En théorie des nœuds, un diagramme de nœud ou d'entrelacs est dit alterné si les croisements se font alternativement dessous, dessus, dessous, dessus, lorsque l'on suit une composante de l'entrelacs. Un nœud/entrelacs est dit alterné s'il possède un diagramme alterné.

Diagramme de l'un des trois nœuds premiers non alternés à 8 croisements.

Un diagramme de nœud/entrelacs alterné donne diverses informations géométriques et topologiques. Il permet de repérer facilement la primalité ou la non-primalité du nœud/entrelacs.

Propriétés modifier

Nœuds alternés et nœuds premiers modifier

La plupart des nœuds premiers dont le nombre de croisements est inférieur à 10 sont alternés. Grâce à ce fait, et à l'aide des conjectures de Tait (voir ci-dessous), les premiers tabulateurs de nœuds, tel Peter Tait, ont construit des tables de nœuds avec relativement peu d'erreurs ou d'omissions. Les nœuds premiers non alternés les plus simples ont 8 croisements (et il y en a trois : 819, 820, 821).

Mais on conjecture qu'à mesure que le nombre de croisements augmente, la proportion des nœuds alternés parmi les nœuds premiers tend rapidement vers 0 (cf. le tableau ci-dessous).

Nombre de croisements 2 3 4 5 6 7 8 9 10 16
Alternés suite A002864 de l'OEIS 0 1 1 2 3 7 18 41 123 379 799
Non alternés suite A051763 de l'OEIS 0 0 0 0 0 0 3 8 42 1 008 906

Définition d'un nœud alterné indépendante d'une représentation en diagramme modifier

Les nœuds/entrelacs alternés ont un rôle important dans la théorie des nœuds et la théorie des variétés de dimension 3, en raison des intéressantes propriétés géométriques et topologiques de leur complément. Ceci a conduit Ralph Fox à demander: "Qu'est-ce qu'un nœud alterné?" Par cela, il demandait quelles propriétés du complément du nœud caractériseraient les nœuds alternés[1].

En , Joshua Evan Greene a établi une caractérisation des entrelacs alternés en termes de surfaces de recouvrement définies, ce qui fournit une définition des entrelacs alternés sans utiliser le concept de diagramme[2].

Graphe associé à diagramme de nœud alterné modifier

Les diagrammes de nœuds alternés sont en correspondance injective avec les graphes planaires. Chaque croisement du diagramme est associé à une arête du graphe et la moitié des composantes connexes du complémentaire du diagramme sont associées en damier aux sommets du graphe.

 
Graphe associé au nœud de trèfle.

Conjectures de Tait modifier

 
Exemples de diagrammes alternés non réduits.

Si la boucle située d'un côté d'un croisement ne recoupe pas celle située de l'autre côté, on peut "retourner" cette boucle et supprimer le croisement. Lorsqu'on ne peut plus effectuer cette opération, le diagramme est dit réduit. Dans la figure ci-contre, on peut par exemple réduire le nœud de gauche en une opération, et celui de droite en trois opérations[3].

Les conjectures de Tait sont alors les suivantes :

  1. Tout diagramme alterné réduit d'un nœud/entrelacs a le moins de croisements parmi tous les diagrammes possibles, fournissant ce qu'on appelle le nombre de croisements du nœud.
  2. Deux diagrammes alternés réduits du même nœud/entrelacs ont le même entortillement.
  3. Étant donnés deux diagrammes alternés réduits D1 et D2 d'un nœud/entrelacs alterné premier orienté : D1 peut être transformé en D2 au moyen d'une suite de mouvements simples appelés flypes. Ce résultat est aussi connu sous le nom de "conjecture des flypes" de Tait.

Morwen Thistlethwaite, Louis Kauffman et K. Murasugi ont prouvé les deux premières conjectures en 1987 et Morwen Thistlethwaite et William Menasco ont prouvé la troisième en 1991[4].

Volume hyperbolique modifier

Menasco, appliquant le théorème d'hyperbolisation de Thurston pour les variétés de Haken, a montré que tout entrelacs alterné premier non divisé est hyperbolique, c'est-à-dire que le complément de l'entrelacs a une géométrie hyperbolique, sauf si l'entrelacs est torique[5].

Ainsi, le volume hyperbolique est un invariant de nombreux entrelacs alternés. Marc Lackenby a montré que le volume a des limites linéaires supérieures et inférieures en fonction du nombre de régions de torsion d'un diagramme alterné réduit[6].

Références modifier

  1. (en) Lickorish, W. B. Raymond, "Geometry of Alternating Links", An Introduction to Knot Theory, Graduate Texts in Mathematics, 175, New York, Springer-Verlag, (lire en ligne)
  2. (en) Joshua Greene, « Alternating links and definite surfaces », Duke Mathematical Journal, vol. 166, no 11,‎ , p. 2133-2151 (ISSN 0012-7094, DOI 10.1215/00127094-2017-0004, arXiv 1511.06329).
  3. (en) C. Adams, The Knot Book: An elementary introduction to the mathematical theory of knots, American Mathematical Society, , 307 p., p. 158
  4. (en) Louis H. Kauffman, « On Knots », vol. 115, Princeton University Press, coll. « Annals of Mathematics Studies »,‎
  5. (en) William Menasco, « Closed incompressible surfaces in alternating knot and link complements », Topologie 23 no. 1,‎ , p. 37–44
  6. (en) Marc Lackenby, « The volume of hyperbolic alternating link complements. Avec une annexe par Ian Agol et Dylan Thurston.Soc. (3) 88 no. 1 », Proc. Matematics of London,‎ , p. 204-224