EADS Harfang

avion militaire

Harfang/Eagle One
Vue de l'avion.
Un Harfang au salon du Bourget

Constructeur Union européenne EADS/ Israël IAI
Rôle Drone MALE
Premier vol
Mise en service
Date de retrait
Motorisation
Moteur Rotax 914 F
Nombre 1
Type moteur à combustion interne turbocompressé
Puissance unitaire 115 ch
Dimensions
vue en plan de l’avion
Envergure 16,6 m
Longueur 9,30 m
Masses
À vide 657 kg
Carburant 250 kg
Maximale 1 250 kg
Performances
Vitesse maximale 207 km/h
Plafond 7 620 m
Rayon d'action 1 000 km
Avionique
Capteurs optroniques
Capteur radar de détection de cibles mobiles (SAR/MTI)
Liaison de données à vue directe (LOS) et par satellite (Satcom)
Télémètre-désignateur laser

Le Harfang (nommé par l'armée de l'air française Système intérimaire de drone MALE ou SIDM, MALE étant le sigle de Moyenne Altitude Longue Endurance[1]) est un système de drone destiné à équiper l'Armée de l'air française en remplacement du Hunter. Le Harfang, aussi nommé Eagle One, est une réalisation de la filiale Cassidian d’EADS et d’IAI. Son nom est inspiré du harfang, un hibou des neiges.

Historique modifier

L'origine du projet remonte à 1995 avec l'achat par l'armée de l'air des drones RQ-5 Hunter qui ont permis d'acquérir de l'expérience dans le domaine de l'emploi des drones. Au début des années 2000, Sagem et General Atomics proposent la francisation du drone MQ-1 Predator pour créer le Horus, mais la solution n'est pas retenue[2]. Le drone Harfang est fondé sur l'appareil israélien IAI Heron conçu au début des années 1990 et qui fut présenté au salon du Bourget en 1999. Le programme SIDM ou Eagle One débuta vraiment en 2001 et le premier vol d'un appareil eut lieu sur la base aérienne 125 Istres-Le Tubé, le . S'ensuivit une campagne d'essais menée par le Centre d'essais en vol visant à tester les capacités du drone, étape nécessaire avant son transfert au CEAM sur la base aérienne 118 Mont-de-Marsan.

À l'origine, le drone aurait dû être livré à l'armée de l'air à l'été 2003 pour remplacer les drones Hunter (par ailleurs retirés du service en ). Cependant, des problèmes industriels rencontrés par le constructeur ont considérablement retardé la livraison des appareils. L'un des principaux problèmes était la différence entre les capacités de l'appareil et celles spécifiées par le cahier des charges fourni par l'armée, notamment pour le système de transmission par satellite fourni par EADS. Le drone est ainsi passé d'un produit pris sur « étagère » à un produit spécifique à l'armée de l'air. Le ministère de la défense a dépensé 440 millions d'euros contre les 100 initialement prévus[2]. La réalisation représente 163 millions d’euros, le soutien réalisé près de 100 millions et les coûts de soutien et d’utilisation jusqu’en 2017 sont évalués à 120 millions ; l’industriel effectua «plus de 130 millions d’euros de dépenses propres, sans compter 18,5 millions d’euros qu’il [dut] acquitter au titre des pénalités de retard».

L'armée de l'air a commandé un système composé de trois appareils aériens dotés de nombreux capteurs et d'une autonomie de plus de 20 h, et de deux stations de contrôle au sol. Une liaison satellitaire permet de contrôler l'appareil à grande distance et ses différents équipements permettront aussi bien la surveillance d'un territoire que la désignation d'objectifs grâce à un désignateur laser ou pourra aussi servir de relais de communication au profit des forces au sol.

Le SIDM est entré en service en juin 2008 au sein de l'escadron d'expérimentation de drones 1/330 « Adour » à Mont-de-Marsan (Landes) ; cette unité dépendait du Centre d'expériences aériennes militaires (CEAM) et dépend aujourd'hui du Commandement des Forces aériennes. Elle a été rebaptisée Escadron de drones 1/33 « Belfort » depuis . L'expérimentation s'est déroulée en 2008-2009 et a suivi quatre phases. Dans un premier temps, il était prévu de familiariser l'escadron avec la plate-forme puis de familiariser les opérateurs avec les capteurs, ensuite de diffuser le renseignement C4ISR et enfin transférer les flux d'information aux forces terrestres[3].

Le , le Harfang doté du système Rover permettant la retransmission en temps réel sur le terrain de ses images, a effectué son premier vol au-dessus de l'Afghanistan[4].

Description modifier

Le système intérimaire de drone MALE est composé de deux segments distincts : le drone lui-même et l'ensemble de commande et de contrôle au sol.

Le véhicule aérien et son calculateur de bord sont construits par la société Malat, une division de la société IAI (Israel Aircraft Industries) et fondés sur le drone IAI Heron de cette même société. Le véhicule aérien composé d'un fuselage propulsé par un moteur (Rotax) à hélice propulsive situé à l'arrière et doté d'une voilure en position haute équipée de volets et d'un système de dégivrage. L'équilibre longitudinal de l'appareil est assuré par un empennage bipoutre prenant appui sur la voilure principale. D'une masse au décollage de 1,2 tonne et d'une envergure de 16,6 m, le SIDM peut emporter une charge de mission de 250 kg à 7 500 m et pendant une durée de 24 heures. La charge de mission est constituée d'une boule tri-senseurs (IAI) gyrostabilisée montée sous l'avant du fuselage, comportant les capteurs électro-optique et infrarouge ainsi que le désignateur laser, et d'un radar à synthèse d'ouverture (Elta) et à suppression d'échos fixes (SAR/MTI) à très haute résolution permettant de relever une image électronique du terrain et d'observer les mouvements de véhicules au sol, quelles que soient les conditions météorologiques ; l'antenne de ce radar est montée dans un radôme ventral situé au centre du fuselage. Outre ces capteurs, le drone emporte aussi une centrale de navigation inertielle (Sagem) recalée par GPS ainsi qu'un GPS différentiel apportant une capacité de décollage et d'atterrissage automatique (ATOL : Automatic take off and landing). De plus, l'appareil est programmé, en cas de perte de la liaison de commande et de contrôle, pour suivre une trajectoire lui permettant de revenir à son point de départ tout en essayant de rétablir la transmission.

L'ensemble de commande et de contrôle au sol est composé de quatre modules projetables sur théâtre extérieur. Le premier baptisé M1 est destiné à la préparation des missions et est fondé sur un module de préparation dérivé de la préparation de mission du Mirage F1CR spécialisé dans le Reconnaissance aérienne. Le second, M2, est la station de commande et de contrôle proprement dite puisqu'elle permet à l'opérateur de diriger l'appareil, notamment lors des phases de décollage et d'atterrissage, puisqu'une fois en vol l'appareil suit une trajectoire programmée ou non ; à tout moment cependant, l'opérateur peut reprendre la commande. La station M3, elle, reçoit en temps réel les informations des capteurs à bord du drone, celles-ci étant transmises par l'intermédiaire de la liaison satellite. Enfin, la station M4 est destinée à l'interprétation et à la diffusion des informations obtenues par le drone.

En ce qui concerne la transmission de données, le SIDM est équipé d'une liaison directe (LOS : Line of sight) permettant la commande et le contrôle de l'appareil jusqu'à une portée de 150 à 200 km grâce à une antenne montée au-dessus du fuselage, et d'une liaison satellitaire à haut débit (Satcom) permettant de s'affranchir de l'horizon radioélectrique. Les données sont envoyées vers un satellite géostationnaire grâce à une antenne directionnelle (InSnec) pointée par des vérins et installée dans un « satdôme » à l'avant du drone. Enfin, l'appareil est doté d'un relais de communication (VHF/UHF) (Rohde & Schwarz) permettant de transmettre des informations à un centre de commandement de troupes au sol et de s'intégrer dans le trafic aérien militaire. Le véhicule aérien est également équipé d'un IFF et d'un enregistreur de vol.

Le système SIDM permet la surveillance ininterrompue d'un théâtre d'opérations par une transmission continue des informations et la mise en œuvre d'une procédure (handshake) de transferts des données entre les véhicules aériens lors d'un passage de relais entre drones (entrant et partant).

L'un des principaux manques de l'appareil tient en l'absence de capteurs électromagnétiques et sa faible capacité à évoluer à cause de sa capacité d'emport et de sa génération électrique. Son principal défaut est sa vitesse de 80 nœuds seulement qui peut se montrer pénalisante lors des phases de transit. Le SIDM se montre limité dans des conditions météorologiques perturbées ou dans des conditions givrantes et humides[5].

Armement modifier

Longtemps hostile à l'armement de ces aéronefs, l'EMA a donné en 2011 son accord pour armer de missiles les prochains drones français[6], à la manière des Reaper. Cela ne concerne ni les Harfang ni les deux Reaper acquis en 2013, qui ne sont donc pas armés.

Coût opérationnel modifier

Le coût par heure de vol est estimé à 12 000 [7].

Versions modifier

  • Eagle 0 : prototype qui effectua son premier vol en 1998.
  • Eagle 1 : première version de production qui effectua son premier vol le en Israël.
  • Eagle MPR : projet d'une version en mode drone de surveillance maritime de l'Eagle 1 équipée d'un radar maritime.
  • Eagle 2 : projet d'une version plus grande turbopropulsée par un moteur PT6 Pratt & Whitney abandonné devant le fiasco calendaire et financier du Harfang [8] dénoncé dans un rapport du ministère de la défense. Aujourd'hui ce sont les Predators achetés aux États-Unis qui remplissent le rôle de surveillance en continu.

Utilisateurs modifier

 
Base aérienne de Bagram, Afghanistan - Le drone français est très similaire au Predator MQ-1.
  Maroc

Trois appareils.

Anciens utilisateurs modifier

  France

L'Armée de l'air a utilisé quatre appareils et deux stations au sol, retirés du service actif en janvier 2018 après 15 440 heures de vol sans aucun accident[2],[9]

Escadron de drones 1/33 Belfort depuis 2009 sur la Base aérienne 709 Cognac-Châteaubernard
  • Appareil No 1021[10] - immatriculation F-SDAU - (visible sur la photo de l'article)[11],[12].
  • Appareil No 1022 - immatriculation F-SDAY
  • Appareil No 1023 - immatriculation F-SDAZ[13].
  • Appareil No 1024 - immatriculation F-SDAT

Engagements modifier

  • Le 14 et , ils servirent à la surveillance lors de la visite du pape Benoît XVI à Lourdes[14].
  • En février 2009, un contingent de l'Armée de l'air des forces françaises en Afghanistan aux ordres du lieutenant-colonel Cyril Carcy[15] déploie ses trois SIDM en Afghanistan, à Begrâm, au nord de Kaboul[16]. L'un d'eux a dû être rapatrié en France à la suite d'un problème de comportement en vol ayant pu endommager la structure consécutif à l'oubli de programmation du dégivrage, lors de sa préparation au sol[17].
    Les travaux d'expertise réalisés par la DGA, EADS et le SIAe ne permettent pas de déterminer de manière certaine les causes de l'incident. L'origine humaine n'est pas retenue à ce stade de l'enquête et le BEA-D n'aurait pas ouvert d'enquête. Selon EADS, l'hypothèse de bugs dans le logiciel de commande de vol n'est pas à exclure[18]. En un an de service, ils ont effectué 185 vols pour 166 missions opérationnelles représentant 1 700 h de vol[19]. En , les deux Harfang présents en Afghanistan sont rapatriés après avoir effectué plus de 4 250 heures de vol au cours de 511 missions sur ce théâtre d'opérations[20].
  • L'Escadron d'expérimentation drones EED 1/330 « Adour » comprenant 56 personnes est affecté en 2010 à la base aérienne 709 Cognac-Châteaubernard[21].
  • Il est utilisé pour la surveillance du sommet du G8 2011 du 18 au et 62 heures de vol ont été réalisées depuis la base aérienne 105 d'Evreux[22].
  • Engagement d'un appareil depuis la base aérienne de Sigonella à partir du au-dessus de la Libye lors de l'opération Harmattan[23]. Il réalise 243 heures de vol en 19 sorties.
  • Deux drones Harfang sont employés dans le cadre de l'opération Serval au Mali en 2013. Un record de vol de 26 h 10 min est établi du 25 au [24],[25] et dans la nuit du 5 au , le drone effectue son 100e vol, totalisant alors 1 600 heures de vol[26].
  • Le 8, 9 et , un drone Harfang surveille la Fête des Lumières se déroulant à Lyon, dans un contexte sécuritaire tendu, un an après les attentats de Paris[27].
  • Le 6 avril 2021, un drone Harfang est utilisé par le Maroc pour l'élimination du chef de la gendarmerie du Front Polisario[28].

Notes et références modifier

  1. A. de Font-Réaulx, Drone, le M.a.l.e. français, La Revue Parlementaire, No 887, avril 2006.
  2. a b et c Laurent Lagneau, « L’armée de l’Air retire ses quatre drones MALE Harfang du service », sur opex360.com,
  3. Véronique Sartini, « Le SIDM, enfin ! », Technologie et Armement, no 12,‎ , p. 49-52 (ISSN 1953-5953)
  4. Daniel Favre, « Premier vol du Harfang avec le Rover », info aviation, (consulté le )
  5. Henri-Pierre Grolleau, « CEAM Toujours à la point! », Air Fan,‎ , p. 20-34 (ISSN 0223-0038)
  6. Jean-Dominique Merchet, « Les prochains drones français seront armés », Secret Défense,
  7. Nathalie Guibert, « Paris achète des drones américains pour rattraper son retard », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  8. « Journal économique et financier », sur La Tribune (consulté le ).
  9. « Bye bye Harfang » (consulté le )
  10. (fr) diaporama photo, lepoint.fr, 29 mars 2009
  11. (fr) photo no 10 du diaporama photo, lepoint.fr, 29 mars 2009
  12. (en) Bagram Airfield photos, Bagram Airfield official site, US Air Force, photos prises le 11 juillet 2009
  13. marquage qui a déjà été porté par un avion du CEAM qui s'est écrasé le 15 juin 1956 : (fr) Stèle du LCL Arthur de la Taille-Tretinville, aerosteles.hydroretro.net
  14. Jean Guisnel, « REPORTAGE - Dans le secret des drones de l'armée de l'air », sur lepoint.fr, (consulté le )
  15. (en) French unmanned aircraft protect Bagram Airmen, coalition forces, US Air Force, 13 juillet 2009
  16. Jean-Dominique Merchet, « Premier vol du drone SIDM en Afghanistan », sur secretdefense.blogs.liberation.fr, Libération, (consulté le )
  17. Jean Guisnel, « Le drone Harfang a été victime d'une erreur humaine », sur Le Point, (consulté le )
  18. Jean-Marc Tanguy, « Le Harfang disséqué dans les Landes », sur lemamouth.blogspot.com, (consulté le )
  19. Air et Cosmos no 2205, p. 6
  20. Jean-Marc Tanguy, « Le drone Harfang en chiffres », sur RP Defense, (consulté le )
  21. Jean-Marc Tanguy, « REPORTAGE - Dans le secret des drones de l'armée de l'air », sur lemamouth.blogspot.com, (consulté le )
  22. Jean-Dominique Merchet, « Un drone Harfang surveillera le prochain sommet du G8 de Deauville », sur marianne.net, (consulté le )
  23. « Libye : point de situation n°40 », Ministère de la Défense et des anciens combattants, (consulté le )
  24. Jean-Marc Tanguy, « Serval : nouveaux records du Harfang au Mali », sur lemamouth.blogspot.fr,
  25. « Opération Serval : Zoom sur le détachement Harfang », sur defense.gouv.fr,
  26. « Serval : 100evol opérationnel du drone Harfang », sur defense.gouv.fr,
  27. « Fête des Lumières de Lyon : l’État double le dispositif de sécurité et recourt à un drone », sur francetvinfo.fr, (consulté le ).
  28. (en-US) « Le chef militaire du Polisario éliminé par les FAR grâce à une technologie israélienne », sur Le Desk (consulté le )

Voir aussi modifier

Sur les autres projets Wikimedia :

Sources modifier

  • Céline Limousin (Ltt), « Ce que les drones vont changer : Le SIDM pourquoi il séduit ! », Air Actualités, no 607,‎ , p. 22-31 (ISSN 0002-2152)
  • Céline Limousin (Ltt), « Ce que les drones vont changer : Les secrets du drone », Air Actualités, no 607,‎ , p. 32-33 (ISSN 0002-2152)
  • Céline Limousin (Ltt), « Ce que les drones vont changer : La préparation du futur drone », Air Actualités, no 607,‎ , p. 38 (ISSN 0002-2152)
  • Jane's Handbook

Articles connexes modifier

Lien externe modifier