Shakers

branche du protestantisme dérivée des Quakers et des Camisards

Les shakers sont les membres d'une branche du protestantisme, issue des quakers, née au début du XVIIIe siècle sous le nom d’« Organisation de la Société Unie des Croyants dans la Deuxième apparition du Christ (United Society of Believers in Christ's Second Appearing, USBSCA) ».

Danse des fidèles durant un office shaker.

Historique modifier

Origine modifier

Les croyances de la communauté des shakers ont pour origine le prophétisme des camisards des Cévennes, importé en Angleterre par les prophètes camisards réfugiés après la reddition de certains de leurs chefs (Jean Cavalier en 1704, Élie Marion en 1705 - ce dernier sera le principal prophète cévenol en exil à Londres de 1706 à sa mort en 1713). Beaucoup de camisards quittent alors la France, parfois avec le projet de revenir y reprendre le combat. Passés par la Suisse et les Pays-Bas, plusieurs « prophètes cévenols » trouvent finalement à Londres la tolérance dont ils ont besoin. Ils s'y font rapidement connaître sous le nom de « French Prophets » ou parfois d'« Enfants de Dieu ». Certains d'entre eux développent des visions millénaristes, annonçant que la fin du monde serait proche. Les camisards réfugiés et leurs adeptes anglais prophétisent en public, dans un style très bruyant et expressif, se livrent à des services d'adoration de nature extatique (chants, danses, soupirs, parfois chutes au sol et transes), pratiquent le parler en langues et les guérisons miraculeuses, manifestant sur la voie publique ou dans des églises de manière parfois grotesque[1].

En 1747, un groupe de quakers de Manchester conduit par James et Jane Wardley, la Wardley Society, adopte les pratiques des French Prophets, et se voit affubler du surnom de shaking quakers (« trembleurs agités » est l'une des traductions possibles de ce sobriquet)[2].

L'Amérique, nouvelle terre promise modifier

En 1774, persécutés par les autorités anglaises, une partie de la Wardley Society émigre sous la houlette de Ann Lee, partant de Manchester pour rejoindre la Nouvelle-Angleterre. À la suite de nombreux puritains anglais, et d'autres groupes pourchassés pour leurs opinions religieuses, ils voient en effet dans la colonie britannique une nouvelle terre promise leur permettant de vivre leur foi dans son intégralité. Mais c'est à la suite d'une « inspiration » de leur leader Ann Lee, qui se fait appeler Mother Ann, qu'ils émigrent. Voici comment elle décrivait cette vision : « J'ai vu un grand arbre, dont chaque feuille brillait d'un tel éclat qu'elle ressemblait à une torche enflammée, représentant l'Église du Christ, qui sera établie dans ce pays. » Ils s'installent d'abord à Watervliet (New York) avant de fonder d'autres communautés villageoises au fur et à mesure de que de nouveaux adeptes les rejoignent. Leurs mœurs sont particulièrement austères : célibat obligatoire, propriété privée interdite, propreté, honnêteté, intégrité, travail (agricole, artisanal, etc.), frugalité, chasteté, confession, pacifisme, égalitarisme (genre, fonction, éducation), fondation d'orphelinats, école mutuelle... Ils se réclament ouvertement des French Prophets dont ils conservent le style de service religieux, tout en y ajoutant graduellement des chorégraphies et des chants bien structurés.

Apogée et déclin modifier

Malgré le renouvellement biologique impossible et l'austérité des shakers, leur mouvement connaît un succès assez rapide. L'apogée des shakers se situe au milieu du XIXe siècle (1820-1860) : en particulier , l'ère des manifestations (en), une période qui s'étend de 1837 au milieu des années 1850, correspond à un renouveau spirituel marqué par des visions et des expériences extatiques parmi les adeptes, qui s'expriment au travers de chants, de danses et de dessins. Il y a alors environ 25 villages ou communautés et près de 4000 membres.

L'engagement des shakers dans le célibat volontaire est la cause de leur déclin inexorable, car, en plus d'interdire les naissances, cela freine les adhésions. Pour enrayer ce déclin, des shakers de Sabbathday Lake Shaker Village, Theodore E. Johnson et Mildred Barker, lancent en 1961 The Shaker Quarterly (en) qui sera publié jusqu'1996. Ce périodique contenait des informations sur les shakers, et parfois aussi d'un catalogue de vente par correspondance de produits créés par la communauté shaker de Sabbathday Lake, comme les tisanes et les produits à base de plantes.

Au début du XXIe siècle, il ne reste plus que trois shakers[3], dans le village de Sabbathday Lake (Maine). Ils y accueillent visiteurs et sympathisants lors de leurs réunions, chaque dimanche matin, et restent ouverts aux nouveaux convertis.

Les shakers et le design modifier

 
Exemple de design shaker

Les convictions puritaines des shakers leur ont fait développer un style propre de mobilier, dépouillé de tout ajout décoratif. Longtemps considéré comme purement utilitaire, le mobilier shaker a ces dernières années attiré l'attention de designers qui y voient une préfiguration du minimalisme actuel. Aux États-Unis, les shakers sont essentiellement connus pour cette raison, bien davantage que pour leurs opinions religieuses, et les meubles shakers d'époque se vendent à des prix très élevés.

Installations de communautés shakers modifier

 
Maison shaker-Haus à Pleasant Hill (Kentucky).

Personnalités modifier

Notes et références modifier

  1. Chabrol 1999, p. 110-118.
  2. Chabrol 1999, p. 210.
  3. (en-US) H. S. V. Admin, « A Brief History », sur Hancock Shaker Village (consulté le )

Pour approfondir modifier

Bibliographie modifier

Anglophone modifier

Notices dans des encyclopédies et manuels de références modifier
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Essais modifier
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Dictionnaires spécifiques modifier
Articles modifier
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Francophone modifier

  • Jean-Paul Chabrol, Élie Marion, le vagabond de Dieu, Edisud, (ISBN 2744900869).
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Articles connexes modifier

Liens externes modifier

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