Marcus Valerius Corvus

consul romain
Marcus Valerius Corvus
Fonctions
Consul
avec Quintus Appuleius Pansa
Dictateur
- av. J.-C.
Consul
avec Marcus Atilius Regulus Calenus
- av. J.-C.
Caeso Duillius (d) et Lucius Papirius Crassus (en)
Dictateur
- av. J.-C.
Lucius Papirius Crassus (en)
Consul
avec Caius Poetelius Libo Visolus
Titus Manlius Imperiosus Torquatus et Caius Plautius Venox (en)
Marcus Fabius Dorsuo (en) et Servius Sulpicius Camerinus Rufus (d)
Consul
avec Marcus Popillius Laenas
Appius Claudius Crassus Inregillensis (en) et Lucius Furius Camillus (d)
Titus Manlius Imperiosus Torquatus et Caius Plautius Venox (en)
Sénateur romain
Consul
Biographie
Naissance
Décès
Vers Voir et modifier les données sur Wikidata
Lieu inconnuVoir et modifier les données sur Wikidata
Époque
République romaine archaïque (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Activités
Famille
Valerii Maximi (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Père
InconnuVoir et modifier les données sur Wikidata
Mère
InconnueVoir et modifier les données sur Wikidata
Enfant
Gens
Statuts
Patricien (d), nobleVoir et modifier les données sur Wikidata
Autres informations
Arme
Grade militaire
Conflit

Marcus Valerius Corvus est un homme politique de la République romaine actif durant toute la deuxième moitié du IVe siècle av. J.-C. Général compétent et apprécié du peuple, la tradition antique lui attribue six consulats et deux dictatures sur une période de 46 ans .

Famille modifier

Il est membre des Valerii Maximi, branche patricienne de l'illustre gens Valeria. Il est le fils et le petit-fils d'un Marcus Valerius. Il pourrait avoir un lien de parenté proche avec les Valerii Lactucini Maximi. Son nom complet est Marcus Valerius M.f. M.n. Corvus[1]. Il est le père de Marcus Valerius Maximus Corvinus, consul en 312 et 289 av. J.-C.

La longévité politique de Corvus telle qu'elle est présentée par la tradition antique est impressionnante : il aurait obtenu 21 fois une magistrature curule durant sa carrière selon Pline l'Ancien[a 1]. Il s'agit sans doute de la plus longue carrière politique du IVe siècle av. J.-C. Aussi, pour des raisons chronologiques, sa deuxième dictature et ses deux derniers consulats ont pu être attribués à son fils consul en 312 av. J.-C. ou à un hypothétique deuxième fils qui porterait le même nom. Toutefois, le Chronographe de 354 indique bien une itération de V pour le consulat de 300 et les Fastes capitolins une itération de VI pour celui de 299, ainsi que le chiffre II pour la dictature de 302/301 av. J.-C.[2]

Biographie modifier

Tribunat militaire (349) modifier

En 349 av. J.-C., il sert comme tribun militaire sous le commandement du consul Lucius Furius Camillus durant la campagne contre les Gaulois qui ont pénétré dans le Latium[3]. Il est volontaire pour affronter en combat singulier un guerrier gaulois et, selon la tradition à l'origine de son surnom, un corbeau (corvus) se perche sur son casque et lui apporte son aide durant le duel[1].

« [...] un Gaulois s'avança, remarquable par sa grandeur et par son armure. De sa lance il heurte son bouclier, impose silence, et provoque, par interprète, un des Romains à combattre avec lui. Il y avait là un tribun des soldats, un jeune homme, Marcus Valerius, qui s'estima non moins digne de cet honneur que Titus Manlius. [...] L'intervention des dieux dans cette lutte fit perdre à l'homme une part de sa gloire. Déjà en effet le Romain était aux prises, quand soudain un corbeau se percha sur son casque, faisant face à l'ennemi, ce qui parut d'abord un augure envoyé du ciel ; le tribun l'accepte avec joie, puis il prie le dieu ou la déesse qui lui envoie cet heureux message, de lui être favorable et propice. Chose merveilleuse : non seulement l'oiseau demeure au lieu qu'il a choisi, mais, chaque fois que la lutte recommence, se soulevant de ses ailes, il attaque du bec et des ongles le visage et les yeux de l'ennemi, qui, tremblant enfin à la vue d'un tel prodige, les yeux et l'esprit troublés tout ensemble, tombe égorgé par Valerius : le corbeau disparaît alors, emporté vers l'Orient. »

— Tite-Live, Histoire romaine, VII, 26, 1-5

Cette histoire peut éventuellement être mise en relation avec la déesse guerrière gauloise Catubodua, qui est une déesse-corneille. Vainqueur et initiateur de la victoire romaine sur les Gaulois, Corvus est récompensé d'un don de dix bœufs et se voit élire consul pour l'année suivante, malgré son jeune âge de 23 ans, normalement insuffisant pour exercer cette magistrature[4].

Premier consulat et préture (348/347) modifier

En 348 av. J.-C., il est donc consul avec Marcus Popillius Laenas pour collègue[5]. Son consulat se déroule sans conflit interne ni guerre[a 2]. Cette année-là, les Antiates colonisent Satricum et les Romains concluent un traité avec les Carthaginois[6].

Corvus a peut-être occupé la préture l'année suivant son consulat, comme cela arrive fréquemment avant les guerres puniques[5].

Deuxième consulat (346) modifier

En 346 av. J.-C., Corvus est de nouveau consul avec Caius Poetelius Libo Visolus pour collègue[6]. Il défait les Antiates et les Volsques de Satricum qui est détruite. Ses victoires lui valent l'honneur d'un triomphe célébré l'année suivante[a 3],[a 4].

Troisième consulat (343) modifier

En 343 av. J.-C., Corvus est consul pour la troisième fois avec Aulus Cornelius Cossus Arvina[7]. Les consuls mènent la première campagne de la première guerre samnite et livrent successivement trois batailles dont ils sortent victorieux. Corvus est apprécié par ses soldats et remporte deux batailles contre les Samnites, la première au pied du Monte Gaurus près de Cumes et la deuxième à Suessula. Il obtient un second triomphe qu'il célèbre à Rome puis retourne en Campanie pour prévenir toute attaque samnite durant l'hiver[a 5],[a 6].

Première dictature (342) modifier

Durant l'hiver 343/342, les troupes romaines stationnées à Capoue projettent de se mutiner et d'enlever la ville aux Campaniens. Caius Marcius Rutilus, consul en 342 av. J.-C., ayant eu vent de ce risque d'insubordination imminente, décide de temporiser en laissant croire que les garnisons seraient maintenues en l'état une année supplémentaire, espérant ainsi que les soldats remettraient l'exécution de leur projet à l'année suivante[a 7]. Les deux consuls, Rutilus et son collègue Quintus Servilius Ahala demeuré à Rome, profitent de la saison de campagne pour disperser les éléments les plus dangereux et les éloigner de la Campanie[a 8]. Dans la crainte de représailles, les soldats démobilisés se regroupent et se retranchent sur les pentes du Mont Albain. Ils désignent contre son gré Titus Quinctius Poenus Capitolinus Crispinus comme général et marchent vers Rome.

Le Sénat désigne Corvus comme dictateur pour résoudre cette crise. Il prend Lucius Aemilius Mamercinus comme maître de cavalerie. Alors que les soldats mutinés s'approchent de Rome, Corvus se porte à leur rencontre à la tête d'une armée mais, fort de sa popularité auprès des soldats, il tente d'abord de négocier avec les rebelles afin de trouver une issue diplomatique à cette crise interne. Tite-Live prête à Corvus ce discours d'apaisement et de réconciliation :

« Je suis Marcus Valerius Corvus, soldats, dont la noblesse se fit sentir à vous par des bienfaits, non par des outrages ; qui ne sollicita contre vous ni une loi despotique, ni les rigueurs d'un sénatus-consulte ; qui fut en tous ses commandements plus sévère pour lui que pour vous. [...] Vous tirerez donc l'épée contre moi, avant que je la tire contre vous : c'est vous qui donnerez le signal, vous qui commencerez le cri de bataille et l'attaque, s'il faut combattre. [...] Titus Quinctius, de quelque manière que tu sois ici, de gré ou de force, si la lutte s'engage, retire-toi aux derniers rangs [...] Pour traiter de la paix, au contraire, tu feras bien et glorieusement de rester aux premiers rangs, afin d'être ainsi l'interprète de cette salutaire médiation. Demandez et proposez des choses justes. Après tout, mieux vaut subir une loi injuste, que de commettre nos mains dans ces luttes impies. »

— Tite-Live, Histoire romaine, VII, 40, 7-14

Titus Quinctius se déclare favorable à la paix et est suivi par les soldats rebelles. Le dictateur obtient du Sénat que les soldats mutinés soient amnistiés[8],[a 9].

« [...] le dictateur [...] revient à Rome, et, à l'initiative du Sénat, obtient du peuple, au bois Petelinus, qu'on n'inquiètera point les soldats pour cette défection. Il demanda aussi en grâce aux Romains que nul, par plaisanterie ou sérieusement, ne leur en fît un reproche. »

— Tite-Live, Histoire romaine, VII, 41, 3

D'autres annalistes que Tite-Live livrent une version de cette mutinerie un peu différente. Toutes les mesures que Tite-Live attribue au dictateur auraient en fait été prises par les consuls eux-mêmes sans qu'il ait été nécessaire de nommer un dictateur[9].

Premier interrègne (340) modifier

Craignant de se retrouver pris en étau entre les territoires romains et samnites, les Latins forment en 341 av. J.-C. une alliance avec les autres peuples partageant leur situation, les Volsques, les Aurunces, les Campaniens et les Sidicins. Les Romains, ayant eu vent de cette alliance et de ces projets hostiles à l'égard de Rome, décident de faire abdiquer les consuls en exercice afin d'en avoir de nouveaux prêts à prendre le commandement dans la guerre qui se prépare. Les anciens consuls ne pouvant pas organiser eux-mêmes les élections, deux interrois se succèdent, Corvus et un Marcus Fabius[n 1]. Titus Manlius Imperiosus Torquatus et Publius Decius Mus sont élus consuls[10],[a 10].

Pontificat (340) modifier

Cette même année, en 340 av. J.-C., Corvus pourrait être identifié au Marcus Valerius pontife qui assiste le consul Publius Decius Mus lorsqu'il prononce sa devotio durant la bataille de Trifanum[a 11].

Quatrième consulat (335) modifier

En 335 av. J.-C., Corvus est consul pour la quatrième fois avec Marcus Atilius Regulus Calenus pour collègue[11]. Le Sénat leur confie la conduite de la guerre contre les Ausones et les Sidicins. Corvus s'empare de Cales et célèbre son troisième triomphe[12][a 12].

Deuxième et troisième interrègnes (332/320) modifier

Grâce à sa renommée, Corvus assure l’intérim du pouvoir comme interroi à deux reprises pour assurer les élections des consuls en exercice en 332 et en 320 av. J.-C.[a 13],[a 14] En 332 av. J.-C., il succède à quatre interrois et mène à terme les élections consulaires. En 321 av. J.-C., après la défaite des Fourches Caudines, le Sénat contraint les consuls vaincus par les Samnites à abdiquer et désigne un premier dictateur afin d'assurer les élections de nouveaux consuls[13]. La désignation de ce dernier n'ayant pas été faite de façon régulière, le Sénat nomme un deuxième dictateur pour assurer les élections, mais ce dernier ne parvient pas non plus à les tenir [13]. Ils sont donc remplacés par des interrois[a 15]. Ce sont Corvus et Quintus Fabius Maximus Rullianus qui se succèdent pour présider les élections[14].

Légat (325/310) modifier

Un Marcus Valerius apparaît en tant que lieutenant pour l'année 325 av. J.-C., nommé par le dictateur Lucius Papirius Cursor comme responsable du camp romain durant la campagne contre Satricum. Il pourrait s'agir de Corvus mais plus probablement de son fils Marcus Valerius Maximus Corvinus[15].

En 310 av. J.-C., Corvus sert comme légat avec Publius Decius Mus sous les ordres du dictateur Lucius Papirius Cursor durant la campagne dans le Samnium contre Longulae[16],[a 16].

Commission spéciale (313) modifier

En 313 av. J.-C., Corvus est un des triumviri coloniae deducendae avec Decimus Iunius Brutus Scaeva et Publius Fulvius Longus, qui fondent une colonie latine à Saticula[17].

Préture (308) modifier

Corvus aurait été trois fois préteur durant sa carrière, la première fois dès 347 av. J.-C. après son premier consulat. Les dates des deux autres prétures demeurent inconnues. La deuxième se placerait après 345 tandis que la troisième est datée avant 308 av. J.-C.[18]

Seconde dictature (302/301) modifier

En 302 av. J.-C., alors que le Sénat a déjà fait appel à un dictateur pour réprimer une révolte des Eques, des troubles à Arretium en Étrurie et chez les Marses qui refusent la déduction d'une colonie romaine à Carseoli le poussent à nommer un nouveau dictateur en la personne de Corvus qui choisit Marcus Aemilius Paullus comme maître de cavalerie[19]. Les Marses sont repoussés et le dictateur s'empare en quelques jours de plusieurs villes comme Milionia, Plestina et Fresilia[a 17]. Alors que le dictateur tourne ses opérations contre les Étrusques, son maître de cavalerie retourne à Rome pour renouveler les auspices. Sur le chemin, Paullus est pris dans une embuscade où il perd de nombreux hommes[a 18]. Le dictateur Corvus se porte à son secours et engage la bataille contre les Étrusques qu'il défait. Il célèbre à Rome un triomphe à la fois pour ses victoires sur les Marses et les Étrusques[19]. Les évènements semblent s'étaler de la fin de 302 à l'année 301 av. J.-C. puisque Tite-Live ne donne pas de consuls pour cette année-là qui est considérée comme une des « années de dictature »[20]. Selon les Acta Triumphalia, les Fastes capitolins et Tite-Live, la dictature est attribuée à Corvus, consul dès 348 av. J.-C., et non à son fils[19].

Cinquième consulat (300) modifier

Corvus aurait été élu une cinquième fois consul en 300 av. J.-C. avec Quintus Appuleius Pansa pour collègue, juste après l'année dictatoriale pendant laquelle il aurait exercé la fonction de dictateur sans qu'il y ait de consuls élus[21]. Il est possible qu'il s'agisse en fait de son fils, mais le Chronographe de 354 accompagne la mention de son consulat du chiffre V. La confusion provient du fait que Tite-Live utilise l'agnomen Maximus pour l'année 302, alors qu'il ne l'utilise pas auparavant pour désigner Corvus, et qu'il identifie le dictateur de 302 avec le consul de 300 et 299 av. J.-C. Cet agnomen apparaît toutefois dans les textes d'autres auteurs antiques comme Aurelius Victor pour l'année 343 av. J.-C. et Aulu-Gelle pour l'incident avec le corbeau[22].

Cette année-là, Corvus mène une campagne contre des rebelles èques tandis que son collègue au consulat Pansa lance les opérations militaires contre Nequinum en Ombrie[a 19]. De retour à Rome, Corvus fait passer la première loi de provocatione dont l'authenticité n'est pas remise en doute. La Lex Valeria institue l'appel au peuple qui vient remplacer l'auxilium des tribuns de la plèbe, c'est-à-dire leur faculté à venir en aide au citoyen qui en fait la demande[23]. Cette loi concerne uniquement les cas où le magistrat a prononcé une sentence capitale qui prend la forme d'une décapitation précédée d'une flagellation. Elle ne traite pas des autres formes de coercition[24].

Sixième consulat (299) modifier

Corvus est donné comme consul suffect pour l'année 299 av. J.-C. afin de remplacer le consul Titus Manlius Torquatus qui est mort au cours d'une campagne en Etrurie. Corvus reprend avec succès le commandement militaire[25]. Comme pour le consulat de l'année précédente et la dictature de 302/301 av. J.-C., l'identification de ce Marcus Valerius n'est pas certaine ; selon les Fastes capitolins qui indiquent une itération de VI, il s'agit de Corvus, qui a atteint un âge avancé et doit être septuagénaire, mais il pourrait aussi s'agir de son fils[2].

Selon Pline l'ancien, il serait décédé centenaire, probablement vers -271[26].

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. Marcus Fabius Ambustus, consul en 360, 356 et 354 av. J.-C., ou Marcus Fabius Dorso, consul en 345 av. J.-C.

Références modifier

  • Sources modernes :
  1. a et b Broughton 1951, p. 129.
  2. a et b Broughton 1951, p. 170 n.2.
  3. Broughton 1951, p. 128-129.
  4. Broughton 1951, p. 132.
  5. a et b Broughton 1951, p. 130.
  6. a et b Broughton 1951, p. 131.
  7. Broughton 1951, p. 133.
  8. Broughton 1951, p. 133-134.
  9. Broughton 1951, p. 134.
  10. Broughton 1951, p. 135-136.
  11. Broughton 1951, p. 139.
  12. Broughton 1951, p. 140.
  13. a et b Broughton 1951, p. 151.
  14. Broughton 1951, p. 153.
  15. Broughton 1951, p. 148.
  16. Broughton 1951, p. 163.
  17. Broughton 1951, p. 159.
  18. Broughton 1951, p. 164 n. 1.
  19. a b et c Broughton 1951, p. 169-170.
  20. Broughton 1951, p. 171.
  21. Broughton 1951, p. 172.
  22. Broughton 1951, p. 170 n. 2.
  23. Magdelain 1990, p. 571.
  24. Magdelain 1990, p. 571-572.
  25. Broughton 1951, p. 173.
  26. Pline l'ancien, Histoire Naturelle, VII, 49
  • Sources antiques :

Bibliographie modifier

  • (en) T. Robert S. Broughton (The American Philological Association), The Magistrates of the Roman Republic : Volume I, 509 B.C. - 100 B.C., New York, Press of Case Western Reserve University (Leveland, Ohio), coll. « Philological Monographs, number XV, volume I », , 578 p.
  • André Magdelain, « Provocatio ad populum », Jus imperium auctoritas. Études de droit romain, Rome, École Française de Rome,‎ , p. 567-588 (lire en ligne)

Voir aussi modifier