, l'annonce ou extrait des ouvrages etc. Ministère de la guerre (Paris). 11.8.1908
  22. Exposé de la situation de l'Algérie par M. le Gouverneur général, Alger, 1913 p. 31.
  23. Exposé de la situation de l'Algérie par M. le Gouverneur général, Alger, 1917 p. 111.
  24. Thénault, Sylvie. Violence ordinaire dans l’Algérie coloniale: Camps, internements, assignations à résidence. Odile Jacob, 2012. p 78ff.
  25. Le Radical, Paris, 12.3.1901, page 2.
  26. Akhbar - journal de l'Algérie. 11 mars 1930, page 3: "On sait que le pénitencier indigène de Tadmit dont le nom a si souvent retenti dans les débats parlementaires, a été transformé, il y a une dizaine d’années, en station d’élevage et de sélection ovine."
  27. Fédération des syndicats d'élevage. "L'Éleveur nord-africain : organe de la Fédération des syndicats d'élevage et de la Société d'aviculture d'Algérie". Alger, 1928.
  28. Journal officiel de l'Algérie. 21 mars 1953, p. 449 : "Certes, Tadmit se présente comme une œuvre de premier plan, mais je crains que le résultat ne soit pas aussi brillant qu’on voudrait nous le faire croire. Malgré les moyens mis en œuvre (bergeries, réserves de foin), le pourcentage de la mortalité a, pendant les années de sécheresse, été beaucoup plus important à Tadmit que chez les autres éleveurs de la commune. En 1945 notamment, les pertes éprouvées dans le cheptel ont été considérables."
  29. Journal officiel de l'Algérie. 21 mars 1953, p. 449 : "On a prétendu que les trou peaux protégés par cette méthode s’évadaient de cette grande exploitation, dite traditionnelle, qui consiste à laisser vivre l’animal des dons du ciel au lieu de compenser les déficits du ciel. On a dit notamment, que le cheptel de la station de Tadmit, avait fondu bien rapidement. [...] Si nous comparons ces chiffres avec ceux de la même région mais sans orgasédait en 1945, 414.000 têtes, en 1946 150.000, chiffre qui tombe à 106.000 en 1948, pour remonter en 1952 à 307.000 têtes."
  30. Journal officiel de l'Algérie ; 4 novembre 1952, p. 922.

Voir aussi modifier