Les Saltigués – également Saltigue, ou Saltigui ou Saltigi en sérère[1],[2]– sont des prêtres et prêtresses sérères qui président aux cérémonies religieuses et aux affaires du peuple sérère, telles que la cérémonie du Xooy (ou Xoy), l'évènement majeur du calendrier religieux sérère. Ils sont généralement issus, par descendance paternelle, d'anciennes familles sérères. Un tel titre est généralement hérité à la naissance[3],[4].

Cet article ne porte que sur les Saltigué sérères qui sont des devins (prêtres et prêtresses), évoqués par certains chercheurs comme des « ministres du culte religieux »[5] ; des « pasteurs des peuples »[6] ou dans le cadre de ces définitions.

Étymologie modifier

En sérère, saltigué dérive de deux mots: « sal » et « tigui »; sal signifie « point de rencontre de deux voies. Endroit où une branche se ramifie en deux autres branches. Et par analogie, poutre sur laquelle repose la toiture de la case. » tigui « veut dire repose la toiture de la case. tigui : veut dire vraiment (1). La jonction de ces deux termes a donné son nom au saltigué[2]. »

Rôle modifier

Les Saltigués étaient les conseillers des gouvernements sérères, par exemple au Royaume du Sine, au Royaume du Saloum et auparavant au Royaume du Baol. Leur rôle était – et est toujours – de contribuer à la prospérité du pays. À ce titre, ils étaient chargés de prédire l'avenir des rois, les conditions météorologiques pour les besoins de l'agriculture et toute catastrophe naturelle ou politique qui pourrait s'abattre sur le pays. Ils étaient donc souvent consultés par les rois sérères[7], de préférence au début de la saison des pluies[8].

Avant de partir en guerre contre un autre royaume ou de repousser une attaque, le roi consulte la grande assemblée des Saltigués, chargée de prédire l'issue de la bataille, comme ce fut le cas pour le Saltigué et Diaraf Wassaly Sene et le Saltigué Laba Diène Ngom au moment de la bataille de Fandane-Thiouthioune – connue sous le nom de « bataille de Somb » – qui eut lieu le sous le règne de Maat Sine Coumba Ndoffène Famak Diouf[9],[10],[11],[12]. L'assemblée de Saltigués prédit alors l'issue du combat, prodigue des conseils sur le moment le plus opportun pour l'assaut, le meilleur itinéraire à choisir, l'animal à sacrifier, etc. Mais le rôle des Saltigués n'est pas politique. Ce ne sont pas des ministres du gouvernement ou des hommes politiques, mais des conseillers spirituels et des Aînés. Ils sont les prêtres de la pluie, les gardiens de la religion et des coutumes sérères : ces droits hérités de leurs ancêtres lamaniques leur sont acquis à la naissance[8].

À l'ère précoloniale, pendant le Festival Raan[13] qui a lieu à Tukar chaque année le deuxième jeudi après l'apparition de la nouvelle lune en avril, les rois – du moins pendant la période Guelwar – venaient de la capitale Diakhao pour assister au festival. Cependant le roi veillait toujours à ne pas arriver avant le lamane[14] et à éviter toute rencontre directe avec lui. Pendant que le lamane était occupé à méditer, à se déplacer dans les environs de Tukar et à faire des offrandes à Saint Luguuñ, le Saltigué et ses collègues buvaient pendant toute la matinée précédant le festival un alcool nommé « sum-sum » en sérère. La consommation de ce sum-sum était censée améliorer leur perception de l'avenir et du monde surnaturel. Lorsqu'ils se sentaient prêts, le Saltigué et ses plus proches compagnons sortaient de la maison, enfourchaient leurs chevaux et entreprenaient à leur tour de se rendre dans les différents lieux sacrés du pays. Certes la tournée du Saltigué est conçue pour suivre le roi, mais au bout du compte il s'agit surtout de croiser sa route à un endroit connu comme « Nenem » dans la langue sérère. À cet endroit, le roi, conscient que le Saltigué va arriver, arrête l'entourage royal. Tous doivent alors attendre le passage du Saltigué et de ses compagnons. Une fois que les grands prêtres et les prêtresses sont passés, le roi donne le signal à son entourage de passer à son tour pour se rendre à leur prochaine destination. C'est le genre de respect qui est dû au Saltigué[15]. Le chercheur Alioune Sarr souligne que les Saltigués sont particulièrement glorifiés et respectés dans les royaumes sérères en raison de leurs connaissances[8].

Statut et associations modifier

Le Centre expérimental de médecine traditionnelle de Fatick (CEMETRA) regroupe au moins 550 guérisseurs sérères professionnels dans le Sine-Saloum[16]. Ils possèdent une connaissance ancestrale de l'herboristerie[17].

L'Association MALANGO a été fondée par le docteur Erick Gbodossou, originaire du Bénin, qui a reçu une initiation complète à la tradition spirituelle de son pays, tout en étant un médecin pleinement qualifié dans les pratiques conventionnelles. Il est l'un des principaux défenseurs de la médecine traditionnelle africaine. En 1991, le Bureau du MSM de la santé internationale, qui a reçu une subvention de l'USAID-Sénégal, a lancé une enquête Connaissances, Attitudes et Pratiques (CAP) Enquête parmi les guérisseurs sérères traditionnels (Saltigué) à Fatick, au Sénégal connue comme l'Association des Guérisseurs de Fatick "MALANGO". Le 1991 - 1992 sondage a été un succès. En conséquence, l'USAID a décidé d'accorder trois subventions supplémentaires pour la poursuite des travaux avec le Dr Gbodossou et l'Association des Guérisseurs de Fatick "MALANGO". Après une longue période de recherches intensives et d'études scientifiques réalisées par des PRO.ME.TRA international; Morehouse School of Medicine (Atlanta, Géorgie, États-Unis). et l'Université de Tulane École de Santé Publique (Nouvelle-Orléans États-Unis), il a été révélé que, les guérisseurs MALANGO fournissant des services au sein CEMETRA obtenu les résultats suivants: « 65 % des patients ont montré une récupération complète échantillonnés, 25 % ont montré une amélioration quantitative. Les 10 % restants n'ont démontré aucune amélioration ou aggravation de leur maladie. 90 % des patients échantillonnés ont enregistré une amélioration constatée par des examens de et/ou un examen clinique »[18],[19].

Sérères et Lébous : méthodes de guérison modifier

Les Lébous partagent avec les Sérères de nombreuses croyances cosmo-spirituelles. Beaucoup de génies lébous (rab) sont en fait des pangool, les esprits des ancêtres ou saints sérères. La demeure sacrée du rab lébou est la même que celle du pangool sérère et se nomme Sangomar, d'après l'ancienne légende sérère et diola de Jambooñ et Agaire[20]. Le bateau de ces deux jeunes sœurs s'était brisé en deux parties au large de la pointe de Sangomar. L'une fit voile vers le Nord, l'autre vers le Sud. Ceux qui partirent vers le Sud devinrent les ancêtres des Diolas tandis que les autres furent à l'origine des Sérères. La méthode de guérison léboue est le ndepp tandis que celle des Sérères est le lup[19],[21],[22],[23],[24].

Liste des Saltigués et praticiens Lup (par ordre alphabétique) modifier

Liste des praticiens Ndepp par ordre alphabétique (nom de famille) modifier

  • Maam Adji Fatou Seck (Rufisque, Sénégal) : c'est le ndeppkat (mot lébou désignant une guérisseuse ou un praticien de ndepp) le plus connu, il se rend aux États-Unis depuis 1986 à titre professionnel ; toujours en activité (2011)

Voir aussi modifier

Liens externes modifier

Notes et références modifier

  1. Catholic Church. Archdiocese of Kinshasa (Zaire), Aide inter-monastères, Catholic Church. Vie monastique et inculturation à la lumière des traditions et situations africaines: actes du colloque international, Kinshasa, 19-25 février 1989, Archdiocese of Kinshasa (Congo), Archidiocèse de Kinshasa (1989), p. 121
  2. a et b Centre d'étude des civilisations, Cahiers du mythe, Issues 4-5, Nouvelles éditions africaines. (1978), p. 21
  3. (fr) Henry Gravrand, La Civilisation Seereer : Pangool, Nouvelles éditions africaines du Sénégal, 1990 (ISBN 2-7236-1055-1)
  4. (fr) Simone Kalis, Médecine traditionnelle, religion et divination chez les Seereer Siin du Sénégal, L'Harmattan, 1997 (ISBN 2-7384-5196-9)
  5. (en) University of Texas at Austin. African and Afro-American Studies and Research Center, University of Texas at Austin. African and Afro-American Research Institute, African Studies Association. African Literature Committee, Modern Language Association of America. African Literatures Seminar, African Literature Association, Modern Language Association of America. African Literatures Division. "Research in African literatures, Volume 24". African and Afro-American Studies and Research Center, University of Texas [at Austin], 1993, p. 97
  6. (fr) Marcel Mahawa Diouf, Lances mâles : Léopold Sédar Senghor et les traditions sérères, Centre d'études linguistiques et historiques par tradition orale, University of Michigan, 1996, p. 14
  7. En sérère Maat ou Maad, également lamane - les anciens rois sérères et grands propriétaires fonciers, à ne pas confondre avec les lamanes post-Guelwar qui n'étaient que des chefs locaux responsables devant le roi
  8. a b et c (fr) Alioune Sarr, « Histoire du Sine-Saloum » (introduction, bibliographie et notes par Charles Becker), in Bulletin de l'IFAN, tome 46, série B, nos 3-4, 1986-1987 p. 31
  9. (fr) A. Sarr, « Histoire du Sine-Saloum », loc. cit., p. 31-38
  10. a et b (fr) Mahawa Diouf, « L'information historique : l'exemple du Siin », in Éthiopiques, no 54, vol. 7, 2e semestre 1991 [1]
  11. (fr) Niokhobaye Diouf, « Chronique du royaume du Sine, suivie de Notes sur les traditions orales et les sources écrites concernant le royaume du Sine par Charles Becker et Victor Martin (1972)», . (1972). Bulletin de l'IFAN, tome 34, série B, no 4, 1972, p. 722-726
  12. (en) M. A. Klein, Islam and Imperialism in Senegal, op. cit., p 91
  13. Voir aussi l'article Religion sérère
  14. Ne pas confondre avec les lamanes pré-Guelwar Lamanes qui étaient les rois et les propriétaires terriens
  15. (en) Dennis Charles Galvan, The State Must Be Our Master of Fire: How Peasants Craft Culturally Sustainable Development in Senegal, University of California Press, Berkeley, 2004, p. 202-204
  16. (fr) Présentation du CEMETRA sur le site Prometra France (promotion des médecines traditionnelles) [2]
  17. (en) A. Seck, I. Sow et M. Niass, « Senegal », in The biodiversity of traditional leafy vegetables, p. 85-110 « http://www2.bioversityinternational.org/publications/46/pdf/5a_Senegal.pdf »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?)
  18. Prometra International
  19. a et b « The Cosaan Foundation »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?)
  20. Beaucoup de variatiations orthographe en particulier Agaire. Variantes : Ageen, Ougeney, Eugene, etc. Jambooñ est parfois orthographié : Jambon, Jambonge, etc. Voir : Fata Ndiaye in Ethiopiques Le SIIN avant les Gelwaar
  21. École pratique des hautes études (France). 6. section: Sciences économiques et sociales. Cahiers d'études africaines, Volume 46, Issues 181-184. Mouton (2006). p. 922
  22. (en) Simone Schwarz-Bart et André Schwarz-Bart, In Praise of Black Women: 3. Modern African women (trad. de Hommage à la femme noire), The University of Wisconsin Press, Madison, 2003, p. 62 (ISBN 0299172708)
  23. (en) Ebou Momar Taal, Senegambian Ethnic Groups: Common Origins and Cultural Affinities Factors and Forces of National Unity, Peace and Stability, 2010
  24. (en) Donald R. Wright, Oral Traditions from the Gambia: Family elders., Ohio University Center for International Studies, Africa Program, 1979, p. 48-189 (ISBN 0896800849)
  25. a b et c (fr) « Médecine traditionnelle » sur Sénégalaisement.com [3]
  26. (fr) A. Sarr, « Histoire du Sine-Saloum », loc.cit., p. 38
  27. (fr) Louis Diène Faye. Mort et Naissance le monde Sereer. Les Nouvelles Editions Africaines, 1983. (ISBN 2-7236-0868-9). p 59
  28. (fr) Louis Diène Faye. Mort et Naissance le monde Sereer. Les Nouvelles Editions Africaines, 1983. (ISBN 2-7236-0868-9). p 61
  29. a b et c (fr) Louis Diène Faye. Mort et Naissance le monde Sereer. Les Nouvelles Editions Africaines, 1983. (ISBN 2-7236-0868-9). p 60
  30. (fr) Louis Diène Faye. Mort et Naissance le monde Sereer. Les Nouvelles Editions Africaines, 1983. (ISBN 2-7236-0868-9). pp 59-61