Référendum contre l'augmentation du financement de Frontex par la Confédération suisse

référendum facultatif tenu en Suisse en 2022


Le référendum contre l'augmentation du financement de Frontex par la Confédération suisse a lieu le . Il vise à permettre à la population suisse de se prononcer sur l'arrêté fédéral du validant la reprise du règlement de l'Union européenne sur le sujet.

Objet modifier

L'arrêté soumis au référendum prévoit une augmentation du financement de la Suisse à l'agence européenne Frontex de 24 millions de francs suisses par année en 2021 à 61 millions d'ici à 2027[1] et le passage d'une moyenne de 6 postes à plein temps mis à disposition par la Suisse à 40[2].

Historique modifier

La Suisse finance et participe aux missions de l'agence Frontex depuis 2011. Le parlement européen a validé un nouveau règlement sur les gardes-frontières et garde-côtes le 13 novembre 2019[3]. Le Conseil fédéral suisse a transmis un message[4] au parlement suisse, le 26 août 2020, lui proposant l'approbation de ce règlement. Lors de la session d'automne 2021, le parlement adopte un arrêté fédéral portant approbation dudit règlement[5]. Le 27 octobre 2021, des organisations annoncent le lancement d'un référendum contre cet arrêté[6]. Le 12 janvier 2022, le Conseil fédéral précise que le référendum fera partie des objets de votation du 15 mai 2022 si la récolte de signature aboutit[7]. Le 20 janvier 2022 le comité référendaire dépose 62 000 signatures à la Chancellerie fédérale[8].

Campagne modifier

Avant la validation définitive par la Chancellerie fédérale du nombre de signatures requis pour la tenue du référendum, la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter annonce la tenue probable du référendum lors d'une réunion informelle des ministres européens chargés de la justice et des affaires intérieures[9] les 3 et 4 février 2022 à Lille[10].

Le 25 février, les personnes s'opposant à l'augmentation du financement de Frontex tiennent une conférence de presse[11]. Les recommandations du Conseil fédéral et du parlement sont présentées en conférence de presse le 2 mars[12].

Le 26 mars, en congrès à Echarlens (FR), les jeunes UDC décident de recommander le rejet de la loi sur Frontex[13]. Le 9 avril, l'UDC rejette le référendum et approuve l'augmentation financière prévue par l'arrêté[14].

Le 1er avril, un sondage commandé par la SRG SSR à l'entreprise gfs.bern[15] donne l'arrêté tel que voté par le parlement accepté par 63 % des votants.

Le vendredi 22 avril des personnes s'opposant à l'arrêté ont bloqué pendant une heure le siège de l'Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières (OFDF) à Berne avec une banderole indiquant «Frontex tue et l’OFDF s’en rend complice.». Le lendemain, une manifestation de plus d'un millier de personnes ont défilé pour le rejet de l'arrêté dans cette même ville[16].

Le jeudi 28 avril, le directeur de l'agence Frontex Fabrice Leggeri démissionne [17]. Sans lien avec la votation, l'incidence de cet événement sur cette dernière est diversement interprétée. Les partisans de l'arrêté y voient une démonstration de la capacité de réforme de l'institution alors que pour les personnes qui y sont opposées, il s'agirait d'une reconnaissance des dysfonctionnements dénoncés[18].

Le mardi 3 mai, les conseillers fédéraux Karin Keller-Sutter et Ueli Maurer reconnaissent dans une interview donnée à la presse l'existence de refoulements illégaux (pushback) de la part des employés de Frontex mais les décrivent comme isolés[19]. Le lendemain, un ex-agent suisse de Frontex témoigne lui aussi dans la presse des dysfonctionnements de l'agence. Il en relève au moins trois : la diversité des interprétations des normes par les agents sur le terrain selon leur formation nationale reçue (qui va de longues ou presque inexistantes), la corruption des agents qui reflète aussi les diversités des rémunérations dans les contextes nationaux, et enfin la difficulté de la communication entre les agents, les instances nationales et l'agence qui s'illustre par le manque de prise en compte des problèmes signalés[20].

Avis favorables à l'arrêté modifier

Le Conseil fédéral défend l'arrêté en mettant en avant principalement le fait que le rejet de celui-ci remettrait en cause la participation de la Suisse à la Convention de Schengen[10].

Le section genevoise du parti Le Centre met en avant trois arguments[21]. Premièrement, l'augmentation des moyens de l'agence a pour but de corriger ses dysfonctionnements et garantir le respect des droits humains. Deuxièmement, La Suisse pourra mieux défendre les droits fondamentaux en participant à Frontex plutôt qu'en restant à l'extérieur. Finalement, un Non aggraverait encore nos relations avec l'Union européenne.

Avis opposés à l'arrêté modifier

Les membres du comité référendaire s'opposent à l'arrêté au regard des violations des droits humains dont l'agence Frontex serait à l'origine et aussi en raison de la nature en elle-même du mandat confié à l'agence qui consisterait en une logique de militarisation des frontières extérieures de l'Europe induisant la criminalisation de la migration et obligeant les personnes migrantes à s'exposer à l'exploitation criminelle[22]. Par ailleurs, la menace de l'exclusion des accords Schengen en cas de refus de l'arrêté est dénoncée comme manipulatoire. La Confédération suisse a déjà signé avec beaucoup de retard plusieurs mesures européennes sans que cela n'entraîne des exclusions automatiques. Le refus de l'arrêté donnerait, selon les opposants, simplement au Conseil fédéral le mandat de renégocier cette augmentation en y ajoutant de nouvelles exigences[23].

Un autre courant, qui veut se distinguer du comité référendaire, s'oppose également à l'arrêté mais en mettant en avant inefficacité de l'agence[13].

Résultats modifier

Résultats nationaux
Choix Votes % Cantons
Entier Demi Total
Pour 1 523 003 71.48 20 6 23
Contre 607 667 28.52 0 0 0
Votes valides
Votes blancs
Votes invalides
Total 100 20 6 23
Abstentions
Inscrits/Participation

Notes et références modifier

  1. « Plus de 62'000 paraphes déposés contre le renforcement de Frontex », sur rts.ch/info, (consulté le ).
  2. Pierre-André Sieber, « Une agence sous enquête », Le Courrier, vol. 155, no 70,‎ , p. 8 (lire en ligne, consulté le ).
  3. « Règlement (UE) 2019/1896 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2019 relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes et abrogeant les règlements (UE) no 1052/2013 et (UE) 2016/1624, JO L 295 du 14.11.2019, p. 1 », sur eur-lex.europa.eu (consulté le )
  4. « Message concernant la reprise et la mise en œuvre du règlement (UE) 2019/1896 relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes et abrogeant les règlements (UE) no 1052/2013 et (UE) 2016/1624 (développement de l'acquis de Schengen) et une modification de la loi sur l'asile », sur fedlex.admin.ch, (consulté le ).
  5. « Arrêté fédéral portant approbation et mise en œuvre de l’échange de notes entre la Suisse et l’Union européenne concernant la reprise du règlement (UE) 2019/1896 relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes et abrogeant les règlements (UE) no 1052/2013 et (UE) 2016/1624 (Développement de l’acquis de Schengen) », sur fedlex.data.admin.ch, la plateforme de publication du droit fédéral, (consulté le )
  6. « Référendum lancé contre la hausse du crédit fédéral destiné à Frontex », sur rts.ch/info, (consulté le ).
  7. « Objets de la votation populaire du 15 mai 2022 », sur admin.ch, (consulté le )
  8. « Plus de 62'000 paraphes déposés contre le renforcement de Frontex », sur rts.ch, (consulté le )
  9. « Réunion informelle des ministres chargés de la justice et des affaires intérieures », sur interieur.gouv.fr, (consulté le ).
  10. a et b « Un "non" à Frontex signifierait le retrait de la Suisse de l'espace Schengen », sur rts.ch/audio-podcast/, (consulté le )
  11. Vivre ensemble, « Conférence de presse nationale sur Frontex », sur asile.ch, la plateforme d'information de Vivre ensemble, (consulté le ).
  12. Service de communication du Département fédéral des finances, « Le Conseil fédéral et le Parlement recommandent de voter oui à la participation de la Suisse à l'élargissement de l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex) », sur admin.ch, site officiel de l'administration et des autorités fédérales, (consulté le ).
  13. a et b (de) Jeunes UDC, « Junge SVP Schweiz sagt einstimmig Nein zu «Frontex» und wählt Parteileitung », sur jsvp.ch, (consulté le ).
  14. « L'UDC ne veut pas enterrer Frontex », Blick,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  15. Didier Kottelat, « Les trois objets soumis au vote le 15 mai bénéficient d'un large soutien, selon le premier sondage SSR », sur rts.ch, (consulté le ).
  16. Michel Guillaume, « Frontex: un article du «Temps» censuré », Le Temps,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  17. « Le patron de Frontex Fabrice Leggeri démissionne sur fond d'accusations », sur RTS Info, (consulté le ).
  18. Sophie Malka, « Frontex. Faire sauter la tête ne suffira pas », sur asile.ch, La plateforme d’information de Vivre Ensemble, (consulté le ).
  19. (de) Christina Neuhaus et Tobias Gafafer, « Interview. Ueli Maurer: «Die SP streut den Leuten Sand in die Augen» », NZZ,‎ (lire en ligne, consulté le )
  20. Michel Guillaume, « Un ex-agent suisse de Frontex brise l’omerta », Le Temps,‎ (lire en ligne, consulté le )
  21. Le Centre, « Prises de position du Centre sur les objets soumis en votation le 15 mai 2022 », sur twitter, (consulté le )
  22. Sophie Dupont, « Au secours des réfugiers », Le Courrier, vol. 155, no 61,‎ , p. 3 (lire en ligne, consulté le )
  23. Sophie Malka, « Frontex. Une exclusion automatique de Schengen? », Vivre Ensemble, la revue d'information sur l'asile, no 187,‎ (lire en ligne, consulté le )

Liens externes modifier

  • Comité référendaire, « No Frontex », sur frontex-referendum.ch (consulté le ).