Prabowo Subianto

homme politique indonésien

Prabowo Subianto
Illustration.
Fonctions
Président élu de la république d'Indonésie
En attente d'investiture
Élection 14 février 2024
Vice-président Gibran Rakabuming Raka
Prédécesseur Joko Widodo
Ministre indonésien de la Défense
En fonction depuis le
(4 ans, 5 mois et 28 jours)
Président Joko Widodo
Gouvernement Cabinet Indonésie En avant
Prédécesseur Ryamizard Ryacudu
Biographie
Nom de naissance Prabowo Subianto Djojohadikusumo
Date de naissance (72 ans)
Lieu de naissance Jakarta, Indonésie
Nationalité Indonésienne
Parti politique Golkar (avant 2008)
Gerindra (depuis 2008)
Père Sumitro Djojohadikusumo
Mère Dora Marie Sigar (id)
Fratrie Hashim Djojohadikoesoemo (en) (frère)
Conjoint
Titiek Soeharto (m. 1983–1998)
Enfants Didit Hediprasetyo (en) (fils)
Famille Margono Djojohadikoesoemo (id) (grand-père)
Soebianto Djojohadikoesoemo (id) (oncle)
Soejono Djojohadikoesoemo (id) (oncle)
Aryo Djojohadikoesoemo (en) (neveu)
Rahayu Saraswati (en) (nièce)
Thomas Djiwandono (id) (neveu)
Budi Djiwandono (id) (neveu)
Entourage Soeharto (ancien gendre)
Diplômé de Académie militaire indonésienne (en)
Profession Militaire
Religion Islam

Signature de Prabowo Subianto

Prabowo Subianto, né le à Jakarta, est un homme d'État, militaire, homme d'affaires et homme politique indonésien, membre du Parti du mouvement de la grande Indonésie.

Gendre du dictateur Suharto (1965 - 1998) et officier des forces spéciales, il est impliqué dans de multiples exactions au Timor oriental, en Papouasie et lors des manifestations anti-Suharto de 1998. Il est à ce titre accusé de crimes contre l’humanité par des ONG. Il s’exile brièvement à la chute du régime après avoir tenté un coup de force. À son retour, il entre dans les affaires, accumulant une fortune estimée à 150 millions d'euros, puis en politique, créant en 2008 son propre parti, Gerindra.

Candidat aux élections présidentielles de 2014 et 2019, il perd à deux reprises face à Joko Widodo, mais refuse de reconnaitre le résultat des élections. Dans le cadre d'un accord entre les formations politiques représentées au Conseil représentatif du peuple, il est nommé ministre de la Défense en .


Il est élu président en février 2024.

Biographie modifier

Origines familiales modifier

Il est né en 1951 dans une des familles les plus riches du pays et passe une grande partie de sa jeunesse en Europe[1]. Son grand-père, Margono Djojohadikoesoemo (en), a fondé la banque Negara Indonesia dont il fut le premier directeur de 1946 à 1953 ; son père, Sumitro Djojohadikusumo, était un célèbre économiste et un ponte du Parti socialiste ayant occupé plusieurs fonctions ministérielles entre 1950 et 1978, à la fois sous les présidences de Soekarno et de Soeharto. Particulièrement proche de ce dernier, Prabowo épouse une de ses filles, Titiek Soeharto, en . Moins d'un an plus tard, le couple donne naissance à son unique enfant : Didit Hediprasetyo (en). Titiek et Prabowo finissent par se séparer en 1998. Son frère, l’homme d'affaires Hashim Djojohadikoesoemo (en), est l’une des plus grosses fortunes d’Asie.

Il étudie à l’école américaine de Londres puis à la prestigieuse académie militaire indonésienne (en) de Magelang, lui permettant de faire ensuite carrière dans l'armée[1].

Carrière militaire modifier

 
Prabowo Subianto au Timor oriental (4e à partir de la gauche, en tee-shirt vert

Militaire de carrière, il prend en 1976 le commandement d'un groupe des Kopassus (Forces spéciales de l'armée de terre indonésienne). Il participe à l'invasion du Timor oriental. Il dirige notamment le groupe qui assassine Nicolau dos Reis Lobato, le premier ministre du Timor oriental le [2].

Il suit des formations d'officier supérieur auprès de l'armée américaine à Fort Bragg et Fort Benning respectivement en 1980 et 1985[3].

A nouveau présent au Timor Oriental en 1983, il commande les forces spéciales responsables des massacres de Kraras[4]. Le 16 septembre 1983, près du village de Caraubalo, les hommes du major Prabowo exécutent un groupe de guérilleros et leurs familles, femmes et enfants compris, tuant 55 personnes. Deux bébés auraient été égorgés au couteau selon une enquête d'une commission de l'ONU. Le surlendemain, environ 140 personnes, qui avaient fui une razzia de l’armée, sont abattues à la mitrailleuse dans le village de Buikarin, toujours par les hommes de Prabowo Subianto[5]. Les survivants de ces massacres sont enfermés dans un camp de concentration gardé par les hommes de Prabowo où beaucoup meurent de famine et de mauvais traitements[6].

Il est ensuite promu au grade de général, puis de chef des forces de la réserve stratégique de l’armée indonésienne (Kostrad)[5].

En 1998, alors que le régime de l’Ordre nouveau vacille, il fait enlever et torturer des étudiants et militants pro-démocratie. Il est soupçonné d’être à l’origine des émeutes de Jakarta de mai 1998, notamment dirigées contre la minorité chinoise, pour tirer parti du chaos et tenter d'empêcher la chute du régime pour en prendre la tête. Ces émeutes firent plus d'un millier de morts et occasionnèrent le viol d’environ 200 femmes[5].

Après la chute de la dictature, il est exclu de l’armée pour « conduite déshonorante » et vit quelques années en Jordanie. Il n'est toutefois pas inquiété par la justice, qui ne poursuit pas les responsables du régime de l'Ordre nouveau[7].

Carrière politique modifier

À son retour d'exil, il se lance dans les affaires aux côtés de son frère, un oligarque milliardaire à la tête de vastes concessions forestières et minières[8].

Propriétaire d'une plantation et d'une usine de pâte à papier, sa fortune est estimée à environ 150 millions d’euros[5].

Il s'oriente ensuite vers la politique et fonde son propre parti, le Parti du mouvement de la grande Indonésie, en 2008.

Élection présidentielle de 2014 modifier

 
Prabowo Subianto en campagne en 2014.

Prabowo Subianto a été le candidat de son parti à l'élection présidentielle indonésienne de 2014. Au lieu d'en accepter le résultat proclamé le par la KPU, commission électorale indonésienne, donnant Joko Widodo vainqueur, il conteste les résultats annoncés[9].

Il est décrit comme proche du Front des défenseurs de l'islam, organisation extrémiste disposant de nombreux contacts au sein de l'armée et de la « bonne société »[10].

Élection présidentielle de 2019 modifier

Candidat à l'élection présidentielle de 2019, il dénonce au cours de la campagne le « viol de la mère patrie » et la « persécution des oulémas » en référence à l'interdiction du Hizb ut-Tahrir que le gouvernement accusait de terrorisme. Des messages vidéos de Habib Rizieq Shihab, le chef du Front des défenseurs de l'islam vivant en Arabie saoudite, sont diffusés pendant ses meetings. Celui-ci souligne notamment que Prabowo « ne protégeait pas les communistes, les libéraux, les croyances déviantes et les actes indécents et illicites[7]. » Pendant sa campagne, il reste flou sur son projet et cherche plutôt à glorifier la nation indonésienne[11]. Il perd, obtenant 45 % des voix, et conteste alors le résultat. Deux nuits d’émeutes menées par ses partisans s'ensuivent, faisant huit morts.

Ministre de la Défense modifier

Le , après avoir opéré un rapprochement avec son adversaire vainqueur, le président sortant Joko Widodo, Prabowo Subianto est nommé ministre de la Défense[12]. Amnesty International regrette « un jour sombre pour les droits de l'Homme dans le pays », Subianto étant notamment soupçonné d'avoir personnellement supervisé massacres et tortures au Timor-Oriental et en Papouasie-Occidentale[13],[14] et d'avoir fait enlever et disparaître plusieurs manifestants pro-démocratie en 1998[12].

D'après le chercheur australien, Damien Kingsbury, cette nomination était inévitable : « Joko Widodo reste trop vulnérable face aux islamistes, aux militaires et au DPR, la Chambre basse du Parlement »[15]. Proche des États-Unis sur les questions de politiques extérieures, Prabowo reçoit en grande pompe le ministre américain de la Défense en octobre 2020 dans une perspective anti-chinoise[16].

Il est reçu avec les honneurs par Florence Parly, ministre de la Défense du gouvernement français, le 13 janvier 2020[17]. Il achète à la France, en 2022, 42 Rafales pour un coût de 5,7 milliards d’euros. Cette transaction s’inscrit dans un projet d’achat plus large de matériel militaire pour un montant de 108 milliards d’euros sur la période 2021 - 2024[18].

Élections présidentielles de 2024 modifier

Le 20 mars 2024, la commission électorale fédérale a certifié les résultats et l'a déclaré président élu de l'Indonésie[19].

Controverses modifier

Paradise Papers modifier

Il est cité en novembre 2017 dans les Paradise Papers (affaire internationale d'évasion fiscale)[20].

Références modifier

  1. a et b Gurvan Kristanadjaja, « Prabowo Subianto, l’héritier de la dictature militaire », sur Libération.fr,
  2. Présidentielle en Indonésie : Prabowo Subianto, homme à poigne, Radio France internationale, 8 juillet 2014.
  3. U.S.-Trained Unit Suspected of Torture, Washington Post, 23 mai 1998
  4. (en) Aboeprijadi Santoso, « What ever happened in Kraras, Timor Leste, 'Pak' Prabowo? », Jakarta Post,‎ (lire en ligne)
  5. a b c et d Bruno Philip, « Prabowo Subianto, le nouveau président indonésien, un ex-militaire au passé sulfureux », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  6. (en) Gerry van Klinken, « Prabowo and human rights », Inside Indonesia,‎ (lire en ligne)
  7. a et b Rémy Madinier, « L’Indonésie choisit la démocratie », (consulté le )
  8. Sébastien Falletti, « Indonésie: la revanche présidentielle du général Prabowo Subianto », Le Figaro,‎ (lire en ligne)
  9. Fin du suspense dans la présidentielle en Indonésie, Le Monde, 22 juillet 2014.
  10. Marie Beyer, Martine Bulard, « Menaces sur l’islam à l’indonésienne », Le Monde diplomatique,‎ (lire en ligne, consulté le )
  11. Olivier Ubertalli, « Jokowi, « l'Obama indonésien », face à l'oligarchie et à l'intolérance religieuse », sur Le Point,
  12. a et b « Indonésie: Joko Widodo nomme à la Défense son adversaire à la présidentielle », sur Boursorama (consulté le )
  13. (en) Elizabeth Brundige, Winter King, Priyneha Vahali, Stephen Vladeck et Xiang Yuan, Indonesian human rights abuses in West Papua: Application of the law of genocide to the history of Indonesian control, New Haven, Connecticut, Allard K. Lowenstein International Human Rights Clinic, Yale Law School, , 78 p. (lire en ligne), p. 46
  14. (en) Gerry van Klinken, « Prabowo and human rights », Inside Indonesia,‎ (lire en ligne)
  15. Philippe Pataud Célérier, « Nettoyage ethnique en Papouasie », sur Le Monde diplomatique,
  16. Martine Bulard, « Bombe libre-échangiste en Asie », sur Le Monde diplomatique,
  17. (en) Anonymous, « Indonesia, France to ink defense cooperation deal this year », Jakarta Post,‎ (lire en ligne)
  18. « Vu d’Indonésie. Tir de barrage contre la commande de 42 Rafale par Jakarta », sur Courrier international,
  19. « Présidentielle en Indonésie : le ministre de la défense, Prabowo Subianto, remporte l’élection », sur l'Orient le jour, (consulté le )
  20. (id) « 'Paradise Papers': Prabowo, Tommy dan Mamiek Suharto disebut dalam laporan surga pajak », BBC News Indonesia (consulté le )

Voir aussi modifier

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