Maria Lai

artiste italienne

Maria Lai (née le à Ulassai et décédée à Cardedu le ) est une artiste italienne d'origine sarde[1], considérée comme une pionnière de l’art relationnel en Italie, connue pour son chef-d'œuvre : Legarsi alla montagna (« se lier à la montagne »).

Maria Lai
Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 93 ans)
CardeduVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Activités
Autres informations
Représentée par
Marianne Boesky Gallery (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Influencée par
Œuvres principales
Legarsi alla montagna (d)Voir et modifier les données sur Wikidata

Fierté de la région sarde de l'Ogliastra, réputée pour le « trait fortement narratif et conceptuel de son travail »[2], elle a vu sa notoriété et le prix de ses œuvres grandir après une exposition à la Biennale de Venise en 1978[2].

Biographie modifier

 
Le Musée d'Art Contemporain Ulassai Art Station

Née à Ulassai, village de l'Ogliastra, en Sardaigne, Maria Lai est la fille de Giuseppe (vétérinaire[3]) et de Sofia Mereu. Elle grandit dans un village dominé par de spectaculaires montagnes[4]. Elle était la deuxième d'une famille de cinq enfants[5]. De mauvaise santé, pendant son enfance, elle a passé les mois d'hiver à Gairo, chez ses oncles paysans, et n'a donc pas fréquenté régulièrement l'école primaire. Elle commence très jeune, dans ce petit village sarde, à se découvrir une aptitude au dessin : à l'aide des braises de la cheminée, elle dessine des formes sur les murs.

En 1939, elle s'inscrit à l'école d'art Ripetta à Rome, où elle rencontre des maîtres de peinture comme Angelo Prini et Marino Mazzacurati. Elle n'a même pas 20 ans quand elle quitte la Sardaigne pour aller étudier. Ayant terminé ses études au lycée, elle ne peut cependant pas retourner en Sardaigne en raison de la guerre. Elle part pour Venise, où, de 1943 à 1945, inscrite à l'Académie des Beaux-Arts, elle suit le cours de sculpture donné par les artistes Arturo Martini et Alberto Viani[6]. Le sculpteur Arturo Martini est alors connu pour être l'auteur de La Sculpture, langue morte. Mais comme beaucoup d'hommes de sa génération, il ne croit pas du tout au fait qu'une femme puisse devenir artiste[4].

En 1945, Maria Lai quitte précipitamment Venise. Après une courte période à Vérone, elle retourne dans son île natale, en Sardaigne, pour se ressourcer. À partir de l'année suivante, elle enseigne à l'institut technique féminin de Cagliari, où elle reste jusqu'en 1949. En Sardaigne, elle renoue des contacts avec Salvatore Cambosu et rencontre, en 1947, Foiso Fois et Giuseppe Dessì[7], qui se retrouvent alors comme voisins à Rome[8].

Activité artistique modifier

De retour à Rome en 1954, elle réalise en 1957 sa première exposition personnelle à la galerie L'Obelisco d'Irene Brin, exposant les dessins au crayon réalisés entre 1941 et 1954. Entre-temps, Maria ouvre un petit studio d'art et se lie d'amitié avec Jorge Eduardo Eielson.

Dans les années soixante, Maria Lai a observé les courants contemporains émergents, tels que l'Arte povera et l'Art informel. Peu de temps après, elle a compris l'importance des leçons de Martini (qu'elle avait d'abord considérées comme un échec complet), des paroles de Cambosu, des traditions, des mythes et légendes de son pays natal. En intervenant sur la matière à travers les objets Ready-made du métier à tisser et la magie de son utilisation, du pain et des objets du passé archaïque sarde, elle a commencé un voyage, qui voyait le passé comme une enquête sur l'avenir.

En septembre 1971, son frère Gianni meurt dans un accident d'avion ; médecin, il était connu localement comme le fondateur de l'Institut orthopédique climatique Mario Tommasini de Jerzu (transformé plus tard en sanatorium antituberculeux)[3].

Son parcours d'artiste bénéficie alors d'une nouvelle approche de l'art textile favorisée par la rencontre avec le maître Enrico Accatino qui commença à œuvrer pour la relance de l'art textile. Cette démarche intéresse alors à la même époque des usines sardes.

Au cours de l'année 1976, Maria Lai, alors âgée de 57 ans, fait la connaissance d'Angela Grilletti Migliavacca, propriétaire et directrice de la galerie Arte Duchamp à Cagliari, en Sardaigne.

Cette dernière deviendra son futur conservateur personnel, avec qui elle entretiendra plus tard une relation de travail et d'amitié durant plusieurs décennies. L'année suivante, en 1977, elle rencontre l'historienne de l'art Mirella Bentivoglio qui dès 1978 permet à Maria d'aller à la Biennale de Venise.

L'événement de 1981 modifier

Le , un événement d'art relationnel unique a eu lieu, auquel toute la communauté d'Ulassai a participé : l'opération, appelée « Legarsi alla montagna », a duré trois jours et a eu une grande importance, impliquant également la télévision d'État[9]. L'événement a été considéré par le critique d'art Filiberto Menna comme l'une des réalisations les plus importantes de l'art moderne et contemporain[10].

L'inspiration de l'œuvre est venue d'une réinterprétation d'une ancienne légende de la ville, Sa Rutta de is'Antigus (La grotte des Anciens), qui avait été tirée d'un événement réel à Ulassai en 1861. Un jour, une crête de montagne s'effondre et submerge une maison, à l'intérieur de laquelle trois fillettes meurent : une autre parvient cependant à se sauver et tient un ruban bleu. Les roturiers interprétèrent le fait comme un miracle divin, qui se transmettait de génération en génération : la petite fille, afin de poursuivre un fil bleu qui volait dans le ciel au milieu des éclairs, avait quitté la grotte peu avant l'effondrement et avait ainsi sauvé sa vie. Maria Lai unissait les maisons du village et le surplomb du mont Gedili[9] par un fil céleste de 27 km de long.

La même année, Maria crée une Via Crucis dont elle fait don à la paroisse d'Ulassai[11]. Dans le même temps, le musée à ciel ouvert prend forme sur le même site. Il prendra le nom de Maria Lai, après avoir été réalisé en 1982 par plusieurs artistes dont Costantino Nivola, qui a créé ici sa dernière œuvre (Fontaine sonore)[12].

À partir des années 90 modifier

Dans les années 90, ses œuvres apparaissent comme une réinterprétation de son parcours global et de ses différents cycles assemblés harmonieusement les uns avec les autres. Son travail se révèle très apprécié au niveau international, ce qui débouche sur l'amitié personnelle avec le styliste Antonio Marras et les chanteuses Marisa Sannia et Elena Ledda.

Années 2000 et 2010 modifier

En 2004, elle a reçu un diplôme honorifique en littérature de l'Université de Cagliari[2] puis le , le Musée d'art contemporain est inauguré dans les anciens bâtiments de l'ancienne gare d'Ulassai[2]. Le musée reçoit une donation d'environ 140 œuvres de l'artiste, parmi les plus significatives de sa carrière[2].

Au cours de ses dernières années de vie, Maria Lai a vécu et travaillé dans sa maison de campagne près du village de Cardedu (voisin du Gairo de son enfance).

En 2012, un an avant de mourir, elle perd sa sœur Giuliana, une écrivaine : « J'ai perdu ma petite sœur, et l'art a perdu sa grande et humble interprète[13] ».

Ses œuvres sont par la suite conservées dans d'importantes institutions publiques, dont le Palazzo Grassi à Venise, le Palazzo Mirto à Palerme et la Villa Borghèse à Rome.

Œuvres placées dans des lieux publics modifier

Distinctions modifier

  • Diplôme honorifique en littérature de l'Université de Cagliari en 2004[14]
  • Prix Spécial du Jury au Prix Dessì en 2007
  • Prix Spécial du Jury au Prix Ciampi en 2012
  • Prix de la Chambre des députés pour le 150e anniversaire de l'unification de l'Italie avec l'œuvre Empreintes de lois en 2011 [15]

Maria Lai dans les collections publiques modifier

Maria Lai dans des collections privées modifier

  • Collection Renato Alpegiani, Turin
  • Collection Giuseppe Garrera, Rome
  • Collection Nicola Cocco, au Studio Cocco, Quartu Sant'Elena (Cagliari)

Expositions personnelles modifier

  • 1953 : Cagliari Gli amici del Libro
  • 1956 : Cagliari Gli amici del Libro
  • 1956 : Palm Beach Little Gallery
  • 1957 : Roma Galleria L'Obelisco
  • 1958 : Stoccolma Nordiska Companiet
  • 1961 : Roma Galleria L'astrolabio
  • 1963 : Roma Galleria L'albatro
  • 1971 : Roma Galleria Schneider
  • 1975 : Cagliari Arte Duchamp, Tele e collages
  • 1977 : Savona Galleria Il brandale
  • 1977 : Nuoro Galleria Chironi
  • 1977 : Cagliari Arte Duchamp
  • 1978 : Biennale di Venezia, Libro scalpo, Libro Pianto
  • 1979 : Roma Centro Morandi
  • 1979 : Bologna Arte Fiera (personale presso la “Arte Duchamp”)
  • 1980 : Cagliari Arte Duchamp, Scritture
  • 1980 : Roma Spazio Alternativo
  • 1980 : Trieste Studio Tommaseo
  • 1981 : Ulassai Legarsi alla Montagna
  • 1982 : Ulassai Lavatoio Comunale
  • 1982 : Perth, Australia, Quentin Gallery
  • 1983 : Bari Centrosei
  • 1983 : Sydney Ivan Dougherty Gallery
  • 1983 : Roma Spazio Documento, il paese dei nastri celesti
  • 1983 : Orotelli, l'alveare del poeta
  • 1983 : Camerino, la disfatta dei varani
  • 1984 : Roma Spazio Documento, Tenendo per mano il sole
  • 1984 : Roma Calcografia Nazionale, artisti al lavoro, Maria Lai Franca Sonnino
  • 1986 : Prato, Teatro Comunale, lettere al lupo
  • 1987 : Turin, Quantica Studio
  • 1989 : Hanovre Biblioteca dell'Università
  • 1990 : Roma Studio Stefania Miscetti: La leggenda di Maria Pietra
  • 1992 : Naples Galassia Gutenberg Oltre le indie Libri in stoffe
  • 1992 : Castel di Tusa (ME), Atelier sul Mare, Su barca di carta mi imbarco
  • 1994 : Roma scuderie di Palazzo Ruspoli, Inventare altri spazi
  • 1996 : Venezia Scuola di Grafica Internazionale, Ca de janas
  • 1998 : Cagliari, Man Ray Janas
  • 2006 : Ulassai Inaugurazione Stazione dell'arte
  • 2008 : Roma Festival Internazionale del Cinema, Ansia d'Infinito
  • 2010 : Brescia, Galleria dell'Incisione
  • 2011 : Venezia, Premio Venere nera
  • 2011 : Roma Premio Camera dei deputati, 150 anni dell'Unità d'Italia, Orme di Leggi
  • 2012 : Miami, USA, Pulse Fiera Internazionale d'Arte Contemporanea
  • 2013 : Milano Nuova Galleria Morone, Tra fiabe, miti e leggende: le Tracce di un dio distratto
  • 2013 : Bologna Museo d'arte moderna di Bologna Autoritratti

Expositions posthumes modifier

Écrits modifier

  • Il faisait nuit dehors, Les crèches, Cagliari, éditions AD, (ISBN 978-8889307021)
  • Maria Pietra, Cagliari, Ilisso, (ISBN 978-88-6202-318-4)
  • Tenir par la main l'ombre, Cagliari, Ilisso, (ISBN 978-88-6202-319-1)
  • La petite chèvre, Cagliari, Ilisso, (ISBN 978-88-6202-317-7)
  • La cloche d'argent (ill. Gioia Marchegiani), Topipittori, (ISBN 978-8898523726)
  • Toute œuvre parle plus librement si elle est d'un auteur inconnu
  • La peur de l'art, c'est la peur de l'exposition
  • Chaque être humain peut refuser sa propre inquiétude, ou chercher des réponses dans la religion ou l'art
  • Prière pour le religieux, fréquentation de l'art pour l'homme libre
  • Toute religion établit des liens. L'art dénoue les liens

Notes et références modifier

  1. (it) « Ulassai, una perla incastonata nel cuore dell'Ogliastra: Maria Lai », sur www.saperdaesuentu.it (consulté le ).
  2. a b c d et e (it) La Redazione, « Sardi famosi: Maria Lai, una delle più grandi artiste italiane contemporanee » [« Sardes célèbres : Maria Lai, l'une des plus grandes artistes italiennes contemporaines »], sur cagliari.vistanet.it, (consulté le ).
  3. a et b (it) Nino Melis, « Ritratto del dottor Gianni Lai », Ogliastra Sanità, vol. 2, no 4,‎ .
  4. a et b Diane Lisarelli, « Les Fils prodiges de Maria Lai », Libération,‎ (lire en ligne).
  5. « Albero genealogico », sur myheritage.it (consulté le ).
  6. (it) « Sardegna Cultura - Argomenti - Arte - Contemporanea ».
  7. (it) « Biografia », sur Archivio Maria Lai.
  8. « Maria Lai - Stazione Dell'Arte », sur www.stazionedellarte.com, Museo d'arte contemporanea (consulté le ).
  9. a et b (it) « Maria Lai, "Legarsi alla montagna" - Arte », sur Rai Cultura (consulté le ).
  10. (it) « Maria Lai, "Legarsi alla montagna" - Arte », sur Rai Cultura (consulté le ) : « Forse che il grande sogno ad occhi aperti dell’arte moderna di cambiare la vita si è realizzato, sia pure una volta soltanto, proprio qui, in questo luogo lontano dove i nomi prestigiosi dell’avanguardia artistica non sono altro che nomi?
    Credo di sì: qui, l’arte è riuscita là dove religione e politica non erano riuscite a fare altrettanto
     »
    .
  11. (it) ARTE it Srl, « Ricucire il dolore – Tessere la speranza. La “Via Crucis” di Maria Lai - Mostra - Jerzu - Cantina Antichi Poderi », sur www.arte.it (consulté le ).
  12. « Sardegna Cultura - Luoghi della cultura - Musei », sur www.sardegnacultura.it (consulté le ).
  13. (it) Giacomo Mameli, « Addio a Giuliana Lai, compagna di sogni della sorella Maria », sur La Nuova, .
  14. « per il tratto fortemente narrativo e concettuale della sua opera, che si realizza però con tecniche tradizionali, arcaiche » (« pour le trait fortement narratif et conceptuel de son travail, qui est pourtant réalisé avec des techniques traditionnelles et archaïques »)
  15. Unità d'Italia, il premio a Maria Lai, La Nuova Sardegna, 18 Novembre 2011 leggi on line.
  16. « VIVA ARTE VIVA – Gli artisti », Biennale di Venezia
  17. « Maria Lai (1919 – 2013) », Documenta 14
  18. (it) « La Fiber Art torna al Museo del Tessile con Maria Lai e Franca Sonnino », sur VareseNews,
  19. (it) « Maria Lai. Tenendo per mano il sole », sur MAXXI,
  20. « Mostra: Maria Lai: Seguite il ritmo »

Annexes modifier

Bibliographie modifier

  • Maria Lai, Comme un jeu, Éditions 2002 du Musée provincial d'art de Nuoro
  • Fabrizio D'Amico et Gianni Murtas, Maria Lai, Inventer d'autres espaces, Cagliari, éditions AD,
  • Maria Lai, Le châle de la lune, Cagliari, éditions AD,
  • Au géant là-haut, Hommage à Nivola 1988-2008, les métiers-théâtres de Maria Lai, Cagliari, éditions AD,
  • Fraca Pinto Minerva (dir.) et Maria Vinella (dir.), Art et Créativité, contes et jeux de Maria Lai, éditions AD Cagliari,
  • Au crayon, dessins de Maria Lai de 1941 à 1985, Cagliari, éditions AD,
  • Maria Lai, huile des mots, Cagliari, éditions AD,
  • Giuseppina Cuccu, Maria Lai, Les raisons de l'art, des choses si simples que personne ne comprend, Cagliari, éditions AD,
  • Maria Lai et Filiberto Menna,, Ulassai, de Legarsi à la Montagne à la Station d'Art, Cagliari, éditions AD,
  • Federica Di Castro, Maria Lai Stone and Fear, Cagliari, éditions AD,
  • Maria Lai, Regard sur le travail et la pensée, l'art visuel comme instrument de pensée, Cagliari, éditions AD,
  • A. Pioselli, « Ulassai 1981. Travail communautaire », dans Carlo Birrozzi et Marina Pugliese (eds.), L'art public dans l'espace urbain, clients, artistes, usagers, éditions Bruno Mondadori, 2007, pp. 31-35
  • Salvatore Cambosu, Bitter Honey, contes dictés à Maria Lai, Cagliari, éditions AD,
  • Giulio Angioni, La tête de ce fil qui a cousu le monde, La Nuova Sardegna,,
  • Clarita Di Giovanni, textes critiques d'Achille Bonito Oliva, Maria Lai, Anxiété de l'infini, éditions Condaghes,
  • A. Pioselli, L'art dans l'espace urbain. L'expérience italienne de 1968 à nos jours, Monza, Johan&Levi, 2015, pp. 103–104
  • Filiberto Menna, Prophétie d'une société esthétique. Essai sur l'avant-garde artistique et sur le mouvement de l'architecture moderne, Rome, Lerici,
  • Elena Pontiggia, Maria Lai. Art et relation, Nuoro,, Ilisso Edizioni, (ISBN 978-88-6202-356-6)
  • Rosa Giuliana Lai, L'Héritière du corbulaio, Cagliari, Arte Duchamp,
  • Emanuela DeCecco, Maria Lai. De près, très près., Milan, Postmédia, (ISBN 978-8874901326)

Articles connexes modifier

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