Roberto Rossellini

réalisateur de cinéma italien du XXe siècle

Roberto Gastone Zeffiro Rossellini [roˈbɛrto rosseˈliːni][1], né le à Rome où il est mort le , est un réalisateur italien de cinéma et de télévision.

Roberto Rossellini
Description de cette image, également commentée ci-après
Roberto Rossellini en 1951.
Nom de naissance Roberto Gastone Zeffiro Rossellini
Naissance
Rome (Italie)
Nationalité Drapeau de l'Italie Italienne
Décès (à 71 ans)
Rome (Italie)
Profession Réalisateur
Films notables Rome, ville ouverte
Païsa
Allemagne année zéro
Stromboli
Voyage en Italie

Rossellini est l’un des réalisateurs les plus importants du cinéma néoréaliste italien, mouvement qui s'est très largement constitué autour de lui et de ses films Rome, ville ouverte (Roma, città aperta) en 1945, Païsa (Paisà) en 1946, ou Allemagne année zéro (Germania anno zero) en 1948.

Biographie modifier

Issu d’une famille bourgeoise habitant Rome, Roberto Rossellini a vécu dans la demeure paternelle, via Ludovisi, dans une atmosphère artistique, musicale et culturelle.

Le père de Roberto, Angiolo Giuseppe Rossellini, dit Peppino Rossellini, était un architecte connu de la capitale, bénéficiant de la fortune et de l'appui d'un oncle entrepreneur, Roberto Zeffiro Rossellini. Peppino Rossellini a construit le premier cinéma romain (un théâtre dans lequel des films pouvaient être projetés), autorisant Roberto à assister librement à de nombreuses séances. Roberto a donc commencé à fréquenter le cinéma à un très jeune âge. Au décès de son père, il se met à travailler comme preneur de son pour des films, et, pendant un certain temps, exerce accessoirement tous les métiers liés à la création d'un film, gagnant de la compétence dans chaque domaine.

En 1936, il épouse Marcella de Marchis qui exerça, à partir des années 1960, une activité de costumière de cinéma et avec qui il eut deux fils, Marco Romano, né en 1937 (mort à 9 ans[2] d'une appendicite, son père lui a dédié Allemagne année zéro) et Renzo, né en 1941 qui devint assistant réalisateur, puis réalisateur et travailla souvent avec son père.

Les premières réalisations de Rossellini furent des courts-métrages : en 1936, Daphne (Daphné), puis, en 1938, Prélude à l'après-midi d'un faune, qui fut interdit par la censure pour impudicité, et en 1939, Fantasia Sottomarina (Fantaisie aquatique). En 1938, il assiste Goffredo Alessandrini pour le scénario de Luciano Serra, pilote (Luciano Serra pilota) qui obtint la Coupe Mussolini pour le meilleur film italien[3] à la Mostra de Venise et fut l’un des films italiens les plus populaires de la première moitié du XXe siècle. Puis, en 1940, il assiste Francesco De Robertis pour la réalisation de SOS 103 (Uomini sul Fondo). Son amitié étroite avec Vittorio Mussolini, fils du Duce et responsable du cinéma en Italie, a été interprétée comme une raison possible de la déférence que certains réalisateurs avaient pour lui.

Son premier long métrage, Le Navire blanc (La nave bianca) en 1941, est un projet du Centre cinématographique du Ministère de la marine, suivi par Un pilote revient (Un pilota ritorna) (1942) et L'Homme à la croix (L'uomo dalla croce) (1943). Ces trois films forment sa « trilogie fasciste ». Cette période a été marquée par son amitié pour Federico Fellini, qui fut son assistant, et Aldo Fabrizi.

Lorsque le régime fasciste prend fin en 1943, juste deux mois après la libération de Rome, Rossellini travaillait déjà sur Rome, ville ouverte (Roma, città aperta) (avec Fellini qui participa au scénario et Fabrizi qui interprétait le rôle du prêtre). Il produisit lui-même le film (la majeure partie de l'argent est venue de crédits et de prêts). Ce film dramatique, sorti en 1945 a un succès immédiat et obtint l'un des Grand Prix du Festival de Cannes en 1946. En 1946, Rossellini réalise Païsa (Paisà), un film avec des acteurs non professionnels (Giulietta Masina y figure), puis en 1948, Allemagne année zéro (Germania anno zero), parrainé par un producteur français et filmé dans le secteur français de Berlin. À Berlin aussi, Rossellini aurait préféré faire jouer des acteurs non professionnels, mais n’a pu trouver de visage qui pouvait l’« intéresser ». Il plaça son appareil-photo au milieu d'une place dans le centre-ville, comme il l'avait fait pour Paisà, mais fut surpris de ne voir aucun curieux venir l'observer.

Comme il l’a déclaré à des journalistes lors d’une entrevue, « afin de vraiment créer le personnage qu'on a à l'esprit, il est nécessaire pour le scénariste de s'engager dans une bataille avec son acteur qui finit habituellement par la soumission du scénariste au désir de l'acteur. Puisque je n'ai pas le désir de gaspiller mon énergie dans une bataille comme celle-ci, j'emploie des acteurs professionnels seulement de temps en temps ». Une des raisons du succès serait, selon Rossellini, le fait qu’il a réécrit les scénarios suivant les sentiments et les histoires d’acteurs non professionnels. Les accents régionaux, les dialectes et les costumes apparaissaient dans les films comme ils étaient dans la réalité.

Rossellini réalise ensuite L'amore (avec Anna Magnani) et La Machine à tuer les méchants (La macchina ammazzacattivi), sur les possibilités du cinéma à dépeindre la réalité et la vérité (avec des rappels de la commedia dell'arte).

En 1948, Rossellini reçoit une lettre d'une actrice étrangère se proposant de travailler avec lui :

« Cher M. Rossellini,
J'ai vu vos films Rome, ville ouverte et Païsa, et les ai beaucoup appréciés. Si vous avez besoin d'une actrice suédoise qui parle très bien anglais, qui n'a pas oublié son allemand, qui n'est pas très compréhensible en français, et qui en italien ne sait dire que « ti amo », alors je suis prête à venir faire un film avec vous. »

— Ingrid Bergman

Par cette lettre célèbre commence une histoire qui propulse Ingrid Bergman et Rossellini sous les feux de l’actualité. Ils travaillent ensemble l’année suivante, en 1950, dans Stromboli terra di Dio (dans l’île de Stromboli, dont le volcan entre opportunément en éruption pendant le tournage), film suivi d’Europe 51 (Europa’51) sorti en 1952. En 1954, leur collaboration se poursuit avec Voyage en Italie (Viaggio in Italia), La Peur (La Paura) et Jeanne au bûcher (Giovanna d’Arco al rogo).

L'histoire d'amour entre Ingrid Bergman et Rossellini cause un scandale aux États-Unis et en Italie (Bergman et Rossellini sont tous les deux mariés chacun de leur côté) ; le scandale s'amplifie quand ils ont des enfants (un fils et des jumelles, dont Isabella Rossellini, qui connaîtra la célébrité en tant qu'actrice). Cependant, divorcés de leurs anciens conjoints, ils se marient en 1950 à Mexico.

En 1957, Rossellini et Ingrid Bergman se séparent au retour d'un voyage en Inde. Il y a noué une liaison avec la scénariste Sonali Dasgupta. Il épouse cette dernière, et en divorce quelques années plus tard. De son périple en Inde, Rossellini en a tiré en 1959 un film à sketches documentaire Inde, terre mère (India: Matri Buhmi) ainsi qu'une émission de télévision J'ai fait un beau voyage (L'India vista da Rossellini), diffusée en Italie sur la Rai et en France sur RTF Télévision.

En 1961, il réalise Vanina Vanini, une adaptation d'une nouvelle de Stendhal, avec Sandra Milo et Laurent Terzieff.

Après 1961, l'activité de Rossellini se consacre principalement à la réalisation de films ou de séries pour la télévision, de nature culturelle ou éducative, qui, pour certains, sortirent également en salle.

De 1968 à 1974, il dirige le Centro sperimentale di cinematografia.

En 1974, il réalise pour le grand écran L'An un (Anno uno) et en 1975, Le Messie (Il Messia), ce dernier demeurant, de l'aveu même du réalisateur, inachevé, bien qu'il connut une diffusion en salles.

En 1977, il tourne un film sur le Centre national d'art et de culture Georges-Pompidou, son dernier film, et accepte la présidence du jury au Festival de Cannes. Il meurt à Rome, peu de temps après, d'une crise cardiaque.

Filmographie modifier

Réalisateur de cinéma modifier

Longs métrages modifier

Courts métrages modifier

Réalisateur de télévision modifier

  • 1959 : J'ai fait un beau voyage (L'India vista da Rossellini), documentaire
  • 1961 : Turin et le premier centenaire de l'unité italienne (Torino ha cent’anni)
  • 1962 : I Carabinieri
  • 1962 : Benito Mussolini
  • 1964 : L'Âge du fer (L'età del ferro)
  • 1967 : Idée d'une île (Idea di un'isola)
  • 1967 : La Prise de pouvoir par Louis XIV, pour l'ORTF, également exploité en salles
  • 1968 : Les Actes des apôtres (Atti degli apostoli)
  • 1970 : Socrate (série Les Philosophes)
  • 1970 : La Lutte de l'homme pour sa survie (La lotta dell'uomo per la sua sopravvenza)
  • 1971 : La Force et la raison (Intervista a Salvador Allende: la forza e la ragione)
  • 1971 : Rice University
  • 1971 : Blaise Pascal, avec Pierre Arditi (série Les Philosophes)
  • 1972 : Augustin d'Hippone (Agostino d'Ippona ; série Les Philosophes)
  • 1973 : L'Âge de Cosme de Médicis (L'età di Cosimo de Medici)
  • 1974 : Descartes (Cartesius ; série Les Philosophes)
  • 1974 : La Population mondiale (A Question of People), réalisé en fait par Beppe Cino « From filming by Roberto Rossellini »
  • 1974 : Concert pour Michel-Ange (Concerto per Michelangelo)
  • 1977 : Beaubourg, centre d'art et de culture

Scénariste modifier

Publications modifier

  • Un esprit libre - ne doit rien apprendre en esclave, Fayard, Paris, 1977
  • Fragments d'une autobiographie, Ramsay, Paris, 1987
  • Le Cinéma révélé, édité et préfacé par Alain Bergala, Cahiers du cinéma, Paris, 1984 (réédition 2006)
  • Rossellini et Adriano Aprà, La Télévision comme utopie, Cahiers du cinéma, Paris, 2001

Distinctions modifier

Citation modifier

« En napolitain, le mot « travailler » n'existe pas. On dit « faticare ». »

Anecdotes modifier

  • En 1956, Rossellini a eu comme assistant-réalisateur François Truffaut, alors âgé de 24 ans.
  • Un concours international doté d'un prix Roberto Rossellini se déroule annuellement à Maiori (Campanie, 50 km au sud de Naples) ; il est destiné exclusivement à des jeunes étudiants en cinématographie, de nationalité indifférente, ayant fréquenté, pendant une période d'au moins deux ans, une école de cinéma reconnue, un cours de licence universitaire ou de formation professionnelle avec option spectacle.
  • En 1970 il mit en scène Anne Caprile (qui fut son interprète dans Socrate dans le rôle de Xanthippe, puis dans Blaise Pascal dans le rôle de Michèle Martin) et Roger Hanin dans la pièce Les Guss jouée au Théâtre du Vieux-Colombier[4].

Notes et références modifier

  1. Prononciation en italien standard retranscrite selon la norme API.
  2. Alain Bergala, « La Cinémathèque française - cinema italien - intégrale Roberto Rossellini », sur web.archive.org, (consulté le ).
  3. La Coupe Mussolini, d'inspiration fasciste, attribuée de 1934 à 1942, fut remplacée par le Lion d'or de Saint-Marc à partir de 1947.
  4. « Bnf Spectacle Les Guss », consulté le 11 février 2022.

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

  • Mario Verdone, Roberto Rossellini, Éditions Seghers, Paris, 1963
  • René Prédal, Roberto Rossellini, Anthologie du cinéma, L'Avant-Scène, Paris, 1978
  • Michel Serceau, Roberto Rossellini, préface d'Enrico Fulchignoni, Éditions du Cerf, Paris, 1986
  • Sous la direction d'Alain Bergala et Jean Narboni, Roberto Rossellini, Cahiers du cinéma - La Cinémathèque française, Paris, 1990
  • Nathalie Bourgeois, Bernard Bénoliel, Alain Bergala et alia, India, Rossellini et les animaux, Cinémathèque française, Paris , 1997
  • Enrique Seknadje-Askénazi, Roberto Rossellini et la Seconde guerre mondiale, L'Harmattan, Paris, 2000
  • Tag Gallagher, Les Aventures de Roberto Rossellini, traduction française Jean-Pierre Coursodon, Léo Scheer, Paris, 2006 (ISBN 275610017X et 9782756100173)
  • Hélène Frappat, Roberto Rossellini, Cahiers du cinéma - Le Monde, Paris, 2007
  • Paolo Licheri, Rossellini: dal grande al piccolo schermo. Per una Televisione tra divulgazione e spettacolo, Liguori Editore, Napoli, 2016 (ISBN 978-88-207-6412-8 et 978-88-207-6413-5)

Liens externes modifier