Pierre Arpaillange

magistrat et homme politique français

Pierre Arpaillange
Illustration.
Fonctions
Premier président de la Cour des comptes

(2 ans, 5 mois et 5 jours)
Prédécesseur André Chandernagor
Successeur Pierre Joxe
Garde des Sceaux, ministre de la Justice

(2 ans, 4 mois et 20 jours)
Président François Mitterrand
Premier ministre Michel Rocard
Gouvernement Rocard I et II
Prédécesseur Albin Chalandon
Successeur Henri Nallet
Procureur général près la Cour de cassation

(4 ans, 2 mois et 21 jours)
Prédécesseur Henri Charliac
Successeur Pierre Bezio
Biographie
Nom de naissance Pierre Raymond Arpaillange
Date de naissance
Lieu de naissance Carlux (Dordogne, France)[1]
Date de décès (à 92 ans)
Lieu de décès Le Cannet (Alpes-Maritimes, France)
Nationalité Française

Pierre Arpaillange, né le à Carlux (Dordogne) et mort le au Cannet[2] (Alpes-Maritimes), est un magistrat et homme politique français.

Il est ministre de la Justice entre 1988 et 1990 puis premier président de la Cour des comptes entre 1990 et 1993.

Biographie modifier

Dans la Résistance modifier

Pierre Arpaillange est fils d'un couple d'instituteurs[3].

Après ses études au lycée de Périgueux, il entre dans la Résistance en 1943 : il y remplit, de janvier à juin 1944, diverses missions et participe à des opérations militaires dans le Sarladais[réf. nécessaire]. Engagé ensuite pour la durée de la guerre contre l'Allemagne sur le territoire européen, il prend part aux actions sur le front de Royan. Démobilisé en , il poursuit ses études de droit à Toulouse et à Paris[4].

Dans la magistrature modifier

Pierre Arpaillange commence une carrière dans la magistrature en 1949. Juge suppléant à Orléans (1949), puis à Paris (1950), substitut à Meaux (1953), détaché au fichier de la Cour de cassation (1954-1959), substitut à Versailles (1959) puis à Paris (1962), secrétaire général du parquet de la cour d'appel de Paris et secrétaire général du parquet de la Cour de cassation (1962). Entre-temps, il est secrétaire de la commission pour la réforme du code de procédure pénale (1953-1957)[5] et de la commission de sauvegarde des droits et libertés individuels en Algérie (1959-1962)[6].

À la Chancellerie modifier

Magistrat détaché au ministère de la Justice de 1965 à 1974, Pierre Arpaillange devient conseiller technique du ministre et, à plusieurs reprises, directeur du cabinet du garde des sceaux (des gaullistes : Jean Foyer, Louis Joxe et Pierre Taittinger[3]) et entre 1968 et 1974 directeur des Affaires criminelles et des Grâces de la Chancellerie. En février 1971 il rend un avis défavorable sur le recours en grâce déposé par Paul Touvier[7]. En tant que directeur de cabinet du garde des Sceaux Jean Taittinger, il signe la circulaire du , plus connue comme « circulaire Arpaillange », sur la politique générale de la justice[8], puis la circulaire du relative à la répression en matière de stupéfiants [9]. Il tente de faire moderniser les prisons et en 1973 il fait installer le chauffage dans les cellules de certaines d'entre elles. Il devient également membre du Haut Conseil de l'audiovisuel en 1973.

Procureur général de Paris et près la Cour de cassation modifier

Considéré comme un proche du cabinet de Georges Pompidou[10] (il tente de « circonscrire l'incendie »[pas clair] provoqué par l'affaire Markovic[3]), après l’élection de Valéry Giscard d'Estaing, Pierre Arpaillange est mis à l'écart[11] par Jean Lecanuet, garde des Sceaux du gouvernement Chirac (d'autres sources évoquent sa mise en retrait volontaire, refusant le poste de directeur de cabinet que le ministre lui propose car il est démocrate-chrétien[3]). Il est nommé conseiller à la Cour de cassation, affecté à la chambre sociale, le . Il est l'auteur de deux séries d'articles sur la justice pour Le Monde, et devient le porte-drapeau de l'opposition à la politique musclée d'Alain Peyrefitte, Garde des Sceaux de Valéry Giscard d'Estaing de 1977 à 1981, et à la loi no 81-82 du , dite « Loi sécurité et liberté ». Il est également hostile à la peine de mort[12]. Pour Robert Badinter, il est l'« un des hommes qui connaissent le mieux notre justice pénale »[13].

En 1980, il fait publier La Simple justice chez Julliard ; ce texte reprend le contenu du « rapport Arpaillange », un projet de loi préparé en 1972 lorsqu'il était à la direction des affaires criminelles : il y défend plus d'indépendance pour les magistrats, propose de rattacher la police judiciaire au ministère de la Justice, s'oppose aux courtes peines d’emprisonnement et souhaite humaniser le monde carcéral. Cependant, le ministre de la Justice René Pleven s'était énervé de la publication de ce rapport dans Le Monde et le président Georges Pompidou avait dû intervenir pour soutenir Pierre Arpaillange[3].

En 1981, il est directeur de la campagne électorale de Marie-France Garaud, alors candidate à l'élection présidentielle. Le , le conseil des ministres le désigne procureur général près la cour d'appel de Paris. En octobre 1981, il est nommé par le garde des Sceaux, Robert Badinter, membre de la commission de révision du code pénal, chargée d'élaborer un avant-projet de code pénal[14]. Des travaux de cette commission a origine l'actuel code pénal entré en vigueur le , dont le projet du premier livre a été présenté au Parlement en 1989 par M. Arpaillange en tant que garde des Sceaux[15].

Il est promu procureur général près la Cour de cassation le , en remplacement d'Henri Charliac qui est admis à faire valoir ses droits à la retraite à partir du .

Garde des Sceaux modifier

Pierre Arpaillange est nommé Garde des Sceaux, ministre de la Justice dans les 1er et 2e gouvernements de Michel Rocard ( - ), comme « représentant de la société civile ». C'est un choix de François Mitterrand et non de Michel Rocard, ce dernier jugeant qu'« un professionnel du secteur fait en général un mauvais ministre »[3].

Peu habitué aux débats houleux de l'Assemblée nationale, il est pris à partie par l'opposition de droite quand le ministère décide de mettre un terme à l'isolement cellulaire des terroristes du groupe d'extrême gauche Action directe. Le ministre doit également affronter des grèves de surveillants de prison[3].

En 1988, il soumet un document au conseil des ministres reprenant l'esprit du « rapport Arpaillange » de 1972, mais avec moins d'ambitions dans ses objectifs[3].

Le , contre l'avis du président de la République François Mitterrand, il donne au procureur général près la cour d'appel de Paris des instructions écrites de requérir des poursuites contre René Bousquet devant la chambre d'accusation pour crimes contre l'humanité[16].

Il est resté célèbre pour une bourde commise à l'Assemblée nationale française où, en tant que garde des Sceaux, il répondait à une question d'actualité, en 1990, en déclarant « en 1989, sur cinquante-deux évadés, on en a repris cinquante-trois[17] ».

André Santini lui avait dédicacé l'année précédente ce bon mot (qui reçut le prix de l'humour politique) : « Saint Louis rendait la justice sous un chêne. Pierre Arpaillange la rend comme un gland »[18],[19].

Premier président de la Cour des comptes modifier

Pierre Arpaillange quitte le gouvernement le , pour assumer les fonctions de Premier président de la Cour des comptes. Il en est le Premier président honoraire depuis le . Il est membre du Comité d'honneur du bicentenaire de la Cour des comptes.

Mort modifier

Pierre Arpaillange meurt le à Cannes (Alpes-Maritimes) à l'âge de 92 ans[3].

Décorations modifier

Publications modifier

  • La simple justice, Julliard, 1980

Notes et références modifier

  1. Guy Penaud, Dictionnaire biographique du Périgord, éditions Fanlac, 1999, p. 45 (ISBN 2-86577-214-4)
  2. État civil sur le fichier des personnes décédées en 1970
  3. a b c d e f g h et i Bertrand Le Gendre, « L’ancien ministre de la justice et président de la Cour des comptes Pierre Arpaillange est mort », sur lemonde.fr, 12 janvier 2017.
  4. Cour des comptes - Audience solennelle du mercredi 12 janvier 1994 -, sur legifrance.gouv.fr
  5. « Une commission est chargée de préparer un projet », Le Monde, 11 décembre 1952.
  6. Entretien avec Pierre Arpaillange enregistré en 2015.
  7. « Le procès de Paul Touvier : l'ancien chef milicien devant la cour d'assises des Yvelines. Une grâce extraordinaire… », Le Monde, .
  8. Rapport de la commission de réflexion sur la Justice de la Commission présidée par Pierre Truche, premier président de la Cour de cassation - Juillet 1997, sur mjp.univ-perp.fr.
  9. Texte de la circulaire Arpaillange sur OFDT, sur bdoc.ofdt.fr
  10. « Banqueroute pour la justice ? », Philippe Boucher, Le Monde, 30 avril 1977
  11. « Deux directions seraient supprimées : l'administration pénitentiaire et l'éducation surveillée. M. Pierre Arpaillange écarté. " Une charrette " ? », Philippe Boucher, Le Monde, 6 juillet 1974.
  12. « M. Pierre Arpaillange est nommé directeur de la campagne de Mme Garaud », Le Monde, 7 novembre 1980.
  13. Robert Badinter, « Le long chemin de Pierre Arpaillange », Le Nouvel Observateur, 17 novembre 1980.
  14. « M. Badinter préside la commission de révision du code pénal », Le Monde, 22 octobre 1981.
  15. Mathieu Delahousse, Justice - Le Ministère infernal, Flammarion 2009, page 276.
  16. « Arpaillange : mes discussions avec Mitterrand sur le cas Bousquet », Libération, .
  17. « Les statistiques étaient pourtant exactes: en 1989, cinquante-deux évasions s'étaient produites dans les prisons françaises et durant la même période, cinquante-trois évadés, parmi lesquels des prisonniers s'étant fait la belle au cours de l'année précédente, avaient été arrêtés. », Mathieu Delahousse, Justice - Le Ministère infernal, Flammarion, 2009.
  18. « L'ancien garde des Sceaux de Mitterrand, Pierre Arpaillange est mort », sur leparisien.fr, 12 janvier 2016.
  19. Ce bon mot est une reprise, sans le citer, de Frédéric Dard qui écrit dans L'Histoire de France vue par San-Antonio : «...La petite histoire nous le dépeint en train de rendre la justice sous un chêne ! — Il devait quand même avoir l'air gland, plaisante cette puissante émanation de l'esprit français».
  20. décret du 31 décembre 1990

Liens externes modifier