Le mode mixolydien peut se référer à l'une de ces trois notions : le nom s'applique à l'une des harmonies (grec ancien : ἁρμονίαι / harmoniai) ou tonalités (grec ancien : τόνοι / tonoi) de la Grèce antique, fondée sur un type d'octave particulier ou gamme ; à l'un des modes médiévaux ; à un mode musical ou gamme diatonique, relative au mode médiéval. (Le mode hypomixolydien de la musique médiévale, par contraste, n'a pas de contrepartie moderne.)

Gamme mixolydienne moderne de do[1] Jouer.

Mixolydien grec modifier

 
Genre diatonique de la gamme mixolydienne grecque en si Jouer.
 
Genre chromatique de la gamme mixolydienne grecque en mi : tétracordes conjoints a et b, avec une note de liaison c, et intervalle de disjonction d Jouer.
 
Genre enharmonique de la gamme mixolydienne grecque en mi : tétracordes conjoints a et b, avec une note de liaison c, et intervalle de disjonction d Jouer.

Le mode mixolydien, ou tonalité lydienne mixte (en grec, μιξολυδιστί) vient de la tradition musicale de la Grèce antique. Il est évoqué par Platon[2] ainsi que par Aristote[3]. Les modes grecs différaient les uns des autres non seulement par l’arrangement des intervalles, comme nos modes majeur et mineur, mais aussi par la hauteur des sons. Les Grecs connaissaient sept modes musicaux : on distinguait, d’après la hauteur de leur échelle, le mixolydien, le lydien, le phrygien, le dorien, l’hypolydien, l’hypophrygien et l’hypodorien[4]. Aux yeux des Anciens, ces modes musicaux étaient chacun attachés à une notion morale particulière, telle que douceur, fermeté, énergie ou fureur, sachant que la musique grecque dans l’antiquité n’est jamais une abstraction purement sonore mais toujours un texte poétique chanté et accompagné de tel mode musical et de tel rythme, selon une tradition consacrée. Aristote juge ainsi l’effet moral de chacun de ces modes musicaux : « On se sent plutôt triste et contraint avec ce qu’on appelle le mixolydien ; avec d’autres, l’esprit s’attendrit, par exemple avec les modes plus relâchés ; mais avec tel autre surtout, on a le juste milieu et le calme parfait, effet que, seul parmi les modes, est censé produire le dorien ; le phrygien, au contraire, rend les auditeurs enthousiastes »[3]. Le mode mixolydien de la Grèce antique aurait été inventé, selon Aristoxène, par Sappho, poétesse et musicienne du VIIe siècle av. J.-C.[5]. Aristoxène dit que le mixolydien était « joint au dorien dans les chœurs tragiques, car celui-ci rend bien la magnificence et la majestueuse dignité, tandis que l’autre exprime la passion, l’émotion, et la tragédie est faite de ces divers éléments ». Selon Plutarque[6], « la mixolydienne est une harmonie pathétique qui convient à la tragédie », et Platon la classe dans les harmonies « suaves, douces et plaintives » (grec ancien : γλυκείας τε καὶ μαλακὰς καὶ θρηνώδεις ἁρμονίας)[7].

Le mode mixolydien de la Grèce antique est très différent de l'interprétation moderne du mode. Selon la tradition grecque, la tonalité mixolydienne (le terme « mode » est un terme latin plus tardif) emploie une gamme (ou « type d'octave ») correspondant au mode hypolydien grec renversé : dans son échelle diatonique, c'est une gamme descendant de la paramèse (παραμέση)[N 1] à l’hypate hypaton (ὑπάτη ὑπάτων)[N 2]: dans le genre diatonique, un ton entier (paramèse à mèse, en grec ancien μέση[N 3]) suivi par deux tétracordes lydiens inversés conjoints (chacun étant deux tons entiers suivis par un demi-ton descendants). Ce genre diatonique de la gamme est grossièrement l'équivalent du jeu de toutes les notes blanches d'un piano du si au si, ou si | la sol fa mi | (mi) ré do si, qui est également connu comme le mode locrien moderne. (Dans les échelle chromatique et échelle enharmonique, chaque tétracorde consiste respectivement en une tierce mineure plus deux demi-tons, et une tierce majeure plus deux quarts de ton)[8].

Mixolydien et hypomixolydien médiévaux modifier

Initialement utilisé pour désigner l'une des traditionnelles harmoniai de la théorie grecque, le nom fut emprunté (avec les six autres) par le théoricien du IIe siècle Ptolémée pour désigner ses sept tonoi, ou clefs de transposition. Quatre siècles plus tard, Boèce interpréta Ptolémée en Latin, toujours avec le sens de clefs de transposition, non de gammes. Quand la théorie du chant fut formulée pour la première fois au IXe siècle, ces sept noms plus un huitième, hypermixolydien (plus tard changé en hypomixolydien), furent à nouveau re-appropriés dans le traité anonyme Alia Musica. Un commentaire sur ce traité, appelé le Nova expositio, donna le premier son nouveau sens comme celui d'un ensemble de huit types d'octave, ou gammes[9]. Le nom mixolydien vint à être appliqué à l'un des huit modes de la musique d'église médiévale : le septième mode. Ce mode ne va pas du si au si sur les touches blanches, comme le mode grec, mais a été défini de deux façons : comme le type d'octave diatonique du sol une octave plus haut jusqu'au sol d'en dessous, ou comme un mode dont la finale était sol et dont l'ambitus allait du fa en dessous la finale jusqu'au sol au-dessus, avec les possible extensions « par licence » de monter jusqu'au la au-dessus et même descendre jusqu'au mi en dessous, et dans lequel la note ré (le ténor du septième ton psalmodique correspondant) avait une fonction mélodique importante[10]. Cette construction théorique médiévale conduisit à l'usage moderne du terme pour la gamme naturelle de sol à sol.

Le septième mode de la musique de l'église occidentale est un mode authentique fondé sur et incluant la gamme naturelle de sol à sol, avec la quinte juste (le ré dans la gamme de sol à sol) comme dominante, note de récitation ou tenor.

Le huitième mode plagal était appelé hypomixolydien (ou « mixolydien inférieur ») et, comme le mixolydien, était défini de deux façons : comme le type d'octave diatonique d'un ré jusqu'au ré une octave au-dessus, divisé à la finale de mode, le sol (donc ré-mi-fa-sol + sol-la-si-do-ré) ; ou comme un mode avec une finale de sol et un ambitus depuis le do en dessous la finale jusqu'au mi au-dessus, dans lequel la note do (le ténor du huitième ton psalmodique correspondant) avait une fonction mélodique importante[11].

Mixolydien moderne modifier

 
Gamme mixolydienne moderne en sol.

Cette gamme moderne a le même enchaînement de tons et de demi-tons que le mode majeur, excepté le septième degré qui est un demi-ton plus bas[1]. Le mode mixolydien est parfois appelé le mode dominant[12] car il s'agit du mode construit sur le cinquième degré (dominante) de la gamme majeure. On utilise aussi le terme hypoionien[13]. La septième mineure de la gamme est à un triton de la médiante (degré de la tierce majeure) de la tonalité.

Le mode mixolydien est commun dans l'harmonie non-classique, comme en jazz, funk, blues et rock.

L'ordre des tons et des demi-tons en mixolydien est :

1 - 1 - ½ - 1 - 1 - ½ - 1.

L'armure varie en conséquence (l'armure sera celle d'un mode majeur classique dont la tonique est située une quinte plus bas)[1].

Quelques exemples :

  • mode mixolydien de sol (relatif au ton de do majeur – sur un piano toutes les touches blanches d'un sol au sol suivant. sol la si do ré mi fa sol)[1]
  • mode mixolydien de do (relatif au ton de fa majeurdo ré mi fa sol la si  do)[1]
  • mode mixolydien de (relatif au ton de sol majeurré mi fa  sol la si do ré)[1]
  • mode mixolydien de mi (relatif au ton de la majeurmi fa  sol  la si do  ré mi)[1]
  • mode mixolydien de la (relatif au ton de majeur – gamme utilisée par les cornemuses du Grand Highland. (la si do  ré mi fa sol la)[14][précision nécessaire].

Gamme Malakh modifier

 
Gamme Malakh en do. Jouer.

La gamme Malakh (pour Adnai Malakh « l'Éternel roi », nom d'une prière juive) est le nom utilisé par les musiciens Klezmer pour la gamme mixolydienne, qui est identique. En Klezmer, le mode est couramment transposé en do, ou les accords principaux utilisés sont do majeur, fa majeur et sol7 (parfois sol mineur)[15].

Bibliographie modifier

  • André Wartelle, « Remarques sur la musique grecque et ses modes », Bulletin de l’Association Guillaume Budé, no 3,‎ , p. 219-225 (lire en ligne, consulté le ).
  • Francisque Greif, « Études sur la musique antique », Revue des études grecques, t. 22, no 97,‎ , p. 89-139 (lire en ligne, consulté le ).
  • Francisque Greif, « Études sur la musique antique », Revue des études grecques, t. 24, nos 108-109,‎ , p. 233-286 (lire en ligne, consulté le ).

Compositions notables en mode mixolydien modifier

Traditionnelle modifier

Populaire modifier

Notes et références modifier

Références modifier

  1. a b c d e f et g Arnie Berle, "The Mixolydian Mode/Dominant Seventh Scale", in Mel Bay's Encyclopedia of Scales, Modes and Melodic Patterns: A Unique Approach to Developing Ear, Mind and Finger Coordination (Pacific, Missouri: Mel Bay Publications, 1997): p. 33. (ISBN 978-0-7866-1791-3) (OCLC 48534968)
  2. Platon, La République [détail des éditions] [lire en ligne], Livre III, 398 d-e.
  3. a et b Aristote, Politique, Livre VIII, chap. 5, 1340 b 1-5.
  4. André Wartelle 1993, p. 221.
  5. Anne Carson (ed.), If Not, Winter: Fragments of Sappho, New York, Vintage Books, 2002, p. IX. (ISBN 978-0-375-72451-0). Carson cite le Pseudo-Plutarque, De la Musique chap. 16, 113 c, qui, à son tour, nomme Aristoxène comme son authorité.
  6. Plutarque, De la Musique, chap. 16.
  7. La République [détail des éditions] [lire en ligne], Livre III, 411 a.
  8. Thomas J. Mathiesen, "Greece", The New Grove Dictionary of Music and Musicians, second edition, 29 vols., edited by Stanley Sadie and John Tyrrell, p. 10: (Londres, Macmillan Publishers, 2001), 10:339. (ISBN 1-56159-239-0) (OCLC 44391762).
  9. Harold S. Powers, "Dorian", The New Grove Dictionary of Music and Musicians, second edition, edited by Stanley Sadie and John Tyrell (London: Macmillan Publishers, 2001).
  10. Harold S. Powers and Frans Wiering, "Mixolydian", The New Grove Dictionary of Music and Musicians, second edition, 29 vols., edited by Stanley Sadie and John Tyrell, 16:766–67 (Londres: Macmillan Publishers, 2001), 767. (ISBN 978-1-56159-239-5).
  11. Harold S. Powers and Frans Wiering, "Hypomixolydian", The New Grove Dictionary of Music and Musicians, second edition, 29 vols., edited by Stanley Sadie and John Tyrell, 12:38 (Londres: Macmillan Publishers, 2001) (ISBN 978-1-56159-239-5).
  12. Dan Haerle, Scales for Jazz Improvisation (Hialeah: Columbia Pictures Publications; Lebanon, Indiana: Studio P/R; Miami: Warner Bros, 1983), p. 15. (ISBN 978-0-89898-705-8).
  13. « Hypoionien : définition de hypoionien, citations, exemples et usage pour… », sur reverso.net (consulté le ).
  14. Ewan MacPherson, « The Pitch and Scale of the Great Highland Bagpipe », The University of Western Ontario (consulté le ).
  15. Dick Weissman and Dan Fox, A Guide to Non-Jazz Improvisation: Guitar Edition (Pacific, Missouri: Mel Bay Publications, 2009): p. 130. (ISBN 978-0-7866-0751-8).
  16. Wendy Anthony, "Building a Traditional Tune Repertoire: Old Joe Clark (Key of A-Mixolydian)", Mandolin Sessions webzine (February 2007) |(Accessed 2 February 2010).
  17. a b et c Ted Eschliman, "Something Old. Something New", Mandolin Sessions webzine (November 2009) (Accessed 2 February 2010).
  18. Jack Morer, Rolling Stones: "Exile on Main Street" (Milwaukee: Hal Leonard Corporation, 1995): p. 100. (ISBN 0-7935-4094-1) (OCLC 49627026)
  19. "Marquee Moon tab", Joe Hartley's generic homepage.
  20. Rooksby, Rikky (2001). Inside Classic Rock Tracks, p. 86. (ISBN 978-0-87930-654-0).
  21. Ed Friedlander, "The Ancient Musical Modes: What Were They?" (Accessed 6 October 2011).
  22. Dan Bennett, "The Mixolydian Mode", in The Total Rock Bassist (Van Nuys and Los Angeles: Alfred Publishing, 2008): p. 90. (ISBN 978-0-7390-5269-3) (OCLC 230193269)
  23. Kenneth Womack and Todd F. Davis, Reading the Beatles: Cultural Studies, Literary Criticism, and the Fab Four (Albany: State University of New York Press, 2006): p. 45. (ISBN 978-0-7914-6715-2) (cloth); (ISBN 978-0-7914-6716-9) (pbk).
  24. a et b Ken Stephenson, What to Listen for in Rock: A Stylistic Analysis (New Haven and London: Yale University Press, 2002), p. 39. (ISBN 978-0-300-09239-4).
  25. a et b Albin Zak III, The Velvet Underground Companion: Four Decades of Commentary, (New York, Schirmer Books; London: Prentice Hall International, 2010) (ISBN 9780825672422, lire en ligne), p. 333.
  26. Lloyd Whitesell, The Music of Joni Mitchell, Oxford University Press, , 288 p. (ISBN 978-0-19-971909-9 et 0-19-971909-8, lire en ligne), p. 119.
  27. « Grateful Dead master class with Dave Frank » (consulté le )Modèle:Time needed
  28. « King of Off-Beat Samba Limbs » (consulté le )
  29. http://popmusictheory.com/mixolydian-mode-in-royals-by-lorde/

Notes modifier

  1. Cet adjectif grec, qui signifie « placée près du milieu », désigne la seconde des cinq cordes de la lyre : Aristote, Problèmes, 19, 47.
  2. L’hypate est la corde la plus haute de la lyre, à droite, qui donnait la dernière note, la plus grave de la gamme (mi grave dans la tonalité dorienne) : Platon, La République [détail des éditions] [lire en ligne], Livre IV, 443 d-e.
  3. La quatrième corde et la note médianes de la lyre, soit la dans la tonalité dorienne.

Voir aussi modifier

Lecture complémentaire modifier

Liens externes modifier