En syntaxe, la proposition incise est une proposition faisant partie d’une phrase complexe sans avoir de rapport syntaxique avec le reste de celle-ci. Cette proposition constitue une interruption dans l’organisation syntaxique dans laquelle elle apparaît, une intervention de l’énonciateur principal dans l’énoncé d’une autre personne ou dans son propre énoncé, dans divers buts[1],[2],[3].

L’incise est insérée parfois dans une autre proposition, d’autres fois entre deux propositions, d’autres fois encore, elle est la première ou la dernière proposition de la phrase complexe. Dans la parole, elle se distingue du reste de la phrase par son intonation plus basse et sans variation de hauteur, parfois par son tempo, et elle est délimitée par des pauses. À l’écrit, cette délimitation est représentée, en fonction de la langue en question aussi, par des parenthèses, des tirets (moyens ou longs), ou des virgules, parfois une combinaison des deux derniers signes[1],[4].

Incises selon leur but modifier

Pour rendre le discours direct modifier

Une catégorie de propositions incises, appelées « de narration »[5], consiste en l’intervention de l’énonciateur principal, le plus souvent dans l’énoncé d’une autre personne, plus rarement dans son propre énoncé, pour le citer. On rencontre souvent ce genre d’incise dans les dialogues et les monologues rendus par l’énonciateur principal. Son prédicat est un verbe du type dire, répondre ou penser.

En français standard, l’ordre des mots dans l’incise de narration est prédicat + sujet, que ce dernier soit exprimé par un nom ou un pronom, par exemple :

L’argent, dit le sage, ne fait pas le bonheur[6] ;
« Quelle buse ! » pensai-je (incise pour rendre la pensée du narrateur tout en rendant un exposé qu’il écoute) (Marcel Proust)[7].

Dans le registre populaire du français, par contre, l’ordre des mots est sujet + prédicat, le premier étant un pronom personnel conjoint, ex. Tu vois, il a dit à l’amoureux, ça c’est ma femme (Jean Giono). Dans ce registre, l’incise est souvent introduite par la conjonction que : Siècle de vitesse ! qu’ils disent (Louis-Ferdinand Céline)[7].

Dans d’autres langues, comme le roumain, le hongrois ou BCMS[8], l’ordre est toujours l’inverse de l’habituel, c’est-à-dire prédicat + sujet, quand ce dernier est exprimé par un mot à part, ce qui n’est pas toujours le cas. Exemples :

(ro) Ți-am adus ziarul, zise el. « Je t’ai apporté le journal, dit-il »[4] ;
(hu) „Esik az eső” – mondta János. « Il pleut, dit János »[9] ;
(BCMS) »Moji planovi«, hladno odgovori Ana, »tebe se ne tiču!« « Mes projets, répondit Ana froidement, ne te concernent pas ! »[10].

En anglais, avec un sujet pronom personnel, l’ordre est sujet + prédicat, ex. ’Nice to see you,’ he said « Content de te voir, dit-il ». Avec un nom, l’ordre peut être le même, mais aussi prédicat + sujet : ’I’m afraid not,’ the woman replied / replied the woman « Je crains que non, répondit la femme »[11].

Pour donner un supplément d’information modifier

Surtout dans des œuvres littéraires, l’écrivain interrompt la communication centrale par des informations sur le comportement, les mouvements, les pensées des personnages, etc.[12]. Exemples :

(fr) Leurs chats, et ils en avaient beaucoup, avaient chacun leur panier[13] ;
(en) Her new boyfriend—his name is Jacob—will be coming over tonight. « Son nouveau petit ami – son nom est Jacob – viendra ici ce soir »[2] ;
(ro) Amicul nostru (mărturisesc astăzi că acela eram eu însumi).... s-a grăbit a schimba vorba « Notre ami (j’avoue aujourd’hui que c’était moi-même)… se hâta de changer de sujet » (Alexandru Odobescu)[14].

Pour exprimer la modalité modifier

Parmi d’autres moyens, les propositions incises peuvent servir à exprimer la modalité, c’est-à-dire une gamme large d’attitudes cognitives, affectives ou volitives (certitude, incertitude, renforcement, atténuation, probabilité, possibilité, etc.) de l’énonciateur par rapport à ce qu’il communique, ou bien le locuteur cherche par de telles propositions aussi à convaincre, à s’allier, etc. le destinataire de son énoncé. Exemples :

(fr) Soit dit entre nous, il n’est guère consciencieux dans son travail[1] ;
(en) As you know, things are difficult just now. « Comme tu sais, c’est difficile en ce moment »[15] ;
(ro) Am venit, dacă vrei să mă crezi, din întâmplare. « Je suis venu(e), si tu veux bien me croire, par hasard »[4] ;
(hu) Bözsi, úgy vélem, meggyógyult. « Bözsi est guérie, je pense »[16] ;
(BCMS) Stadion — to je sada jasno — neće biti završen na vreme « Le stade – c’est clair maintenant – ne sera pas fini à temps »[10].

Certaines propositions incises modalisatrices en principe perdent parfois complètement leur sens, y compris celui de modalisation, et ne servent éventuellement qu’à gagner du temps, devenant des tics de langage[4], par exemple :

(fr) n’est-ce pas?, voyez-vous, comment dirais-je[17] ;
(en) I mean « je veux dire », you know « tu sais »[18] ;
(ro) cum să spun « comment dirais-je », știu eu « que sais-je », nu-i așa « n’est-ce pas », știi « tu sais »[4] ;
(hu) mit tudom én « que sais-je », mondjuk « disons »[19] ;
(BCMS) znaš « tu sais », znači « je veux dire » (littéralement « signifie »)[20].

Références modifier

  1. a b et c Grevisse et Goosse 2007, p. 468.
  2. a et b Bussmann 1998, p. 861.
  3. Bidu-Vrănceanu 1997, p. 111.
  4. a b c d et e Avram 1997, p. 406.
  5. BDL, page Virgule et incise.
  6. Dubois 2002, p. 242.
  7. a et b Grevisse et Goosse 2007, p. 473.
  8. Bosnien, croate, monténégrin et serbe.
  9. Szende et Kassai 2007, p. 208.
  10. a et b Klajn 2005, p. 238.
  11. Eastwood 1994, p. 349.
  12. Bidu-Vrănceanu 1997, p. 246-247.
  13. Wictionnaire, article incise.
  14. Constantinescu-Dobridor 1998, article propoziție.
  15. Eastwood 1994, p. 332.
  16. Cs. Nagy 2007, p. 343.
  17. Grevisse et Goosse 2007, p. 126.
  18. Crystal 2008, p. 88.
  19. Gósy et Gyarmathy 2008, p. 215.
  20. Klajn 2005, p. 171.

Sources bibliographiques modifier

Bibliographie supplémentaire modifier

  • Bastide, Mario, « Notes sur les incises en discours rapporté direct dans Céline », L'Information Grammaticale, vol. 60, no 1,‎ , p. 26-29 (DOI 10.3406/igram.1994.3124, lire en ligne, consulté le ).
  • De Cornulier, Benoît, « L’incise, la classe des verbes parenthétiques et le signe mimique », Cahier de linguistique, no 8,‎ , p. 53-95 (ISSN 0315-4025, e-ISSN 1920-1346, DOI 10.7202/800060ar, lire en ligne, consulté le ).
  • Forget, Danielle, « Les insertions parenthétiques », Revue québécoise de linguistique, Montréal, Université du Québec, vol. 28, no 2,‎ , p. 15-28 (ISSN 1705-4591, DOI 10.7202/603196ar, lire en ligne, consulté le ).

Articles connexes modifier