Nicole Girard-Mangin

unique femme médecin affectée au front durant la Première Guerre mondiale
Nicole Girard-Mangin
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Médecin, suffragisteVoir et modifier les données sur Wikidata
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Médecin-major (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Conflit

Nicole Girard-Mangin, née le à Paris et morte le dans la même ville, est l'unique femme médecin au sein de l'armée française à avoir exercé durant la Première Guerre mondiale. Mobilisée à la suite d'une erreur administrative, le , elle occulte sa condition féminine et répond à l'appel[1]. Elle est affectée au front de l'Ouest et plus particulièrement à Verdun[2]. Fin 1916, la direction de l'hôpital Edith-Cavell à Paris lui est confiée.

Biographie modifier

Jeunesse et mariage modifier

 
Nicole Mangin photographiée en 1892.

Nicole Mangin est issue de la petite bourgeoisie[3]. Ses parents sont originaires du village de Véry-en-Argonne (Meuse)[4] : son père, qui a d'abord été instituteur à Suippes, s'est ensuite établi près de Paris, à Charenton-le-Pont, pour y devenir négociant en vin de champagne. Nicole Mangin étudie dans les écoles de Charenton, puis à Paris, au lycée Fénelon, où elle obtient le certificat d'études primaires supérieures.

Elle veut se tourner vers des études de médecine et obtient le certificat d'études physiques, chimiques et biologiques (PCN). En 1896, à l'âge de 18 ans, elle entame des études de médecine à la faculté de Paris[4]. En 1899, elle est admise à l’externat des Hôpitaux de Paris.

La même année, elle se marie avec André Girard et abandonne ses études. Ils ont ensemble un fils, Étienne[5]. Elle s'installe dans leur propriété de la région de Saumur et elle travaille, à ses côtés, à l'exploitation et à la vente des vins mousseux et de champagne.

Une carrière de médecin modifier

En 1903, Nicole Girard-Mangin divorce et revient à la médecine[6]. En 1909, elle présente sa thèse sur les poisons cancéreux ; elle donne des cours à la Sorbonne[7] et, lors du Congrès international de Vienne en 1910, elle représente la France au côté d'Albert Robin[8]. Ce n'est donc pas une inconnue et elle exerce dans une profession presque entièrement composée d'hommes. En 1914, elle prend la tête du dispensaire anti-tuberculeux de l'hôpital Beaujon. Elle effectue des recherches sur la tuberculose et sur le cancer[4], et signe différentes publications, dont en 1913 son Essai sur l'hygiène et la prophylaxie antituberculeuses au début du XXe siècle[9]. En 1914, Nicole Girard-Mangin rédige et fait paraître un Guide antituberculeux salué dans la presse de l'époque pour ses qualités pédagogiques[10].

Première Guerre mondiale modifier

 
Nicole et sa chienne, Dun (pour Ver-dun)[3].

Lorsque la Première Guerre mondiale éclate, le , le « Dr Girard-Mangin » est mobilisé, l'administration ne doutant aucunement qu'il soit un homme ; Nicole Girard-Mangin répond néanmoins à l'appel. Elle est affectée à l'arrière, à l'hôpital de Bourbonne-les-Bains : elle y suscite des remous, mais avec l'afflux de blessés, on la garde pour ses qualités de médecin[10]. Malgré des réticences initiales, elle est envoyée au front et l'armée la rémunère comme un infirmier : ce n’est qu’en 1916 que lui est reconnu le titre de médecin aide-major[10].

Nommée médecin auxiliaire, elle est affectée fin 1914 dans le secteur de Verdun. Aucun uniforme d'officier féminin n'existant dans l'armée française, on lui en adapte un au départ d'un uniforme de l'armée britannique[3],[Notes 1]. Elle écrit et rapporte à ce sujet :

« Il est fort probable que peu d’années, que dis-je, peu de mois après notre victoire, j’aurai un sourire amusé pour mon accoutrement singulier. […] Ce sera du reste injuste et ridicule. Je dois à ma casquette d’avoir gardé une coiffure correcte, même en dormant sur des brancards ; d’avoir tenu des heures sur un siège étroit sans gêner le conducteur. Je dois à mes multiples poches d’avoir toujours possédé les objets de première nécessité, un couteau, un gobelet, un peigne, de la ficelle, un briquet, une lampe électrique, du sucre et du chocolat. […] Enfin, je dois à mes caducées et mes brisques[Notes 2] le prestige qu’il m’a fallu parfois auprès des ignorants et des sots[11]. »

Elle est la seule femme médecin de l'armée française mobilisée pendant ce conflit mondial[5]. Quand la bataille de Verdun commence, le , elle soigne et opère des blessés. Sur son activité, elle écrit à sa famille : « Chirurgie sans arrêt, de jour comme de nuit, pendant des semaines, jusqu’à ce que l’on tombe, à bout de forces, sur un brancard pour dormir un peu[4],[12]. » Elle est légèrement blessée au visage alors qu'elle évacue des blessés dans le secteur de Fleury. Opérant les blessés derrière les lignes, elle sillonne également le champ de bataille en camionnette avec un brancardier et un infirmier afin de prodiguer les premiers soins[3]. Le , les Français peuvent lire dans le journal l'Œuvre[Notes 3] cet entrefilet non signé (et très probablement d'Annie de Pène) : « Le docteur N. Girard-Mangin a rempli depuis le , sans autre répit qu'une permission de dix jours, les fonctions de médecin aide-major de 2e classe, d'abord dans la 21e région, en chirurgie, puis dans la région fortifiée de Verdun, aux contagieux. Ceci n'a rien d'absolument remarquable mais ce qui est très remarquable, c'est que le docteur Girard-Mangin est une femme[13],[14]. »

 
Nicole Girard-Mangin dans son bureau.
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Régulièrement accueillie en héroïne, elle est envoyée dans la Somme puis dans le Pas-de-Calais, à l'hôpital de Moulle, où elle dirige un service de traitement pour tuberculeux, et enfin à Ypres (Belgique)[3]. En , malgré ses nombreux heurts avec l'administration militaire, elle est nommée médecin-major. Elle est alors affectée à Paris, où elle se voit confier la direction de l'hôpital Edith-Cavell, rue Desnouettes[15], où elle forme des infirmières auxiliaires destinées à être envoyées au front[7], visite et opère des malades, et préside le conseil de direction[3]. Elle travaille dans cet hôpital après la fin du conflit, s'occupant de patients atteints de la grippe espagnole. À la fin de la guerre, elle est rendue à la vie civile, sans honneurs, ni décoration[3].

Après la guerre modifier

Après-guerre, Nicole Mangin s'investit au sein de la Croix-Rouge et elle donne des conférences sur le rôle des femmes durant la Grande Guerre. Elle milite également au sein d'une association féministe, l'Union des femmes de France, et participe à la création de la Ligue nationale contre le cancer[3]. Préparant une tournée internationale, elle est retrouvée morte le alors que fioles et boîtes de médicaments vides sont au pied de son lit[4], dans son appartement parisien au côté de sa chienne Dun[5],[6],[1],[16]

L'hypothèse retenue par Jean-Jacques Schneider est qu'elle se serait suicidée après avoir pris connaissance qu'elle était atteinte d'un cancer incurable[3]. Parce qu'elle est athée, ses funérailles et sa crémation se déroulent au cimetière du Père-Lachaise avant l’inhumation dans le caveau familial à Saint-Maur-des-Fossés.

Bibliographie modifier

Œuvres modifier

Biographies modifier

  • Jean-Jacques Schneider, Nicole Mangin - Une Lorraine au cœur de la Grande Guerre - L’unique femme médecin de l’armée française (1914-1918), éditions Place Stanislas, 2011.
  • Catherine Le Quellenec, Docteur à Verdun - Nicole Mangin, éditions Oskar, 2015 (littérature jeunesse)

Hommages modifier

Nicole Girard-Mangin n'a jamais reçu, de son vivant, ni citation, ni décoration[4].

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. Le curieux uniforme que l'on voit porté par Nicole Girard-Mangin sur les photos est dû au fait que l'armée française n'avait pas prévu d'uniforme d'officier pour les femmes ; en conséquence, elle a porté pendant toute la guerre un uniforme d'officier féminin britannique (source : « Nicole Mangin au cœur de la Grande Guerre » sur Verdun-Meuse.fr) ainsi qu'une casquette plate d'officier britannique.
  2. Galons sous la forme de chevrons d'ancienneté sur la manche d'un soldat indiquant plusieurs mois de campagne.
  3. À cette époque, il y a Urbain Gohier et Gustave Téry, piliers antisémites du journal L'Œuvre.

Références modifier

  1. a et b Franck et Michèle Jouve, La vraie histoire des femmes de 14-18, éditions Chronique, 2013, 139 p. p. 29 (ISBN 9791090871809).
  2. Archives du Ministère des Armées [Verdun 2016 Nicole Girard-Mangin : médecin de guerre malgré eux].
  3. a b c d e f g h et i Guillaume de Morant, « Nicole Girard-Mangin, première femme médecin sur le front », Paris Match, semaine du 31 juillet au 6 août 2014, p. 66-67.
  4. a b c d e et f Frédéric Plancard, « 14-18 Unique femme médecin de la Grande Guerre, mobilisée par erreur, la Meusienne Nicole Mangin accepte son affectation avec détermination : Médecine de guerre », Vosges Matin,‎ (lire en ligne)
  5. a b et c Jean-Jacques Schneider, Nicole Mangin - Une Lorraine au cœur de la Grande Guerre - L'unique femme médecin de l'armée française (1914-1918), éditions Place Stanislas, 2011
  6. a et b Xavier Riaud in Verdun-Meuse.fr, Nicole Girard-Mangin (1878-1919), Une femme médecin dans le service de santé des armées consulté le
  7. a et b Hommage à une héroïne oubliée de la Grande Guerre : Nicole Girard-Mangin (1878-1919)
  8. Mélanie Lipinska - Les Femmes et le Progrès des sciences médicales
  9. Essai sur l'hygiène et la prophylaxie antituberculeuses au début du XXe siècle, , 356 p. (lire en ligne).
  10. a b et c Blog de Gallica mars 2021 Françoise Deherly : Le docteur Girard-Mangin était une femme !
  11. L'histoire par les femmes / Nicole Girard-Mangin
  12. / Recension du livre de Jean-Jacques Schneider
  13. Rétro News / Nicole Girard-Mangin, unique femme médecin sur le front à Verdun par Pierre Ancery 11 avril 2019
  14. « Le docteur Girard-Mangin », L'Œuvre,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  15. « Nicole Mangin au cœur de la Grande Guerre - Verdun-Meuse.fr », sur verdun-meuse.fr (consulté le )
  16. a et b « Une femme extraordinaire », sur somme-bellefontaine.fr, .
  17. « Conseil de Paris » (consulté le )
  18. « Nicole Girard Mangin, médaille d'honneur du service de santé des armées », sur Institut régional d'administration de Metz, .
  19. « L’unique femme médecin française de la Grande Guerre enfin décorée », L'Est Républicain,‎ (lire en ligne).

Voir aussi modifier

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Bibliographie modifier

  • Marie-José Chavenon, Nicole Mangin, seule femme médecin de la Grande Guerre, Editions Vent d'Est, coll. « Les portraits célèbres de Lorraine », , 64 p. (ISBN 978-2-37172-029-9).
  • (en) Dorothy Canfield Fisher, The day of glory (roman), H. Holt and company, , 169 p. (lire en ligne), « France's fighting woman doctor », p. 39-88.
  • Catherine Le Quellenec, Docteure à Verdun : Nicole Mangin, Paris, Oskar éditeur, coll. « Histoire et société », , 56 p. (ISBN 979-1-021-40259-1, OCLC 893819357).
  • Jean-Jacques Schneider, Nicole Mangin Une lorraine au coeur de la grande guerre : l'unique femme médecin de l'armée française (1914-1918), Nancy Colmar, Editions Place Stanislas, , 223 p. (ISBN 978-2-355-78090-5, OCLC 762675232).

Articles connexes modifier

Liens externes modifier