Maurice Esmein

peintre français
Maurice Esmein
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Maurice Esmein, né le à Paris et mort sur le front à Vaudesincourt (Marne) le , est un médecin et un peintre cubiste français.

Origines modifier

 
Maurice Esmein (à droite) avec Alfred Reth.

Fils du juriste républicain Adhémar Esmein (1848-1913), et issu d'une famille de notables charentais, Maurice Esmein fait d’abord des études de médecine avant de devenir peintre, sans passer par les académies. L’impulsion lui vient vers ses 18 ans de son oncle, Julien Le Blant (1851–1936), peintre d'histoire et de scènes militaires, dont il se détache rapidement[1]. Il se lie ensuite d’amitié avec Jean Buhot (1885-1952), orientaliste et peintre — fils du graveur Félix Buhot (1847-1898) —, ami avec lequel Maurice se lance dans des débats enthousiastes sur la peinture de son temps. Puis il se lie avec Alfred Reth (1884-1966), peintre d’origine hongroise installé à Paris depuis 1905, qui lui fait découvrir le cubisme. C’est sous cette influence que commence vers 1913, la période où il se construit véritablement comme peintre — il écrit précisément dans ses Carnets : « ma puberté intellectuelle se place vers 25 ans »[2].

 
Au Laboratoire, Paris, musée national d'Art moderne.

Style modifier

Influencé par le cubisme, Maurice Esmein s’intéresse surtout à ce que, par le travail de la forme, il apporte à la peinture. Mais il ne se détache jamais complètement de la représentation de la réalité. Aussi ses tableaux sont-ils souvent des portraits et des paysages cubistes, ne tombant jamais dans l’abstraction. La vie y reste toujours présente, comme prise et révélée à la fois par la forme, un peu comme chez Paul Cézanne. Il est à la recherche d’un genre pictural neuf, d’une « peinture complète », qui allierait la sensualité à l’intellect, la forme à la matière, la composition cubiste avec le paraître naturel de l’impressionnisme.

La Première Guerre mondiale modifier

Travaillant dans deux ateliers dans le 15e arrondissement de Paris, et à Luzarches (dans l’actuel Val d’Oise), Esmein expose au Salon des indépendants, et fréquente les cercles de l’Abbaye de Créteil, et du Bateau-Lavoir[réf. nécessaire]. Mais lors de la Première Guerre mondiale, il est réformé et ne supporte pas d’être favorisé par le sort par rapport à ses camarades mobilisés[3]. Il est affecté comme médecin auxiliaire à l’hôpital du lycée Chaptal, mais se porte rapidement volontaire pour le front, où il part en tant que médecin. Affecté au Mont-sans-nom près de Reims, il se fait accepter dans une patrouille, une nuit où l’on manque de volontaires pour une reconnaissance. La patrouille se fait prendre par un projecteur ennemi et mitrailler. Il est tué en , le jour même de ses 30 ans[4].


L'après-guerre modifier

 
La Femme en bleu, collection privée.

Maurice Esmein laisse une quarantaine de toiles, beaucoup de dessins, d’aquarelles et de gravures. Après sa mort, une exposition de ses œuvres a lieu en 1919 à la galerie Vildrac, rue de Seine à Paris[réf. nécessaire], l’une des premières galeries d’art moderne créée par l’écrivain Charles Vildrac et sa femme. Vildrac, qui fut lui-même combattant, expose les œuvres de peintres morts à la guerre[5]. On y voit un petit nombre d'œuvres posthumes d'Esmein. Le musée national d'Art moderne à Paris acquiert l’un de ses tableaux, Au laboratoire[6]. Beaucoup de ses toiles sont aujourd’hui dans des collections privées, mais une partie d’entre elles sont exposées à nouveau à la galerie du Luxembourg de la mairie du 6e arrondissement de Paris en et dans une exposition intitulée « Maurice Esmein, un peintre aux sources du cubisme »[7].


Les Carnets (1913-1918) modifier

 
Jardin de Dinard, collection privée.

Maurice Esmein a également laissé un manuscrit intitulé Carnets, que les Éditions Hermann publient pour la première fois fin . Griffonnés à partir de 1913 jusque pendant la Première Guerre mondiale, même écrits au front, ce sont des réflexions sur la peinture, l’impressionnisme, le cubisme, les constructions intellectuelles qui sous-tendent l'art moderne. Ces Carnets manifestent bien que, lorsqu’il meurt au combat, ses réflexions sur la peinture s'accordent avec celles de son époque. Léon Werth avait signalé l’existence de ces notes dès 1923 dans un chapitre consacré à Maurice Esmein de son livre Quelques peintres. On y lit les phrases suivantes : « Maurice Esmein a écrit des pages excellentes sur les peintres contemporains. Mais je sens la difficulté de donner une juste idée de ces notes par de brèves citations tronquées. Et j’espère que ces textes, que Charles Vildrac m’a communiqués, seront prochainement publiés[8] ». Vildrac et Werth s’y intéressaient et voulaient les rendre publics.

 
Portait de Suzanne Karpelès, localisation inconnue.

Ces carnets manuscrits, retrouvés en 2016 dans les archives familiales, sont un témoignage sur les réflexions d’un peintre pris dans la mouvance du cubisme. « Comment envisager maintenant le problème de la peinture après la guerre[9] ? », se demande Maurice Esmein en . Artiste d’une grande culture, autant que critique avisé, il interroge les pratiques artistiques de son temps et parcourt les « culs-de-sac »[10] dans lesquels ses contemporains se perdent. Commentant, parfois sévèrement, les œuvres de Claude Monet, d'Auguste Renoir, d'Henri Matisse ou de Pablo Picasso, il fustige aussi ses propres erreurs. Il est à la recherche de cette troisième voie entre le cubisme et l’impressionnisme, qui allierait la sensualité à l’intellect, la forme à la sensibilité. Les Carnets révèlent un artiste en devenir qui est aussi un chercheur et qui explore les moyens d’enrichir la peinture de son temps en tenant d'y introduire plus de beauté plastique et d’animation par la lumière[11].

Notes et références modifier

  1. Esmein 2022, p. 68-69.
  2. Esmein 2022, p. 73.
  3. « Journal officiel de la République française. Lois et décrets », sur Gallica, (consulté le ).
  4. « Médecin Auxilaire 72e - Jan-Fév. 1918 - Forum PAGES 14-18 », sur forum.pages14-18.com (consulté le ).
  5. « Ressource « Vildrac, Charles (1882-1971) » », sur Institut Mémoires de l'édition contemporaine (IMEC) (consulté le ).
  6. « Maurice Esmein, Au laboratoire, s.d., inv. : AM 2219 P », sur Centre Pompidou - La collection du musée national d'Art moderne (consulté le ).
  7. « Exposition Maurice Esmein : du 7 décembre au 7 janvier », sur Mairie du 6e arrondissement de Paris, .
  8. Werth 1923, p. 181-188.
  9. Esmein 2022, p. 132.
  10. Esmein 2022, p. 88.
  11. « Maurice Esmein », sur Julien Le Blant (consulté le ).

Annexes modifier

Bibliographie modifier

  • Salon d'automne, Catalogue des ouvrages de peinture, sculpture, dessin, exposés au Grand Palais des Champs-Élysées du au , Société du Salon d'automne, 1912.
  • Société des artistes indépendants, Catalogue de la 30e exposition 1914, éd. Société des Artistes Indépendants, Paris, 18 rue Mazarine, p. 114 : liste des trois œuvres exposées par Maurice Esmein.
  • Société des artistes indépendants, Catalogue de la 31e exposition 192?, éd. Société des Artistes Indépendants, Paris, 18 rue Mazarine, p. 64 : liste des cinq œuvres exposées de Maurice Esmein, et mention de sa mort en p. 5.
  • André Lucien Maurice Delattre, Ils ne sont pas passés, ou les Mémoires du soldat Delattre retrouvées, La société des écrivains, , 344 p. (ISBN 2342015305, EAN 9782342015300)
    Ouvrage qui revient sur les circonstances du décès de Maurice Esmein au front le 4 février 1918 (Delattre était brancardier au 72e régiment d’infanterie, il a transporté le corps du peintre).
  • Vadime Elisséeff, « Jean Buhot (article nécrologique sur Jean Buhot qui contient un passage sur Maurice Esmein) », Artibus Asiae, Ascona, Artibus Asiae, vol. 15, no 4,‎ , p. 356-368 (ISSN 0004-3648).
  • Maurice Esmein, « De la sauvagerie en art, Réflexions au sujet des masques nègres de la Côte d'Ivoire », L’Art Libre, no 15, Bruxelles, , p. 167-168.
  • Maurice Esmein, « Une soirée à Luzarches », Les Cahiers d’aujourd’hui, no 7, Paris, éd. G. Crès, 1921, p. 97-100.
  • Maurice Esmein (préf. Jean Esmein), Carnets (1913-1918) : Tourments d’un peintre pour réformer le cubisme, Paris, Hermann, coll. « Savoir sur l'art », , 172 p. (ISBN 1037021835, EAN 9791037021830)
  • Gérald Schurr, Les petits maîtres de la peinture (1820-1920), vol. 4, Paris, Éditions de l'Amateur, , p. 164-165.
  • Léon Werth, Quelques peintres, Paris, G. Crès, coll. « Les artistes d’hier et d’aujourd’hui », , p. 181-188.

Liens externes modifier