En mathématiques, et plus particulièrement en analyse fonctionnelle, une norme d'opérateur ou norme subordonnée est une norme définie sur l'espace des opérateurs bornés entre deux espaces vectoriels normés. Entre deux tels espaces, les opérateurs bornés ne sont autres que les applications linéaires continues.

Sur un corps « valué » (au sens : muni d'une valeur absolue) et non discret (typiquement : ou ), soient et deux espaces vectoriels normés respectivement munis des normes et .

Soit une application linéaire de dans . Considérons .

Si , on dit que est la norme de l'application , subordonnée à et .

Propriétés modifier

  •   est fini si et seulement s'il existe des réels   tels que, pour tout  ,   (autrement dit : tels que   soit  -lipschitzienne), et dans ce cas   est égal au plus petit d'entre ces réels  .
  • Si   est fini alors   est  -lipschitzienne et par conséquent uniformément continue, donc continue, donc continue en 0. Réciproquement, si   est continue en 0, alors   est fini (la preuve, classique pour   ou  , se généralise).
  •   est fini si et seulement si l'image par   de toute partie bornée de   (ou simplement : de la boule unité) est bornée. Ceci explique le nom d'opérateurs bornés également donné aux applications linéaires continues de   dans  .
  • Dans l'espace   des applications linéaires de E dans F, le sous-espace   de celles qui sont continues peut donc être muni de la norme subordonnée. Alors, l'application bilinéaire   est continue.
  • Si   est de dimension finie, toute application linéaire de   dans   est continue :  .
  • si   ou  ,   est aussi égal à En dimension infinie, cette borne supérieure n'est pas toujours atteinte (cf. « Cas extrémal de l'inégalité de Hölder »).

Analyse approfondie modifier

Une norme d'opérateur satisfait les axiomes d'une norme, de sorte que l'espace des opérateurs linéaires bornés de   dans   est lui-même un espace normé. Il est complet si   est complet.

Deux normes distinctes interviennent ici : celle sur   et celle sur  . Même si  , il est possible de considérer deux normes distinctes sur ces espaces. En particulier l'opérateur identité sur  , pour deux normes   et   sur  , a une norme d'opérateur, en passant de   muni de   à  , si et seulement s'il existe une constante   telle que, pour tout  ,  . Lorsque   est de dimension finie sur   ou  , cette propriété est garantie : par exemple, dans le cas  , les conditions   et   peuvent définir respectivement un rectangle et une ellipse, centrés en 0. Quelles que soient leurs proportions et orientations, on peut agrandir le rectangle en sorte que l'ellipse tienne à l'intérieur du rectangle agrandi et vice versa. Cependant, il s'agit d'un phénomène lié à la dimension finie et à la complétude de   car en dimension finie sur un tel corps, toutes les normes sont équivalentes. Ceci entraîne entre autres leur équivalence topologique : toutes les normes définissent la même topologie, les mêmes ouverts.

Dans le cas   ou   et  , il est possible de montrer directement que   est fini. En fait, (pour toute norme ‖.‖1), la fonction   est continue et la sphère unité (l'ensemble des vecteurs   de norme 1) est compacte, comme partie fermée et bornée. La norme d'opérateur de   est égale à la borne supérieure de cette application sur cette sphère. Dans ce cas, pour des raisons de compacité, elle est atteinte donc finie. Mais en dimension infinie, ceci ne se vérifie pas. On peut le constater en considérant, par exemple, l'opérateur de dérivation   des polynômes trigonométriques. On peut prendre la racine carrée de la moyenne du carré comme norme : puisque  , les normes de   appliquée à des espaces de dimension finie de l'espace de Hilbert   ne sont pas bornées. Un opérateur aussi simple que   peut ne pas avoir de norme d'opérateur. Un théorème de base utilise le théorème de Baire pour montrer que si   a pour domaine et pour image un espace de Banach, alors   est borné. Pour l'exemple qui vient d'être donné,   ne peut pas être défini pour toutes les séries de Fourier de carré intégrable. En effet, nous savons, qu'elles peuvent représenter des fonctions continues mais nulle part différentiables. L'intuition est que si   augmente les normes de certains vecteurs autant que ce qu'on veut, il est possible de condenser les singularités — choisir un vecteur   qui est la somme des autres et pour lequel   ne pourrait pas être fini — ce qui montre que le domaine de   ne peut pas être  .

Norme d'un endomorphisme modifier

Dans le cas où  , on choisit usuellement (même si ce n'est pas obligatoire)  .

Pour les normes usuelles, on dispose de formules pratiques : prenons   et  . Notons   un vecteur quelconque de Rn et   la matrice de   dans la base canonique. On a alors :

  • Si   (norme indice l'infini, ou norme infini), alors la norme de   vaut :
  ;
  • Si   (norme indice 1), alors la norme de   vaut :
  ;
  • Si   (norme euclidienne, associée au produit scalaire canonique), alors la norme de   est la racine carrée de celle de  , où   désigne l'adjoint de  . Pour tout endomorphisme symétrique   (en particulier pour  ), la norme de   est égale à son rayon spectral, qui est la plus grande des valeurs absolues de ses valeurs propres. La norme de   est donc sa plus grande valeur singulière. Ceci se généralise en remplaçant   par n'importe quel espace de Hilbert.

Toute norme   sur   subordonnée à une norme   sur   est une norme d'algèbre, avec en plus :

  •   et
  • pour tout vecteur unitaire   et pour tout  ,   (d'après le théorème de Hahn-Banach).

Norme duale modifier

Dans le cas où   normé par la valeur absolue si   est un espace vectoriel réel (ou   normé par le module si   est un espace vectoriel complexe), pour chaque norme sur  , l'espace des formes linéaires continues sur  , appelé dual topologique, peut ainsi être muni d'une norme.

Articles connexes modifier