P'tit Quinquin (chanson)

chanson du poète lillois Alexandre Desrousseaux

Le P’tit Quinquin (« Petit enfant ») est une chanson du poète lillois Alexandre Desrousseaux (1820-1892), écrite en 1853 en ch'ti, variante locale du picard, langue régionale des Hauts-de-France. Son titre original est L'canchon Dormoire, autrement dit berceuse (mais aussi une parodie). Mais plus qu'une berceuse, cette chanson illustre la vie intime des ouvrières dans ce Nord du XIXe siècle[1].

Statue à Lille (Nord) représentant le P'tit Quinquin.

Le P’tit Quinquin est le chant de tradition du 43e régiment d'infanterie.

Historique modifier

Le P'tit Quinquin a été chanté pour la première fois à Paris en 1855, et est connu bien au-delà de l'aire linguistique du picard. Simplement écrite à l'occasion des Fêtes de Lille, la berceuse est si populaire qu'elle contribue à souder l'identité culturelle du Nord de la France, au point de devenir la chanson de marche des soldats nordistes partant pour la guerre franco-prussienne de 1870. C’est en quelque sorte l’hymne officieux et populaire de la ville de Lille, sonné par le carillon du beffroi de la chambre de commerce de Lille[2].

L'interprète récent le plus célèbre du P’tit Quinquin est Raoul de Godewarsvelde (1928-1977).

La chanson a également été reprise par Salvatore Adamo dans l'album Les Gens du Nord reprenant des standards du répertoire musical du Nord-Pas-de-Calais.

On retrouve l'air dans une chansonnette de la commune d'Hautmont (Nord) de 1872, "Le feu d'artifice d'Hautmont."

Tourisme modifier

Ancré dans la culture ch’ti, le P’tit Quinquin est représenté sous la forme d'une statue réalisée par Eugène Desplechin, au pied du monument à Alexandre Desrousseaux inauguré en 1902. Une réplique de la statue est visible au centre-ville de Lille, square Foch, à quelques pas de la Grande Place. La statue originale a été restaurée par le sculpteur Philippe Stopin et a été déplacée à l'abri des intempéries à l’hôtel de ville de Lille.

Le P'tit Quiquin est souvent utilisé comme carillon dans les villes du Nord.[réf. nécessaire]

Références cinématographiques modifier

Après avoir assassiné son prétendant, et avant de tuer le propriétaire de son appartement, Catherine Deneuve alias Carole, devenue folle dans le film Répulsion (1965) de Roman Polanski fredonne la chanson en tricotant (comme la dentellière de Desrousseaux ?). Elle habite à Londres et dit venir de Bruxelles. L'actrice Yvonne Furneaux, qui joue le rôle de sa sœur, est née à Lille. C'est elle qui, probablement, suggéra cette idée.

Jenny Clève le chante dans Bienvenue chez les Ch'tis (2008) de Dany Boon.

Cela a aussi donné son nom au personnage principal du téléfilm en 4 parties P'tit Quinquin diffusée sur Arte () et la chanson est chantée pour le générique.

En 2014, on trouve cette chanson dans la bande originale du long métrage Pas son genre de Lucas Belvaux (source : générique).

Paroles modifier

 
Portrait charge d'Alexandre Desrousseaux par Victor Collodion.

Dors min p'tit Quiquin, min p'tit pouchin, min gros rogin

Te m'feras du chagrin, si te'n'dors point ch'qu'à d'main


Ainsi l'aute jour eune pauf' dintelière, in amiclotant sin p'tit garchon,

Qui d'pis tros quarts d'heures n'faijot que d'braire, tâchot d'l'indormir par eune canchon,

Elle li dijot "min narcisse, d'main t'aras du pain d'épice,

Du chuques à gogo, si qu't'es sache et qu'te fais dodo."


Dors min p'tit Quiquin, min p'tit pouchin, min gros rogin

Te m'feras du chagrin, si te'n'dors point ch'qu'à d'main


Et si te’m’laiches faire eune bonne semaine, j’irai dégager tin biau sarrau

Tin patalon d’drap, tin gilet d’laine, comm’un p’tit Milord te s’ras faraud !

J’t’acatrai, l’jour d’eul’ducasse, un porichinelle cocasse

Un turlututu, pour juer l’air du capieau pointu


Refrain


Nous irons dins l'cour, Jeannette-à-Vaques, vir les marionnettes comme te riras

Quind t'indindras dire un doupe pou Jacques, par l'porichinelle qui parle maga

Té li mettras dins s'menotte, au lieu d’doupes un rond d'carrotte

Il t'dira merci, parce comme nous arot du plaisi !


Refrain


Et si par hazard sin maîte eus’fâche, ch’est alors Narcisse que nous rirons

Sans n’avoir invie, j’prindrai m’n’air mache, j’li dirai sin nom et ses surnoms

J’li dirai des fariboles, i m’in répondra des drôles

Infin, à chacun verra deux spectac’ au lieu d’un


Refrain


Alors serre tes yux, dors min bonhomme, j'vas dire eun'prière à p'tit Jésus,

Pou qu’i vienne ichi, pindint tin somme, t'faire rêver qu'j'ai les mains pleines d'écus,

Pou qu'i t'apporte eune coquile, avec du chirop qui quile

Tout l'long d’tin minton, t'eut'pourléqueras tros heures du long


Refrain


L’mos qui vient, d’Saint-Nicolas ch’est l’fête, pour sûr au soir i viendra t’trouver

I t’f’ra un sermon et t’laich’ra mette, in-d’sous du ballot un grand painier

I l’rimplira si t’es sach’, d’sait-quoi qui t’rindront bénache

Sans cha sin baudet t’invoira un grand martinet


Refrain


Ni les marionnettes, ni l’pain d’épice, n’ont produit d’effet ; mais l’martinet

A vite rappajé eul’p’tit Narcisse, qui craignot d’vir arriver l’baudet

Il a dit s’canchon dormoir, s’mère l’a mis dins s’n’ochennoire

A r’pris sin coussin, et répété vingt fos ch’refrain


Refrain[3]

Discographie modifier

D'après Alan Kelly modifier

  • "Disque pour Gramophone"
    • 30463 [4556o] "Le Petit Quinquin, Pas-redoublé" (Eugène Mastio) joué par la Garde républicaine (1905)
    • 2-30363 ou 230024 [6206h] "Le Petit Quinquin, Marche" (Eugène Mastio) joué par la Garde Républicaine (été 1908)
    • 2-232663 [BT1843-II] "Le Petit Quinquin" (Alexandre Desrousseaux) chantée par M. Coussart en patois du nord ()
  • "La Voix de son Maître"
    • SK105 [0LA 4395] "Le Petit Quinquin" (Desrousseaux) chanté par La manécanterie des petits chanteurs à la croix de bois ()

D'après Gérard Roig modifier

  • Disque Lumen
    • 33.194 [XC-454] "Le p'tit Quinquin" chanté par Arlette Guttinguer, (acc. orch. dir. Marcel Cariven) (fin des années 1930)
  • Odéon
    • 166169 [2174.K.I] "Le p'tit Quinquin" chanté par Lynel Louis (26 janvier 1929)
  • Columbia
    • 19357.D [1913.L] "Le p'tit Quinquin" chanté par Sorbier jean (4 décembre 1929)
  • Gramophone
    • 0232119 (158-L) [01827-v] "Le p'tit Quinquin" chanté par Weber Harry [Monsieur Dhaller] (17 janvier 1911)
  • Idéal C.P.V.
    • 8060 [ID-558] "Le p'tit Quinquin" chanté par Firzel (acc. orch. dir Julien Rousseau) (1926-1928)
  • Parlophone
    • 80.400 [106609] "Le p'tit Quinquin" chanté par Firzel (octobre 1930)
  • Cristal
    • 6259 [2074-Cp] "Le p'tit Quinquin" chanté par Firzel (vers 1930)

Reprises et références littéraires modifier

  • Le P'tit Quinquin a été repris par le groupe de punk Les Suprêmes Dindes sur l'album Femmes Divines.
  • La chanson est citée par le chanteur Thomas Fersen dans les paroles de Cosmos (2005).
  • À la page 16 de l'album Le Tour de Gaule d'Astérix, alors que les deux protagonistes font étape à Camaracum), le marchand de bêtises assomme le centurion romain d'un coup de rouleau à pâtisserie en lui chantant « Dors mon p'tit Quinquin / Mon p'tit Quinquin / Mon p'tit Quintilius ... ».
  • Le groupe lillois Killer Ethyl a repris la chanson dans une version rock instrumentale lors d'un concert en 1990[4].

Notes et références modifier

  1. « P'tit Quinquin » (consulté le )
  2. Les premières mesures de la mélodie du P’tit Quinquin ont servi d'indicatif d'abord à Radio PTT Nord à Lille, puis, par la suite à Radio Lille, en usage jusque dans les années soixante. Par ailleurs, le capitaine Norbert Berthélemy a également repris la mélodie dans la Marche du 43e régiment d'infanterie qu'il a composée et qui est exécutée jusqu'en Amérique latine.
  3. « P'tit Quiquin », sur laplouve.free.fr (consulté le )
  4. « Worst of 2 (compilation) — Nordwaves », sur www.nordwaves.fr (consulté le )

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