Raymond de Saint-Gilles

comte de Toulouse, l'un des chefs de la première croisade
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Raymond IV de Saint-Gilles
Illustration.
Raymond IV comte de Toulouse, par Merry-Joseph Blondel. Salles des croisades, Versailles.
Fonctions
Marquis de Provence
vers 1085
Prédécesseur Bertrand Ier de Provence
Successeur Bertrand de Toulouse
Comte de Toulouse

(11 ans)
Prédécesseur Guillaume IV de Toulouse
Successeur Bertrand de Toulouse
Comte de Tortose (Tripoli)

(3 ans)
Prédécesseur Création
Successeur Guillaume de Cerdagne
Biographie
Dynastie Raimondins
Date de naissance vers 1042
Lieu de naissance Toulouse
Date de décès
Lieu de décès Mont-Pèlerin, près de Tripoli au (Liban)
Père Pons de Toulouse
Mère Almodis de la Marche
Conjoint
Enfants Bertrand
Alphonse Jourdain

Raymond IV (ou VI)[Note 1] de Toulouse, mieux connu sous le nom de Raymond de Saint-Gilles (né vers 1042 à Toulouse[Note 2] et mort en 1105 à Tripoli), est un comte de Saint-Gilles (1060-1105), duc de Narbonne, marquis de Gothie, comte de Rouergue[Note 3] (1065-1105), marquis de Provence (vers 1085-1105), comte de Toulouse (1094-1105) et comte de Tripoli (de 1102 à 1105, sous le nom de Raymond Ier).

Le seigneur occitan modifier

Raymond est le second fils de Pons, comte de Toulouse, et d'Almodis de la Marche. À la mort de son père, son frère aîné Guillaume IV hérite de l’ensemble des biens paternels. Raymond devant se contenter du comté de Saint-Gilles, qui se résume à une moitié de l'évêché de Nîmes, du château de Tarascon, de la terre d'Argence et de la moitié de l'abbaye de Saint-Gilles.

Implanté à proximité de la Provence, il épouse vers 1060 une princesse provençale qui serait soit une fille du comte Bertrand Ier de Provence[1], soit une fille du comte Geoffroi Ier de Provence[2]. À cette époque, le comté de Provence est tenu en indivision par les descendants du marquis Guillaume Ier de Provence et de son frère.

En 1065 sa cousine Berthe, comtesse de Rouergue décède, et Raymond s'empare de ses biens et titres aux dépens du veuf, Robert II d'Auvergne. Seul le comté de Rouergue lui apporte une puissance territoriale, les autres titres de Narbonne et de Gothie étant uniquement des titres apportant une suzeraineté plutôt théorique sur le Languedoc. Son frère étant particulièrement peu ambitieux, il use des titres de duc de Narbonne, marquis de Gothie et comte de Toulouse, ainsi que l’atteste une charte de 1088[3].

Cette même année 1065, Raymond de Saint-Gilles donne l'Abbaye Sainte-Marie-et-Saint-Michel de Goudargues à l'abbaye de Cluny qui la gardera jusqu'en 1095. Car en 1095, il la donne à l'abbaye de la Chaise-Dieu. Les moines de l'abbaye d'Aniane qui en sont les fondateurs et les propriétaires portent l'affaire devant le pape Pascal II, qui confirmera les droits d'Aniane en 1113, mais la Chaise-Dieu revendiquera à son tour en 1119 : peine perdue, puisque le nouveau souverain pontife Calixte II maintiendra la décision de son prédécesseur[4].

En 1074, il refuse de répondre à l’appel du pape Grégoire VII pour lutter contre les Normands du sud de l'Italie, et le pape, se souvenant du mariage consanguin de Raymond, l’excommunie à deux reprises, en 1076 et en 1078. Ces excommunications sont levées en 1080, à la mort de la première épouse de Raymond[5].

À cette période, il prend le parti de l'archevêque d'Arles Aicard contre le comte de Provence et le pape. Il devient comte indivis de Provence vers 1085, à la mort de son oncle Bertrand, et prend le titre de marquis de Provence en 1093, à la mort de son cousin le marquis Bertrand II de Provence.

En 1087 il se rend en Espagne et participe à la Reconquista contre les musulmans. Son frère Guillaume meurt en 1094 au cours d'un pèlerinage à Jérusalem, et, conformément au testament de son père, il hérite de ses biens, comtés de Toulouse, d'Albi, de l'Agenais et du Quercy. Il épouse peu après Elvire de Castille, qui lui apporte en dot une fortune importante.

Avec toutes ses acquisitions, la création du grand comté de Toulouse est bâtie sur quatre principes : relations cordiales avec l'Église, héritage, mariage et en dernier recours appel à la force[6].

Le croisé modifier

Prise de Jérusalem modifier

 
Antoine Rivalz, Raymond de Saint Gilles prenant la croix, 1706 (Toulouse, musée des Augustins).
 
Raymond de Saint-Gilles, Adhémar de Monteil et les Provençaux.
 
Route de Raymond de Saint-Gilles.

En , le pape Urbain II profite du concile de Clermont pour lancer un appel à toute la noblesse d’Occident, afin de combattre les musulmans, qui menacent Byzance, et de reconquérir les Lieux saints. Raymond de Saint-Gilles est l’un des premiers princes à y répondre. Les raisons qui incitent ce seigneur à abandonner la principauté qu’il a mis tant de temps et d’énergie à constituer pour partir à l’aventure en Terre sainte ne sont pas vraiment connues. La foi l’a évidemment motivé, mais Raymond est trop fin politique pour que l’on puisse admettre cette seule motivation.

Sage administrateur, il se prépare à la croisade en réunissant une importante fortune, sans aliéner ses possessions. Une bonne partie de cette fortune vient de la dot d’Elvire de Castille, qui l’accompagne en Terre sainte. Pour l’augmenter, il ordonne la dévaluation du denier de Toulouse, et met en gage quelques terres annexes. Ainsi, une partie du Rouergue est donnée aux vicomtes de Rodez. Cette fortune, qu’il reconstitue au fur et à mesure des pillages, lui permet de payer son armée, et même de financer les autres chefs, quand ceux-ci se retrouvent à court d’argent. Il est ainsi le plus riche des croisés, ce qui lui permet, mais sans succès de proposer en janvier 1099 aux autres princes croisés de les prendre à sa solde pour commander la croisade[7] : 10 000 sous d'or à Godefroy de Bouillon et Robert de Normandie, 6 000 à Robert de Flandre, 5 000 à Tancrède de Hauteville

Il commande l'une des quatre armées de la première croisade, celle des Provençaux (regroupant les chevaliers auvergnats et du sud de la France), qui gagne Constantinople par voie terrestre. Selon une hypothèse qui ne fait pas l’unanimité parmi les historiens, le pape l’aurait nommé chef militaire de la croisade, à côté du légat Adhémar de Monteil, chef spirituel et théoriquement politique. Mais il se comporte toujours en égal des autres chefs[Note 4] et non comme leur supérieur.

Arrivé à Constantinople, Raymond est le seul à refuser le serment d’allégeance qu’exige l’empereur Alexis Comnène, se contentant de promettre de protéger l’empereur et de ne pas lutter contre ses intérêts. Durant la bataille de Dorylée en 1097, il perce le front turc et permet la victoire des croisés. Après la prise d’Antioche, il s’oppose à ce que Bohémond de Tarente en devienne le prince, puis voyant que les autres chefs de la croisade s’attardent dans la ville, organise une mise en scène pour relancer l’armée croisée vers Jérusalem : il se joint aux pèlerins non combattants, pieds nus et portant une robe de pèlerins, et part avec eux devant les soldats croisés. Ceux-ci se décident alors à marcher vers Jérusalem, entraînant derrière eux les chefs croisés. Prudent, Raymond longe la côte, tout en organisant des expéditions de razzias pour ravitailler les troupes.

Jérusalem est prise en , et les barons se réunissent pour choisir le seigneur qui en aura la garde et élisent Godefroy de Bouillon au détriment de Raymond IV. Il participe à la bataille d'Ascalon (12 août 1099), puis aide les Byzantins à défendre Lattaquié contre Bohémond de Tarente. Il se rend à Constantinople en . En , il prend la tête d'une croisade de secours composée de Lombards, mais ne réussit pas à les convaincre de suivre la côte. Les Lombards prennent Ankara, mais se font massacrer le par les Turcs. Avec quelques chevaliers, Saint-Gilles parvient à s'échapper vers la mer Noire et à rejoindre Constantinople.

Conquête de Tortose modifier

 
Citadelle de Raymond IV de Toulouse à Mont-Pèlerin (Liban).

Il se consacre ensuite à se tailler un fief en Orient, et décide de conquérir l'émirat de Tripoli. Il commence par deux points forts, Tortose, qu'il prend le [8] et Gibelet qu'il prend [8]. En , il fait construire une forteresse au Mont-Pèlerin, ou Elvire accouche d’un fils, prénommé Alphonse en l’honneur de son grand-père maternel, et surnommé Jourdain car baptisé dans le fleuve de même nom.

Tout en maintenant le siège sur Tripoli, Raymond aide le roi Baudouin Ier de Jérusalem à prendre Saint-Jean-d'Acre (1104). Il reprend ensuite le siège de Tripoli, mais il est gravement blessé d'une flèche au début du mois de [9]. Retiré au Mont-Pèlerin, il fait rédiger son testament, que signe Bertrand des Porcellets, gentilhomme provençal. Il lègue le comté de Tripoli à son fils aîné Bertrand, plus en âge de le défendre, et ses possessions françaises à son cadet Alphonse-Jourdain, trop jeune pour ce territoire insoumis ; il estime que dans le comté de Toulouse, le jeune héritier aura l'appui des conseillers de son père[10].

 
Intérieur de la citadelle.

Il meurt dans son château de Mont-Pèlerin à Tripoli au Liban peut-être des suites de sa blessure, le [11].

Mariages et enfants modifier

Il épouse en premières noces vers 1066 la fille d'un comte de Provence, qui peut être soit Bertrand Ier de Provence[1], soit Geoffroi Ier de Provence[2]. De ce mariage est né :

  • Bertrand (c.1065 † 1112), comte de Toulouse, d'Albi, d'Agen, de Rouergue et du Quercy, marquis de Gothie, duc de Narbonne et comte de Tripoli.

Probablement veuf, il se remarie avec Mathilde de Hauteville († av. 1094) fille de Roger Ier, comte de Sicile, et de Judith d'Évreux.

Il se marie ensuite pour la troisième fois en 1094 avec Elvire de Castille, fille d'Alphonse VI, roi de Castille et de Léon, et de sa maîtresse Jimena Munoz. Elle donna naissance à :

Ascendance modifier

Monnayage de Saint-Gilles modifier

Raymond de Saint-Gilles a créé le monnayage de Saint-Gilles, la moneta egidiensis, dont la plus ancienne mention se trouve dans une charte datée du (12 des calendes de ). En 1095, Bertrand de Toulouse ne reçoit pas de son père le comté de Saint-Gilles. Alphonse Jourdain naît en Palestine en 1103 et reçoit probablement le comté de Saint-Gilles, mais à la mort de son père, en 1105, il ne peut pas s'opposer à son frère qui saisit le comté. Bertrand se rend un peu plus tard en Terre sainte pour prendre possession du comté de Tripoli. À sa mort, Alphonse Jourdain devient comte de Toulouse entre 1112 et 1148. Alphonse Jourdain va émettre des pièces de monnaie à Saint-Gilles comme on le voit avec la marque ANFOS COMES. La moneta egidensis est mentionnée dans des textes datées de 1105, 1109, 1110, 1138 et 1141. La dernière mention de cette monnaie est datée de 1144. Le denier melgorien[12] redevient la monnaie courante du Sud de la France[13]. Une des faces de cette monnaie représente un quadrupède que certains ont pris pour l'agneau pascal mais qu'Henri Durand considère être la biche qui a nourri l'ermite Ægidius dans le désert.

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. Selon la généalogie traditionnelle des comtes de Toulouse faite par les Bénédictins dans l’Histoire générale de Languedoc, il serait Raymond IV, mais des études critiques ont établi que deux comtes du prénom de Raymond avaient été omis. Il serait donc Raymond VI  : voir Christian Settipani, La Noblesse du Midi Carolingien, Oxford, Linacre College, Unit for Prosopographical Research, coll. « Occasional Publications / 5 », , 388 p. (ISBN 1-900934-04-3), p. 28-35.
  2. [1]
  3. Duc de Narbonne est un titre honorifique, la ville étant gouverné par un vicomte qui n’entendait pas céder sa place. De même pour le titre de marquis de Gothie, comprenant les vicomtés d’Agde, de Béziers et d’Uzès, tenus par des vicomtes jaloux de leur pouvoir. Seul le comté de Rouergue lui appartient réellement.
  4. Godefroy de Bouillon, Robert Courteheuse, Bohémond de Tarente et Hugues de Vermandois.

Références modifier

  1. a et b Jean-Luc Déjean, Les comtes de Toulouse (1050-1250), Fayard, (réimpr. 1988) [détail des éditions] (ISBN 2-213-02188-0), p. 29.
  2. a et b Foundation for Medieval Genealogy.
  3. Déjean 1979, p. 26.
  4. Lieux sacrés du Gard.
  5. Déjean 1979, p. 31-32.
  6. Déjean 1979, p. 28.
  7. Élisabeth Crouzet-Pavan, Le Mystère des rois de Jérusalem (1099-1187), Albin Michel, 2013, p. 111.
  8. a et b René Grousset, L'Empire du Levant : Histoire de la Question d'Orient, Paris, Payot, coll. « Bibliothèque historique », (réimpr. 1979), 648 p. (ISBN 978-2-228-12530-7).
  9. Déjean 1979, p. 78.
  10. Dominique Baudis, Raimond d'Orient, Paris, Lgf, , 256 p. (ISBN 2-253-15124-6).
  11. Patrice Cabau, « Deux chroniques composées à Toulouse dans la seconde moitié du XIIIe siècle », Mémoires de la Société archéologique du Midi de la France, t. 56, 1996, p. 85, no 11-12. [lire en ligne].
  12. Numismatique en ligne : le denier de Melgueil.
  13. Henri Rolland, « La monnaie de Saint-Gilles », p. 32-36, dans Provence historique, tome 5, fascicule 19, 1955 (lire en ligne).

Annexes modifier

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Bibliographie modifier

Liens externes modifier