Lynndie England

militaire américain
Lynndie England
La soldate Lynndie England sur sa photographie officielle de l'armée américaine, vers 2000.
Biographie
Naissance
Nom dans la langue maternelle
Lynndie Rana EnglandVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Allégeance
Domicile
Formation
Frankfort High School (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Activité
Période d'activité
Famille
Kenneth R. England Jr. (père)
Terrie Bowling England (mère)
Carter Allan England (enfant)
Autres informations
Arme
372e compagnie de la police militaire
Conflit
Grade
Condamnée pour
Lieu de détention
Naval Consolidated Brig, Miramar (en) (jusqu'en )Voir et modifier les données sur Wikidata

Lynndie Rana England, née le à Ashland, dans le Kentucky (aux États-Unis), est une ancienne soldate de l’armée de réserve des États-Unis, qui s'est fait connaître pour son implication dans le scandale d'Abou Ghraib. Elle fait partie des onze militaires condamnés en 2005 par des cours martiales de l'armée pour avoir maltraité des détenus et avoir commis d'autres crimes liés à la torture et aux sévices infligés dans la prison d'Abou Ghraib à Bagdad pendant l'occupation de l'Irak[1]. Elle est condamnée à trois ans de prison et est radiée de l'armée. Lynndie England est incarcérée du au , date à laquelle elle est libérée sous condition.

Biographie modifier

Jeunesse modifier

Lynndie Rana England naît dans une famille pauvre à Ashland, dans le Kentucky. À l'âge de deux ans, elle déménage avec sa famille à Fort Ashby, en Virginie occidentale. Elle grandit dans un parc de maisons mobiles[2] avec sa mère, Terrie Bowling England, et son père, Kenneth England, cheminot, qui travaillait dans une gare de Cumberland, dans le Maryland. Elle aspirait à être une chasseuse d'orages[1]. Jeune enfant, Lynndie England est diagnostiqué d'un mutisme sélectif[3]. Elle n'est pas maltraitée ou violée dans son enfance[4].

Lynndie England rejoint l'armée de réserve des États-Unis à Cumberland en 1999, alors qu'elle était junior à l'école secondaire de Frankfort, près de Short Gap. Au cours de sa première année d'école secondaire, elle travaille comme caissière dans un supermarché IGA, et épouse un collègue de travail, James Fike, en 2002. Au moment de son mariage, Xavier Amador (le psychologue judiciaire de Lynndie England) affirme qu’elle est une chrétienne évangélique[5]. Elle souhaite également gagner de l’argent pour étudier à l’université et pouvoir devenir une chasseuse d'orages. Elle est également membre des Future Farmers of America. Après avoir obtenu son diplôme de l'école secondaire de Frankfort en 2001, elle travaille de nuit dans une usine de transformation du poulet à Moorefield, qu'elle quitte pour des raisons éthiques[6],[7].

En , encore mariée, elle rencontre Charles Graner, de quinze ans son aîné, sur la base des réservistes de la 372e compagnie de police militaire[7].

Départ pour l'Irak modifier

 
Lynndie England et Charles Graner, dans la prison d'Abou Ghraib, en 2003.

Elle est envoyée en Irak en [8]. Lynndie England est mobilisée avec son unité de réserve de l'armée et est postée à Bagdad, à la prison d'Abou Ghraib, en , afin d'exercer des fonctions de garde. Fin 2003, avec d'autres soldats, elle fait l'objet d'une enquête pour mauvais traitements infligés à des prisonniers de guerre irakiens, dont des abus sexuels et tortures physiques et psychologiques, après que des photographies montrant des prisonniers maltraités sont dévoilées.

Alors que des accusations sont en cours devant la cour martiale générale, Lynndie England est transférée au centre médical militaire de Womack à Fort Bragg, en Caroline du Nord[9], le , en raison de sa grossesse[1],[10]. Elle donne naissance à un fils, Carter Allan England, que son père biologique, Charles Graner ne reconnait pas. Sa cour martiale est prévue pour pour inculpation de complot (ou conspiration) en vue de maltraiter des prisonniers et coups et blessures[1].

 
Lynndie England tenant une laisse attachée à un détenu irakien.

En , l'émission 60 Minutes rend publique des photos de tortures infligées à des prisonniers irakiens dans la prison d'Abou Ghraib[11]. Lynndie England se trouve parmi les soldats américains photographiés, tenant un prisonnier en laisse[12]. La majorité des photos sont prises par son époux de l'époque, Charles Graner[13].

 
Lynndie England escortée à l'extérieur du centre judiciaire Williams à Fort Hood après avoir été condamné à trois ans de prison.

Le , elle accepte de négocier un plaidoyer, dans lequel elle convient de plaider coupable de quatre chefs de mauvais traitements infligés à des prisonniers, de deux chefs de complot et d’un chef de manquement au devoir. En échange, les procureurs auraient abandonné deux autres accusations, d'actes indécents et du non-respect d'un ordre légitime. Cela aurait réduit sa peine maximale de 16 à 11 ans si le juge militaire l'avait acceptée.

En , le juge militaire et colonel James Pohl prononce l'annulation du procès, au motif qu’il ne pouvait accepter son plaidoyer de culpabilité pour complot avec Charles Graner dans le but de maltraiter des détenus, après que celui-ci eut témoigné qu’il croyait qu'en attachant la lanière autour du cou du détenu nu et en demandant à Lynndie England de prendre la photo avec lui, il documentait un recours légitime à la force. Il est finalement reconnu coupable de toutes les accusations et condamné à 10 ans de prison[1].

À son nouveau procès, le , Lynndie England est déclarée coupable d'un chef d'accusation de complot, de quatre chefs de mauvais traitements infligés à des détenus et d'un chef de commission d'actes indécents[1]. Elle est acquittée pour un deuxième chef d'accusation de complot. Le lendemain, elle est condamnée à trois ans de prison et à l'exclusion de l'armée des États-Unis pour cause d'indignité[1]. Lors du verdict, elle s'excuse pour son comportement[13].

Lynndie England est incarcérée à la Naval Consolidated Brig, Miramar. Elle est mise en liberté conditionnelle le , après avoir purgé 521 jours. Elle reste en liberté conditionnelle jusqu'en , à la fin de sa peine de trois ans, après quoi elle est libérée. Après avoir purgé sa peine, elle retourne à Fort Ashby, en Virginie occidentale, et reste avec ses amis et sa famille[1].

Des membres du Sénat des États-Unis auraient examiné d'autres photographies fournies par le département de la Défense, qui n'ont pas encore été rendues publiques. Il y a eu beaucoup de spéculations sur le contenu de ces photos. Dans une interview de , Lynndie England déclare, en réponse à une question concernant ces images inédites : « Vous voyez les chiens mordre les prisonniers. Ou vous voyez les traces de morsures des chiens. Vous pouvez voir des PM [policiers militaires] retenir un prisonnier pour qu'un médecin puisse lui donner un coup »[9].

Le , Lynndie England est nommée au conseil des loisirs bénévoles de Keyser. En , elle publie Tortured: Lynndie England, Abu Ghraib and the Photographs that Shocked the World, une biographie comportant une tournée promotionnelle qui, espérait-elle, réhabiliterait son image. En 2009, après avoir été rejetée par l'armée, elle prend des antidépresseurs[3] et souffre également de trouble de stress post-traumatique et d'anxiété[1]. Même si elle a eu du mal à trouver un emploi, à partir de 2013, elle trouve un travail saisonnier en tant que secrétaire[14].

Entretiens avec les médias modifier

Dans une interview accordée à KCNC-TV, une chaîne de télévision affiliée à Denver CBS, le , Lynndie déclare qu'elle a été « chargée par des personnes de rang supérieur » de commettre des actes de violence pour des raisons psychologiques, et qu'elle devait continuer à le faire, parce que cela a fonctionné comme prévu. Lynndie England a noté qu'elle se sentait « étrange » lorsqu'un officier supérieur lui a demandé de faire des choses telles que : « Reste là, lève les pouces et souris ». Cependant, elle a estimé qu’elle ne faisait « rien d’extraordinaire »[15].

En , Lynndie England déclare au magazine allemand Stern que les médias étaient responsables des conséquences du scandale d'Abou Ghraib :

« Si les médias n'avaient pas exposé les images à ce point, des milliers de vies auraient été sauvées... Oui, j'ai pris les photos mais je ne l'ai pas fait dans le monde entier[9],[16]. »

 
Lynndie England et Charles Graner avec une pyramide humaine de prisonniers irakiens nus.

Interrogée sur la photo d'elle posant avec Charles Graner devant une pyramide d'hommes nus, elle répond :

« Au moment où je me suis dit que j'aimais cet homme [Charles Graner], je fais confiance à cet homme au prix de ma vie, d'accord, puis il dit, eh bien, il y en a sept [prisonniers irakiens] et c'est un espace tellement fermé que ça va les garder ensemble car ils doivent se concentrer pour rester sur la pyramide au lieu de nous faire quelque chose. »

 
Lynndie England pointant du doigt un prisonnier nu obligé de se masturber devant elle.

Interrogée sur l'image qui la montrait pointant vers un homme contraint de se masturber, elle a de nouveau évoqué ses sentiments pour Graner à l'époque :

« Graner et Frederick ont essayé de me convaincre de me prendre en photo avec ce type. Je ne voulais pas, mais ils étaient vraiment persistants à ce sujet. À l'époque, je ne pensais pas que c'était quelque chose qui devait être documenté, mais j'ai écouté Graner. J'ai fait tout ce qu'il voulait que je fasse. Je ne voulais pas le perdre. »

Dans une interview accordée à The Guardian , le 16 janvier 2009, elle réitère « ... qu'elle a été incitée à poser pour les photographies par son amoureux du moment et ancien compagnon d'armes, Charles Graner »[3].

Lynndie England déclare :

« Ils ont dit au procès que les figures d'autorité m'intimidaient vraiment. Je cherche toujours à plaire. Ils ont dit que l'une des raisons pour lesquelles Graner m'intimidait facilement était parce que je le voyais comme une figure d'autorité. Donc j'étais vraiment conforme[3]. »

Le , dans un entretien diffusé sur le site de l'émission Newsnight, Lynndie England estime que les humiliations qu'elle et ses collègues ont fait endurer aux détenus n'étaient pas inacceptables puisqu'elles avaient pour but de leur extirper d'importantes informations[17].

« En comparaison avec ce (que les Irakiens) nous auraient fait, c'est presque rien. Si vous y pensez, au même moment, (les Irakiens) coupaient la tête de nos gars. Ils brûlaient leurs corps. Les traînaient dans les rues de Bagdad. Les pendaient à des ponts », affirme Lynndie England.

Selon Lynndie England, les techniques utilisées pour « casser » les détenus d'Abou Ghraib, sont monnaie courante même en sol américain, et « tout le monde a passé à travers ce genre de tactiques d'humiliation pendant les camps d'entraînement de l'armée américaine ».

En 2012, après sa libération, elle déclare lors d'une interview pour The Daily, « leur vie est meilleure, ils s'en sortent mieux. Ils n'étaient pas innocents. Ils essaient de nous tuer et on voudrait que je leur présente des excuses ? C'est comme si l'on demandait pardon à l'ennemi », à propos des prisonniers irakiens maltraités[18],[14].

Elle exprime un regret pour la mort d'Américains dans des représailles irakiennes : « J'y pense tout le temps, à ces morts que j'ai indirectement causées. Perdre des gens de notre côté parce que j'apparais sur une photo »[18]. Elle avoue aussi ne pas réussir à trouver de travail à cause de son casier judiciaire[14].

Bibliographie modifier

  • (en) Gary S Winkler, Tortured: Lynndie England, Abu Ghraib and the Photographs That Shocked the World, Bad Apple Books, , 268 p. (ISBN 978-0578023700)

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Notes et références modifier

  1. a b c d e f g h et i (en) « Abu Ghraib scandal haunts W.Va. reservist », NBCNews,‎ (lire en ligne)
  2. (en) David Jones, Why the hell should I feel sorry, says girl soldier who abused Iraqi prisoners at Abu Ghraib prison, The Daily Mail, (lire en ligne)
  3. a b c et d (en-GB) Emma Brockes, « Interview: She's home from jail, but Lynndie England can't escape Abu Ghraib », The Guardian,‎ (ISSN 0261-3077, lire en ligne, consulté le )
  4. Amandine Schmitt, « Torture, humiliations... Les photos qui ont révélé l'horreur d'Abou Ghraib », sur Nouvel Obs,
  5. (en) « Is Lynndie England a Victim or Victimizer? », ABC News,‎ (lire en ligne)
  6. (en) Tara McKelvey, « A Soldier's Tale », Marie Claire,‎ (lire en ligne)
  7. a et b Guillemette Faure, « Dans la tête de Lynndie England, tortionnaire en Irak », L'Obs,‎ (lire en ligne)
  8. (en) M. L. Nestel, « Abu Ghraib's Grasp », The Daily,‎
  9. a b et c (en) « English-language transcript of March 2008 interview with Lynndie England », Stern,‎ (lire en ligne)
  10. (en) « Édition 13/08 », Stern,‎ , p. 40
  11. (en) « Abuse Of Iraqi POWs By GIs Probed », sur www.cbsnews.com (consulté le )
  12. « Dans la tête de Lynndie England, tortionnaire en Irak », sur L'Obs (consulté le )
  13. a et b « Torture, humiliations... Les photos qui ont révélé l'horreur d'Abou Ghraib », sur L'Obs, (consulté le )
  14. a b et c (en) « Iraq War 10 Years Later: Where Are They Now? Lynndie England (Abu Ghraib) », NBC News,‎ (lire en ligne)
  15. (en) « Private In Prison Abuse Photos Shares Her Story », CBS 4 Denver,‎ (lire en ligne)
  16. (en) Matt Moore, « Lynndie England Blames Media for Photos », The Associated Press,‎ (lire en ligne)
  17. Laura-Julie Perreault, « Pas de remords pour la soldate England », La Presse,‎ (lire en ligne)
  18. a et b « Irak: L'ex-geôlière américaine d'Abou Ghraïb ne regrette pas ses actes », 20 Minutes,‎ (lire en ligne)

Articles connexes modifier

Liens externes modifier