Un peuple élu (ou peuple choisi) est un peuple qui se dit choisi par une instance supérieure, généralement Dieu.

Différents groupes se sont considérés élus pour diverses missions comme celle d'être l'agent de Dieu sur Terre. Ce statut est souvent associé à une grande rigueur personnelle ou collective auto-imposée, afin de remplir les attentes de Celui qui élit. La notion est le plus couramment associée aux Juifs puisque la Bible hébraïque désigne sous le terme de « peuple choisi » les enfants d'Israël qui ont désormais pour vocation de former une « nation sainte » (גוֹי קָדוֹשׁ)[1] après avoir reçu le « Verbe » ou « Loi de Dieu », sous la forme de la Torah communiquée par Dieu à Moïse.

Après le schisme entre judaïsme et christianisme, les chrétiens se proclament verus Israël mais les Juifs se réaffirment seuls élus car selon les textes, cette élection est subordonnée au respect de l'ensemble des préceptes édictés dans la Torah.

L'appellation se teinte par conséquent d'ironie et de mépris pour un peuple abaissé qui continuerait à se proclamer choisi et par conséquent serait différent de la norme. Les Juifs n'ont cependant pas considéré cette élection comme une preuve ou marque de supériorité mais au contraire comme un surplus de responsabilités ainsi que l'énonce le prophète Amos (Livre d'Amos 3:2) : « C'est vous seuls que J'ai distingués entre toutes les familles de la terre, c'est pourquoi, Je vous demande compte de toutes vos fautes ».

Sens de l'élection modifier

Élus pour recevoir et transmettre un message modifier

L'élection du peuple juif trouve son origine lorsque Dieu s'adresse à Abram en lui disant : « Je te ferai devenir une grande nation [...] » (Genèse, 12, 2)[2],[3]. Abram, en acceptant l'Alliance avec Dieu, s'engage lui et ses descendants dans un contrat qui présente peu d'avantages pour beaucoup de contraintes : être le seul peuple monothéiste dans un temps où on adore les idoles, servir d'exemple aux autres nations (« exposer le droit aux nations »)[4] et rendre compte à Dieu de chacune de ses fautes[5].

Cette élection n'implique aucune autre supériorité sur les autres peuples dont les membres ne doivent qu'observer les sept lois noahides pour être qualifiés de « pieux », quand les Juifs sont chargés de 613 Commandements[2].

Ethnocentrisme modifier

« L'élection du peuple juif n'implique en aucune manière une quelconque supériorité sur les autres nations »[2]. Les religieux juifs et chrétiens considèrent ce statut uniquement comme porteur de responsabilité et générateur de sacrifice[6].

Le vrai sens d'élection divine n'est pas la supériorité d'un peuple, mais la responsabilité de conserver et transmettre un message de paix[7],[8]. L'erreur volontaire est très souvent liée à une forme de calomnie antisémite, alors que le message à transmettre est universel et pacifique, notamment par la preuve dans le texte biblique que les Israélites ont été choisis pour être le peuple élu, en raison de leur insignifiance en nombre[9]. La signification biblique véritable du peuple élu est donc d'ordre inverse à l'accusation antisémite : il s'agit de rester humble et responsable d'un message d'amour universel[7],[10]. L'interprétation juive est qu'il s'agit là d'un fardeau, une mission difficile et primordiale, et non de la moindre signification de supériorité[7].

Le passage parabolique suivant, issu d'un cours donnée par le Rabbin Benzion Klatzko, illustre assez bien cet état d'esprit :

« Les gens à la veste pourpre (The Purple Jacket People)

Il était une fois un roi juste, sage et puissant. Il n’avait qu’un problème ; ses sujets étaient corrompus.

Dans tout son royaume, la malhonnêteté et le vol régnaient. Meurtre et viol étaient chose commune. Quoi qu’il tenta, il ne put les changer… Finalement, il quitta son royaume et en bâtit un autre. C’était un endroit merveilleux, avec tous les agréments. Il publia que seuls ceux qui acceptaient de vivre au plus haut niveau d’éthique pouvaient venir. Nombreux vinrent et pendant un certain temps, tout était parfait.

Cependant, des histoires de crimes commencèrent à circuler. Le roi désespéra. Que pouvait-il faire maintenant ? Son conseiller le plus proche suggéra : « Sélectionne quelques individus et offre-leur une formation spéciale sur les plus hauts niveaux de comportement. Donne-leur ensuite pour mission d’être des exemples pour les autres ainsi qu’un uniforme spécial : une veste pourpre. »

Dans un premier temps, ce plan marcha merveilleusement bien. Le comportement de tout le peuple commença à s’améliorer. Lorsqu’un homme commençait à se quereller avec sa femme, il s’arrêtait et demandait : « Qu’est-ce qu’une Personne à la Veste Pourpre aurait fait ? » Lorsqu’une personne avait l’opportunité d’en escroquer une autre financièrement, elle se demandait : « Qu’est-ce qu’une personne à la Veste Pourpre aurait fait ? »

Mais, avec le temps, les choses commencèrent à se détériorer. Le roi apprit que même les personnes à la Veste Pourpre commençaient à mal agir. Il leur dit qu’il n’avait pas le choix : étant donné qu’ils avaient pour mission de maintenir des règles de comportement et de moralité à des niveaux des plus élevés, et qu’ils étaient connus comme étant ses représentants, ils devraient alors être punis afin de montrer à tout le monde qu’un tel comportement était inacceptable.

Vous avez déjà dû deviner de qui nous parlons réellement. Le roi juste, sage et puissant n’est autre que D. et le peuple juif, les personnes à la Veste Pourpre. »

Christianisme modifier

L'apôtre Paul considère que l'élection juive est irrévocable dans son Epître aux Romains (Ro 11:29)[11],[12] mais il serait aussi « celui qui (a) théorisé le rejet d’Israël par Dieu au profit de l’Église promue nouveau peuple de Dieu. Toute une théologie s’(est) même développée sur cette idée. On l’appelle la théologie de la «substitution». Le «vrai» Israël (verus Israel) – les chrétiens – aurait ainsi remplacé le peuple élu, Israël, souvent représenté, dans les cathédrales, sous les traits d’une femme aux yeux bandés. Il s’agit de la Synagogue, remplacée par l’Église ». Cette lecture de la lettre aux Romains est partiale, les dons de Dieu étant sans repentance (Romains 11, 29), ce qui signifie que l’élection reste vivante. Il a fallu attendre Vatican II et la fin de « L'Enseignement du mépris » (une formule et un livre de l’historien juif Jules Isaac que Jean XXIII reçut en audience privée en 1960), pour que les chrétiens renouent avec le fondement juif de leur foi[13].

Dénominations chrétiennes spécifiques modifier

Adventisme du Septième Jour modifier

Mormonisme modifier

Judaïsme modifier

Islam modifier

Il existe des traditions chiites qui disent que ces musulmans sont les vrais Israélites[14]. « Comme les juifs, les chiites pensent être le peuple élu, par rapport aux autres religions et par rapport aux autres musulmans »[15].



Rastafari modifier

Le mouvement rastafari définit six principes fondamentaux, dont celui du choix délibéré par Jah (contraction de JéhovAH) de la race noire, ce qui la rendrait supérieure physiquement et spirituellement aux autres. De nombreux rastas pensent en outre que les disciples élus accèdent à la vie éternelle.

Église de l'Unification modifier

Le révérend Moon enseigne que la Corée est la nation élue choisie pour exercer une mission divine. Selon Moon, la Corée a été « choisie par Dieu pour être le lieu de naissance du guide de l'âge[16] et le lieu d'origine de la tradition céleste menant au royaume de Dieu ».

Notes et références modifier

  1. Exode 19:5-6
  2. a b et c Victor Kuperminc, Les Juifs (présentation en ligne)
  3. « Genèse 12, 2 »
  4. Is 42:1
  5. Amos 3:2
  6. Rav Shraga Simmons, « Le peuple élu », sur www.aish.fr, (consulté le )
  7. a b et c « Cours en ligne sur le "Peuple Elu" », sur Morasha Syllabus
  8. Marie-Hélène Robert, « Israël, choisi pour toute l'humanité », sur La Croix, (consulté le )
  9. Deut. 7:7 - « Ce n'est pas parce que vous êtes plus nombreux que tous les peuples que Dieu vous a désirés et vous a choisis, car vous êtes le moins nombreux de tous les peuples. »
  10. Rav Aron Moss, Nefesh Community à Sydney (Australie) pour Chabad.org
  11. Marie Malzac, « Élection dans la Bible », sur La Croix, (consulté le )
  12. rabbin André Chalom Zaoui, « Torah et Coran », sur www.nikibar.com, Les Nouveaux Cahiers n° 57, (consulté le )
  13. Jean-Pierre Rosa, « Dieu aurait-il rejeté son peuple ? », sur La Croix,
  14. Yoann Duval, « Un livre analyse la place des juifs dans le Coran », sur LExpress.fr, (consulté le )
  15. Catherine Golliau, « Meir Bar-Asher : « Tuer les juifs n'est pas écrit dans le Coran » », sur Le Point, (consulté le )
  16. Source

Voir aussi modifier

Articles connexes modifier