Convolution de Dirichlet

produit de convolution particulier sur l'ensemble des fonctions arithmétiques

En mathématiques, la convolution de Dirichlet, encore appelée produit de convolution de Dirichlet ou produit de Dirichlet est une loi de composition interne définie sur l'ensemble des fonctions arithmétiques, c'est-à-dire des fonctions définies sur les entiers strictement positifs et à valeurs dans les nombres complexes[Note 1]. Cette loi de convolution est utilisée en arithmétique, aussi bien algébrique qu'analytique. On la trouve aussi pour résoudre des questions de dénombrement.

Dirichlet développe ce produit en 1837 pour démontrer le théorème de la progression arithmétique[1].

Johann Peter Gustav Lejeune Dirichlet.

Définition, exemples et premières propriétés

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Notations

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Dans toute la suite de l'article, on notera

Définition

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Soient   deux fonctions définies sur les entiers strictement positifs à valeurs complexes. La convolution de Dirichlet de deux fonctions arithmétiques ƒ et g est la fonction ƒ ✻ g définie par :

 

où « d|n » signifie que la somme porte sur tous les entiers positifs d diviseurs de n. On a donné deux expressions égales de  , chacune sous la forme d'une somme. Dans la première, on considère tous les couples (a, b) d'entiers dont le produit fait n. Dans la deuxième, on fait une somme sur tous les diviseurs de n.

Exemples

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  • Toute fonction arithmétique g vérifie l'égalité :
     
  • L'indicatrice d'Euler φ vérifie l'égalité[Note 2] :
     .

Premières propriétés

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L'ensemble F des fonctions arithmétiques, muni de l'addition et de la convolution de Dirichlet, forme un anneau intègre[2], c'est-à-dire que — outre le fait que F muni de l'addition est un groupe abélien — la loi interne ✻ est associative, commutative et distributive par rapport à l'addition, il existe un élément neutre : δ1, et si   alors  .

L'opérateur D : FF défini par   (où log est le logarithme dans n'importe quelle base) est une dérivation sur cet anneau.

Fonction multiplicative

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Groupe des fonctions multiplicatives

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L'anneau des fonctions arithmétiques n'est pas un corps.

En particulier, la convolée de deux fonctions multiplicatives est multiplicative.

Fonction de Möbius

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La fonction constante 1 fait partie du groupe ci-dessus. On désigne par μ son inverse pour ✻[3]. Autrement dit :

1 ✻ μ = δ1.

On vérifie qu'il s'agit bien de la fonction de Möbius: si l'entier n > 0 est un produit de nombres premiers distincts alors μ(n) = (–1)kk est le nombre de ces facteurs premiers, et sinon, μ(n) = 0.

Cet inverse μ de 1 joue un rôle particulier, vis-à-vis de la convolution. Soit f une fonction arithmétique et g la fonction définie par l'égalité g = f ✻ 1. Par convolution par μ, on obtient f = g ✻ μ. Cette expression de f à l'aide de g porte le nom de formule d'inversion de Möbius[5].

Un exemple d'usage de la formule est son application sur l'indicatrice d'Euler. D'après le deuxième exemple ci-dessus, cette fonction φ vérifie l'égalité Id = φ ✻ 1. La formule d'inversion montre que :

 

Fonction totalement multiplicative

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Une fonction ƒ est dite complètement[6] (ou « totalement ») multiplicative si :

 

Les fonctions complètement multiplicatives jouent un rôle en arithmétique. En théorie algébrique des nombres, les caractères de Dirichlet sont des fonctions totalement multiplicatives. Leur usage est à la base de la démonstration du théorème de la progression arithmétique, à l'origine du développement du concept de la convolution de Dirichlet[7]. En théorie analytique des nombres, les fonctions ƒs, qui à n associent ns, où s est un nombre complexe, sont utilisées pour étudier la fonction zêta de Riemann[8] ainsi que la fréquence de certains nombres particuliers, comme les nombres premiers.

Si la convolution de deux fonctions complètement multiplicatives est multiplicative, en revanche elle n'est pas nécessairement complètement multiplicative. Par exemple la convolée 1 ✻ 1 est la fonction d qui à n associe son nombre de diviseurs. Cette fonction n'est pas complètement multiplicative : l'image de 2 est égale à 2 et celle de 4 à 3.

Soit ƒ une fonction complètement multiplicative[9] :

  • son inverse pour la convolution est le produit ƒμ (au sens usuel)[10] ;
  • sa convolée par elle-même est le produit ƒd ;
  • plus généralement, pour toutes fonctions arithmétiques g et h : (ƒg) ✻ (ƒh) = ƒ(g ✻ h).

La première de ces trois propriétés caractérise même, parmi les fonctions multiplicatives, celles qui le sont complètement[11],[9].

Convolution de Dirichlet et séries génératrices de Dirichlet

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Si ƒ est une fonction arithmétique, on définit sa série de Dirichlet génératrice F par :  

pour les nombres complexes s tels que la série converge (s'il en existe).

La multiplication des séries de Dirichlet est compatible avec la convolution de Dirichlet dans le sens suivant : si h = ƒg, alors

 

pour tous les nombres complexes s tels que les deux séries F(s) et G(s) convergent et dont l'une des deux converge absolument.

Ceci est lié au théorème de convolution sur les transformées de Fourier.

La simple convergence de F(s) et de G(s) n'implique pas celle de H(s)[12].

Annexes

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  1. De manière plus générale, les fonctions arithmétiques sont à valeurs dans un corps commutatif quelconque.
  2. Cette égalité est démontrée dans le § « Arithmétique modulaire » de l'article sur la formule d'inversion de Möbius.

Références

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  1. (de) G. Lejeune Dirichlet, « Beweis eines Satzes über die arithmetische Progression », Bericht über die Verhandlungen der Königlich Preussischen Akademie der Wissenschaften, 1837, p. 108-110 — Œuvres complètes, tome 1, 307-312.
  2. Pour une démonstration, voir par exemple cet exercice corrigé de la leçon « Introduction à la théorie des nombres » sur Wikiversité.
  3. a b et c Françoise Badiou, « Formule d'inversion de Möbius », Séminaire Delange-Pisot-Poitou Théorie des nombres, vol. 2,‎ 1960-61, p. 1-7, p. 2.
  4. a et b Une démonstration figure dans la section « Fonctions arithmétiques » de la leçon « Introduction à la théorie des nombres » sur Wikiversité.
  5. Cours et activités en arithmétiques pour les classes terminales par l'IREM de Marseille, p. 77.
  6. Badiou 1960-61, Apostol 1976etc.
  7. (en) G. H. Hardy et E. M. Wright, An Introduction to the Theory of Numbers (1re éd. 1938) [détail des éditions], 5e éd., 1979, p. 13-14.
  8. Jean-Benoît Bost, Pierre Colmez et Philippe Biane, La Fonction Zêta, Paris, Éditions de l'École polytechnique, , 193 p. (ISBN 978-2-7302-1011-9, lire en ligne).
  9. a et b Exercice corrigé de la leçon « Introduction à la théorie des nombres » sur Wikiversité.
  10. Badiou 1960-61, p. 3.
  11. (en) Tom M. Apostol, Introduction to Analytic Number Theory, Springer, coll. « UTM (en) » (no 7), , 340 p. (ISBN 978-0-387-90163-3, lire en ligne), p. 36.
  12. Voir par exemple G. Tenenbaum, Introduction à la théorie analytique et probabiliste des nombres. Cours spécialisés 1, SMF, Paris, 1995, II.1.1 et Notes de II.1.

Bibliographie

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(en) Harold Davenport, Multiplicative Number Theory, Springer, coll. « GTM » (no 74), , 2e éd. (1re éd. 1967) (lire en ligne)

Article connexe

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Identités liées aux sommes de diviseurs