Réfectoire

salle à manger dans une communauté, comme un monastère

Le réfectoire (un nom masculin venant du latin ecclésiastique refectio ayant lui-même une base latine, refectorius signifiant « qui restaure ») est une salle où les membres d'une même communauté religieuse prennent leur repas ensemble. Le terme est également utilisé pour les lieux de restauration des collectivités, qu'ils soient permanents (casernes, internats, prisons, hospices, etc.) ou temporaire (établissements d'éducation et d'enseignement). C'est vers le milieu du XIXe siècle que la cantine acquiert cette signification de réfectoire où sont proposés des services de restauration pour des collectivités civiles.

Réfectoire du Couvent de l'ordre du Christ, à Tomar, au Portugal.
Dans les réfectoires des abbayes bénédictines (ici celle du Mont-Saint-Michel), la chaire est placée au milieu du long côté afin de favoriser l'acoustique[note 1].
Façade sud du réfectoire de l'abbaye de Beauport. On peut observer les niches sous les arcades qui recevaient sans doute le couvert des chanoines, et la chaire du lecteur[note 2].

Le réfectoire dans une abbaye modifier

   
Dans le mur du fond du réfectoire de l'abbaye de La Celle, est percé une fenestra, terme médiéval désignant un passe-plat[note 3].

Cette salle à manger fait partie des bâtiments conventuels et entoure le cloître sur un de ses côtés tout comme la salle capitulaire. Elle est généralement spacieuse afin de pouvoir accueillir toute la communauté en même temps, ses dimensions variant en fonction selon l'importance numérique de cette communauté[note 4]. Le repas respecte un rituel qui s'apparente à l'office religieux[3].

Une galerie s'ouvre sur le lavatorium où les moines procèdent à des ablutions rituelles et qui sert, de façon tout aussi ordinaire, à se laver les mains avant d'entrer en chantant dans le réfectoire établi de plain-pied avec le cloître à proximité du lavatorium. Le refectorarius ou réfectorier est le moine responsable du réfectoire mais aussi du lavatorium. Il a la charge de remplacer deux fois par semaine les essuie-mains qui y sont suspendus, de mettre du sable et une pierre à aiguiser (pendue à une colonne du cloître) à la disposition des moines voulant nettoyer et aiguiser leur couteau. Pendant le repas, il circule entre les tables pour vérifier que les rations sont suffisantes et que les religieux ne manquent de rien[4].

Les longues tables sont alignées le long des murs et les moines se placent côte-à-côte de manière à n'avoir aucun vis-à-vis entre eux et à être tous tournés vers l'intérieur de la salle. « Les tables sont dépourvues de nappes et la serviette doit être dépliée sous la tasse et l'écuelle pour protéger la table et récupérer les miettes. Cette absence de nappe est l'expression de la pauvreté ; elle est exigée dans la plupart des ordres[5] ».

L'abbé préside le repas sur une table particulière qu'il partage avec les dignitaires de l'établissement. Lorsqu'il mange à part avec les hôtes de l'abbaye, il est remplacé par le prieur, à coté duquel sont placés le sous-prieur et les frères par rang de préséance. Le frères chantent au début de repas le bénédicité et à la fin du repas récitent les grâces. Les religieux prennent un ou deux repas par jour en plus des collations, et se servent mutuellement.

La cuisine, généralement accolée au réfectoire, communique avec lui par une porte et, pour faciliter le service, un passe-plat ou un petit couloir coudé qui réduit les fumées, les odeurs et les bruits[note 5].

Chaque religieux peut déposer son écuelle, ses couverts et sa serviette dans un meuble constitué de petits casiers ou dans des niches creusées dans un mur du réfectoire. La place des religieux étant fixe, le risque est grand de renoncer à l'observance, certains moines [7]. Des placards aménagés dans la boiserie permettent de ranger la vaisselle et le linge de table. Comme pour de nombreux monastères, les périodes de relâchement succèdent à celles de discipline monastique : les procès-verbaux provinciaux et les chartes de visites des monastères se désolent de la propension des moines à l'ivrognerie, à aller manger à l'extérieur, à installer des tiroirs sous les tables pour y ranger leur nécessaire, à équiper leurs cellules de moulins, réchauds et cafetières[8]. Pendant toute la durée du repas, le silence est obligatoire sauf s'il s'agit d'un jour de fête ou lorsque le Supérieur peut lever l'interdiction. Cette obligation a incité les moines à mettre au point un code gestuel dès le Xe siècle, langue des signes qui leur permet de communiquer entre eux[note 6]. À rebours du silence requis, le réfectoire est un lieu de convivialité (bavardages intempestifs, murmures médisants, ragots et rires), d'où le recours à un lecteur (moine désigné à tour de rôle dans le semainier) qui psalmodie recto tono des textes pieux et édifiants dans une chaire[note 7], encourageant ainsi le silence et la méditation[9].

Dans un but de dévotion, le mur du fond des réfectoires des cloîtres importants (comme celui du couvent San Marco à Florence) est souvent décoré d'une fresque représentant l'Ultima Cena, le dernier repas biblique du jeudi saint de Jésus avec ses apôtres.

Galerie modifier

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. Les tables sont disposées en U. Une table séparée au centre accueille les hôtes de marque et les moines bavards ou sanctionnés pour une faute grave (chez les ordres où la discipline est plus stricte, ils doivent manger assis par terre ou s'allonger à plat ventre en guise d'humiliation)[1]
  2. Les éléments de cette chaire actuellement visibles sont le résultat de remaniements du XIXe siècle.
  3. Des banquettes maçonnées s’appuient sur trois côtés. Celle surélevée dans la partie orientale marque les places réservées à la prieure et aux sœurs par rang de préséance.
  4. « On constate, particulièrement à partir des reconstructions du XIIIe siècle, que les moines ont tendance à « faire trop grand », prévoyant toujours un accroissement de la communauté qui ne fut pas souvent au rendez-vous. Cela a perduré, puisque des constructions monastiques du XIXe siècle prévues pour deux cents moines n'en ont jamais abrité plus d'une centaine et maintenant, parfois seulement une douzaine. Il est donc plus qu'aléatoire d'évaluer le nombre des membres d'une communauté par la surface des bâtiments, d'autant plus que les abbayes médiévales étaient loin de n'abriter que des moines de chœur : on y rencontrait, outre les convers, des familiers, des donnés[2]… »
  5. La cuisine peut être un bâtiments isolé afin de limiter la propagation des incendies. Mais le plus souvent, elle est contiguë au réfectoire, notamment en raison de la limitation de l'espace[6]
  6. Gérard de Cambrai se plaint d'ailleurs de la multiplication de ces signes gestuels chez des moines qui se métamorphosent en « pipelettes gesticulantes ». Cf Aude de Saint-Loup, Yves Delaporte, Marc Renard, Geste des moines, regard des sourds, Siloë, , p. 206.
  7. Cette chaire fait corps avec la maçonnerie ou, lorsque l'épaisseur du mur est insuffisant, elle peut être construite entièrement en bois. Le lecteur y accède par un ou deux escaliers latéraux circulant dans l'épaisseur du mur. Elle comprend un placard où ranger le chandelier et les livres, et un pupitre, généralement en encorbellement, pour poser le volume ouvert pendant la lecture.
  8. La chute des dons, la perte des patrimoines monastiques et la suppression des dots ne permettent plus aux communautés monastiques de vivre puisqu'ils ne dépassent pas 10 % de leus revenus. Ces pertes engendrent une nécessité pour les moines de s'intégrer dans une logique de marché en proposant notamment des services dans le secteur de la restauration et de l'hôtellerie aux particuliers et aux entreprises attendant plus que les offres standardisées des grands opérateurs[10]
  9. Cette salle voûtée sur ogives est construite à la fin du XIIe siècle. Ses ajouts décoratifs (cheminée de style Renaissance, grilles en fer forgé au motif de pampres) qui datent du XXe siècle sont l'œuvre de Gustave et Madeleine Fayet

Références modifier

  1. Marc Déceneux, Mont-Saint-Michel. Histoire d'un mythe, Editions Ouest-France, , p. 167
  2. Daniel-Odon Hurel, Les Bénédictins, Robert Laffont, , p. 455
  3. Claude Wenzler, Hervé Champollion, Abbayes et monastères de la France médiévale, EDL, , p. 83
  4. (en) Francis Aidan Gasquet, English Monastic Life, Benziger, , p. 78-79.
  5. Fabienne Henryot, À la table des moines. Ascèse et gourmandise de la Renaissance à la Révolution, La Librairie Vuibert, , p. 162
  6. Claude Wenzler, Hervé Champollion, Abbayes et monastères de la France médiévale, EDL, , p. 84
  7. Association des Amis de Beauport, Abbaye de Beauport, huit siècles d'histoire en Goëlo, Dominique Éditions, , p. 198
  8. Fabienne Henryot, À la table des moines. Ascèse et gourmandise de la Renaissance à la Révolution, La Librairie Vuibert, , p. 128-142
  9. Fabienne Henryot, À la table des moines. Ascèse et gourmandise de la Renaissance à la Révolution, La Librairie Vuibert, , p. 173
  10. Isabelle Jonveaux, Le monastère au travail : le royaume de Dieu au défi de l'économie, Bayard, , p. 7.

Voir aussi modifier

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie modifier

  • Pascale Brudy, « Fonctions alimentaire et spirituelle du réfectoire monastique. Quelques réflexions sur deux images sculptées de la porte du réfectoire de l’abbaye bénédictine de Saint-Aubin à Angers (XIIe siècle) », dans Benoît Clavel (éd.), Production alimentaire et lieux de consommation dans les établissements religieux au Moyen Âge et à l’époque moderne, Amiens, CAHMER, 2006, pp. 9-22

Articles connexes modifier