Révolution bolivarienne

Révolution bolivarienne
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Membres des Forces armées vénézuéliennes portant des drapeaux avec le regard d'Hugo Chávez et le message «Chávez vive, la lucha sigue» (« Chávez vit toujours, la lutte continue ») en 2014.
Autre nom Revolución bolivariana
Date
Lieu Venezuela
Résultat Fin du pacte de Punto Fijo
Mise en place de la Constitution de la république bolivarienne du Venezuela

La révolution bolivarienne est le nom donné par ses partisans au mouvement de réformes et de redistribution de la rente pétrolière initié par Hugo Chávez au Venezuela après son arrivée au pouvoir.

Le nom fait référence à Simón Bolívar, et reprend certains de ses idéaux.

Selon Hugo Chavez, la révolution bolivarienne est un mouvement de masse pour mettre en place une « démocratie populaire participative », une indépendance économique du Venezuela, une distribution équitable des revenus et en finir avec la corruption du pays.

Légitimation du pouvoir modifier

En 1996, quatre ans après être sorti de prison, Hugo Chávez se rend compte qu’il doit changer de stratégie politique afin d’accomplir la réforme qu’il espère pour le Venezuela. À ce moment s’enclenche une série de stratégies communicationnelles afin d’embellir l’image de la révolution.

Pour commencer, Chavez comprend que s’il désire légitimer son idéologie, il doit d’abord battre ses adversaires politiques lors des prochaines élections. Il se tourne donc vers la classe ouvrière et les moins nantis, auprès de qui il dénonce vivement l’impérialisme des États-Unis, la corruption, la confiscation du pouvoir par les élites vénézuéliennes et blâme l’ancienne classe politique d’avoir fait sombrer 80 % de la population dans la pauvreté[1]. Bien vite, grâce à ses discours populistes, il réussit à se tailler une place de choix dans la sphère politique et renforce la dynamique qui le place comme l’image du changement politique et ses adversaires comme les défenseurs de l’ancien régime[2]. Cette stratégie s’avère fructueuse puisqu’il remporte les élections de 1998 avec 56 % des votes, appuyé principalement par la tranche plus pauvre de la population[3].

Dans cette même lancée de légitimation de son pouvoir, plusieurs réformes seront soumises à des consultations populaires. Ce sera notamment le cas de la loi sur la constituante ou du vote sur la constitution. Chaque fois, il sera possible de noter une importante participation de la population vénézuélienne[1].

Contrôle des médias modifier

Une fois au pouvoir, l’aspect central de la diffusion de l’idéologie bolivarienne fut le contrôle des médias. Rapidement, Chavez s’assure d’avoir la mainmise sur l’information circulant dans le pays et contrôle 64 % des chaînes télévisuelles[2]. Il va même jusqu’à créer sa propre émission « Alo Presidente » dans laquelle il s’adresse au peuple chaque dimanche. Dans celle-ci, il annonce diverses politiques, chante des chansons populaires et parle du rêve bolivarien. On le retrouve aussi fréquemment à la radio et dans les journaux. Le président Chavez, selon l’opposition à son régime, use même d’interprétations douteuses de lois en matière de télécommunication afin de faire taire ou même fermer les médias qui s’opposeraient à ses réformes[2]. Il est notamment possible de penser au mandat d’arrêt émis contre Guillermo Zuloaga, propriétaire de la chaîne Globovision.

Les médias vénézuéliens restent cependant très majoritairement privés et hostiles au gouvernement d'Hugo Chávez. La plupart ont encouragé le coup d’État d'avril 2002 en diffusant délibérément une fausse information selon laquelle des militants socialistes avaient ouvert le feu sur une foule d'opposants. En direct sur la chaine de télévision Venevisión, le vice-amiral Victor Ramírez Pérez, acteur du putsch, a déclaré au cours de ces événements : « On a eu une arme capitale : les médias. Et, puisque l’occasion se présente, je tiens à vous en féliciter »[4].

En , Chávez adopte le décret d’application de la loi de responsabilité sociale de la radio et de la télévision. Le texte impose des quotas minimums de programmes nationaux et place le Venezuela en conformité avec la convention américaine relative aux droits de l'homme en encadrant la programmation d’images à caractère sexuel ou violent (interdites entre 7 et 23 heures) et proscrit la publicité pour l’alcool et le tabac. Enfin, il prohibe les messages qui « promeuvent la haine et l’intolérance religieuses, politiques, de genre, racistes ou xénophobes », ceux qui « suscitent l’angoisse au sein de la population » ainsi que les informations « fausses »[4].

Une étude réalisée en 2010 par le Centre for Economic Policy Research (CEPR) sur l’audience des chaînes de télévision vénézuéliennes indique que la part des chaînes publiques est de 5,4 %, celle des chaînes privées de 61,42 % et celle de la télévision à péage de 33,14 %[5].

Propagation du Bolivarisme modifier

Un peu comme Simón Bolívar, Chavez espère que son rêve bolivarien s’étendra sur l’ensemble de l’Amérique Latine. Pour ce faire, comme les États-Unis l’avaient fait au Chili en 1973, il finança divers politiciens partageant une vision qui concorde à la sienne. Ce sera notamment le cas d’Evo Morales en Bolivie ou encore de Daniel Ortega au Nicaragua. En 2005, avec l’aide de Fidel Castro, il créa l’Alliance bolivarienne pour les Amériques. Ce regroupement aura pour mission de réunir en un seul bloc les idéaux politiques, culturels et sociaux de l’Amérique Latine et des Caraïbes. À ce jour, cette union regroupe 14 pays dont le Nicaragua et la Bolivie. De plus, il fonde et finance différentes organisations supportant sa révolution, afin de favoriser l’étalement de son idéologie. Elles se retrouveront notamment en Argentine, en Bolivie, au Brésil et en Équateur. La création de diverses alliances sur les échanges pétroliers favorisera également la diffusion de son idéologie en Amérique Latine. En effet, comme les autres pays bénéficient de cette alliance pétrolière, ils deviendront beaucoup plus enclins à ne pas s’opposer au mouvement bolivarien et au contraire vont même y adhérer[2].

Le bolivarisme trouvera même écho de l’autre côté de l’Océan Atlantique, notamment en Espagne avec le parti de gauche Podemos, dont plusieurs haut placés auraient passé de longues périodes au sein de diverses nations bolivariennes[2]. De plus, en 2013, le parti de gauche est pris dans un important scandale médiatique. En effet, l’ALBA est accusée d’avoir versé pas moins de 425 000 euros au parti espagnol[6].

Analyse communicationnelle du discours chaviste modifier

Chavez utilise des références historiques pour légitimer sa place de président. Il invoque les acteurs de l’Indépendance du Venezuela, et particulièrement Simón Bolívar. Il cherche ainsi à rassembler le peuple autour d’une histoire et de valeurs communes [7].

Lors de ses discours, Chavez diffuse et relate les paroles de Bolivar. Il prononce un discours rapporté : il évoque les dires de Bolivar à travers un discours indirect, mais aussi un discours direct, grâce à l’emploi du verbe « dire » à la troisième personne du singulier (« decia », et « dijo » [7]). Selon le modèle de Shannon et Weaver, Chavez peut être vu comme un canal de diffusion entre Bolivar (émetteur) et le peuple (récepteur). De cette manière, le projet chaviste est assimilé à un passé glorieux, représenté par la figure de Bolivar.

Bien que le bolivarisme soit au centre de l’idéologie d’Hugo Chavez, celui-ci n’utilise que rarement ce mot. Il y a une volonté de non-idéologisation des idées de Bolivar pour garantir à Chavez la place d’acteur principal dans cette révolution[7]. Ce dernier préfère appliquer abondamment les adjectifs qualificatifs « bolivarien » et « bolivarienne » aux composantes de son régime (ex : le peuple bolivarien, la démocratie bolivarienne[7]). Il colore ses actions d’une teinte bolivarienne, tout en prenant garde à ne pas les dissimuler derrière le « bolivarisme ».

Chavez souhaite ainsi assimiler son projet aux valeurs bolivariennes, mais pas dans la totalité. L’analyse du discours permet d’observer clairement que les références à Bolivar et ses dérivés ne sont pas égales selon les domaines.

Alors que les références sont largement appliquées au niveau social dans le domaine de l’éducation par exemple, elles sont quasi inexistantes en ce qui concerne l’économie. Quand Chavez évoque la thématique économique, elle n’est clairement pas associée au champ lexical bolivarien. En revanche, le rêve bolivarien d’une Amérique supranationale est repris dans une alternative initiée par Chavez : l’ALBA [7].

Dans le discours chaviste entre 1999 et 2006, les invocations du personnage de Bolivar ne sont pas faites de manière régulière. Elles ont varié dans le temps, selon le contexte socio-politique du Venezuela. Hugo Chavez a su orienter son discours en fonction de ses objectifs (rassurer, séduire, convaincre, rassembler) . On note une surutilisation durant l‘année de sa prise de pouvoir en 1999, une diminution significative des évocations entre 2000 et 2002, et une fréquence en nette augmentation de 2003 à 2006. En 2002 a eu lieu une tentative de coup d’État contre Chavez (cet évènement par exemple peut expliquer une intensification du discours chaviste[7]).

Bibliographie modifier

  • Hugo Chávez Frias et Luis Bilbao (trad. de l'espagnol), Chavez et la révolution bolivarienne : entretiens avec Luis Bilbao, Pantin, le Temps des cerises, , 203 p. (ISBN 2-84109-501-0).
  • Olivier Compagnon (dir.), Julien Rebotier (dir.) et Sandrine Revet (dir.) (postface Yves Sintomer), Le Venezuela au-delà du mythe : Chávez, la démocratie, le changement social, Ivry-sur-Seine, éd. de l'Atelier, , 238 p. (ISBN 978-2-7082-4054-4, lire en ligne).
  • Alain Couturier, Venezuela : an I de la révolution : journal d'un bourgeois de Caracas sous la révolution, Paris, Publibook, , 259 p. (ISBN 978-2-7483-4424-0, lire en ligne).
  • Jean-Marc Fournier, L'Autre Venezuela de Hugo Chavez : boom pétrolier et révolution bolivarienne à Maracaibo, Paris, éd. Karthala, coll. « Hommes et sociétés », , 289 p. (ISBN 978-2-8111-0310-1, lire en ligne).
  • Patrick Guillaudat et Pierre Mouterde, Hugo Chávez et la révolution bolivarienne : promesses et défis d'un processus de changement social, Ville Mont-Royal, M éditeur, coll. « Mouvements », , 280 p. (ISBN 978-2-923986-53-1, 2-923986-53-9 et 2-923986-53-9).
  • Rafael Uzcátegui (trad. de l'espagnol par Jean-Michel Kay, postface Octavio Alberola), Venezuela, révolution ou spectacle ? : une critique anarchiste du gouvernement bolivarien, Paris, Spartacus, coll. « Spartacus / Série B » (no 181), , 271 p. (ISBN 978-2-902963-63-8).

Voir aussi modifier

Références modifier

  1. a et b Sebastien Ville, « La révolution bolivarienne du Venezuela », Actuel Marx,‎ , p. 74 (lire en ligne)
  2. a b c d et e (en) Carlos De la Torre, « Hugo Chavez and the diffusion of Bolivarianism », Democratization,‎ , p. 1273 (lire en ligne)
  3. (en) Gregory Wilpert, Changing Venezuela by Taking Power : The History and Policies of the Chávez Government, Londres et New-York, , p. 312
  4. a et b Renaud Lambert, « En Amérique latine, des gouvernements affrontent les patrons de presse », sur Le Monde diplomatique,
  5. « Médias et Venezuela : qui étouffe qui ? », sur Le Monde diplomatique,
  6. « Podemos dénonce une chasse aux sorcières » Le Figaro, 20 février 2015
  7. a b c d e et f Serge Sousa, « Bolivar et le bolivarisme dans le discours d’Hugo Chavez (1996-2006) », América,‎ , p. 108-113 (lire en ligne)