Tête de Ninive

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Le masque de Sargon, appelé aussi tête de Ninive, est une tête en bronze datant des XXIIIe – XXIIe siècles av. J.-C. et découverte à Ninive, dans l'actuel Mossoul en Irak.

Masque de Sargon
Tête de Ninive
Tête en bronze d'un dirigeant akkadien, découverte à Ninive en 1931, ici photographiée en 1936. Elle représente vraisemblablement Sargon ou, plus probablement, son petit-fils Naram-Sin.
Tête en bronze d'un dirigeant akkadien, découverte à Ninive en 1931, ici photographiée en 1936. Elle représente vraisemblablement Sargon ou, plus probablement, son petit-fils Naram-Sin.
Période XXIIIe – XXIIe siècles av. J.-C.
Culture Akkadiens, Empire d'Akkad
Date de découverte
Lieu de découverte Ninive, Irak
Coordonnées 36° 21′ 35″ nord, 43° 09′ 09″ est
Conservation Musée national d'Irak, Bagdad (jusqu'en 2003)
Géolocalisation sur la carte : Irak

Considéré comme une œuvre majeure de la civilisation mésopotamienne, il représenterait un roi d'Akkad de cette période, soit Sargon d'Akkad, ou son petit-fils Naram-Sin.

Exposée au musée national d'Irak, elle fait partie des milliers de pièces qui ont été saccagées ou volées en avril 2003 au début de la guerre d'Irak, alors que l'armée américaine laissait faire les pillards. Elle a été brisée en centaines de morceaux. Son sort actuel en 2012 est inconnu.

Découverte modifier

Lors de fouilles menées par une expédition du British Museum entre 1930 et 1931 sur le site de l'ancienne Ninive, l'équipe de l'archéologue britannique Reginald Campbell Thompson et de son assistant Robert William Hamilton (en) dirigent les excavations d'un temple du VIIe siècle av. J.-C. dédié à la déesse Ishtar[1]. La tête en bronze est découverte sur la plateforme du sanctuaire, et fait dès 1932 l'objet d'articles[2]. En 1936, Max Mallowan, témoin avec son épouse Agatha Christie de la trouvaille, partage les premières photographies de la sculpture dans la revue archéologique Iraq[3].

La question de la matière qui la constitue et de sa datation est débattue dès sa découverte. Campbell Thompson l'a dit de cuivre et la date approximativement de , tandis que Mallowan la suggère en bronze, alliage qui sera finalement retenu[4]. Le visage, la barbe et l'œil gauche de la tête, endommagés, peuvent avoir été volontairement mutilés à la suite du sac de Ninive en par le roi de Babylone Nabopolassar[2],[5], qui conduit à la chute de l'Empire néo-assyrien et à l'avènement de l'Empire néo-babylonien.

Description modifier

Le « masque de Sargon » est en réalité une tête creuse aux trois quarts grandeur nature (hauteur 36 cm) trouvée dans une tranchée à Ninive, et ne montre aucun signe de soudure ou de tout autre moyen d'assemblage des pièces, elle a donc probablement été coulée dans son intégralité. Il est possible que pour sa création, on ait utilisé la méthode de coulée selon le modèle, déjà connue à Sumer au milieu du IIIe millénaire av. J.-C.. Certes, les figurines en bronze qui ont survécu à cette époque étaient pour la plupart coulées d'une seule pièce et avaient de petites dimensions. A en juger par l'excellente qualité de la coulée, ce n'est pas du cuivre pur qui a été utilisé, mais plutôt un alliage de cuivre de fonderie (peut-être du bronze) avec peu d'additifs[6]. Il n’y a aucune inscription qui permettrait d’identifier clairement quel personnage est représentée par cette tête. Il s'agit probablement d'un dirigeant akkadien régnant aux XXIIIe – XXIIe siècles av. J.-C..

 
Le dit « Masque de Sargon », après restauration, en 1936. Les cheveux tressés et le chignon royal, rappelant les coiffures de Meskalamdug (en), Eanatum ou Išgi-Mari, sont particulièrement visibles. Pour des raisons stylistiques, on pense maintenant qu'il représente le petit-fils de Sargon, Naram-Sin, plutôt que Sargon lui-même[7].

Le monument représente un souverain akkadien avec des traits sémitiques caractéristiques[8]. Le visage noble et basané est encadré par des cheveux disposés et regroupés et une longue barbe bouclée[9], un nez aquilin soigneusement conçu, des lèvres régulières et définies, tandis que les yeux faits de pierres précieuses ont été insérés[8]. Dans la barbe, chacune de ses boucles courtes et longues est travaillée, tout comme l'entrelacement de ses cheveux[8]. L'orbite de l'œil gauche de la tête en bronze a été endommagée lorsqu'une des pierres précieuses en a été retirée.

 
Reproduction du casque en or de Meskalamdug (en), British Museum.

Dans cette œuvre, les formes géométriques sumériennes ont été rejetées[8], la force réaliste et dure du rendu du visage, qui est doté de traits vifs et expressifs, le casque riche et minutieusement exécuté, qui rappelle le casque d'or du roi Meskalamdug (en), l'audace et en même temps la subtilité de l'exécution rapproche cette œuvre du travail des artisans akkadiens qui ont créé la stèle de Naram-Sin[10]. Le portrait véhicule un type ethnique, un visage idéalisé généralisé d'un héros courageux et victorieux, tout en mettant l'accent sur les traits individuels. Si les images humaines antérieures étaient schématiques et conventionnelles, il existe désormais une similitude avec les proportions naturelles.

Datation et attribution modifier

Après une analyse par Max Mallowan de l'ensemble de la tête, et de sa comparaison à d'autres œuvres de l'art sumérien, il conclue à une datation entre les tombes royales des dynasties archaïques et celles de la troisième dynastie d'Ur, soit entre environ et [11]. Au vu des précisions exceptionnelles du visage et de points communs, il rapproche finalement la sculpture de la stèle de victoire du roi Naram-Sin, et opte pour placer la tête entre le règne de Sargon d'Akkad (~ ) et celui de Goudéa (~ )[12].

Mallowan proposa ainsi l'hypothèse d'une datation à l'époque sargonide. Prenant pour appui l'élévation d'un temple à Ninive par Manishtousou, fils de Sargon d'Akkad[13], il suggère que la tête en bronze, datée de cette époque, ait été érigée à la gloire de Sargon par son fils, et pourrait donc représenter le fondateur de l'Empire d'Akkad lui-même[12]. Cette supposition a dès son énonciation été reprise par la littérature, et l'expression de « portrait de Sargon » ou « masque de Sargon » est déjà utilisée en 1938[12].

Cependant, alors que l'art mésopotamien est développé à la période d'Ur III, elle est encore archaïque à l'époque sargonide. En mettant en relation différentes sculptures et coiffures, ainsi que les caractéristiques du visage de la tête Ninive, Anna Roes affirme que la sculpture ne peut avoir été réalisée qu'à l'époque de Goudéa[14].

Disparition et reproductions modifier

Exposée au musée archéologique de Bagdad après sa découverte, elle fait partie des pièces saccagées ou volées lors du pillage du à la suite du déclenchement de la guerre d'Irak. Elle demeure à l'heure actuelle non retrouvée.

Plusieurs reproductions du dénommé « masque de Sargon » ont été réalisées, dû à sa notoriété comme œuvre majeure de l'art de Mésopotamie ainsi que comme œuvre perdue.

Références modifier

  1. Buhl 1980, p. 411.
  2. a et b Roes 1940, p. 323.
  3. Max Mallowan, « The Bronze Head of the Akkadian Period from Nineveh », Iraq, vol. 3, no 1,‎ , p. 104–110 (DOI 10.2307/4241589, JSTOR 4241589, S2CID 130446624)
  4. Roes 1940, p. 323-324.
  5. Buhl 1980, p. 412.
  6. (ru) « L'Antiquité asiatique » [archive du ], sur art-con.ru,
  7. (en) John F. X. McKeon, « An Akkadian Victory Stele », Boston Museum Bulletin, vol. 68, no 354,‎ , p. 237 (ISSN 0006-7997, JSTOR 4171539)
  8. a b c et d (ru) « Architecture de l'Assyrie » [archive du ], sur miro101.ru,
  9. (ru) « Tête en bronze de Sargon d'Akkad (l'Ancien) de Ninive », sur art.biblioclub.ru,
  10. (ru) « Art d'Akkad (XXIVe – XXIIIe siècles av. J.-C.) », sur artyx.ru
  11. Roes 1940, p. 325.
  12. a b et c Roes 1940, p. 326.
  13. Buhl 1980, p. 413-414.
  14. Roes 1940, p. 326-328.

Bibliographie modifier

  • Agnès Benoit, Art et archéologie : les civilisations du Proche-Orient ancien, Paris, RMN, coll. « Manuels de l'école du Louvre », , p. 258-259
  • Anna Roes, « La tête de bronze de Ninive », Revue des Études Anciennes, vol. 42,‎ , p. 323-329 (lire en ligne).
  • Marie-Louise Buhl, « Les représentations de Naram-Sin et ses parents dans la Koroplastique », Syria, vol. 57,‎ , p. 411-420 (lire en ligne).
  • Philippe Quenet, « Le regard de "Naram-Sin" ou le sens du détail dans la statuaire akkadienne », Ktèma, vol. 37,‎ , p. 107-133 (lire en ligne).

Liens externes modifier